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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 6 octobre 2015, n° 13-06566

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L. Theard (SAS)

Défendeur :

Blaklader Workwear (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes Hebert, Lahalle, Tack

T. com. Nantes, du 9 juill. 2013

9 juillet 2013

EXPOSÉ DU LITIGE

Immatriculée en 2006, la SARL Blaklader Workwear (la société Blaklader), filiale de la société suédoise Aktiebolaget Blaklader, commercialise des gammes de vêtements professionnels fabriqués par sa société mère. A partir de l'année 2008, elle a entretenu avec la SAS L Théard (la société Théard), fabricant et grossiste en fournitures et équipements pour les ouvriers du bâtiment, des relations commerciales ayant généré un chiffre d'affaires de 15 390 euro (pour 4 mois) en 2008 et de 155 515 euro en 2009.

La société L. Théard ayant obtenu en fin d'année 2010 le référencement pour la période d'avril 2011 à mars 2012, par son client historique Point P, de sept articles de la société Blaklader, les parties signaient les conventions suivantes :

- le 21 février 2011, une convention de partenariat commercial grossistes peintures confiant à la société Théard l'exclusivité de la distribution en France des produits Blaklader auprès des grossistes en peinture ;

- le 21 février 2011, une convention de partenariat commercial négoces matériaux donnant à la société Théard l'exclusivité de la distribution en France des produits Blaklader auprès des distributeurs de matériaux de construction dont la société Point P.

Se prévalant uniquement de la faculté de résiliation insérée au contrat, la société Blaklader résiliait la seconde convention le 16 mars 2011, avec effet à l'expiration du délai de préavis contractuel de trois mois, soit le 18 juin 2011. Elle adressait simultanément à la société Point P, le 18 mars 2011, un courriel l'informant de l'éviction de la société Théard et lui proposant l'instauration de relations commerciales directes, tout en s'excusant pour l' 'erreur stratégique' qu'avait constituée le recours à la société Théard.

Le 11 avril 2011, les sociétés Théard et Blaklader signaient une convention de partenariat commercial Point P remplaçant la convention du 21 février 2011. Le contrat leur accordait jusqu'au 31 décembre 2011, une exclusivité réciproque de distribution auprès du seul client Point P. A compter du 1er janvier 2012, la société Théard devenait l'agent commercial de la société Blaklader, son mandat portant sur le seul réseau Point P et prévoyant une commission de 11,5 % sur le chiffre d'affaires conclu avec celui-ci.

Se plaignant de l'absence de paiement de certaines factures, la société Blaklader a obtenu le 5 juin 2012, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-conservatoire en garantie d'une créance de 61 440,26 euro puis a, les 17 juillet et 10 août 2012, assigné la société L. Théard devant le Tribunal de commerce de Rennes en paiement de cette somme.

Par jugement du 9 juillet 2013, le tribunal a :

- condamné la société Théard au paiement de la somme principale de 61 440,26 euro TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- ordonné la résolution de la convention de partenariat " peintres " et de la convention de partenariat " Point P " aux torts pour moitié de chacune des parties,

- condamné la société Blaklader au paiement de la somme de 17 982,51 euro HT,

- ordonné à la société Blaklader de racheter à la société Théard les produits qui seront revendables au prix initial, dans la limite d'une quantité de produits représentant au plus 20 % des stocks et de diminuer cette somme de la valeur des stocks vendus par la Société Théard au jour de la reprise effective des stocks

- ordonné l'exécution provisoire.

Après compensation, la société Blaklader a obtenu les 8 et 29 octobre 2013, le paiement d'une somme de 45 942,97 euro.

La Société Théard a relevé appel du jugement, demandant à la cour de :

- prononcer la résolution des contrats des 21 février 2011 et 11 avril 2011 aux torts exclusifs de la Société Blaklader Workwear ;

En conséquence,

- ordonner à la Société Blaklader Workwear la reprise des stocks en sa possession et la condamner au paiement de la somme de 228 362,86 euro, correspondant à la valeur d'achat des stocks existant au 29 novembre 2013, sauf à diminuer cette somme de la valeur des stocks vendus par la Société Théard au jour de la reprise effective des stocks par Blaklader Workwear ;

- condamner la Société Blaklader Workwear à lui payer la somme de 400 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

- condamner la Société Blaklader Workwear à lui payer la somme de 35 965,02 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du litige opération Promotion Point P 2011;

- lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir à la Société Blaklader Workwear la somme de 61 440,26 euro TTC ;

- ordonner la compensation des dettes et créances réciproques ;

- condamner la Société Blaklader Workwear à lui verser une indemnité de 15 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- la condamner aux entiers dépens.

