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Décisions

CA Rouen, 1re ch. 1er cabinet, 17 décembre 2008, n° 07-04079

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

JP 3 (Sté)

Défendeur :

Foucher

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Boursicot

Conseillers :

Mme Le Carpentier, M. Gallais

Avocats :

Mes Couppey, Matray, Beaumier, SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault

T. com. Rouen, du 28 août 2007

28 août 2007

Le 21 avril 2006, M. Laurent Foucher a passé commande par Internet sur le site <adresse> d'un Spa de nage avec accessoires auprès de la société JP3 pour la somme de 16 479,99 euro TTC outre les frais de transport de 1 480 euro TTC soit une somme totale de 17 960 euro TTC. Le prix était payable 50 % à la commande et le solde à la livraison. M. Foucher a donc versé immédiatement la somme de 8 240 euro à la commande. La facture de la société JP3 a été émise le 11 juillet 2006 pour une somme de 8 239,99 euro TTC représentant le solde du Spa, déduction faite des frais de transport dont M. Foucher entendait se charger personnellement. Le 12 juillet 2006, M. Foucher a fait transporter le matériel et réglé la facture de 8 239,99 euro.

Le 17 juillet 2006, M. Foucher a adressé à la société JP3 une lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans laquelle il déclarait utiliser son droit de rétractation, après avoir constaté que le Spa ne correspondait pas aux caractéristiques de l'offre, réclamait le remboursement de la somme de 17 480 euro et demandait au vendeur de venir récupérer le matériel.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 21 juillet 2006, la société JP3 refusait l'annulation de la vente au motif que le produit avait été utilisé et que par ailleurs, il était en tous points conforme à la commande.

Après avoir déposé plainte à l'encontre de M. Ranson, PDG de la société JP3 auprès du commissariat de police de Thouars (79) pour tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise et publicité mensongère, M. Foucher a déposé une requête aux fins de saisie-conservatoire auprès du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Rouen le 1er décembre 2006. Cette saisie a été autorisée par ordonnance du 12 décembre 2006 sur le compte bancaire de la société JP3 pour la somme de 22 000 euro. Le procès-verbal de saisie-conservatoire du 19 décembre 2006 a été dénoncé à la société JP3 le 21 décembre suivant.

Par acte du 16 janvier 2007 , M. Foucher a fait assigner la société JP3 devant le Tribunal de commerce de Rouen afin de voir valider la saisie-conservatoire du 19 décembre 2006, condamner la société JP3 à lui rembourser la somme de 17 960 euro avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2006, outre 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 28 août 2007, le Tribunal de commerce de Rouen, aux motifs que M. Foucher a usé de son droit de rétractation dans les délais impartis par l'article L. 121-20 du Code de la consommation et l'article 7-2 des conditions générales de vente et n'avait pas à motiver sa rétractation, mais que M. Foucher n'a pas retourné lui-même le matériel à la société JP3 conformément à ces mêmes conditions de vente et que de ce fait le Spa de nage a subi une dépréciation préjudiciable à la société dont M. Foucher est responsable à hauteur de 20 % de la valeur initiale du matériel, a :

- reçu M. Foucher en ses demandes, fins et conclusions et les a dites partiellement fondées,

- reçu la société JP3 en ses demandes, fins et conclusions et les a dites partiellement fondées,

- ordonné la restitution par M. Foucher à la société JP3 du Spa de nage objet de la facture du 11 juillet 2006,

- condamné la société JP3 à payer à M. Foucher la somme de 13 184 euro avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2006,

- rejeté la demande de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties, les a liquidés à la somme de 133,92 euro.

Le 18 octobre 2007, la société JP3 a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 août 2008, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, la société JP3 faisant valoir notamment que M. Foucher ayant déballé et surtout utilisé le Spa et au surplus ne l'ayant pas retourné dans le délai de 7 jours, sa rétractation n'est pas valable et subsidiairement, qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 23 janvier 2008 que le Spa restitué avait été utilisé à de très nombreuses reprises et était très dégradé, demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- dire que les conditions générales de vente sont opposables à M. Foucher,

- constater qu'en toute hypothèse, M. Foucher n'a pas rempli les conditions pouvant rendre valable sa rétractation en ne restituant pas l'objet litigieux dans le délai de 7 jours,

A titre subsidiaire,

- constater que le Spa litigieux restitué par M. Foucher le 22 janvier 2008 est dans un état déplorable et ne pourra faire l'objet d'une recommercialisation même d'occasion,

- par conséquent, réduire dans de très importantes proportions la créance de restitution du prix de vente,

- dire que cette créance ne saurait être productive d'intérêts, faute pour M. Foucher d'avoir restitué le bien dans le délai prévu par les conditions générales de vente,

- débouter M. Foucher de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. Foucher à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 septembre 2008, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, fins et conclusions, M. Foucher, soulignant notamment que les dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation sont d'ordre public et que les conditions générales de vente ne peuvent aller à leur encontre et que ce n'est qu'en raison de sa propre défaillance de la société JP3 dans le remboursement que le Spa n'a été restitué qu'en janvier 2008, demande à la cour de :

- déclarer la société JP3 mal fondée en son appel,

- constater que le matériel objet de la vente a été restitué à la société JP3,

- faisant droit à son appel incident,

- valider la saisie-conservatoire entreprise,

- condamner la société JP3 à lui verser 17 960 euro outre intérêts au taux légal à compter du 20 août 2006, 7 500 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, manquement à l'obligation de loyauté et procédure abusive,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires et y ajoutant,

- condamner la société JP3 au paiement de la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2008.

