Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 octobre 2015, n° 14-01030

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS), Carrefour France (SAS), GM Carrefour (SAS), Vezere Distribution (SAS)

Défendeur :

Carpe Diem Edition (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Lucat, M. Birolleau

Avocats :

Mes Guerre, Demeyere, Fisselier, Tavitian

T. com. Marseille, du 13 nov. 2012

13 novembre 2012

FAITS ET PROCEDURE

La société Carpe Diem Edition a pour activité la vente et la promotion de produits destinés aux loisirs artistiques dont des articles de peinture, décoration et des jouets pédagogiques.

En 2006 elle est entrée en relation avec la société Carrefour et les sociétés du groupe exploitant des hypermarchés sous cette enseigne afin de faire référencer ses produits.

C'est ainsi qu'ont été successivement signés entre les parties :

- un accord commercial pour l'année 2006,

- un accord de partenariat pour l'année 2006 par lequel il était convenu d'une prestation de services, de conseils et d'aide à l'élaboration d'un plan promotionnel afin de promouvoir les produits de la société Carpe Diem Edition,

- un accord commercial pour l'année 2007,

- un accord de partenariat pour l'année 2007 comprenant une prestation de services de conseils, et d'aide à l'élaboration d'un plan promotionnel pour promouvoir ses produits et une prestation d'analyse de la performance des produits du fournisseur en sortie de caisse pour permettre le cas échéant à la société Carpe Diem Edition d'ajuster son offre.

- une convention de partenariat pour l'année 2008, celle-ci prévoyant, outre le service de conseils et d'aide à l'élaboration d'un plan promotionnel et l'analyse de la performance des produits du fournisseur en sortie de caisse, un plan de développement des performances du fournisseur.

En 2009 les relations commerciales entre les parties ont cessé.

Par courrier recommandé du 7 septembre 2010, la société Carrefour a mis en demeure la société Carpe Diem de lui payer la somme de 71 627,51 euros au titre des retours d'invendus, montant sur lequel la société Carpe Diem lui a alors réglé 23 122 euros.

La société Carpe Diem lui a réclamé paiement de factures impayées, demande à laquelle la société Carrefour s'est opposée aux motifs qu'il s'agissait de factures concernant des franchisés et non des magasins intégrés.

C'est dans ces conditions que la société Carrefour a assigné la société Carpe Diem devant le Tribunal de commerce de Marseille en paiement de la somme de 48 622 euros. La société Carpe Diem a présenté une demande reconventionnelle en paiement des factures impayées, en remboursement des sommes payées à tort dans le cadre des accords de coopération et en dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement en date du 13 novembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- donné acte à la société Carrefour Hypermarchés SAS, la société Continent 2001 SNC, la société GML France SAS, la société La Ciotat Distribution SNC, la société Perpignan Distribution SNC, la société Sogara France SAS, la société Nouvelle Sogara SAS et la société Vezere Distribution SAS de ce qu'elles réduisent leur demande à la somme de 13 198 94 euros.

- dit que le retour des invendus par le groupe Carrefour est conforme aux dispositions légales.

- condamné la société Carpe Diem Edition SARL à payer à la société Carrefour Hypermarchés SAS, la société Continent 2001 SNC, la société GML France SAS, la société La Ciotat Distribution SNC, la société Perpignan Distribution SNC, la société Sogara France SAS, la société Nouvelle Sogara SAS et la société Vezere Distribution SAS la somme totale de 13 198,94 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Dit que la rupture des relations commerciales par le groupe Carrefour a un caractère brutal au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

- condamné conjointement la société Carrefour Hypermarchés SAS, la société Continent 2001 SNC, la société GML France SAS, la société La Ciotat Distribution SNC, la société Perpignan Distribution SNC, la société Sogara France SAS, la société Nouvelle Sogara SAS et la société Vezere Distribution SAS à payer à la société Carpe Diem Edition SARL la somme de 17 000 euros au titre de l'indemnisation pour rupture brutale du contrat de coopération.

- rejeté la demande d'indemnité de la société Carpe Diem SARL sollicitée sur le fondement des articles L. 442-6 I 8° et L. 442-6 I 2° du Code de commerce.