La société Blaklader a formé appel incident, demandant à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société Théard au paiement de la somme principale de 61 440,26 euro, avec exécution provisoire ;

Y ajoutant la condamner au paiement :

- des intérêts contractuels au taux repris sur les factures concernées qui mentionnent " Toute créance non payée à son échéance est productive d'intérêts de 1,5 % par mois de retard ", soit

Sur la facture du 29-06-2011 à échéance du 14-08-2011 :

(64 189,16 euro ; 14 066,26 euro) x 1,5 % x 25 mois. 18 796,08 euro

Sur la facture du 10-11-2011 à échéance du 10-12-2011 :

7 168,05 euro x 1,5 % x 21 mois 2.257,93 euro

Sur la facture du 16-11-2011 à échéance du 16-12-2011 :

198,92 euro x 1,5 % x 21 mois 62,66 euro

Sur la facture du 01-12-2011 à échéance du 31-12-2011 :

3 950,39 euro x 1,5 % x 21 mois 1.244,37 euro

TOTAL 22 361,04 euro

- de la pénalité prévue par l'article 6.3 des conditions générales de vente (expressément visées par les 3 contrats précités) en cas de recouvrement contentieux, à hauteur " de 15 % de la somme due pour préjudice et trouble commercial ", soit 61 440,26 euro x 15 %, 9 126,04 euro ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation des conventions " Grossistes Peintures " et " Point P " mais dire et juger que cette résiliation est aux torts et griefs exclusifs de la société Théard ;

Le réformer pour le surplus

Débouter la société Théard de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La condamner au paiement d'une somme de 441 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice commercial et financier subi du fait de l'inexécution par Théard de ses obligations nées de la convention de partenariat commercial grossistes peintures d'une part et de la convention de partenariat commercial Point P d'autre part ;

Condamner la société Théard au paiement d'une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre l'ensemble des frais de saisie-conservatoire, des frais de conversion de saisie, des frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Théard le 4 avril 2014 et pour la société Blaklader Workwear le 7 février 2014.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l'incident de procédure

Alors qu'elle était avisée depuis le 31 décembre 2014 que l'ordonnance de clôture serait rendue le 6 mai 2015 à 9 heures 30 et l'audience fixée deux semaines plus tard, la société Blaklader a déposé le 5 mai 2015 à 15 heures 20, de nouvelles écritures comportant des ajouts épars et un nouveau décompte de sa créance, lesquelles faisaient suite à ses dernières conclusions du 7 février 2014 et à celles en réponse de son adversaire notifiées 13 mois plus tôt, le 4 avril 2014. Laissant moins de 18 heures à la société Théard pour prendre connaissance de ces nouvelles écritures et prétentions et y répondre, elle portait ainsi grvement atteinte au respect du contradictoire et à la loyauté des débats.

Aucune circonstance particulière ne justifiait des conclusions aussi tardives prises alors que la société intimée connaissait le caractère impératif de la date de l'ordonnance de clôture, laquelle n'avait d'ailleurs suscité aucune observation de sa part dans le délai imparti par le conseiller de la mise en état. En effet, l'audience était fixée deux semaines plus tard et les dossiers devaient être déposés au greffe le jour même de la clôture. Elle ne justifiait pas davantage d'une cause de révocation de la clôture.

En application des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, les conclusions déposées le 5 mai 2015 seront en conséquence écartées des débats.

Sur la demande de résiliation des conventions

Les parties concluent, l'une et l'autre, à la résolution (en fait la résiliation) des conventions les unissant qui ne sont plus exécutés depuis le mois de janvier 2012, les commandes adressées par la société Théard n'étant plus acceptées par son partenaire pour divers motifs. Cependant, elles s'opposent sur les causes de cette rupture, la société Blaklader invoquant le défaut de paiement de factures à leur échéance tandis que la société Théard - qui reconnaît devoir les factures en cause - justifie leur non-paiement par l'exception d'inexécution qu'elle a opposée à la société Blaklader à la suite du sinistre consécutif à l'inexécution partielle de la commande Point P du 19 avril 2011.

