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ADLC, 22 septembre 2015, n° 15-DCC-127

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hautbois par la coopérative agricole Agrial

ADLC n° 15-DCC-127

22 septembre 2015

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 18 août 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif des activités de la société Hautbois par la coopérative agricole Agrial, formalisée par un pacte d'actionnaire du 19 avril 2007 et une lettre d'intention du 10 septembre 2015 ;

Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Agrial est la société mère du groupe coopératif agricole et agroalimentaire Agrial qui regroupe environ 12 000 adhérents agriculteurs et éleveurs implantés dans les départements de la Manche, du Calvados, de l'Orne, de l'Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, de la Sarthe, de l'Indre-et-Loire, de l'Eure et de la Seine-Maritime. Ce groupe intervient dans de nombreux secteurs agricoles et agroalimentaires, notamment dans les secteurs du lait, de la viande bovine et porcine, de la volaille, des céréales, des légumes et des boissons. Elle fournit à ses adhérents et à des agriculteurs tiers des produits d'agrofourniture et d'alimentation animale ainsi que des équipements agricoles. Elle est également active dans la distribution à destination du grand public de produits de jardinage, bricolage et aménagement extérieur.

2. Hautbois est une société par actions simplifiée exerçant une activité de négoce dans le secteur de la commercialisation de produits d'agrofourniture (semences, fertilisants et produits phytosanitaires), d'aliments pour bétail et dans la collecte et la commercialisation de céréales oléagineux, protéagineux dans les départements de l'Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, de l'Orne et du Maine-et-Loire. Elle est détenue par la SAS Musette, elle-même contrôlée conjointement par Agrial (via sa filiale Dsitrico) et la société SD2M.

3. En 2007, l'équipe managériale de Hautbois (via la société SD2M constituée pour la circonstance), la coopérative Agrial et la banque Crédit industriel de l'Ouest (ci-après " CIO ") ont créé une entreprise commune " Musette " pour l'acquisition de Hautbois dont l'actionnaire principal souhaitait se retirer. Musette qui détient 100 % du capital de Hautbois fait l'objet d'un contrôle conjoint de SD2M et Agrial en application des dispositions du pacte d'actionnaires conclu le 19 avril 2007 entre Agrial et Hautbois (1).

4. Ce pacte d'actionnaires contient en outre des promesses réciproques d'achats et de vente des actions de CIO et de SD2M au profit de Districo (Agrial). SD2M s'est ainsi engagée à céder sa participation dans Musette à Agrial qui s'est elle-même engagée à acquérir celle-ci. De même, le CIO s'est engagé à céder sa participation dans Musette à Agrial qui s'est elle-même engagée à l'acquérir. Le 30 juin 2015, CIC Ouest a cédé à Agrial sa part dans le capital de Musette. Par une lettre du 10 septembre 2015 du directeur général d'Agrial à SD2M, Agrial a manifesté son intention de réaliser la promesse d'achat en application du pacte d'actionnaire de 2007. Une fois cette acquisition réalisée, Agrial détiendra l'intégralité du capital de la société Musette.

5. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'opération notifiée se traduit par le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de la société Hautbois par Agrial. L'opération constitue à ce titre une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro au dernier exercice clos (Agrial : [...] d'euro au 31 décembre 2014 ; Hautbois: d'euro pour le même exercice). Deux de ces entreprises ont réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (Agrial : [...] d'euro au 31 décembre 2014 ; Hautbois : [...] d'euro pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents.

A. LE SECTEUR DES CEREALES, PROTEAGINEUX ET OLEAGINEUX

7. Conformément à la pratique décisionnelle (2), la collecte des céréales, protéagineux et oléagineux par les organismes collecteurs auprès des agriculteurs (l'amont) doit être distinguée de la commercialisation au niveau national et international par les organismes collecteurs (l'aval).

1. LE MARCHE AMONT DE LA COLLECTE DE CEREALES, PROTEAGINEUX ET OLEAGINEUX

8. S'agissant des marchés de produits, conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité (3), il y a lieu de retenir l'existence d'un marché unique de la collecte englobant à la fois les oléagineux, les protéagineux et les céréales. En effet, les silos de collecte peuvent indifféremment stocker tous types de grains (céréales, protéagineux et oléagineux), certains produits nécessitant seulement des infrastructures spécifiques, tels que des séchoirs pour le maïs ou des outils de triage pour les pois. Or la grande majorité des entreprises collectrices dispose de l'ensemble des infrastructures adaptées à chaque type de grain, ce qui leur permet de stocker des céréales, des oléagineux comme des protéagineux.

9. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, la pratique décisionnelle considère que la collecte de récoltes demeure un marché local, l'analyse concurrentielle étant menée au niveau départemental, complétée par une analyse sur des zones de 45 kilomètres autour des points de collecte des entreprises concernées.

10. En l'espèce, les activités des parties se chevauchent sur les départements de l'Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, de la Sarthe, du Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique.

2. LE MARCHE AVAL DE LA COMMERCIALISATION DE CEREALES, D'OLEAGINEUX ET DE PROTEAGINEUX

11. S'agissant des marchés de produits, la pratique décisionnelle nationale (4), tout en laissant la question ouverte, considère qu'il existe un marché pertinent par type de céréales, oléagineux et protéagineux. Elle distingue par ailleurs le blé dur du blé tendre au motif que les usages de ces deux céréales sont différents : le blé dur est utilisé en semoulerie tandis que le blé tendre sert essentiellement en meunerie et en alimentation animale. En outre, les autorités de concurrence (5) ont considéré qu'il pouvait être envisagé de distinguer des segments incluant uniquement les céréales, oléagineux ou protéagineux d'origine biologique.

12. En l'espèce, Agrial et Hautbois sont actives sur les marchés suivants : (i) commercialisation de céréales et plus particulièrement de blé tendre, orge, maïs, non biologiques, (ii) commercialisation de protéagineux et plus particulièrement de pois et féveroles et (iii) commercialisation d'oléagineux et plus particulièrement colza et tournesol.

13. S'agissant des marchés géographiques, la pratique décisionnelle nationale, tout en laissant la question ouverte, a considéré que ces marchés sont de dimension nationale, voire européenne.

14. Toutefois, en l'espèce, la question de la délimitation géographique exacte du marché peut rester ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée.

B. LE SECTEUR DE LA NUTRITION ANIMALE

15. S'agissant des marchés de produits, la pratique décisionnelle (6) distingue, en matière de nutrition animale, les marchés en amont (produits servant à l'élaboration d'aliments pour animaux) des marchés en aval (aliments résultant de cette élaboration). Elle opère également une distinction entre animaux d'élevage et animaux de compagnie.

16. En aval, la pratique décisionnelle (7) opère une distinction entre les aliments complets et les aliments composés minéraux et nutritionnels (aliments complémentaires composés d'oligo-éléments, de macroéléments et de vitamines, destinés à corriger les carences des rations journalières d'aliments complets pour le bétail). Elle a également envisagé l'existence d'un marché de la production et de la commercialisation de " single feed ". En ce qui concerne les aliments complets, la pratique décisionnelle (8) a envisagé une segmentation de ce marché en fonction de chaque espèce animale, la question ayant toutefois été laissée ouverte.

17. Au cas d'espèce, Agrial et Hautbois sont exclusivement actives sur le marché aval de la production et de la commercialisation d'aliments complets pour animaux d'élevage (aliments pour chevaux, bovins, volailles et ovins principalement).

18. S'agissant des marchés géographiques, la pratique décisionnelle nationale a considéré que le marché aval de la commercialisation d'aliments complets pouvait revêtir une dimension locale, correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 kilomètres autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés.

19. Au cas d'espèce, Hautbois ne dispose pas de site de production et commercialise des aliments complets dans les Pays-de-la-Loire et marginalement en Bretagne. Agrial dispose de sites de production en Ille-et-Vilaine, dans la Manche et dans la Sarthe. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur une zone recouvrant la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire.

C. LE SECTEUR DES PRODUITS D'AGROFOURNITURE

20. En matière d'agrofourniture, la pratique décisionnelle a retenu une segmentation en fonction du type de cultures, en distinguant notamment le maraîchage de la polyculture, et a envisagé l'existence d'un marché distinct de la distribution de produits pour le vignoble (9).

