CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 27 octobre 2015, n° 14-14239
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Michelin Travel Partner (SAS), Manufacture Française Des Pneumatiques Michelin
Défendeur :
La Fourchette (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
Mes Teytaud, Tellier-Loniewski, Brunot, Boccon Gibod, Por
Motifs de l'arrêt
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Considérant que la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a été constituée le 23 octobre 1951 et a pour objet toutes opérations et entreprises se rattachant directement ou indirectement à la production, la fabrication et la vente de caoutchouc, à tous les degrés de fabrication, sous toutes ses formes et pour tous usages et généralement, toutes opérations commerciales, industrielles, immobilières, mobilières et financières se rattachant directement ou indirectement, en totalité ou en partie, à l'un quelconque de ces objets, ou à tous objets similaires ou connexes ;
Que la SAS Michelin Travel Partner a été constituée le 30 novembre 2000 et a pour objet la conception, le développement, la négociation et la vente, y compris à distance, de tous biens et de tous services se rapportant au domaine en particulier routier du déplacement intra et interurbain, ainsi qu'aux domaines du tourisme et du voyage, par l'intermédiaire de tous moyens et, plus généralement, toutes opérations de quelque nature qu'elles soient se rattachant directement ou indirectement à cet objet, ou à tous objets similaires ou connexes et susceptibles d'en faciliter le développement ou la réalisation ;
Que les sociétés Michelin rappellent que le Guide Michelin, imaginé en 1900, s'est étoffé à partir de 1926 de son système de classification 'Les étoiles de bonnes tables' lui conférant, selon elles, un statut d'institution dans le monde de la gastronomie, ce guide devenant une référence aux yeux du public et des médias ;
Qu'édité initialement par la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin, ce guide l'est depuis le 02 janvier 2012 par la SAS Michelin Travel Partner, à laquelle l'activité cartes et guides dans son ensemble (dont le Guide Michelin) a été transférée par un apport partiel d'actifs ;
Que le site <www.viamichelin.com>, lancé en 2001 et édité par la SAS Michelin Travel Partner, propose une offre de services pour se déplacer en ville et voyager sur la route, permettant notamment aux internautes d'accéder à toutes les adresses sélectionnées par le Guide Michelin ;
Que la SAS La Fourchette édite depuis 2007 le site <www.lafourchette.com> proposant aux internautes un service de réservation de restaurants sur Internet et sur téléphone mobile en France, Espagne et Suisse, permettant de trouver un restaurant en fonction de critères spécifiques et de le réserver en ligne avec la possibilité de bénéficier de promotions dans certains restaurants ;
Qu'elle expose disposer d'une équipe commerciale présentant son activité et ses services aux restaurateurs en s'assurant que les critères de prix et de qualité respectent bien ceux de son site, les restaurateurs déterminant eux-mêmes les informations concernant leur restaurant qu'ils souhaitent mettre en ligne sur le site <www.lafourchette.com> ;
Que le 06 mars 2012 la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a lancé le site Internet du Guide Michelin, <www.restaurant.michelin.fr> venant en concurrence avec le site de la SAS La Fourchette ;
Que les sociétés Michelin ont fait dresser le 25 avril 2012 un procès-verbal de constat d'huissier établissant selon elles que les données provenant du Guide Michelin étaient reprises sur le site <www.lafourchette.com> et mises à la disposition du public au moyen de deux cheminements accessibles à partir de la page d'accueil, un procès-verbal de constat dressé les 28 et 29 avril 2012 portant quant à lui sur l'application disponible sur Iphone(r) de la SAS La Fourchette ;
Qu'estimant que l'utilisation de la base de données du guide et la publicité faite autour de la présence des adresses du Guide Michelin constituaient des actes fautifs, les sociétés Michelin ont fait assigner le 20 juillet 2012 la SAS La Fourchette devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur sur cette base de données, pour atteinte au droit sui generis du producteur de la base de données et en parasitisme ;
Considérant que le jugement entrepris a, en substance :
- dit que la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin est irrecevable à agir,