- dit que la société Carrefour Hypermarchés devra procéder au paiement des factures non réglées y compris les factures non réglées adressées aux magasins Champion soit la somme de 13 246,23 euros telle que réclamée par la société Carpe Diem au titre des factures dues et des refus de paiement.

En conséquence,

- condamné la société Carrefour Hypermarchés SAS à payer à la société Carpe Diem SARL la somme de 13 246,23 euros au titre des factures dues et des refus de paiement.

- dit que les prestations de coopération commerciale facturées par le groupe Carrefour pour un montant de 84 320,46 euros TTC ne correspondent pas à une réalité commerciale avérée.

- condamné la société Carrefour Hypermarchés SAS à payer à la société Carpe Diem SARL la somme de 84 320,46 euros TTC pour défaut d'exécution de services de coopération commerciale.

- condamné conjointement la société Carrefour Hypermarchés SAS, la société Continent 2001 SNC, la société GML France SAS, la société La Ciotat Distribution SNC, la société Perpignan Distribution SNC, la société Sogara France SAS, la société Nouvelle Sogara SAS et la société Vezere Distribution SAS à payer à la société Carpe Diem SARL la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance.

Vu l'appel interjeté par les sociétés demanderesses le 15 janvier 2014.

Vu les conclusions en date du 9 avril 2015 par lesquelles les sociétés appelantes demandent à la cour de :

- Débouter la société Carpe Diem Edition de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille en date du 13 novembre 2012 en ce qu'il a condamné la société Carpe Diem Edition à payer aux sociétés concluantes la somme de 13 198,94 euros au titre des avoirs émis pour retour d'invendus, sauf à porter ce montant à la somme de 17 797,67 euros, une erreur de calcul ayant été commise par la société Carpe Diem relativement à sa pièce 6.

- L'infirmer pour le surplus.

- Dire irrecevables et en tous cas mal fondées les demandes en paiement formées à hauteur de 13 246,23 euros par la société Carpe Diem Edition, ces demandes correspondant pour la majeure partie à des factures adressées à des sociétés franchisées, sociétés qui sont totalement indépendantes des sociétés concluantes, outre que le montant des factures correspondant à la pièce 8 adverse s'élève à 11 036,02 euros et non 13 246,23 euros, et en conséquence, débouter la société Carpe Diem Edition de toute demande de ce chef.

- Dire et juger que la société Carpe Diem Edition ne justifie d'aucune rupture brutale des relations commerciales établies par les sociétés concluantes, si ce n'est de son propre fait.

- Constater, dire et juger au surplus que la société Carpe Diem Edition ne justifie aucunement ni du préavis qui aurait dû être respecté selon elle ni du quantum réclamé et en conséquence,

- Débouter la société Carpe Diem Edition de toutes demandes d'indemnité fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

- Constater par ailleurs que les sociétés concluantes rapportent bien la preuve des services rendus en exécution des accords de partenariat signés avec la société Carpe Diem Edition pour les années 2006, 2007 et 2008 et en conséquence,

- Débouter la société Carpe Diem Edition de toutes demandes de remboursement des rémunérations de services versées à la société Carrefour Hypermarchés en exécution de ces contrats.

- Condamner en conséquence la société Carpe Diem à restituer la somme totale de 102 367,75 euros versée en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.

- Dire et juger que, cette somme étant actuellement séquestrée entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations, celle-ci devra être restituée aux sociétés Carrefour Hypermarchés, Carrefour France venant aux droits des sociétés Continent 2001, La Ciotat Distribution et Perpignan Distribution, ainsi qu'aux sociétés GM Carrefour venant aux droits de la société GML France, Sogara venant aux droits de la société Sogara France, Nouvelle Sogara et Vezere Distribution.

Subsidiairement constater,

- Que la rémunération versée à ce titre par la société Carpe Diem Edition s'élève à la somme non pas de 84 320,46 euros TTC mais à celle de 74 800,67 euros TTC.

- Que, des services ayant été rendus en contrepartie de cette rémunération, la société Carpe Diem Edition ne saurait en toute hypothèse obtenir remboursement de la totalité de cette somme.

