CA Rouen, ch. civ. et com., 1 octobre 2015, n° 14-02399
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Market Set (SAS)
Défendeur :
Camaso (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farina
Conseillers :
Mmes Aublin-Michel, Bertoux
Avocats :
Mes Mosquet, Moquin, Peugniez, de Malet
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Market Set, créée en juin 1994, a pour activité l'importation, l'exportation, le négoce, la création de luminaires et petit mobilier.
La SARL Camaso, créée en avril 2000, exerce une activité de représentation commerciale.
Par un accord de représentation conclu verbalement, la société Market Set a confié courant 2004 à la société Camaso, la représentation de ses produits pour un secteur situé dans le sud du territoire français.
Des échanges de mails sont intervenus entre les cocontractants au cours du premier semestre 2012 concernant l'activité commerciale de la SARL Camaso.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 juillet 2012, la SAS Market Set a demandé à la SARL Camaso des explications et des informations sur le secteur qui lui était attribué.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 juillet 2012, la SARL Camaso a contesté cette démarche, à laquelle ne répondra pas la SAS Market Set.
Puis des échanges de mails se sont poursuivis au cours du second semestre 2012 sur la conduite commerciale de certaines affaires en cours.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2013, la SAS Market Set a informé la SARL Camaso qu'elle résiliait le contrat verbal d'agent commercial avec effet immédiat à la première présentation de ladite lettre, invoquant une douzaine de manquements graves de son co-contractant à ses obligations d'agent.
Par lettre du 15 avril 2013, le conseil de la SARL Camaso les contestait point par point.
C'est dans ce contexte que la SARL Camaso a, par acte extrajudiciaire du 26 septembre 2013, fait assigner la SAS Market Set devant le Tribunal de commerce de Rouen, en paiement de diverses indemnités, indemnité compensatrice de préavis, indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture correspondant à deux années de commissions, outre des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 14 avril 2014, le tribunal de commerce a :
- dit que l'existence d'une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce n'est pas établie à l'encontre de la SARL Camaso et débouté la SAS Market Set de ses demandes à ce titre,
- condamné la SAS Market Set à payer la somme de 97 552 euro à la SARL Camaso au titre de l'indemnité fixée à l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- condamné la SAS Market Set à payer à la SARL Camaso la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité fixée à l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- condamné la SAS Market Set à payer à la SARL Camaso la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité de préavis,
- débouté la SARL Camaso de sa demande d'indemnité pour brusque rupture du contrat,
- condamné la SAS Market Set à payer la somme de 3 000 euro à la SARL Camaso sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SAS Market Set aux dépens.
Par déclaration au greffe du 20 mai 2014, la SAS Market Set a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 2 juillet 2014, le Premier Président de la présente cour a ordonné la consignation par la SAS Market Set d'une somme de 110 552 euro entre les mains du bâtonnier.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions du 18 février 2015 pour l'appelante, et du 8 avril 2015 pour l'intimée.
Dans ses dernières conclusions, la SAS Market Set conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- constater que les fautes commises par Camaso constituent des fautes graves, portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel,
En conséquence,
- constater le bien-fondé de la rupture du contrat d'agent commercial de Camaso pour faute grave justifiant l'absence d'indemnité de préavis et de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- constater le caractère injustifié de l'ensemble des demandes indemnitaires de Camaso,
En conséquence,
- infirmer le jugement et débouter Camaso de toutes ses demandes,
- condamner Camaso à payer à Market Set une somme de 7 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Camasa en tous les dépens.