- dit que la SAS Michelin Travel Partner est recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur du Guide Rouge Michelin, débouté la SAS Michelin Travel Partner de sa demande en contrefaçon de droits d'auteur des Guides Rouges Michelin 2009, 2010, 2011 et 2012,
- débouté la SAS Michelin Travel Partner de sa demande au titre de ses droits de producteur de base de donnée,
- dit que la SAS La Fourchette a commis des actes parasitaires à l'encontre de la SAS Michelin Travel Partner en utilisant indûment la notoriété et l'image du Guide Michelin,
- interdit en tant que de besoin à la SAS La Fourchette de faire sur son site Internet accessible à l'adresse <www.lafourchette.com> ainsi que sur ses applications pour Smartphones(r) de la publicité autour du Guide Michelin,
- condamné la SAS La Fourchette à payer à la SAS Michelin Travel Partner la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté la SAS Michelin Travel Partner de ses demandes de réparation complémentaires,
- débouté la SAS La Fourchette de sa demande reconventionnelle,
- condamné la SAS La Fourchette à payer à la SAS Michelin Travel Partner la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;
I : Sur la recevabilité à agir de la sca manufacture française des Pneumatiques michelin :
Considérant que la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin soutient subir un préjudice distinct de la SAS Michelin Travel Partner nonobstant le traité d'apport partiel d'actif du 02 janvier 2012 par lequel elle a fait apport à cette dernière de la branche d'activité 'tourisme' comprenant, entre autres, l'édition du Guide Michelin ;
Qu'elle affirme profiter directement des retombées du Guide Michelin qui la différencie des autres fabricants de pneumatiques et demeure un instrument de communication et de valorisation essentiel de ses activités ;
Qu'elle en conclut que l'atteinte à la valeur économique que constitue la base de données, le Guide Michelin et le signe " Guide Michelin ", du fait de leur détournement et de leur exploitation abusive par la SAS La Fourchette entraîne pour elle un détournement de la politique de communication mise en place pour promouvoir son image de marque ; qu'ainsi elle doit être déclarée recevable à agir en réparation du préjudice qui lui est propre ;
Considérant que la SAS La Fourchette conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin irrecevable en toutes ses demandes en raison de la subrogation réalisée dans les conditions de l'article 1250 du Code civil de la SAS Michelin Travel Partner dans ses droits et actions ;
Qu'elle soutient que du fait du traité d'apport partiel d'actif conclu entre les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner, la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin se trouve aujourd'hui dépourvue d'intérêt et de qualité à agir dans le cadre du présent litige ;
Considérant ceci exposé, qu'il ressort des pièces versées aux débats que la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a signé le 02 janvier 2012 avec la SAS Michelin Travel Partner un traité d'apport partiel d'actif transférant à cette dernière la branche complète et autonome de l'activité de services de tourisme, ce traité ayant ensuite été régulièrement inscrit le 19 mars 2012 au registre du commerce et des sociétés ;
Que par ce traité la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a fait apport à la SAS Michelin Travel Partner " de l'intégralité des éléments d'actif et de passif rattachés à la branche d'activité, sans réserve ni exception', cette dernière étant 'subrogée purement et simplement dans tous les droits, actions, hypothèques et inscriptions qui pourront être attachés aux créances de M.F.P.M. comprises dans la branche d'activité à la date de réalisation de l'Apport " et ayant, " après réalisation définitive de l'Apport, tous pouvoirs pour, en lieu et place de M.F.P.M., intenter ou poursuivre, tant en demande qu'en défense, toutes actions judiciaires et procédures arbitrales, donner tous acquiescements à toutes décisions, recevoir ou payer toutes sommes dues en suite de ces procédures et décisions " ; que l'édition du Guide Michelin figure expressément parmi les actifs ainsi transmis (page 2 du traité, paragraphe 'Motifs et but de l'opération') ;
Considérant que ces deux sociétés ont expressément déclaré soumettre cet apport partiel d'actifs au régime des scissions visé par les dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 du Code de commerce, comme le permet l'article L. 236-22 dudit Code ;
Qu'il résulte des dispositions susvisées que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le cas d'un apport partiel d'actif, il s'opère de la société apporteuse à la société bénéficiaire, laquelle est substituée à la première, une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité faisant partie de l'apport ;