La société L. Théard reconnaît n'avoir pas payé les factures suivantes représentant un total TTC de 61 440,26 euro, soit 51 371,45 euro HT :

- facture du 29-06-2011 à échéance du 14-08-2011 d'un montant de 64 189,16 euro dont à déduire, une note de crédit du 20-06-2011 d'un montant de 14 066,26 euro,

- facture du 10-11-2011 à échéance du 10-12-2011 d'un montant de 7 168,05 euro,

- facture du 16-11-2011 à échéance du 16-12-2011 d'un montant de 198,92 euro,

- facture du 01-12-2011 à échéance du 31-12-2011 d'un montant de 3 950,39 euro.

Elle explique avoir utilisé ce moyen de pression pour obtenir l'engagement de négociations sur la prise en charge du litige né au mois de mai 2011 à la suite du défaut de livraison par la société Blaklader d'une commande promotionnelle passée par la société Point P parallèlement au premier référencement de ses produits dans son catalogue paru au mois d'avril, la dite commande portant sur 3 325 lots d'articles Blaklader composés d'un pantalon artisan, d'un T-shirt et de genouillères. Elle expose que seuls 1 893 lots ont été livrés, ce qui a entraîné - à la suite de tractations avec la société Point P - l'annulation partielle de l'opération promotionnelle prévue au mois de juin 2011 et la facturation à son détriment par la société Point P du manque à gagner sur les produits non livrés pour un montant de 12 509,61 euro HT (pièce 43). Elle rappelle qu'elle avait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2011, informé la société Blaklader du litige laquelle a opposé un silence persistant à ses demandes réitérées.

S'agissant de l'opération litigieuse, la société Théard justifie avoir, après un entretien téléphonique intervenu la veille, confirmé par courriel du 19 avril 2011, une commande en partie déjà livrée le 16, portant sur 3 325 lots à livrer au plus tard début mai, le dit courriel précisant cependant, article par article, le contenu de l'accord verbal et les quantités qui seraient livrées à la fin du mois de mai (semaine 21) tandis qu'aucune date n'était arrêtée pour 687 T-shirts de deux modèles différents. La société Blaklader ne soutient pas avoir contesté, à réception de ce document, les termes de l'accord ainsi consigné qui fait dès lors preuve de son contenu.

Or la société Blaklader reconnaît avoir livré seulement 1893 lots entre le 26 avril 2011 et le 1er juillet 2011, sans soutenir avoir refusé la commande en tout ou en partie, ni avoir émis des réserves sur les délais d'exécution dont elle était assortie.

Pour s'opposer à la demande d'indemnisation présentée par la société Théard, elle affirme que les délais de livraison de la commande litigieuse étaient impraticables mais cette argumentation est contredite par les termes de la lettre de confirmation de la commande du 19 avril 2011 reproduisant l'accord verbal des parties, non démentis à réception de ce document. Si tel avait été le cas, elle aurait d'ailleurs eu l'obligation d'en avertir immédiatement son cocontractant compte tenu de l'importance de l'enjeu en cause, ce qu'elle ne soutient pas avoir fait.

La société Blaklader fait également valoir qu'elle avait, au mois de décembre 2010, attiré l'attention de la société Théard sur le fait que ses produits, qui sont fabriqués en Asie, nécessitent s'agissant de commandes spécifiques un délai de fabrication de quatre à cinq mois. Mais d'une part, les produits commandés n'avaient pas de caractère spécifique, faisant au contraire partie d'une gamme limitée à sept articles dont elle connaissait le référencement par le distributeur national Point P depuis plusieurs mois et qu'elle savait dès lors devoir conserver en stock en quantités adaptées à ce nouveau marché et, d'autre part, cette circonstance ne la dispensait pas d'honorer ses engagements.