Au soutien de son appel, la SAS Market Set Eclairages fait valoir que :
- sur la faute grave justifiant l'absence de versement de l'indemnité compensatrice de rupture
A compter de fin 2011-début 2012, Market Set a été amenée à constater des manquements de Camaso et des marques de désintérêt de cette dernière dans le développement et la gestion de la clientèle et de produits représentés, qui ont donné lieu à des alertes adressées à Camaso et à des interrogations de Market Set ;
Non seulement Camaso n'a pas remédié à ces premiers manquements, mais surtout, la fin de l'année 2012 devait avérer que M. Camaso persistait à se désintéresser de son mandat et aggravait considérablement l'atteinte à l'intérêt commun :
- en ne participant pas, sans raison au salon " Equip'hotel " et en n'effectuant aucune diligence dans le suivi pré et post salon, au mépris de l'investissement du mandant et de son orientation commerciale,
- en ne réalisant aucune prospection réelle au cours des deux derniers trimestres 2012 (absence de commande " route "),
- en négligeant la politique commerciale, les instructions et conditions générales de Market Set, conduisant à des altérations de la relation avec la clientèle,
- en usant de procédés de tromperie, notamment en déclarant que certaines commandes avaient été prises " sur la route " alors qu'elles n'avaient été recueillies que passivement,
- en manquant à son obligation d'information ;
- en ne respectant pas les procédures de Market Set,
En conséquence de cette attitude, Market Set constatait une diminution très importante du chiffre d'affaires réalisé par Camaso ;
La plupart des manquements commis par Camaso relève de la notion de faute grave mais au surplus le cumul de ces manquements a porté irrémédiablement atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et a rendu impossible le maintien du lien contractuel ;
Les premiers juges ont méconnu, dans leur appréciation de certains des manquements et des raisons pour lesquelles Camaso s'est désintéressée du mandant Market Set, l'identité de fait qui existe entre Camaso et M. Cuchet, ce qui n'est pas sans incidence, puisque l'on sait que M. Cuchet, dès l'année 2011, c'est-à-dire au moment où débutent les premiers manquements, s'est immatriculé à titre personnel au registre des agents commerciaux pour exercer une activité d'agent immobilier ; en effet M. Cuchet est le seul associé de Camaso qui est une société unipersonnelle, le dirigeant et le seul intervenant de cette société les actes de ce dernier ne peuvent être appréhendés en dehors de leur incidence sur Camaso et son mandat ;
Camaso, pour l'essentiel, esquive volontairement tout débat sérieux sur les événements survenus au second semestre 2012 et qui ont conduit à la rupture, Camaso tentant systématiquement de ne faire référence, pour contester les griefs, qu'à des éléments prenant place plusieurs mois, voire plus d'une année avant les faits à l'origine de la rupture, de façon à masquer la réalité de ses manquements concomitants à la rupture ;
- sur les indemnités
Camaso ne produit aucun élément de nature à établir son préjudice ; aucune déclaration fiscale de M. Cuchet n'est produite ; il est établi que Camaso a cessé son activité, ce qui s'annonçait déjà par le changement d'activité de M. Cuchet, intervenue dès 2011.
Dans ses dernières écritures, la SARL Camaso conclut, d'une part, à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'existence de la faute grave de la SARL Camaso n'est pas établie à l'encontre de la SAS Market Set, au débouté de la SAS Market Set de ses demandes, d'autre part, à son infirmation en ce qu'il a débouté la SARL Camaso de sa demande au titre de l'indemnité de brusque rupture et limité à la somme de 97 552 euro l'indemnité fixée au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce, et demande à la cour, statuant à nouveau de condamner la SAS Market Set à lui payer la somme de 110 000 euro au titre de l'indemnité de fin de contrat, celle de 30 000 euro au titre de l'indemnité pour brusque rupture du contrat d'agent commercial, à titre subsidiaire de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, de condamner la SAS Market Set au paiement de la somme de 7.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens en sus.