Qu'il s'est ainsi produit, conformément aux dispositions de l'article 1250 du Code civil, une subrogation conventionnelle de la SAS Michelin Travel Partner dans les droits et actions de la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin relativement à la branche de l'activité de services de tourisme, comprenant notamment l'édition du Guide Michelin, étant observé que l'acte introductif d'instance dans la présente affaire a été signifié postérieurement à cette subrogation ;
Considérant que de ce fait seule la SAS Michelin Travel Partner a intérêt à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile, pour l'ensemble des droits et actions portant sur le Guide Michelin, sa base de données et le signe " Guide Michelin ", y compris ceux existant antérieurement à l'apport ;
Considérant que dans la mesure où il a été ainsi fait l'apport de l'intégralité des éléments d'actif rattachés à la branche d'activité, sans réserve ni exception, la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin ne saurait sérieusement soutenir que nonobstant ce transfert complet d'actifs à la SAS Michelin Travel Partner, elle demeurerait titulaire de l''instrument de communication et de valorisation essentiel [de ses] activités que serait également le Guide Michelin à son égard et aurait ainsi un intérêt légitime à agir aux côtés de la SAS Michelin Travel Partner dans le présent litige ;
Considérant en conséquence que la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin est dépourvue du droit d'agir et donc irrecevable à agir conformément aux dispositions de l'article 32 du Code de procédure civile ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déclarée irrecevable à agir ;
II : Sur les demandes au titre du droit d'auteur :
La titularité de l'œuvre et la durée de sa protection :
Considérant que la SAS La Fourchette soutient qu'à supposer que les appelantes n'aient jamais été titulaires de droits d'auteur, ceux-ci seraient expirés depuis 1971 en application des dispositions de l'article L. 123-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que la SAS Michelin Travel Partner réplique que pour les œuvres collectives faisant l'objet de mises à jour, la jurisprudence considère que les refontes successives donnent naissance à de nouvelles œuvres collectives dérivées et bénéficiant de la même durée de protection que l'œuvre initiale et qu'en l'espèce le Guide Michelin est une œuvre collective par réédition ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le Guide Michelin est une œuvre collective au sens de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 123-3, la durée du droit exclusif pour les œuvres collectives est de 70 années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l'œuvre a été publiée ;
Mais considérant que les refontes et mises à jour successives d'une œuvre collective, qui ont donné naissance à de nouvelles œuvres collectives dérivées des précédentes, indivisiblement fondues avec elles, font l'objet d'une protection propre de la même durée que l'œuvre initiale et qui persiste alors même que l'œuvre première serait tombée dans le domaine public ;
Considérant qu'en l'espèce le Guide Michelin fait depuis 1900 l'objet de rééditions annuelles et que la SAS Michelin Travel Partner justifie du caractère substantiel des mises à jour successives du guide faisant de chaque réédition une nouvelle œuvre dérivée ;
Considérant en effet qu'il sera en premier lieu relevé que si le Guide Michelin existe sur papier depuis 1900, les rubriques relatives à l'hôtellerie et à la gastronomie n'ont été insérées que progressivement dans le guide à l'occasion de ses rééditions ; qu'ainsi ce n'est qu'en 1923 qu'apparaît la rubrique " Hôtels et restaurants recommandés " et en 1926 l'attribution d'une première étoile noire signalant une " table renommée " ; que l'existence d'une deuxième étoile n'est apparue qu'en 1931 et la troisième étoile en 1936 ; qu'en 2000 le guide a ajouté une courte description de chaque établissement cité ;
Considérant que la sélection des établissements évolue à chaque édition, la qualité ou même l'existence d'un hôtel ou d'un restaurant pouvant varier sensiblement d'une année à l'autre ; qu'il apparaît ainsi que pour le seul premier arrondissement de Paris, le nombre de restaurants référencés (qui était nul dans la première édition de 1900) varie de 20 (en 1960) à 33 (en 2011) et que sur ce nombre seuls quatre restaurants sont présents dans chacune des éditions pendant cette période ;