Elle se prévaut de conditions générales de vente non datées qui comportent à l'article 3 intitulé " LIVRAISONS ", la mention suivante :

" 1- Délais

3.1-1. Les délais de livraison sont donnés à titre indicatif sur les confirmations de commande. Les retards de livraison, dus à quelle cause que ce soit, ne pourront donner lieu à aucune pénalité, ni à une annulation de la commande. "

Mais, d'une part, cette clause ne peut exonérer par principe la société Blaklader des conséquences du non-respect des obligations qu'elle a contractées en connaissance de cause et, d'autre part, cette société ne démontre pas avoir porté à la connaissance de la société Théard les conditions générales dont elle se prévaut actuellement lesquelles n'étaient ni reproduites, ni annexées aux conventions, ni reportées sur les autres documents contractuels ou les factures, ni invoquées dans les échanges entre les parties ayant précédé l'actuelle procédure, de sorte que même à les supposer en vigueur au jour du litige, leur acceptation par le cocontractant n'est pas établie. Au demeurant, la société Blaklader ne justifie pas avoir adressé une confirmation de commande indiquant des délais de livraison 'indicatif' de sorte que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer au litige.

Enfin en acceptant sans réserve la commande telle que précisée dans le courriel du 19 avril 2011 alors qu'elle soutient dorénavant que les conditions en étaient ab initio " impraticables ", elle a en tout état de cause commis une faute engageant sa responsabilité.

C'est dès lors à juste titre que la société L. Théard, confrontée à son refus de prendre position sur la demande d'indemnisation après avoir subi peu de temps auparavant une rupture intempestive d'une précédente convention permettant de mettre en doute sa loyauté contractuelle, lui a opposé l'exception d'inexécution relativement au paiement de la facture d'un montant, après déduction de l'avoir, de 50 122 euro TTC, exigible le 14 août 2011, puis de trois autres factures d'un montant moindre exigibles au mois de décembre 2011, les sommes ainsi retenues n'étant pas disproportionnées à l'intérêt du litige.

La société Blaklader soutient dans ses écritures ne pas avoir refusé d'honorer les commandes passées fin 2011 ou début 2012 par la société Théard mais en avoir seulement subordonné la livraison à un paiement préalable. Mais cette affirmation n'est pas corroborée par les pièces émanant de ses services, seule une lettre du 25 avril 2012, manifestement établie en vue d'une éventuelle procédure contentieuse, évoquant cette exigence alors que les relations conventionnelles étaient déjà définitivement rompues.

Au contraire dès le mois de novembre 2011, la société Blaklader refusait d'exécuter une commande n° 7239 du 7 novembre puis une commande n° 9294 du 29 novembre au seul motif qu'elles portaient sur des " produits de la gamme artisan " alors qu'aucune limitation concernant la commercialisation de ses produits n'était prévue dans la convention liant les parties.

Une autre commande du 15 février 2012 était refusée non pas faute d'accord sur le paiement immédiat de son prix à la livraison ou même à la commande, mais en raison du non-paiement des sommes préalablement retenues en garantie du litige en cours.

Enfin, la société Blaklader justifiait son refus d'honorer une nouvelle commande en avril 2012 par le fait que les quantités commandées n'étaient pas suffisamment importantes alors qu'elle n'avait pas eu jusqu'alors de telles exigences.

La lettre adressée le 14 janvier 2012 par la société Blaklader révèle que le non-paiement des factures, d'un montant modeste au regard du volume d'affaires existant entre les parties, ne constitue qu'un prétexte, la vraie raison du blocage résidant dans le pourcentage de marge trop faible pratiqué par la société Théard, lequel ne permettait pas à son cocontractant de pénétrer directement le marché sans son intermédiaire.

Parallèlement la société Blaklader tirait profit de ses refus de livraisons pour se soustraire à l'obligation d'exclusivité qu'elle avait consentie dans le cadre de la convention du 21 février 2011 encore en vigueur et engager au mois d'avril 2012 des relations contractuelles directes avec un client important de la société Théard, la société JF Peintures, sans pour autant résilier au préalable le contrat, ce qui constitue également une violation de ses obligations contractuelles.

A compter du 1er janvier 2012, la convention signée le 11 avril 2011 était transformée en contrat d'agent commercial. A ce titre, elle était notamment régie par l'article L. 134-4 du Code de commerce aux termes duquel " les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ".