La SARL Camaso réplique, pour l'essentiel, que :
- la faute grave doit s'apprécier de manière restrictive et tout manquement du mandataire aux instructions de son mandant ne saurait suffire à la caractériser ;
- sur la participation au salon " Equip Hôtel " : la SAS Market Set n'a jamais demandé à son agent de participer au salon " Equip Hôtel " ; un seul agent commercial, Pierre Simon, y assistait ; les clients potentiels "cafés, hôtels, restaurants" ne représentent qu'une toute petite partie du chiffre d'affaires Market Set ; il s'agit des clients finaux de la clientèle principale de Market Set ; la SARL Camaso a dès lors en toute logique préféré se focaliser sur les secteurs rentables pour la SAS Market Set, comme les luminaires ou les grossistes ;
- sur sa loyauté à l'égard de son mandant : elle justifie de visites à ses clients et de la gestion des commandes, de même d'une véritable activité de prospection tout au long de l'année 2012 par la production d'exemples de commandes routes en réalisant un chiffre d'affaires à ce titre de 15 241 euro ;
- sur son implication : contrairement à ce qu'indique la SAS Market Set, elle a ouvert 8 nouveaux comptes durant l'année 2012 en dehors des salons ; elle a réalisé un chiffre d'affaires de 8 902 euro s'agissant de la commercialisation des produits Le Dauphiné, produits vieillissants alors que son mandant lui reproche de n'avoir pris aucune commande ; il s'agissait d'ailleurs d'un produit vieillissant que la SAS Market Set a arrêté de commercialiser fin 2012 ; en 2012 M. Cuchet (associé unique de Camaso) était le 5e meilleur commercial et son chiffre d'affaires très légèrement plus faible que le 3e et le 4e représentant commercial ; elle justifie par ailleurs de s'être intéressée à la clientèle, d'avoir fait remonter les informations , notamment les difficultés rencontrées ; la perte des clients " Muriel de Médicis " et " Seramina " est imputable à la société Market Set et à sa politique de reprise ;
- concernant les manques de relance de commandes en attente de confirmation adressé chaque semaine, il s'agit d'une nouvelle procédure de prise de commande intervenue en juin 2012, ce qui se heurte à la pratique et aux usages pratiqués par les agents commerciaux avec la clientèle dont la SAS Market Set avait connaissance ; le mécontentement du client " Côté intérieur Oliver & Co " est imputable à la nouvelle politique commerciale visant à faire signer les bons de commandes par les clients et/ou à refuser une quelconque modification de commande par les clients ;
- le grief n'est donc pas fondé.
- sur les manquements à son obligation d'information : aucun reproche n'a jamais été formulé avant la rupture du contrat tiré du défaut de rapport d'activité ; les courriers électroniques versés aux débats par l'une et l'autre des parties démontrent que des reportings étaient effectués chaque jour, voire plusieurs fois par jour, à son mandant ; qu'il s'agit là d'un rapport d'activité ;
- elle justifie de la gestion des réclamations de ses clients ;
- ce grief n'est pas fondé ;
- sur le non-respect des procédures, des conditions générales de vente : elles ont été modifiées en août 2012, date à compter de laquelle la société Market Set a décidé de ne plus remplacer "un produit complet pour une verrerie ou un transfo HS" ce qui a occasionné le litige avec " Au fil de cuivre " ;
- ce grief n'est pas fondé ;
- le grief tiré du refus de la SARL Camaso de ne pas relayer les opérations commerciales et d'avoir contrainte son mandant à agir à sa place dans la prospection des clients n'est pas fondé ; la SARL Camaso, connaissant parfaitement les besoins de ses clients, est capable de leur proposer les opérations commerciales susceptibles de les intéresser ; la SAS Market Set a fait le choix de relancer elle-même certains des clients de Camaso sans son autorisation, ce qui s'est révélé préjudiciable pour la société Market Set puisque nombre de clients se sont plaints ;
- sur l'attitude de M. Cuchet lors de la réunion commerciale en présence du partenaire Calex : il s'agit d'un nouveau grief dont la SAS Market Set n'avait jamais fait part à la SARL Camaso avant la rupture du contrat, ce grief ne peut être invoqué ;
- sur la non-réalisation des objectifs : aucun objectif commercial n'a jamais été fixé, de sorte qu'il ne peut être reproché au mandataire la non réalisation de ses objectifs, notamment des objectifs relatifs aux commandes routes dont la SAS Market Set prétend qu'elles sont en baisse ; ce qui importe c'est le chiffre d'affaires global et si baisse il y a de ce dernier, elle est loin d'être spectaculaire ou reprochable en comparaison de la baisse enregistrée par les autres commerciaux ;
- M. Cuchet était libre de s'inscrire à titre personnel au registre spécial des agents commerciaux en novembre 2011, dès lors que son activité n'est pas concurrente des activités de Market Set, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il s'agit d'une activité immobilière ;
- Aucune faute grave n'est donc établie à l'égard de la SARL Camaso ; mise à part la lettre le 4 juillet 2012, aucune alerte n'a jamais été adressée par la SAS Market set à son mandataire avant la lettre de rupture, et pour cause puisque les principaux griefs datent de juillet 2012 (absence de commandes routes, cadre du traitement des opérations de SAV avec les clients ou nécessité de faire remonter des commandes écrites et signées des clients, nouvelles conditions générales de vente, reproches au sujte du salon " Equip Hôtel ") soit 4 mois avant la rupture du contrat de mandat ; sa demande d'indemnisation, notamment au titre de la rupture brutale est donc fondée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2015.