Considérant que la version dématérialisée du Guide Michelin depuis 2001 constitue également une œuvre collective dérivée du fait de l'adaptation de la version papier, étant observé que le site Internet initial<www.viamichelin.com>, est avant tout un guide routier permettant de calculer un itinéraire et d'accéder aux adresses sélectionnées par le Guide Michelin et que le site Internet <www.restaurant.michelin.fr> créé en 2012 est une nouvelle adaptation dérivée du guide papier ;
Considérant en conséquence que chacune des rééditions annuelles du Guide Michelin ainsi que ses deux versions dématérialisées en 2001 et 2012 constitue une œuvre collective dérivée bénéficiant personnellement de la durée de protection des œuvres collectives prévue à l'article L. 123-3 ;
Considérant qu'en ce qui concerne la propriété de cette œuvre collective, il est constant que le Guide Michelin a été divulgué annuellement jusqu'en 2012 par la SCA Manufacture Française des Pneumatiques Michelin dans les droits et actions de laquelle la SAS Michelin Travel Partner est désormais subrogée ; que cette dernière est donc, conformément aux dispositions de l'article L. 113-5 précité, présumée être la propriétaire de cette œuvre ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la SAS Michelin Travel Partner est recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur du Guide Michelin ;
La protection au titre du droit d'auteur de la base de données :
Considérant que dans ses dernières conclusions, la SAS Michelin Travel Partner revendique des droits d'auteur sur le Guide Michelin, que ce soit dans sa version papier ou dans sa version électronique, en tant que base de données au sens de l'article L. 112-3, dernier alinéa du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elle indique que depuis 2000 ce guide est en effet créé à partir d'une base de données numérique source dite GA (pour Guide Annuel) dans laquelle les données sont versées puis exportées sous différents formats ;
Qu'elle revendique à ce titre l'originalité de la sélection des données contenues dans la base, l'originalité de la disposition des matières (présentation générale, Code couleur, graphisme), l'originalité du choix des matières (qualité des produits, maîtrise des cuissons et des saveurs, personnalité du chef dans ses plats, rapport qualité-prix, constance de la prestation dans le temps), chacune des adresses retenues étant le fruit d'un triple travail de recherche, test et classification en lien avec les chartes et critères de sélection mis en place ;
Considérant que la SAS La Fourchette soutient que la protection des bases de données par le droit d'auteur a pour objet la structure de la base de données, et non son contenu et que les appelantes ne définissent pas les caractéristiques prétendument originales des œuvres invoquées ;
Qu'elle en conclut que faute d'une démonstration du caractère original du Guide Michelin dans sa version papier et dans sa version numérique, les appelantes ne peuvent se prévaloir d'une quelconque protection sur le fondement du droit d'auteur sur la base de données ;
Considérant ceci exposé, que l'article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que les auteurs de recueils de données diverses, telles que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles, bénéficient de la protection au titre du droit d'auteur ;
Que le second alinéa de cet article précise qu''on entend par base de données un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ;
Considérant que cet article doit être interprété à la lumière des articles 1 à 6 de la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, dont il est la transposition en droit interne ;
Que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt Football Dataco du 01 mars 2012 que :
L'article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens qu'une "base de données", au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, est protégée par le droit d'auteur prévu par celle-ci à condition que le choix ou la disposition des données qu'elle contient constitue une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
Par conséquent :
- les efforts intellectuels et le savoir-faire consacrés à la création desdites données ne sont pas pertinents pour déterminer l'éligibilité de ladite base à la protection par ce droit ;
- il est indifférent, à cette fin, que le choix ou la disposition de ces données comporte ou non un ajout significatif à celles-ci, et
- le travail et le savoir-faire significatifs requis pour la constitution de cette base ne sauraient, comme tels, justifier une telle protection s'ils n'expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contient.'