21. En ce qui concerne la distribution de produits d'agrofourniture destinés à la polyculture, les autorités de concurrence distinguent la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires, la distribution d'autres matériels agricoles, voire la distribution d'amendements, tout en soulignant l'existence d'une forte substituabilité du côté de l'offre dans la mesure où la très grande majorité des distributeurs propose aux agriculteurs ces différentes catégories de produits. S'agissant plus spécifiquement de la distribution de semences, il a été envisagé l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique.

22. L'Autorité de la concurrence a en revanche estimé qu'il n'y avait pas lieu de segmenter le marché par canal de distribution, les négociants et les coopératives fournissant aux agriculteurs une offre similaire (10). En effet, même si des différences importantes entre ces deux types d'acteurs (statuts, fiscalité, nature des relations contractuelles avec l'agriculteur) peuvent subsister, celles-ci ne suffisent pas à retenir l'existence de deux marchés de produits distincts.

23. S'agissant de la délimitation géographique de ces marchés, la pratique décisionnelle (11) a retenu une dimension locale pour les marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, l'analyse étant effectuée au niveau départemental. L'Autorité de la concurrence a considéré qu'en dépit de la recherche d'une certaine rationalisation dans la livraison des marchandises à partir de plateformes et lieux de stockage moins nombreux, le marché conservait une dimension locale. Dans ces conditions, et au vu des données disponibles pour le calcul des parts de marché, la présente analyse sera menée à l'échelon du département (12).

24. En l'espèce, Agrial et Hautbois sont simultanément actives sur les marchés de la distribution de semences non biologiques de céréales dans l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, la Mayenne, la Sarthe et le Maine-et-Loire ; de la distribution de semences non biologiques d'oléagineux dans l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, la Mayenne, la Sarthe et le Maine-et-Loire ; de la distribution de semences non biologiques de fourrages dans l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, la Mayenne, la Sarthe et le Maine-et-Loire ; de la distribution de semences non biologiques de pommes de terre dans la Mayenne ; de la distribution de fertilisants dans l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, la Mayenne, la Sarthe, l'Orne et le Maine-et-Loire et de la distribution de produits phytosanitaires destinés à la polyculture dans l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, la Mayenne, la Sarthe, l'Orne et le Maine-et-Loire.

III. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

1. LE SECTEUR DES CEREALES, OLEAGINEUX ET PROTEAGINEUX

a) La collecte des céréales, oléagineux et protéagineux

25. Au niveau départemental, les parts de marché des parties sont reproduites dans le tableau ci-après :

" emplacement tableau "

26. Dans les départements du Maine et Loire et de la Loire-Atlantique, l'opération notifiée ne modifiera pas de manière sensible la structure de la concurrence dans la mesure où la part de marché de la nouvelle entité reste inférieure à [0-5] % et où l'incrément occasionné par l'opération est très limité (moins de [0-5] %).

27. Dans le département de la Mayenne, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 25 %, avec un incrément de [10-20] %. Les parties feront face à de nombreux concurrents (coopératives ou négociants) dont CAM (13) (30,8 %), Terrena (23,1 %), Etablissement Rebours (3,5 %) et Etablissements Thiélin (3,1 %).

28. Dans le département de l'Ille-et-Vilaine, la part de marché de la nouvelle entité serait de [20-30] % avec un incrément relativement limité ([0-5] %). Selon les données publiées par France AgriMer, vingt-six opérateurs exercent une activité de collecte de céréales, de protéagineux et oléagineux dans l'Ille-et-Vilaine, dont Triskalia, Cecab, Le Gouessant et Etablissements Terdici (3,24 %)

29. Dans le département de la Sarthe, la part de marché de la nouvelle entité serait de [30-40] % avec un incrément très limité ([0-5] %). Selon les données publiées par France AgriMer, seize opérateurs exercent une activité de collecte de céréales, de protéagineux et oléagineux dans la Sarthe dont Agri-Négoce SA, Alifel SAS et Coopérative Axéréal.

30. Au niveau local, il existe plusieurs zones de chevauchements entre les points de collecte d'Agrial et de Hautbois :

- dans une zone de 45 km autour du silo de Hautbois situé à Dompierre-du-Chemin (35), Agrial et Hautbois disposent respectivement de [...] et [...] silos de stockage sur un total de 79, soit [30-40] % des installations présentes dans cette zone. Au moins deux coopératives concurrentes disposent d'un nombre relativement important de silos dans cette zone, CAM, Le Gouessant et Cecab-Broons, de même que certains négociants, (notamment AMC et D2N) ;

- dans une zone de 45 km autour du silo de Hautbois situé à Vitré (35), Agrial et Hautbois disposent respectivement de [...] et [...] silos de stockage sur un total de 99, soit [30-40] % des installations présentes dans cette zone. Au moins deux coopératives concurrentes disposent d'un nombre important de silos dans cette zone, CAM et Gouessant, de même que certains négociants (notamment AMC, établissements Rebours et établissements Seyeux).