SUR CE,

Attendu qu'aux termes de l'article L. 121-20 du Code de la consommation " Le consommateur dispose d'un délai de 7 jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motif ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour " ; qu'aux termes de l'article L. 121-20-1 du même code, " Lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 30 jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé. Au-delà, la somme due est, de plein droit, productrice d'intérêts au taux légal en vigueur " ;

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de ces textes et considéré que M. Foucher avait exercé son droit de rétractation par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 17 juillet 2006 dans le délai légal imparti, figurant à l'article 7-2 des conditions générales de vente de la société JP3 ; que compte tenu de l'exercice régulier par M. Foucher de son droit de rétractation, il incombait alors à la société JP3 de rappeler à son client l'obligation qui pesait sur lui, à tout le moins, de lui retourner le spa à ses frais, en bon état et propre à sa recommercialisation, conformément à l'article 7-2 précité ; que cependant, dans sa lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 21 juillet 2006, la société JP3 n'a pas rappelé à M. Foucher les conditions d'exercice du droit de rétractation, mais lui a clairement refusé ce droit, aux motifs que le produit était en tous points conforme à celui décrit par la fiche technique et le catalogue de la société, aux photographies adressées au client et à sa commande, qu'il ne présentait aucun défaut de fonctionnement ou vice de fabrication, que le client l'avait accepté lors de l'enlèvement par ses soins après vérification et qu'il l'avait mis en eau et utilisé, alors même que M. Foucher n'avait pas à justifier de motifs pour se rétracter ; que la société JP3 n'a effectué aucune démarche visant à rechercher un accord amiable avec M. Foucher ;

Attendu que par conséquent, en raison de l'exercice par M. Foucher de son droit de rétractation dans le délai légal imparti, la société JP3 est tenue de lui rembourser le montant du prix du spa acquitté par lui, soit la somme globale de 16 480 euro, M. Foucher ayant assumé la livraison du matériel à son domicile par ses propres soins et ne justifiant pas avoir acquitté les frais y afférents d'un montant de 1 480 euro ;

Attendu que toutefois, il est constant que le spa, dont le jugement entrepris a ordonné la restitution à la société JP3, ne lui a été retourné que le 22 janvier 2008 ; qu'il ressort du procès-verbal de constat en date du 23 janvier 2008 de Maître Lainé, huissier de justice à Rouen, et des photographies annexées, que le spa présentait alors des dégradations :

- cloisons et châssis de l'appareil déformés en quatre points,

- habillage en bois de l'appareil, dégradé par de multiples coups et qui n'est plus fixé correctement par rapport au bassin,

- coussins situés à l'intérieur de l'appareil et couverture, déchirés et dégradés,

- présence de calcaire en quantité importante dans les appareils,

- filtres très usagés,

- présence de traces de calcaire à l'intérieur des deux bassins;

Que le responsable de la société JP3 déclare dans une attestation versée aux débats que l'état des filtres lui fait penser à un usage de longue durée sans aucun entretien préalable, le chef de quai de la société attestant pour sa part de l'aspect général très mauvais de l'appareil ;

Qu'il en résulte que M. Foucher, qui a conservé le spa en sa possession, en a fait un usage important et ce, pendant dix-huit mois, et ne l'a pas restitué en bon état et propre à sa recommercialisation ; que la dépréciation du spa préjudiciable à la société JP3 est imputable à M. Foucher ; que le tribunal avait fixé la dépréciation à 20 % du prix de vente sans connaître l'état du matériel ; que compte tenu des importantes dégradations relevées dans le procès-verbal de constat précité qui empêchent de le remettre en vente même comme matériel d'occasion, il y a lieu d'en fixer le montant à 80 % du prix de vente ;

Attendu que par conséquent, déduction faite de 80 % du prix de vente restant à la charge de M. Foucher, la société JP3 devra lui rembourser la somme de 3 296 euro ;

Attendu que M. Foucher n'a restitué le spa que 18 mois après en avoir pris possession et l'avoir utilisé et même plusieurs mois après la décision du tribunal de commerce assortie de l'exécution provisoire ; qu'en raison de ce manquement à son obligation de restitution découlant de l'exercice de son droit de rétractation, il convient de dire que sa créance n'est pas productive d'intérêts à compter du 20 août 2006, mais seulement à compter de la signification du présent arrêt ;

Que par conséquent, la saisie-conservatoire ordonnée le 12 décembre 2006 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Rouen pour un montant de 22 000 euro, ne sera validée que pour un montant en principal de 3 296 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Attendu qu'il ressort des circonstances de l'espèce précédemment exposées que M. Foucher a partiellement manqué à ses propres obligations contractuelles, de sorte qu'il n'est pas fondé à réclamer des dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement de la société JP3 à son obligation de loyauté ; que de même, l'appel de la société JP3 étant reconnu partiellement fondé, M. Foucher ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de la procédure et sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Attendu que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les parties seront déboutées de toutes leurs autres demandes ;

Attendu qu'en équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ;

Attendu que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rouen en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Condamne la société JP3 à payer à M. Foucher la somme de 3 296 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Valide la saisie-conservatoire ordonnée le 12 décembre 2006 et pratiquée le 19 décembre 2006 à hauteur de 3 296 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.