Or dès le 18 mars 2011, puis à nouveau en novembre 2011 (cf. La pièce n° 64 de l'appelant), la société Blaklader avait entrepris des négociations commerciales avec le distributeur Point P pour poursuivre directement les relations commerciales engagées l'année précédente sous l'égide de la société Théard. Le 28 novembre 2011, elle était avisée du refus de ce distributeur de référencer ses produits pour l'année 2012, décision dont elle a accusé réception le 15 décembre 2011 (pièce n° 66). Ce refus de référencement rendait sans objet le contrat d'agent commercial. Il incombait dès lors à la société Blaklader d'en informer immédiatement son co-contractant, ce qu'elle n'a pas fait, lui reprochant au contraire l'inexécution d'un contrat qu'elle savait devenue impossible.

Ainsi la société Blaklader n'hésitait pas à affirmer, le 14 janvier 2012, dans un courriel adressé à la société Théard : " A ce jour, vous et moi sommes en attente de connaître la position de Point P par rapport à Blaklader. Pour tout vous dire, je n'ai pas compris le dernier mail de M. Fabre puisqu'il ne contenait pas de réponse quant à la suite ", affirmation délibérément mensongère puisqu'à cette date, elle avait pris acte depuis déjà un mois du refus de renouvellement de son référencement par Point P.

A nouveau, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2012, la société Théard interrogeait son mandant sur l'existence ou non d'un déréférencement du catalogue Point P. Cette demande était vainement réitérée par le conseil de la société Théard le 16 mars 2012, puis une troisième fois par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2012. En dépit de ces relances successives, la société Blaklader ne justifie pas avoir informé son agent commercial de la décision de déréférencement et de son motif, ce qui constitue une violation du contrat d'agent commercial alors en vigueur qui paralysait l'exécution de celui-ci.

Il est dès lors établi à l'encontre de la société Blaklader un ensemble de fautes contractuelles révélant une stratégie d'éviction de son cocontractant, sans lien avec le non-paiement de certaines factures par la société Théard qui était dans ce contexte dépourvu de caractère fautif. Ces fautes justifient la résiliation à ses torts des deux conventions en vigueur de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a imputé la responsabilité de la rupture par moitié à chacune des parties.

Sur l'indemnisation du préjudice subi par la société Théard

a) du fait de l'inexécution partielle de la commande promotionnelle

Au titre de l'inexécution partielle de la commande promotionnelle Point P, la société L. Théard réclame une indemnisation de 35 965,02 euro HT qu'elle justifie comme suit :

- perte de marge sur commandes non livrées facturée par la société Point P à la Société L. Théard pour 12 509,61 euro HT,

- perte de marge subie par la Société L. Théard pour 19 332 euro HT,

- surcoût de transfert pour 3 493,41 euro HT,

- surcoût administratif pour le traitement et le colisage des commandes pour 630 euro HT.

Le paiement à la société Point P de la somme de 12 509,61 euro HT est attesté par la facture émise par ce distributeur le 30 septembre 2011 et les pièces comptables justifiant de son paiement le 25 novembre suivant. Il en ressort qu'il a imposé une pénalité correspondant à 1 000 pantalons Blaklader manquants lors de la promotion juin 2011.

Les frais supplémentaires de transport liés à l'approvisionnement individuel des 285 agences du réseau Point P au lieu des trois plateformes logistiques sont établis par les pièces produites. Cependant dès la commande du 19 avril 2011, la société Théard savait que son fournisseur ne pourrait lui livrer une partie des marchandises qu'à la fin du mois de mai et non au début de celui-ci. Dès lors, les frais supplémentaires tant de personnel que de transport exposés pour assurer l'opération promotionnelle du mois de juin doivent être laissés à sa charge, rien n'établissant que la société Blaklader s'était engagée à lui fournir l'intégralité de sa commande pour le début du mois de mai.

La société Théard réclame également l'indemnisation d'une perte de marge portant non pas sur les 1 000 articles comptabilisés comme non livrés par le réseau Point P mais sur 1 432 lots alors qu'elle savait, dès la commande, qu'elle ne serait pas intégralement livrée dans les délais exigés par le distributeur. Par ailleurs, elle prétend avoir perdu sur chaque lot une marge supérieure à celle calculée pour lui-même par le distributeur (14 euro contre 12,50 euro), marge que ne lui garantissait pas le fournisseur. En tout état de cause, les pièces produites n'établissent pas le bien-fondé de ses affirmations s'agissant tant de la marge unitaire attendue que du nombre de lots qu'elle n'a pu commercialiser faute de livraison en semaine 21. Elle ne démontre pas dès lors l'étendue du préjudice allégué de ce chef.