SUR CE
- Sur la faute grave
Aux termes de l'article L. 134-4 du Code de commerce, " les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leur mandant sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat. "
La faute grave se définit comme étant " la faute qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et a rendu impossible le maintien du lien contractuel. "
L'article L. 134-12 al.1 du même Code dispose " qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ".
Selon l'article L. 134-13 1°, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
C'est à la lumière de ce rappel des textes qu'il convient d'examiner les griefs invoqués par la SAS Market Set à l'encontre de la SARL Camaso pour refuser le paiement des indemnités sollicitées, et de les regrouper sous les quatre paragraphes suivants : l'absence de rapport d'activité et l'obligation d'information à laquelle était soumise la SARL Camaso, la politique commerciale et le respect des conditions commerciales édictées par le mandant, l'activité de démarchage et l'évolution du chiffre d'affaires, l'obligation de loyauté.
Sur l'absence de rapport d'activité et l'obligation d'information à laquelle était soumise la SARL Camaso
Comme l'indique la SAS Market Set, l'obligation d'information est une obligation légale. Toutefois, en l'absence de contrat de mandat écrit définissant les modalités d'exécution de cette obligation, il convient de se référer aux modalités pratiques des parties mises en œuvre au cours de l'exécution du contrat, comme l'a retenu à bon droit le tribunal.
Sur l'absence de rapport d'activité
Il est constant que les relations contractuelles entre la SAS Market Set et la SARL Camaso ont débuté en 2004.
Dans la lettre de rupture du 10 janvier 2013, la SAS Market Set reproche à la SARL Camaso l'absence de toute remontée d'information sur les contacts transmis par Market Set à la suite du salon " Equip Hôtel ", l'absence de communication de rapports d'activité, un manquement à son obligation d'informer Market Set (notamment des réclamations clients et du suivi des commandes en attente de confirmation) malgré les relances et rappels.
Toutefois, il n'est versé aux débats aucune demande de rapport d'activité de la part de la SAS Market Set au cours des 8 années d'exécution du contrat avant l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception adressée par le mandant à son mandataire du 4 juillet 2012 rédigée dans les termes suivants :
" Je suis très étonné de ne pas pouvoir vous joindre. Vous ne répondez pas ni aux appels téléphoniques, ni aux différents courriels qui vous sont envoyés.
De plus, nous n'avons aucune information de votre part concernant votre secteur. Beaucoup de nos commandes ne sont pas validées, un grand nombre de SAV ne sont pas réglés et il n'y a aucun retour de votre part sur les dossiers en cours.
Votre chiffre d'affaires est en très forte baisse (-19 % sur le premier semestre) et beaucoup de vos clients, comme Intrigues Pau, se plaignent de ne pas vous voir en dehors des salons.
Que se passe t'il ?"
Force est donc de constater qu'il n'avait été convenu d'aucun formalisme particulier quant aux modalités d'exécution de l'obligation d'information réciproque, et qu'en tout état de cause la transmission d'un rapport d'activité à la charge du mandataire sur son secteur n'a jamais été exigée de la part de la SAS Market Set.
Dès lors, la SAS Market Set ne peut se prévaloir de l'absence de production par la SARL Camaso d'un rapport d'activité, comme constitutif d'une faute.
Sur l'obligation d'information
L'échange de mails au cours de l'année 2012 entre les parties, dont il est justifié dans le cadre de la présente instance, démontre que pour l'essentiel la SAS Market Set était destinataire d'éléments d'information par courrier électronique.
Or, il n'est pas davantage produit les différents courriels sollicitant des demandes d'informations sur l'activité du secteur qui auraient été envoyés à la SARL Camaso à laquelle elle n'aurait pas répondu, relatives " notamment à des éléments d'information nécessaires pour adapter sa politique commerciale ", et notamment étendre son activité à la clientèle " Cafés, Hôtels, Restaurants ", avant ceux des 18 septembre 2012, 19 et 23 novembre 2012, et celui du 16 octobre 2012 où l'avis des agents commerciaux est sollicité sur de possibles changements avant le salon " Equip Hôtel ", soit postérieurement à la lettre du 4 juillet 2012, mais antérieurement à la lettre de rupture du contrat de janvier 2013.