En toute hypothèse,

- Condamner la société Carpe Diem Edition au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Vu les conclusions en date du 19 mai 2015 par lesquelles la société Carpe Diem demande à la cour de :

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Carpe Diem au paiement d'une somme de 13 198,94 euros.

- Dire et juger que cette somme n'est pas due, la clause de retours des invendus étant illicite, contraire à l'ordre public et n'étant en outre pas justifiée.

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les sociétés SAS Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution pour rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Condamner les sociétés les sociétés SAS Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution au paiement d'une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Carrefour Hypermarchés au paiement à titre de dommages et intérêts des frais de prestation de service de coopérations commerciales non exécutées. Réformer la décision quant aux montants.

Condamner la société Carrefour Hypermarchés au paiement d'une somme de 90 000 euros à ce titre.

Condamner la société Carrefour Hypermarchés et la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution au paiement d'une somme de 100 000 euros sur le fondement des articles L. 442-6 2°, pour l'année 2008 pour les années 2006 et 2007 L. 442-6 2° b, et L. 442-6 8° du Code de commerce.

Condamner la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution au paiement d'une somme de 15000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP AFG prise en la personne de Maître Alain Fisselier au profit de la SCP AFG, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture brutale alléguée par la société Carpe Diem

Considérant que la société Carpe Diem fait valoir que la relation commerciale entre elle et la société Carrefour est établie en ce qu'elle a duré de 2006 à 2008 avec des montants importants en 2006 même si les chiffres d'affaire ont baissé tout au long de ces trois années, la baisse en 2008 étant due aux retours d'invendus.

Qu'elle invoque une rupture partielle à compter de 2008 et une rupture totale à partir de 2009, plus aucune commande n'ayant alors été passée par la société Carrefour.

Considérant que la société Carrefour affirme que la société Carpe Diem Edition ne peut de toute évidence se prévaloir de relations commerciales établies alors même que les relations entre les parties ont débuté en 2006 et se sont terminées fin 2008 et que les chiffres d'affaires réalisés entre les parties démontrent que, chaque année, les achats des produits de la société Carpe Diem Edition qui sont soumis à l'achat d'impulsion des consommateurs, se sont réduits.

Considérant que la société Carrefour se base sur le chiffre d'affaires 2006 réalisé avec les sociétés du Groupe Carrefour par la société Carpe Diem qui s'est élevé à 206 039 euros ; que ce chiffre, à la différence de ceux de 2007 et 2008, soit respectivement 127 959,95 euros et 77 878,48 euros, n'a pas été impacté par des retours d'invendus de sorte que la baisse résultant de ces seuls chiffres n'est pas significative puisqu'elle ne prend pas en compte les commandes passées par la société Carrefour mais le chiffre d'affaires réalisé par la société Carpe Diem après retour des invendus ; que ces invendus démontrent seulement que la société Carrefour a fait choix de passer une commande importante la première année, assurée qu'elle ne prenait aucun risque puisque le contrat comportait une clause de retour d'invendus ; que la société Carrefour a continué à commercer avec la société Carpe Diem les deux années suivantes en lui passant une nouvelle commande en 2007.

Considérant que, par ailleurs en 2008, les parties ont convenu d'une convention de partenariat pour l'année 2008, celle-ci prévoyant, outre le service de conseils et d'aide à l'élaboration d'un plan promotionnel et l'analyse de la performance des produits du fournisseur en sortie de caisse, un plan de développement des performances du fournisseur ; qu'il importe peu dès lors qu'il n'y ait pas eu d'accord commercial en 2008 puisque les sociétés Carrefour avaient passé les années précédentes des commandes suffisantes permettant à la société Carrefour de continuer à commercialiser les produits Carpe Diem qu'elle détenait ; que, si la société Carpe Diem ne peut en tirer de conséquence pour fonder une demande pour rupture partielle des relations commerciales dès 2008 dans la mesure où il n'avait pas été convenu d'aucun volume minimum entre les parties, la société Carrefour ne peut pas davantage en tirer argument pour affirmer qu'il n'y avait pas de relations commerciales établies puisqu'elle a commercialisé pendant trois ans sans discontinuer les produits Carpe Diem et qu'il ne sera fait retour des derniers invendus qu'en 2009 ; qu'en conséquence les relations ont duré de 2006 à 2009, soit trois années au cours desquelles la société Carpe Diem a répondu aux commandes de la société Carrefour en lui offrant toute sa gamme de produits et a accepté de souscrire à des prestations proposées par la société Carrefour afin d'en assurer la promotion ; que, si la société Carrefour prétend que les produits de la société Carpe Diem ne répondaient plus à la demande du consommateur, elle n'en a pas moins proposé des prestations afin d'en assurer la promotion en 2008 après deux ans de commercialisation.