Que la CJUE précise au point 32 de son arrêt que 'les notions de "choix" et de "disposition", au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9, visent, respectivement, la sélection et l'agencement de données, par lesquels l'auteur de la base confère à celle-ci sa structure et ne couvrent pas la création des données contenues dans cette base' et en conclut, à son point 33, que 'les éléments (...) relatifs aux efforts intellectuels ainsi qu'au savoir-faire consacrés à la création de données ne sauraient entrer en ligne de compte pour apprécier l'éligibilité de la base de données qui les contient à la protection par le droit d'auteur prévue par la directive 96/9" ;
Considérant qu'en l'espèce, s'agissant d'une base de données destinée à la confection d'un guide recensant et classant selon leur qualité les hôtels et les restaurants, le travail de sélection de ces établissements tel que revendiqué par la SAS Michelin Travel Partner au titre du droit d'auteur de la base de données ainsi que le Code couleur et le graphisme utilisés ne portent que sur la création des données elles-mêmes et non pas sur la structuration de la base de données par le choix et l'agencement de ces données ;
Considérant qu'en ce qui concerne donc la base de données proprement dite, il apparaît que le choix des éléments expressément revendiqués par la SAS Michelin Travel Partner pour les restaurants au titre du droit d'auteur (qualité des produits, maîtrise des cuissons et des saveurs, personnalité du chef dans ses plats, rapport qualité-prix, constance de la prestation dans le temps) est dicté par le sujet même de la base de données et par son objet et ne présente donc aucune originalité ;
Que la disposition de ces données par une présentation dans l'ordre alphabétique des communes (avec pour les plus importantes un plan de celles-ci) puis, dans chacune d'elles, par la qualité attribuée à chaque établissement, par ordre décroissant, est strictement fonctionnelle et ne présente aucun caractère spécifique ou inédit ;
Considérant en conséquence que le choix et la disposition des données contenues dans la base de données revendiquée par la SAS Michelin Travel Partner au titre du droit d'auteur sont banals et ne constituent pas une expression originale de la liberté créatrice de son auteur ;
Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Michelin Travel de sa demande en contrefaçon de droits d'auteur ;
III : Sur les demandes au titre de la protection sui generis du Producteur de base de données :
L'existence d'investissements substantiels :
Considérant que la SAS Michelin Travel Partner présente aussi des demandes en sa qualité de producteur de sa base de données en faisant valoir qu'elle a engagé des investissements substantiels pour l'obtention, la vérification et la présentation du contenu de la base de données du Guide Michelin, exclusivement dédiés à la base de données et datant de moins de quinze ans ;
Qu'elle produit à cette fin un rapport d'expertise privée concluant que le montant total des investissements s'élève à la somme de 7 520 000 euros sur la période de l'année 2001 au premier semestre 2012 inclus ;
Qu'elle affirme que ces investissements ne sont pas affectés à la création du contenu de la base mais à la création de la base elle-même en termes de structure et portent sur les développements, outils informatiques et services informatiques permettant de traiter et présenter le contenu sous forme de base de données, ainsi que sur l'hébergement et l'administration de la base ;
Considérant que la SAS La Fourchette réplique que la SAS Michelin Travel Partner ne démontre pas d'investissements substantiels de nature à ouvrir droit à une protection, faute de définir avec précision et spécificité les investissements qu'elle aurait consentis et qui seraient de nature à ouvrir droit à une nouvelle période de protection de quinze ans, eu égard à l'ancienneté du Guide Michelin qui a commencé à classifier les restaurants au moyen d'étoiles, à compter de 1926 ;
Qu'elle soutient que les éléments mis en avant par la SAS Michelin Travel Partner ne correspondent pas à des investissements de nature à ouvrir droit à une protection dans la mesure où ils sont exclusivement liés à la création des éléments de la base de données, avant leur intégration dans cette base ;
Qu'elle ajoute qu'à supposer même qu'il existe un objet susceptible de protection, il ne pourrait s'agir que du Guide Michelin dématérialisé, les investissements invoqués ne concernant que cette seule version dématérialisée ;