En revanche, la SARL Camaso justifie avoir fait le point sur l'activité de son secteur s'agissant de la commercialisation des produits de la société, " Le Dauphin " le 6 février 2012, répondant à une demande de son mandant du 31 janvier 2012, ainsi que sur des commandes en attentes en février 2012.
S'agissant des courriels des 18 septembre 2012 et 19 novembre 2012, il est exact que la SAS Market Set a communiqué avec ses agents commerciaux sur le salon " Equip Hôtel ", dont M. Cuchet. Le 18 septembre 2012, il leur était, d'une part, indiqué la tenue du salon " Equip Hôtel " du 11 au 15 novembre 2012, la mise à disposition de 20 invitations gratuites par secteur devant bénéficier à des prospects qualifiés " c'est-à-dire avec le nom de l'acheteur " et avec lesquels il y aura eu un " réel contact préalable à la remise ", avec un suivi des prospects du salon, et d'autre part, demandé de faire " remonter les infos sur ces prospects ". Les mails des 19 novembre 2012, 22 et 23 novembre 2012 concernent l'envoi des prospects effectués au salon.
M. Cuchet ne justifie pas d'avoir répondu au mail du 18 septembre 2012 qu'il a dû recevoir, contrairement à ses dires, puisqu'il a répondu à d'autres mails envoyés à la même adresse. Il n'est pas, davantage justifié d'une remontée d'informations à la suite de l'envoi du mail d'octobre 2012 comme de celui contenant la liste des prospects CHR (cafés, hôtels, restaurants).
Pour autant ce défaut d'information qui intervient quelques semaines avant la rupture du contrat qui a duré pendant 8 années au cours desquelles aucune remarque n'a été faite à M. Camaso sur un manquement de sa part à son obligation d'information, ne présente pas une gravité suffisante compromettant ainsi les intérêts de son mandant et rendant impossible le maintien de leurs relations contractuelles.
Il en est de même du défaut d'information relative à des difficultés qu'elle aurait rencontrées dont se plaint la SAS Market Set. En effet, ce grief ne concerne que deux clients, " Muriel de Medicis " (septembre 2012) et " Seramina " (avril 2012), de sorte qu'il ne présente pas, vu le très faible nombre des clients concernés, une gravité suffisante justifiant la rupture des relations contractuelles. Au demeurant, le litige avec " Muriel de Medicis " concerne la qualité des ampoules et remonte à 2010, il s'agit donc d'une difficulté ancienne connue de Market Set, de sorte qu'aucun reproche ne peut être fait à M. Cuchet concernant un défaut d'information relativement à ce client.
Ce grief sera écarté et le jugement déféré confirmé sur ce point.
Sur la politique commerciale et le respect des conditions commerciales édictées par le mandant
La politique commerciale
L'agent commercial, en sa qualité de mandataire, se doit de respecter la politique commerciale et les conditions commerciales édictées par le mandant dans les rapports avec la clientèle.
En l'espèce, il est reproché, à la SARL Camaso, en premier lieu, l'absence de participation au salon " Equip Hôtel ", son absence de diligence dans le suivi pré et post salon, au mépris de l'investissement du mandant et de son orientation commerciale, en second lieu le non-respect des procédures de Market Set.
La participation d'une société et de ses agents commerciaux à des salons peut être l'occasion de nouer de nouveaux contacts, de réaliser des prises de commandes de clients ou l'ouverture de nouveaux comptes, et partant de développer les affaires dans l'intérêt commun du mandant et de son mandataire.
Il ressort du compte-rendu de la réunion commerciale qui s'est tenue en décembre 2011 que la SAS Market Set a souhaité ouvrir ses produits aux marchés des cafés, hôtels, restaurants. Les choix de l'orientation commerciale de son entreprise lui appartient en sa qualité de mandante, et ses agents commerciaux doivent les respecter et agir en conséquence auprès de la clientèle de leur secteur en vue de la commercialisation des produits auprès du public ciblé par sa mandante.