Considérant que la société Carrefour soutient néanmoins que la cessation de toutes relations résulte du propre fait de la société Carpe Diem Edition en ce qu'elle a cessé toute activité en 2009 citant le rapport de gestion exercice clos le 31 décembre 2010 qui indique " Nous vous rappelons qu'au titre de l'exercice 2009, notre société mère, la société Pebeo SA a procédé au rachat de l'intégralité de notre stock afin d'alléger les procédures commerciales et logistiques intra-groupes. Ceci a permis à la société Pebeo SA d'intégrer l'ensemble de la gamme des produits de la société Carpe Diem dans son propre catalogue. A ce jour, notre société se trouve donc dans une phase transitoire dans l'attente éventuelle de nouvelles opportunités de développement ".

Considérant qu'en 2009 la société Carpe Diem a, d'une part réceptionné des invendus retournés par la société Carrefour, d'autre part n'a plus reçu de commande ; qu'il était légitime qu'elle recherche des solutions ; que le fait que sa société mère rachète alors son stock ne démontre pas que la société Carpe Diem avait cessé ses activités et n'aurait pas été en mesure de répondre à une commande de la société Carrefour d'autant que le rapport de gestion annexé aux comptes annuels pour l'exercice clos le 31 décembre 2011 rappelle qu'elle " a pour objet la vente et la promotion de produits destinés aux loisirs artistiques, peinture décoration jouets pédagogiques. Son chiffre d'affaires est composé entièrement de prestations de services au titre de cette activité ", démontrant qu'elle a continué son activité quand bien même il a alors été ajouté " A ce jour, l'ensemble des opérations commerciales est principalement réalisé directement par notre société mère conformément aux accords intervenus en janvier 2009 " ;

Considérant en conséquence que cette évolution de la société Carpe Diem ne démontre pas une rupture de son fait mais une adaptation à la rupture subie ;

Considérant que la société Carpe Diem fait état d'un préavis d'une durée de 6 mois qui lui aurait été nécessaire pour se réorganiser afin de maintenir la marge brute qui était la sienne avant la rupture ; que la société Carpe Diem ne le démontre pas au regard même de sa position au sein d'un groupe de sociétés qui lui permettait de se réorganiser ; que la cour fixera à trois mois le préavis ; que toutefois la société ne fournit aucun élément justifiant d'une marge brute réalisée à l'occasion des relations commerciales qu'elle a entretenues avec la société Carrefour de sorte que qu'elle ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de l'absence de préavis ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer la décision entreprise et de la débouter de sa demande tendant à ce que lui soient alloués des dommages et intérêts au titre du préavis non exécuté.

Sur la clause de retours d'invendus

Considérant que l'article 11.1 du contrat intitulé "Retour des invendus " stipule :

" Limite en quantité et en valeur des retours : Sans

Les marchandises susceptibles d'être retournées au fournisseur par Carrefour ainsi que les limites en quantité ou en valeur de ces retours sont définies le cas échéant dans un document qui devra être annexé au présent accord. Un état des marchandises en retour (bon de sortie), en quantité et qualité sera joint à l'envoi ainsi qu'une demande d'avoir valorisant les marchandises selon l'état dressé ".