- dans une zone de 45 km autour du silo de Hautbois situé à Méral (53), Agrial et Hautbois disposent respectivement de [...] et [...] silos de stockage sur un total d'au moins 88, soit [30-40] % des installations présentes dans cette zone. Au moins trois coopératives concurrentes disposent d'un nombre important de silos dans cette zone, CAM, Terrena et Gouessant, de même que certains négociants (notamment AMC, Etablissements Rebours et Etablissements Seyeux) ;

- dans une zone de 45 km autour du silo de Hautbois situé à Chazé-Henry (49), Agrial et Hautbois disposent respectivement de [...] et [...] silos de stockage sur un total d'au moins 69, soit [40-50] % des installations présentes dans cette zone. Au moins deux coopératives concurrentes disposent d'un nombre important de silos dans cette zone, Terrena et CAM, de même que certains négociants (notamment AMC) ;

- dans une zone de 45 km autour du silo de Hautbois situé à Longuefuye (53), Agrial et Hautbois disposent respectivement de [...] et [...] silos de stockage sur un total d'au moins 72, soit [30-40] % des installations présentes dans cette zone. Au moins deux coopératives concurrentes disposent d'un nombre important de silos dans cette zone, CAM et Terrena, de même que certains négociants (notamment AMC) ;

31. En conséquence, il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux.

b) La commercialisation des céréales, oléagineux et protéagineux

32. Agrial et Hautbois sont actives dans la commercialisation de céréales (blé tendre, orge et maïs, non biologiques) de protéagineux (pois et féveroles) et d'oléagineux (colza et tournesol). Leurs parts de marché cumulées sont toutefois très limitées et n'excèdent pas [0-5] % quelle que soit la segmentation envisagée.

33. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

2. LES MARCHES AVAL DES ALIMENTS COMPLETS POUR ANIMAUX D'ELEVAGE

34. Sur une zone recouvrant la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire, la part de marché cumulée des parties sera de [5-10] % sur le marché global, toutes espèces confondues ([5-10]% pour Agrial, [0-5] % pour Hautbois). Si l'on opère une segmentation par espèces, elle sera au maximum de [10-20]% pour les chevaux.

35. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés.

3. LE MARCHE AVAL DE L'AGROFOURNITURE

36. Les parties sont toutes deux actives sur les marchés de la distribution au détail de produits d'agrofourniture dans les départements du Morbihan, des Côtes d'Armor, de l'Ille-et-Vilaine, de la Loire Atlantique, de la Mayenne et de la Manche.

37. Les parts de marché des parties en valeur pour 2014 sont les suivantes :

" emplacement tableau "

Dans les départements de la Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire, les parts de marché des parties resteront inférieures à 10 %.

38. Dans les départements de la Sarthe, de l'Ille-et-Vilaine et de l'Orne, en dépit de parts de marché élevées, variant de [20-30] % à [50-60] % selon les segments envisagés, l'incrément reste limité (entre moins de [0-5] % et [0-5] %) de sorte que l'opération ne modifiera pas significativement la structure des marchés. Les parties resteront confrontées en outre à la concurrence de coopératives et négociants tels que : Triskalia (25 % de part de marché sur le marché global de l'agrofourniture (14)) en Ille-et-Vilaine ; Agri-Demeter (10 %) dans la Sarthe ; et la Coopérative Bellème (18 %) dans l'Orne. En outre, les parties seront soumises à la pression concurrentielle d'opérateurs établis dans les départements limitrophes en Loire-Atlantique (Coopérative Terrena, Etablissements Bernard Agri-services, Etablissements Boucheron) et dans les Côtes d'Armor (Triskalia, Le Gouessant et Cecab-Broons).