Cependant, il est établi que la société Théard a subi un trouble commercial dans ses relations avec le distributeur du fait de la défaillance de son cocontractant par rapport à l'accord formalisé par le courriel du 19 avril et une perte de marge sur les lots non livrés avant la fin du mois de mai, laquelle sera réparée par une indemnité de 5 000 euro.

La société Blaklader sera en conséquence condamnée à lui payer en réparation de son préjudice la somme de 17 509,61 euro.

b) les demandes de reprise des stocks et d'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation des contrats

La société Théard réclame le paiement de la somme de 228 362,86 euro " au titre des stocks de produits existant au 29 novembre 2013 qui devront être repris à leur valeur d'achat par la société Blaklader sauf à diminuer cette somme de la valeur des stocks vendus par la société Théard au jour de la reprise effective des stocks par la société Blaklader. "

Devant les premiers juges, la société Blaklader rétorquait que les produits dont la société Théard sollicite la reprise ayant été vendus sur la période 2010-2011 sont devenus obsolètes et donc invendables en l'état de sorte qu'elle estimait ne pouvoir les reprendre. Devant la cour, elle fait uniquement valoir que la résiliation des conventions de partenariat ne peut avoir d'effet que pour l'avenir et ne peut donc conduire à la résolution des ventes de marchandises.

Les pièces produites permettent de déduire que le stock en litige d'une valeur d'achat non contestée de 228 362,86 euro au 29 novembre 2013 était composé :

- du stock constitué dans le cadre de la convention de partenariat commercial grossistes peintures pour un montant au 29 novembre 2013 de 18 743,62 euro ;

- du stock constitué dans le cadre de la convention de commercialisation Point P du 11 avril 2011 prenant fin le 1er janvier 2012, pour un montant de 112 349,53 euro ;

- du stock repris en septembre, octobre et novembre 2012 après la fin du référencement des produits Blaklader par le réseau Point P au mois d'avril 2012, pour un montant HT selon les pièces produites de 97 269,71 euro (pièce 67).

Les dispositions afférentes au contrat de partenariat commercial grossistes peintures prévoyaient uniquement s'agissant du stock, le droit pour la société Théard de vendre son stock de produits Blaklader dans une limite de 6 mois suivant la date de rupture de contrat. La société Théard qui a continué à vendre le dit stock pendant la procédure ne pouvait donc conventionnellement prétendre à sa reprise à la fin du contrat, laquelle pouvait intervenir à tout moment à l'expiration d'un délai de préavis de trois mois. Elle ne justifie dès lors ni du droit à reprise de ce stock, ni d'un préjudice indemnisable de ce chef.

En revanche, les conditions de la rupture, caractérisées par un refus d'approvisionnement de la société Théard à compter de la fin de l'année 2011 et une tentative de détournement de sa clientèle, ont rendu l'écoulement du stock en cause plus difficile et fait perdre à la société Théard une chance de marge plus importante pendant la période d'exécution du contrat. En conséquence, une indemnité de 15 000 euro lui sera allouée en réparation de son préjudice découlant des circonstances de la résiliation de cette convention.

La convention du 11 avril 2011 prévoyait la reprise du stock à la fin de l'année 2011, date à laquelle le contrat changeait de qualification juridique. Il était stipulé que le stock de produits Blaklader en possession de la société Théard serait racheté par le fournisseur après vérification des produits. Une double limite était conventionnellement fixée portant, d'une part, sur l'obligation de rachat des seuls produits revendables au prix initial et, d'autre part, sur un montant maximum égal à 20 % des achats réalisés par la société L. Théard (et non 20 % de son stock).