Considérant que la société Carpe Diem fait valoir que cette clause est constitutive d'un abus de puissance d'achat dans le sens de l'article L. 442-6 I 2° b alors en vigueur, s'agissant d'une clause qui n'a pas été négociée, qu'elle est générale et qu'elle est dépourvue de justifications contractuelles ;

Considérant que la clause de retour d'invendus n'était pas une clause prohibée dans les accords commerciaux au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° applicable en l'espèce ;

Considérant que la société Carrefour soutient que les produits en cause correspondaient à des achats d'impulsion du consommateur et que cette clause était favorable au fournisseur ; qu'elle se fonde toutefois sur ses catalogues produits aux débats dans lesquels figurent des publicités portant sur quelques produits de la société Carpe Diem qu'elle a choisis comme des kits bracelets, kits cadres à décorer, kit poupée ; qu'elle ne fait pas la démonstration qu'il s'agissait des seuls produits de cette société qui a pour objet de développer des articles pédagogiques et dont elle reconnaît qu'ils étaient variés de sorte qu'elle ne saurait en conclure que les produits de cette société relevaient exclusivement d'achats d'impulsion du consommateur ;

Considérant que l'abus de la dépendance économique requiert la preuve :

* de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur concerné.

* de l'absence de solution alternative, le fournisseur devant démontrer qu'il ne peut fournir d'autres clients sauf à mettre en péril son activité ;

Considérant que la société Carrefour se fonde le chiffre d'affaires réalisé par la société Carpe Diem avec les sociétés du Groupe Carrefour en 2008 soit 77 878,48 euros ce qui représentait alors 20,8 % de son chiffre d'affaires total et en déduit qu'elle fournissait d'autres clients de sorte qu'elle n'était donc pas dépendante économiquement des sociétés du Groupe Carrefour, rappelant que la Commission européenne retient un seuil de 22 % du chiffre d'affaires pour caractériser qu'un fournisseur se trouve en état de dépendance économique à l'égard du distributeur qu'il fournit ;

Considérant cependant que, comme il a été vu précédemment, le chiffre d'affaires de 2008 n'est pas significatif ; que le chiffre d'affaires de 2006, date des premières relations entre les parties, a été de 206 039 euros soit près du triple de celui de 2008 générant une rémunération de 39 147,41 euros pour la société Carpe Diem ; que les deux années suivantes ont été affectés par les retours d'invendus et ont été de 12 795,70 euros en 2007 et de 10 599,26 euros en 2007 ; qu'au total la société Carpe Diem a donc perçu la somme de 74 800,67 euros pour les trois années alors qu'en 2009 la société Carrefour lui a réclamé la somme de 48 622,07 euros au titre du retour des invendus ;

Considérant qu'en 2006 lorsque les parties ont entamé des relations commerciales, la société Carpe Diem a bénéficié d'une commande particulièrement importante puisque, d'une part, tous ses produits ont été référencés, produits variés de l'aveu même de la société Carrefour, d'autre part son montant a été de 206 039 euros, montant à l'évidence significatif pour la société Carpe Diem mais qui ne l'était pas au regard de la surface financière du groupe Carrefour ;

Considérant que, comme il a été vu précédemment la société Carpe Diem a dû, lors de la cessation des relations commerciales et à la suite du retour des invendus, céder son stock à sa société mère, ce qui démontre qu'elle n'avait pas d'alternative à la relation commerciale entretenue avec la société Carrefour, cette dernière affirmant même qu'elle avait arrêté son activité ;

Considérant que l'évolution du chiffre d'affaires et de la rémunération de la société Carpe Diem démontrent les conséquences des retours d'invendus qui étaient à sa charge exclusive alors même qu'elle n'avait aucun moyen d'agir sur les leviers permettant d'agir sur le niveau des ventes ; que, si la société Carpe Diem avait la connaissance des marchandises retournées dans la mesure où elle donnait une autorisation de retour, il n'en demeure pas moins que la décision de retour était prise par la société Carrefour qui qualifiait les marchandises d'invendus sans que la société Carpe Diem ait eu la moindre visibilité sur les conditions de commercialisation et sur les motifs du retour, le contrat ayant exclu toute limite en quantité ou en valeur de ces retours de sorte qu'ils étaient à la discrétion de la société Carrefour ; que de plus la cour observe qu'il ne s'agissait ni de produits périssables, ni de produits comportant une date limite de vente, ni de produits saisonniers dont le défaut de vente en temps utile pouvait justifier le retour ;

Considérant que, de plus, par des retours massifs d'invendus en 2007 et 2008, la société Carrefour a mis fin de facto au contrat, laissant à la charge du distributeur un stock correspondant à trois années de relations commerciales sans avoir pour sa part subi aucune contrepartie et sans avoir à justifier de sa politique de gestion des stocks qu'elle avait constitués ;