Comme évoqué ci-avant, il est établi que les agents commerciaux dont M. Cuchet ont été avertis de la participation de la société Market Set au salon " Equip'Hôtel ".
Une préparation en amont de ce salon était donc demandée aux agents commerciaux.
Force est de constater que la société Camaso ne justifie pas de l'envoi d'une quelconque invitation.
Comme le souligne à juste titre la société Market Set la clientèle n'est pas celle de l'agent mais celle du mandant, les bons de commande sont transmis à Market Set qui connaît donc les clients apportés par ses agents, de sorte que Camaso ne peut, pour justifier son refus de lancer des invitations valablement lui opposer que cela l'aurait conduite à communiquer à Market Set son fichier clients et prospects et qu'ainsi Market Set se serait constituée un fichier à moindre coût.
La SARL Camaso ne justifie pas davantage d'une réponse au courriel du 16 octobre 2012 de la société Market Set demandant l'avis de ses agents commerciaux sur un certain nombre de points relatifs notamment à des modifications de tarif envisagé, et ce malgré une relance par mail du 19 octobre 2012.
La société Camaso ne conteste pas son absence au salon, alors qu'elle était informée de sa tenue, de la participation de la société Market Set et de l'opportunité pour chacun des agents commerciaux de rencontrer des professionnels du secteur des Cafés Hôtels Restaurants appartenant à leur secteur géographique comme le souligne justement la société Market Set ainsi qu'il résulte du mail du 18 septembre 2012.
Quand bien même la société Camaso aurait-elle estimé que l'intérêt commun des parties résidait dans le développement d'autres secteurs plus lucratifs que le secteur CHR, cela ne la dispensait pas pour autant de participer à un salon ouvert à un secteur d'activité que son mandant, maître de sa politique commerciale, souhaitait toucher.
L'absence d'autres agents commerciaux à ce salon invoquée par la société Camaso ne peut davantage justifier sa non-participation.
M. Cuchet ne justifie pas davantage d'un post-suivi par un contact auprès des prospects enregistrés à l'issue de la tenue du salon.
Pour autant, ce désintérêt manifesté pour un salon organisé par son mandant et ses suites en termes de suivi de prospects reste isolé, et partant ne revêt pas une gravité suffisante empêchant un rapprochement entre parties dans la poursuite de leur intérêt commun comme l'a justement relevé le tribunal.
Le respect des conditions générales de vente
Dans le cadre du contrat d'agent commercial, le mandataire est tenu de respecter les consignes données par son mandant et de respecter les conditions générales de vente dans l'intérêt commun.
En ce qui concerne le non-respect des procédures de Market Set consistant dans le refus de communiquer des bons de commande signés des clients, il est produit un courriel de la SAS Market Set adressé le 21 juin 2012 à l'ensemble de ses agents commerciaux qui rappelle les formalités à respecter lors de la prise de commande afin de la rendre valable juridiquement et donc incontestable, le bon de commande devant être revêtu de la signature et du cachet du client, et évoquant un cas de rejet d'une requête en injonction de payer et son renvoi devant le tribunal de commerce en l'absence de ces éléments.
La SARL Camaso justifie par la production des courriers électroniques adressés en réponse par Mme Lymoussi, autre agent commercial, qu'il s'agit d'une modification de la procédure de prise de commande.
Par ailleurs, les seules difficultés démontrées quant à la communication de bons de commande tamponnés par le client résultent de mails échangés entre mandant et mandataire à propos d'un seul client et relatifs à des commandes datées de décembre 2011, mars et avril 2012, soit antérieures au mail du 21 juin 2012 de la SAS Market Set, de sorte qu'aucun manquement de ce chef ne peut être reproché à la SARL Camaso.
En ce qui concerne le non-respect des conditions générales de vente, à savoir le remplacement des produits, il est établi que les nouvelles conditions générales de vente relatives au remplacement des produits ont été communiquées par la SAS Market Set à ses agents commerciaux par mail du 5 août 2012, à savoir :
" - on ne remplace pas un produit complet pour une verrerie ou un transfo HS
- personne ne peut utiliser la marque les logos et photos des produits nous appartenant sans accord écrit... "
D'une part, aucune pièce produite par la SAS Market Set ne vient justifier de ce que la SARL Camaso aurait continué à accorder des avoirs, au mépris des nouvelles conditions générales de vente, étant observé que cette interdiction ne figure pas dans le mail évoqué ci-dessus.