Considérant ceci exposé, qu'en application des dispositions de l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection spécifique (qualifiée de sui generis) du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel ;
Que l'article L. 343-5 précise que la durée de protection du droit sui generis du producteur de base de données est de quinze ans à compter de l'achèvement de la base ou de sa mise la disposition du public ;
Qu'il importe peu que la constitution d'une base de données soit liée à l'exercice de l'activité principale de la SAS Michelin Travel Partner, également créatrice des éléments contenus dans cette base, tout producteur d'une base de données ayant un intérêt à investir dans le champ de son activité ;
Considérant que les articles L. 341-1 et suivants sont la transposition, en droit français, des articles 7 à 11 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 dont l'objectif, selon son 39 ème considérant, est " de protéger les fabricants de bases de données contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu " et doivent être interprété à la lumière de cette directive ;
Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne, dans quatre arrêts du 09 novembre 2004 (affaire The British Horseracing Board Ltd et a. c/ William Hill Organization Ltd - affaires Fixtures Marketing Ltd c/ Oy Veikkaux Ab, Svenska Spel AB et Organismos prognostikon agonon podosfairou AE), a dit pour droit que 'la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7, paragraphe 1 de la directive (...) doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base', à l'exclusion des " moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données " ; que la " notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données (...) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ", à l'exclusion des " moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d'éléments par la suite rassemblés dans une base de données " ;
Considérant que ce droit sui generis n'est donc pas destiné à stimuler la création de données mais à rentabiliser l'investissement affecté à la constitution d'un ensemble informationnel ; qu'il appartient à la SAS Michelin Travel Partner de justifier que les investissements qu'elle invoque sont bien relatifs à la collecte de données utilisées pour les éditions annuelles du Guide Michelin, à la mise à jour de sa base et à son architecture ;
Considérant que la SAS Michelin Travel Partner produit à cette fin un rapport d'expertise privée rédigé le 05 février 2015 par M. Stéphane LIPSKI, expert en informatique et en comptabilité près la cour de céans, régulièrement soumis au débat contradictoire ;
Considérant que cet expert précise que la base de données a été constituée à l'issue de premières études réalisées en 1999 et d'une étude de faisabilité réalisée en 2001-2002 et qu'elle est constituée sur le plan technique de deux écosystèmes principaux : le bloc de données GA (pour Guide Annuel) comportant exclusivement des contenus gastronomiques et d'hébergement, et le bloc de données Themaforum, alimenté par l'écosystème GA et intégrant également des données touristiques provenant de la collection Le Guide Vert ;
Qu'il convient ainsi de distinguer séparément ces deux écosystèmes, seul le bloc GA étant en totalité consacré au Guide Michelin, objet du présent litige ;
Que la conception et la constitution initiale de la base de données GA a débuté en 2001, que sa réalisation s'est déroulée entre les années 2003 à 2005 avec l'aide d'un prestataire externe (Sword), cette base de données étant initialement hébergée chez Michelin avant d'être désormais hébergée en externe chez IBM ;
Considérant que l'expert indique n'avoir pris en compte que les seuls coûts de conception, de constitution, de saisie, de mise à jour, de contrôle, d'organisation et de maintenance des données, à l'exclusion des coûts de création des données elles-mêmes, et avoir retenu comme période celle courant de 2001 (début de la conception et constitution initiale de la base de données) au premier semestre 2012 ;
Considérant qu'en ce qui concerne les investissements réalisés pour la constitution du bloc GA, l'expert retient la somme de 2 682 000 euros pour la période 2001-2006 dont 1 026 000 euros liés à l'intervention du fournisseur Sword (selon factures détaillées en annexe 4 de son rapport) et 1 656 000 euros liés aux coûts internes (temps passé par les équipes internes à la conception, la définition des besoins et les échanges avec le prestataire pour la réalisation du bloc GA selon la comptabilité interne de la SAS Michelin Travel Partner) ;