39. Dans la Mayenne, les parties détiendront une part de marché comprise entre [20-30] % et [40-50] % selon les segments envisagés, avec un incrément compris entre [5-10] % et [10-20] %. Les parties resteront toutefois confrontées à la concurrence d'autres acteurs significatifs tels que Coopérative Creuilly, Agri-Demeter, D2N et Etablissements Leriche.

40. Dans ce département, les parties disposent de [...] points de vente ([...] pour Agrial et [...] pour Hautbois) sur 82, et de [...] techniciens en conseil culture ([...] pour Agrial et [...] actuellement employés par Hautbois) sur 69. Les autres acteurs disposent également de plusieurs points de vente ou conseillers tels que CAM 53 (42 points de vente et 37 conseillers), Terrena/AMC (26 points de vente et 21 conseillers), Thiélin (5 points de vente et 3 conseillers), Rebours (3 points de vente et 3 conseillers), Dutertre (4 points de vente et 3 conseillers) et D2N (2 points de vente et 2 conseillers).

41. Les parties soulignent par ailleurs que près de 50 % des besoins des agriculteurs en semences de céréales dans la Mayenne sont satisfaits par l'autoconsommation, cette pratique étant susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur les distributeurs de semence.

42. Il résulte de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l'agrofourniture.

B. EFFETS VERTICAUX

43. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Deux types de verrouillages sont clairement distingués. Dans le premier cas, l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou alors le leur fournit à un prix élevé, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité dégradé (verrouillage du marché des intrants). Dans le second cas, la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter ou de distribuer les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de l'accès à la clientèle). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe ces risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

44. Au cas d'espèce, Agrial et Hautbois sont présentes à la fois sur les marchés amont de la collecte de céréales, oléagineux et protéagineux ainsi que sur les marchés aval de la commercialisation de céréales, oléagineux et protéagineux. L'opération renforce donc leur intégration verticale.

45. Les parts de marché cumulées de parties resteront toutefois inférieures à [30-40] % sur les marchés amont de la collecte de céréales, oléagineux et protéagineux (maximum dans département de la Sarthe). Sur ces marchés, les agriculteurs disposeront après l'opération de nombreux points de collecte alternatifs détenus soit par des coopératives concurrentes, soit par des négociants. S'agissant des marchés aval de la commercialisation de céréales, oléagineux et protéagineux (au niveau national), les parts de marché des parties demeureront largement inférieures à [0-5] %.

46. Il résulte de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

C. EFFETS CONGLOMERAUX

47. Une concentration a des effets congloméraux lorsque les parties étendent ou renforcent leur présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut leurs permettre d'accroitre leur pouvoir de marché. Si les concentrations conglomérales peuvent susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

48. Au cas d'espèce, Agrial et Hautbois sont présentes à la fois sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture, de la collecte de céréales oléagineux et protéagineux, et de la nutrition animale. Leurs activités se chevauchent principalement sur le département de la Mayenne. Or, il existe une connexité entre ces marchés dans la mesure où ils mettent en présence les mêmes acteurs : sur le premier, les agriculteurs interviennent en qualité d'acheteurs de semences, engrais, produits phytosanitaires auprès du réseau des deux coopératives ; sur le second ils sont vendeurs de leurs récoltes auprès de ces mêmes coopératives. De même, pour les exploitants agricoles détenant à la fois un élevage et des surfaces de terre, il existe un lien de connexité entre les marchés de la distribution d'aliments pour le bétail, les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures et les marchés de la collecte de céréales, oléagineux et protéagineux. Ainsi, les parties pourraient lier commercialement leurs ventes ou leurs achats sur ces différents marchés, en conditionnant, par exemple, l'achat des récoltes produites par les agriculteurs à une obligation préalable d'achat par ceux-ci de leurs intrants en cultures auprès de son réseau de distribution ou encore en conditionnant l'achat des récoltes produites par les exploitations agricoles détenant par ailleurs un élevage à une obligation préalable de ceux-ci d'acheter leurs aliments pour le bétail ou leurs intrants pour cultures auprès de la nouvelle entité.

49. Plusieurs facteurs permettent cependant d'écarter un risque de verrouillage. Premièrement, la part de marché cumulée des parties sera, quel que soit le segment de marché considéré, inférieure à [50-60] % sur le marché de la distribution de produits d'agrofourniture pour cultures (au niveau départemental), à [30-40] % sur le marché de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux (au niveau départemental) et à [5-10] % sur le marché de la distribution d'aliments pour le bétail auprès des éleveurs (zone recouvrant la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire).