D'autre part, les difficultés rencontrées avec le seul client " Intrigue ", la SAS Market Set reprochant à la SARL Camaso d'avoir laissé à son mandant le soin de gérer seul le mécontentement de ce dernier, sont insuffisantes à illustrer un refus de ce mandataire d'appliquer les conditions générales de vente en ce qui concerne le remplacement des produits, qui pour être retenu doit être caractérisé autrement que par un seul exemple.
En ce qui concerne le refus de relayer les opérations commerciales, les seuls reproches de la SAS Market Set portent sur l'absence de post-suivi du seul salon " Equip-Hôtel " dont il a été retenu ci-avant qu'il n'était pas constitutif à lui seul d'un manquement d'une gravité suffisante empêchant un rapprochement entre parties dans la poursuite de leur intérêt commun.
Pour l'ensemble de ces développements ce grief sera écarté.
Sur l'activité de démarchage et la diminution du chiffre d'affaires
La SAS Market Set reproche à la SARL Camaso une absence de prospection réelle et d'activité au cours des deux derniers trimestres 2012 ainsi qu'une absence de diligence à l'égard des clients qui ont eu pour conséquence une forte diminution du chiffre d'affaires.
Si au vu du tableau des commandes agents commerciaux 2012 produit, aucun compte " commandes sur route " n'a été ouvert, il n'en demeure pas moins qu'en terme de prise de commandes pour 2012, la SARL Camaso occupe le 4e rang sur 8 en totalisant un chiffre d'affaires de 285 847 euro dont 135 905 euro au second semestre 2012 ainsi qu'il résulte du récapitulatif des prises de commandes 2011 et 2012.
Si une baisse de son chiffre d'affaires de -22 % en 2012 par rapport à celui réalisé en 2011 est enregistrée, force est de constater que le chiffre d'affaires réalisé en 2012 par l'agent commercial occupant la première place dans le classement des agents commerciaux a connu une baisse dans les même proportions, et que les chiffres d'affaires des deux autres agents commerciaux suivants ont enregistré une baisse de plus de 15 %.
Dès lors la baisse du chiffre d'affaires de la SARL Camaso ne peut être imputée à une absence de prospection pour créer une nouvelle clientèle de la part de cet agent commercial, ni à une absence de diligence à l'égard des clients, étant observé que seules les réclamations de quatre clients sont invoquées (Sierpa, Fonteneau, Seramina et Au fil du cuivre), ni à une absence de diligence à l'égard des prospects communiqués par Market Set en novembre 2012, ni à une absence de relance de commandes en attente de confirmation soit 5 clients concernés au vu de la liste des clients Camaso bloqués, en résumé à un défaut d'implication et un désintérêt manifeste de la SARL Camaso pour la commercialisation des produits de son mandant, qui au vu de la baisse des chiffres d'affaires enregistrée par ses collègues s'explique par un contexte économique difficile.
En conséquence, le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Camaso démontre au contraire de l'activité de prospection de la clientèle au cours de l'année 2012 à l'instar des autres agents commerciaux collaborateurs de la SAS Market Set.
Ce grief n'est donc pas établi.
Sur l'obligation de loyauté
La SAS Market Set reproche à la SARL Camaso d'avoir travesti la réalité pour masquer l'absence de travail réel de prospection en indiquant faussement que des commandes auraient été prises dans le cadre de la prospection de clients alors qu'elles résultent de télécopies adressées par le client sans rencontre avec l'agent qui ne réalise donc pas son rôle de prospecteur et de négociateur. La fausse indication de commandes " routes " constitue une marque de déloyauté contraire à l'intérêt commun du mandat qui justifie selon Market Set sa rupture sans indemnité.