Qu'il retient encore pour la période 2005-2012 la somme de 479 000 euros pour la réalisation d'adaptations et d'évolutions et d'exports dont 40 000 euros liés à l'intervention du fournisseur Jouve (paramétrage d'un photocompositeur et ses adaptations permettant d'automatiser la mise en page de chaque édition, selon factures détaillées en annexe 6) et 439 000 euros liés aux coûts internes (affectation d'un collaborateur à temps plein pour réaliser les évolutions nécessaires aux exports) ;
Qu'il retient pour la période 2005-2012 la somme de 988 000 euros pour la maintenance annuelle et applicative et la somme de 246 000 euros pour l'administration de la base dont les coûts ont été supportés en interne (affectation à temps plein de collaborateurs) ;
Considérant qu'en ce qui concerne les investissements réalisés pour la constitution du bloc Themaforum, l'expert retient la somme de 5 775 000 euros dont 2 697 000 euros pour les coûts externes (ensemble des prestataires ayant mis à disposition du personnel affecté au développement des composants de Themaforum selon détail en annexe 11) et 3 078 000 euros pour les coûts internes (temps passé par les différents collaborateurs intervenant sur Themaforum) ;
Que dans la mesure où les investissements consacrés à l'écosystème Themaforum sont également en partie rattachables à la collection Le Guide Vert, l'expert a étudié différents agrégats pour définir une clé de répartition applicable à ces investissements, estimant que la part des ressources affectable au Guide Michelin ressort à 42 % ; qu'il retient donc en ce qui concerne les coûts liés au bloc Themaforum, la somme de 2 426 000 euros ;
Mais considérant que l'expert s'est refusé à chiffrer sa clé de répartition " pour des raisons de confidentialité et de secret des affaires ", se contentant de citer le poids relatif du Guide Michelin pour chacune des agrégats étudiés ; que cette opacité ne permet pas à la partie adverse de discuter contradictoirement de la pertinence du taux ainsi retenu ;
Qu'ainsi la cour n'est pas en mesure de retenir, au titre des investissements, ceux concernant l'écosystème Themaforum dont il n'est pas justifié de leur rattachement exclusif à la base de données servant à la conception du Guide Michelin dont il sera au demeurant rappelé qu'il ne s'agit pas d'un guide touristique mais uniquement d'un guide hôtelier et gastronomique ;
Considérant que la cour ne saurait également retenir la somme de 699 000 euros correspondant au coût des investissements réalisés pour la création de l'application mobile Guide Michelin, lesquels ne portent pas sur la constitution, la vérification ou la présentation de la base de données elle-même au sens de l'article L. 341-1 ;
Considérant qu'il s'ensuit que pour la période 2001 - 2012, le montant total des investissements pouvant être retenus s'élève à la somme de 4 395 000 euros ; qu'ainsi la SAS Michelin Travel Partner justifie bien du caractère substantiel de ses investissement pour la création, la vérification et la présentation de sa base de données ;
L'extraction et/ou la réutilisation d'une partie substantielle du contenu de la base de données :
Considérant que la SAS Michelin Travel Partner affirme que la SAS La Fourchette a porté atteinte à ses droits de producteur de base de données en extrayant une partie substantielle du contenu de celle-ci en créant un formulaire d'adhésion destiné aux restaurateurs souhaitant se faire référencer sur son site, qui comporte un champ réservé à la mention de la sélection dans le Guide Michelin Qu'elle fait valoir que selon les procès-verbaux de constat d'huissier des 28 et 31 octobre 2011 et du 25 avril 2012, la SAS La Fourchette a, concernant la région parisienne, extrait 160 adresses/données sur un total de 420 adresses/données concernant le Guide Michelin 2009, 200 adresses/données sur un total de 424 concernant le Guide Michelin 2010, 200 adresses/données sur un total de 423 concernant le Guide Michelin 2011 et 194 adresses/données sur un total de 453 concernant le Guide Michelin 2012, représentant un taux d'extraction de 38 % pour le Guide Michelin 2009, de 47 % pour le Guide Michelin 2010, de 47 % pour le Guide Michelin 2011 et de 42,8 % concernant le Guide Michelin 2012 ;
Qu'elle ajoute que les données extraites portent sur des informations essentielles à l'activité de la SAS La Fourchette, qui perçoit une commission sur les réservations effectuées par l'intermédiaire de son site Internet, et qui font précisément la valeur de la base de données constituées du Guide Michelin ;