Cette stipulation n'a pas été respectée par la société Blaklader qui n'a pas offert de reprendre, au mois de janvier 2012, un stock par définition récent puisqu'il datait de moins d'un an (début des relations avec le réseau Point P) sans pour autant accéder à la demande de prorogation du contrat jusqu'au mois d'avril 2012. La limite découlant de l'obsolescence étant à cette date sans objet, seul le chiffre d'affaires réalisé par les parties en 2011 qui selon la pièce n° 50 s'est élevé à 560 254 euro (et non à 655 169,49 euro comme soutenu) doit être pris en considération pour déterminer l'étendue de l'obligation qui incombait à la société Blaklader de ce chef. Il en résulte que la société Théard est fondée à exiger la reprise du stock Point P existant à cette date dans la limite de 112 051 euro.

A compter du 1er janvier 2012, la convention conclue le 11 avril 2011 s'analysait en un contrat d'agent commercial portant sur la commercialisation des produits Blaklader auprès du réseau Point P de sorte que le mandant devait supporter les conséquences financières consécutives à la fin de son référencement par le réseau Point P qui était devenu son client. Or la société Blaklader a posé des conditions qui n'ont pas permis le renouvellement du référencement précédemment obtenu par la société Théard ce qui a conduit le distributeur à exiger; courant septembre, octobre et novembre 2012, de l'agent commercial, la reprise des stocks de produits Blaklader pour un montant de 97 269,71 euro HT. Le mandant, responsable de la rupture des relations avec le réseau Point P et partant du contrat d'agent commercial devenu de son fait sans objet, doit indemniser son mandataire du préjudice résultant de cette rupture et donc prendre à sa charge le rachat des stocks consécutif au déréférencement. La demande de rachat du stock en cause sera en conséquence également accueillie.

A titre d'indemnisation complémentaire de la rupture imputable à la société Blaklader, il ne sera pas tenu compte du fait que cette somme intègre en principe la marge perçue par la société Théard qui en conservera ainsi indirectement le bénéfice.

En revanche, la société Théard ne peut obtenir l'indemnisation de la chance de poursuivre le contrat d'agent commercial dès lors que l'exécution de celui-ci n'était plus possible après la fin du référencement des produits Blaklader et qu'il ne pouvait imposer à son mandant l'obligation de consentir au client des conditions commerciales en permettant la renouvellement.

Sa demande de dommages-intérêts sera en conséquence pour le surplus rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles

La société Blaklader étant responsable de la rupture des relations conventionnelles conclues avec la société Théard n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice découlant de l'absence de poursuite de ces relations.

La demande tardive de la société Blaklader au titre des intérêts et pénalité sera également rejetée dans la mesure où, en premier lieu, elle ne démontre pas le caractère contractuel des conditions de vente dont elle se prévaut, qu'en second lieu, la résistance au paiement des factures en cause était justifiée par le litige en cours et qu'enfin, les sommes dont elle était elle-même redevable de plein droit, au titre de la reprise des stocks exigible au 1er janvier 2012, étant supérieures au montant impayé.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Théard l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés par elle à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Blaklader qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et ne peut dès lors prétendre à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Ecarte des débats les conclusions déposées le 5 mai 2015 à 15 heures 20 par la société Blaklader Workwear SARL, Confirme le jugement rendu le 9 juillet 2013 par le Tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a condamné la société L. Théard SAS à payer à la société Blaklader Workwear SARL la somme de 61 440,26 euro TTC, Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Prononce à la date du 9 juillet 2013, aux torts de la société Blaklader Workwear SARL, la résiliation, de la convention de partenariat commercial grossistes peintures conclue le 21 février 2011 par les sociétés L. Théard et Blaklader Workwear, de la convention de partenariat commercial Point P conclue le 11 avril 2011 par les sociétés L. Théard et Blaklader Workwear, Condamne la société Blaklader Workwear SARL à payer à la société L. Théard la somme de 32 509,61 euro à titre de dommages-intérêts, Condamne la société Blaklader Workwear SARL à reprendre à leur valeur d'achat les stocks de produits Blaklader référencés Point P détenus par la société L. Théard, dans la limite d'une valeur totale de 209 320,71 euro, et en conséquence à rembourser à la société L. Théart le prix d'achat des marchandises référencées Point P qu'elle détient encore en stock dans la limite de la somme de 209 320,71 euro HT, Condamne la société Blaklader Workwear SARL à payer à la société L. Théard SAS une somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Ordonne la compensation à due concurrence des créances et dettes réciproques des parties, Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples, Condamne la société Blaklader Workwear SARL aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.