Cependant ni le courrier électronique du 18 décembre 2012 de M. Cuchet à M. Bernier de SAS Market Set relatif à un bon de commande, ni celui concernant la commande " Louisiane " , ni celui du 6 avril 2012 de SAS Market Set à ses agents commerciaux, ni le compte-rendu de la réunion commerciale du mois de décembre 2011, ni la mention manuscrite portée sur un mail qui lui a été adressé par Market Set à propos d'une commande de " M. Bricolage " de Saintes, à savoir " pas de numéro de cde de chez eux, j'en invente un pour leur faire plaisir " invoqués par la SAS Market Set ne suffisent à caractériser un manquement de la SARL Camaso à son obligation de loyauté tiré de la qualification fallacieuse de commandes routes affectées à des commandes en réalité passives.
Ce grief n'est donc pas démontré.
Au vu de l'ensemble de ces développements, force est de constater qu'à l'exception d'un désintérêt de la SARL Camaso pour le salon Cafés Hôtels et Restaurants et le traitement subséquents des prospects, la SAS Market Set, qui a concentré ses reproches sur le second semestre 2012, échoue dans l'administration de la preuve des fautes qu'elle impute à son mandataire justifiant une rupture sans indemnité des relations contractuelles.
Or ce seul manquement à l'application de la politique commerciale intervenu quatre mois avant la rupture du contrat de mandat décidée par la SAS Market Set, après presque 8 années d'exécution par la SARL Camaso de son mandat, sans qu'il soit justifié d'une quelconque alerte de la part de son mandant à son égard quant à un manquement à ses obligations, n'est pas constitutif d'une faute grave qui porterait atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel.
Le jugement déféré qui a écarté la faute grave au sens de l'article L. 134-4 du Code de commerce sera donc confirmé sur ce point.
- Sur les demandes d'indemnité
Sur l'indemnité de préavis
Par application des dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce la SARL Camaso est fondée à demander le paiement de la somme de 10 000 euro représentant un trimestre moyen de commission de la dernière année du contrat comme l'a justement évaluée le tribunal.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce
La SAS Market Set soutient que la SARL Camaso ne rapporte pas la preuve du préjudice subi, Camaso ayant cessé son activité, ce qui s'annonçait par le changement d'activité de M. Cuchet, son gérant et unique associé intervenu dès 2011, inscrit personnellement pour exercer les fonctions d'agent immobilier.
Elle reproche au tribunal d'avoir évalué l'indemnité, par référence à la pratique courante, à savoir deux ans de commission, calculée sur la moyenne des trois dernières années, et d'avoir indemnisé le préjudice par référence à cette pratique courante.
Il résulte du caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce que l'indemnisation de l'agent commercial est due du seul fait de la cessation des relations imputable au mandant. Elle n'est pas subordonnée à la preuve d'un préjudice.
La demande en paiement de la SARL Camaso est donc fondée en son principe.
Le document produit aux débats par la SARL Camaso faisant état des commissions perçues tout au long de l'exécution du contrat n'est pas sérieusement critiqué par la SAS Market Set.
Dès lors, l'indemnité allouée par les premiers juges correspondant à deux années de commissions calculée sur la moyenne des trois dernières années, correspond à une juste évaluation du préjudice subi par la SARL Camaso.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale
L'exécution de sa mission par la SARL Camaso n'a suscité aucune remarque, ni reproche concernant les modalités d'exécution de son mandat de 2004 à fin juin 2012.
La lettre du 4 juillet 2012 dont le contenu a été évoqué ci-avant, adressée par la SAS Market Set, à laquelle la SARL Camaso a répondu, n'a été suivie d'aucune autre remarque ou expression de mécontentement de la part de la SAS Market Set, faisant montre d'une dégradation progressive des relations contractuelles.
Dans ces conditions, de par son caractère inattendu, la rupture des relations notifiée par la lettre du 13 janvier 2013 doit être qualifiée de brutale et justifie l'octroi d'une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.
Le jugement sera réformé sur ce point.
- Sur l'indemnité de procédure
L'équité commande d'allouer à la SARL Camaso la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de celle octroyée en première instance qui sera confirmée.
Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté la SARL Camaso de sa demande de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat d'agent commercial, et statuant à nouveau sur le chef infirmé, Condamne la SAS Market Set à payer à la SARL Camaso la somme de 5 000 euro au titre de l'indemnité pour brusque rupture du contrat d'agent commercial, Condamne la SAS Market Set à payer à la SARL Camaso la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Market Set aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.