50. Deuxièmement, les statuts d'Agrial, tels que modifiés à la suite de la décision de l'Autorité de la concurrence du 10 octobre 2011 (15) permettent à l'ensemble de ses adhérents de s'approvisionner auprès d'autres distributeurs de produits d'agrofourniture à hauteur de 50 %, de livrer ou non la totalité des produits de son exploitation à la coopérative et de souscrire ces engagements indépendamment l'un de l'autre. En outre, dans le cadre de cette décision, Agrial s'était précisément engagé à " à ne pas lier, sous quelconque forme, la collecte de produits à une obligation préalable d'approvisionnement par l'exploitant agricole " (16). Ces engagements antérieurement souscrits permettent d'écarter un risque d'effet congloméral à l'égard des adhérents Agrial (17).

51. En outre, les principaux concurrents actifs sur la zone concernée sont également présents sur chacun des marchés pouvant faire l'objet de ventes/achats liés, notamment les groupes CAM, Triskalia et Cecab-Broons qui assurent à la fois une activité de distribution d'aliments pour le bétail, une activité de distribution de produits d'agrofourniture pour cultures et une activité de collecte de récoltes. Ces concurrents disposent ainsi, quelle que soit la capacité et l'incitation de la future entité à verrouiller les marchés concernés, des moyens de faire échec à une éventuelle stratégie de celle-ci en ce sens.

52. Dès lors, le risque d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux peut être écarté.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-115 est autorisée.

Notes :

1 Articles 10.1, 10.2 et 10.3 du pacte d'actionnaires.

2 Voir notamment les décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-42 du 26 mars 2012 relative à la fusion entre la coopérative Champagne Céréales et la coopérative Nouricia, n° 13-DCC-170 du 20 novembre 2013 relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal, n° 14-DCC-155 du 27 octobre 2014 relative à la fusion des coopératives Agrial et Coralis et à la prise de contrôle exclusif des activités de transformation laitières de Coralis par les groupes Agrial et Eurial ; décision n° 15-DCC-34 du 23 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la SICA SA Vegam et d'un fonds de commerce de jardinerie par la coopérative agricole Agrial et décision n° 15-DCC-52 du 12 mai 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Anjou Maine Céréales par la coopérative agricole Terrena.

3 Id.

4 Id.

5 Voir notamment les décisions 12-DCC-42 et n° 14-DCC-155 précitées.

6 Voir par exemple la lettre du ministre n° C2008-29 du 4 juin 2008 aux conseils de la société coopérative Agrial et de la société coopérative Union Set relative à une concentration dans le secteur des coopératives agricoles ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-103 du 30 juillet 2012 relative à la création d'une entreprise commune regroupant les activités de production et de commercialisation d'alimentation animale d'InVivo, Euréa et Ucal dans le centre de la France n° 13-DCC-37 du 26 mars 2013 relative à la création d'une entreprise commune regroupant les activités d'alimentation animale d'Unicor, Qualisol et InVivo dans le sud de la France et la décision n° 14-DCC-155 précitée ; décisions n° 15-DCC-34 du 23 mars 2015 et n° 15-DCC-52 du 12 mai 2015 précitées.

7 Id.

8 Voir par exemple la lettre du ministre n° C2008-29 précitée.

9 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-42, n° 13-DCC-17, n° 14-DCC-155, n° 15-DCC-34 du 23 mars 2015 et n° 15-DCC-52 du 12 mai 2015 précitées. précitées.

10 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-150 précitée.

11 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150, n° 12-DCC-42, n° 14-DCC-15, n° 15-DCC-34 du 23 mars 2015 et n° 15-DCC-52 du 12 mai 2015 précitées.

12 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 et 12-DCC-49 précitées.

13 Coopérative des agriculteurs de la Mayenne.

14 Les parties n'étant pas parvenues à évaluer les parts de marché de leurs concurrents sur les différents segments, les estimations ne concernent que le marché global de l'agrofourniture. 10

15 Décision n° 11-DCC-150 du 10 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial.

16 Idem, p. 191. 12

17 Voir décision n° 15-DCC-34 du 23 mars 2015.