Considérant que la clause de retours d'invendus constitue en l'espèce un cas de comportement caractéristique de l'abus de puissance d'achat sanctionnable ; que la société Carpe Diem expose qu'il en est résulté un préjudice pour elle en ce qu'elle a été soumise à une incertitude totale dans la relation commerciale et qu'elle dû gérer les retours de stocks ; que la cour déboutera la société Carrefour de sa demande de paiement au titre du retour des invendus et retiendra un préjudice de la société Carpe Diem à hauteur de 15 000 euros ;

Sur la coopération commerciale

Considérant que la société Carpe Diem fait valoir que la coopération commerciale facturée pour un montant de 84 320,46 euros TTC n'a été définie qu'au verso des factures qui lui ont été adressées ; que cela ne saurait constituer un véritable accord contractuel quant à leur existence et leur application ;

Considérant que la société Carrefour affirme que les prestations suivantes qui ont été convenues entre les parties au titre des contrats ci-dessus ont bel et bien été réalisées à savoir :

- Conseils et aide à l'élaboration d'un plan promotionnel (pour 2006, 2007 et 2008) et mise en avant sur des supports de communication.

- Analyse de la performance des produits du fournisseur en sortie de caisse (pour 2007 et 2008).

- Plan de développement des performances fournisseur (pour 2008).

- aide à la gestion des comptes clients et mise en place de services relatifs à la gestion et au paiement des factures du fournisseur ;

Qu'elle fait valoir que les catalogues qu'elle a produits et dans lesquels figurent des publicités des produits de la société Carpe Diem constituent bien la preuve de la réalité de la prestation de conseils et d'aide à l'élaboration d'un plan promotionnel, les produits kits de bracelets en 2006, kits poupée de l'amitié en 2007, mini frimousse indienne en 2008 ayant également bénéficié d'une mise en avant, ayant été proposés à la vente soit dans l'allée centrale du magasin, soit de manière différenciée dans les rayons (en tête de gondole notamment), ce qui a été de nature à promouvoir les ventes ;

Considérant que la société Carrefour produit les contrats de partenariat conclus entre les parties et dûment signés par la société Carpe Diem qui les a acceptées et les a d'ailleurs réglées ; que la question est donc celle de la réalité des prestations qui ont donné lieu à règlement par la société Carpe Diem ;

Considérant que la société Carrefour a produit trois catalogues qu'elle a édités en 2006, 2007 et 2008 ; que ceux-ci couvrent la période de novembre et décembre et contiennent chacun un seul produit de la société Carpe Diem ; qu'il s'agit donc d'une publicité très ponctuelle et très limitée alors même que la société Carrefour avait référencé tous les produits Carpe Diem et fait état de leur nombre ; que ces catalogues regroupent des publicités pour toutes sortes de produits de sorte que, si la société Carpe Diem a ainsi pu bénéficier chaque année d'une promotion pour un de ses produits, ces catalogues ne sauraient constituer la démonstration de l'élaboration d'un véritable plan de promotion des produits de la société Carpe Diem quand bien même le produit ainsi ciblé aurait aussi fait l'objet d'une mise en avant dans les magasins, des conseils et un plan de promotion ne pouvant ignorer la gamme de produits dans son ensemble ;

Considérant que, si la société Carrefour produit des états de sortie de caisse pour 2007 et 2008 qu'elle indique avoir adressés à la société Carpe Diem, d'une part elle ne rapporte pas la preuve de cet envoi, d'autre part il s'agit de données chiffrées pour lesquelles il n'est justifié d'aucune analyse ; que ces seules données ne constituent pas la réalisation de la prestation qui était de réaliser une analyse de performance ;

Considérant que la société Carrefour a produit un plan de développement des performances 2008 qui indique " prévoir des offres promo en loisirs créatifs sur les vacances scolaires, monter une opération pour la fête des mères, prévoir une offre en fin d'année ", outre que ces préconisations ne concernent que 2008, elles ne sont nullement personnalisées ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Carrefour ne rapporte pas la preuve de la réalisation des prestations de partenariat qui lui avaient été confiées même partiellement ;

Considérant que la société Carpe Diem fait état d'un montant de 84 320,46 euros réglé au titre de ces prestations, montant contesté par la société Carrefour ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites par la société Carpe Diem Edition qu'il lui a été facturé par les sociétés du Groupe Carrefour :

- pour 2006 : 39 147,41 HT.

- pour 2007 : 12 795,70 euros euros HT.

- pour 2008 : 10 599,26 euros HT soit un total de 62 542,37 euros HT soit 74 800,67 euros TTC qu'elle a réglé.

Considérant que la cour retiendra ce chiffre et ordonnera son remboursement par la société Carrefour.

Sur les factures impayées

Considérant que la société Carrefour réclame paiement de la somme de 13 246,23 euros, créance contestée par la société Carrefour qui reconnaît devoir la somme de 4 429,39 euros et qui prétend que, pour le surplus, il n'est pas dû car, d'une part, reposant sur un montant erroné retenu par les premiers juges, 13 246,23 euros au lieu de 11 036,02 euros, d'autre part ce paiement incombant à une société étrangère au groupe Carrefour ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les factures en cause sont libellées à l'adresse de magasins exerçant sous l'enseigne Champion, la société Carpe Diem faisant valoir que la société Carrefour a payé des factures concernant les magasins exerçant sous cette enseigne ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que des factures ont été réglées par le Centre de règlement Fournisseurs (CRF) dès lors qu'elles concernaient des magasins Champion exploités par les sociétés CSF ou CSF France ; que, si la société Carrefour expose que le magasin précédemment exploité sous enseigne Champion à Ailly sur Noye se trouve actuellement exploité sous l'enseigne concurrente Intermarché, elle n'apporte aucun élément quant à la date de ce changement ;

Considérant que les accords commerciaux et de partenariat ont visé en 2006 " La société Carrefour Hypermarchés France " et la société " Carrefour Hypermarchés " ou " toute société du groupe Carrefour détenue à 100 % qu'elle se substituerait, agissant pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne (cocher les enseignes concernées " ; que la cour observe que l'enseigne Champion " a été cochée sur tous les contrats ;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés qui est dans la cause ne saurait, pour refuser de régler des factures concernant des magasins à enseigne Champion, prétendre que les sociétés exerçant sous l'enseigne Champion lui étaient étrangères, ni invoquer l'évolution du statut juridique de ces magasins postérieure aux faits alors même que les contrats ont visé toute entité exploitant alors sous cette enseigne et qu'elle a réglé des factures de la société Carpe Diem ayant pour objet des prestations réalisées pour des entités Carrefour quand bien même elles ne sont pas dans la cause ;

Considérant que la société Carrefour fait valoir que les premiers juges ont retenu à tort la somme de 13 246,23 euros alors que le montant est de 11 036,02 euros ce qui n'est pas contesté par la société Carpe Diem ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur le principe du paiement par la société Carrefour sauf à fixer celui-ci à la somme de 11 036,02 euros ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Carpe Diem a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales, l'existence d'une créance de la société Carpe Diem au titre de factures impayées et le remboursement des montants réglés au titre des prestations de coopération. Reforme pour le surplus. Et statuant à nouveau, Fixe la durée du préavis dont aurait dû bénéficier la société Carpe Diem à trois mois. Condamne la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société GM Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution à payer à la société Carpe Diem la somme de 11 036,02 euros au titre des factures impayées. Condamne la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société GM Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution à payer à la société Carpe Diem la somme de 62 542,37 euros HT au titre du remboursement des prestations de coopération. Condamne la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société GM Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution à payer à la société Carpe Diem la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Condamne la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société GM Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution à payer à la société Carpe Diem la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande, fin ou conclusions plus amples ou contraires. Condamne la société Carrefour Hypermarchés, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Continent 2001, la société GM Carrefour France venant aux droits de la société La SAS GML France, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC La Ciotat Distribution, la société Carrefour France venant aux droits de la société SNC Perpignan Distribution, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Sogara France, la société Carrefour Hypermarchés venant aux droits de la société SAS Nouvelle Sogara, la société SAS Vezere Distribution aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.