Qu'elle précise que la SAS La Fourchette réutilise le contenu de la base de données car elle est l'éditrice de son site Internet en jouant un rôle actif dans l'élaboration des fiches de restaurant en collectant auprès des restaurateurs des informations qu'elle a préalablement déterminées, en saisissant les informations communiquées, en établissant elle-même la fiche de restaurant correspondante, en rédigeant la description de l'établissement et en mettant en ligne l'ensemble de ces contenus sur son site Internet, de telle sorte qu'elle ne peut prétendre au bénéfice de responsabilité allégée de la loi du 21 juin 2004 (dite LCN) et que les actes qui lui sont reprochés lui sont donc directement imputables ;
Considérant que la SAS La Fourchette réplique que les entrées parisiennes ne constituent pas une base de données distincte et que la base de données revendiquée contient 27 194 restaurants pour la France seule et que le volume de la prétendue extraction/réutilisation qui lui est reprochée serait de 160 à 200 entrées, soit moins de 1 % du volume de la base pour laquelle les investissements auraient été consentis ;
Qu'elle fait valoir que selon les appelantes elles-mêmes, le fait de mentionner dans les fiches des restaurants le fait que ceux-ci sont mentionnés dans le Guide Michelin n'est pas fautif, pas davantage que ne l'est le fait de porter cette information à la connaissance des internautes ;
Qu'elle affirme en outre ne pas avoir la qualité d'éditeur de son site Internet dans la mesure où elle n'a pas le contrôle de ce que les restaurateurs choisissent de mentionner, en ce qui concerne leurs établissements et où elle n'est donc, à cet égard, qu'hébergeur, de sorte que sa responsabilité en saurait être recherchée en tant qu'éditeur au sens de la loi du 21 juin 2004 ;
Considérant ceci exposé, que l'article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :
" Le producteur de bases de données a le droit d'interdire :
1° L'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme.'
Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt The British Horseracing Board Ltd et a. c/ William Hill Organization Ltd précité que 'la notion de partie substantielle, évaluée de façon quantitative, du contenu d'une base de données (...) se réfère au volume de données extrait et/ou réutilisé de la base et doit être appréciée par rapport au volume du contenu total de la base " et que " la notion de partie substantielle, évaluée de façon qualitative, du contenu d'une base de données se réfère à l'importance de l'investissement lié à l'obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de l'objet de l'acte d'extraction et/ou de réutilisation, indépendamment de savoir si cet objet représente une partie qualitativement substantielle du contenu général de la base de données protégée " ;
Considérant que sur le plan quantitatif, la SAS Michelin Travel Partner ne fait état que de l'extraction des bases de données relatives aux adresses parisiennes figurant dans les éditions successives de son Guide Michelin et que selon ses propres affirmations, corroborées par les procès-verbaux de constats d'huissier précités, ce nombre d'adresses/données varie de 160 (pour l'édition 2009 du Guide Michelin) à 194 (pour l'édition 2012) et 200 (pour les éditions 2010 et 2011) ;
Considérant que conformément à la jurisprudence européenne précitée, il faut se référer non pas aux seules adresses/données parisiennes de la base de données mais au volume du contenu total de la base qui concerne la France entière, soit 27 194 restaurants ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats ;
Qu'il s'ensuit que le volume des données extraites n'est que de 0,59 % pour l'édition 2009, de 0,74 % pour les éditions 2010 et 2011 et de 0,71 % pour l'édition 2012, de telle sorte qu'il n'est pas démontré l'extraction d'une partie quantitativement substantielle du contenu de la base de données de la SAS Michelin Travel Partner ;
Considérant que sur le plan qualitatif, la SAS Michelin Travel Partner invoque le caractère stratégique et d'actualité de la sélection et du classement établis par le Guide Michelin, renouvelable chaque année et rendu public en février/mars ;
Que toutefois pour justifier d'une extraction d'une partie qualitativement substantielle de sa base de données la SAS Michelin Travel Partner ne fait état que du formulaire d'adhésion proposé par la SAS La Fourchette aux restaurateurs souhaitant se faire référencer sur son site Internet et qui comporte une partie " infos pratiques " leur permettant de préciser, le cas échéant, leur distinction dans le Guide Michelin ; qu'elle affirme que ce formulaire constituerait un outil d'extraction du contenu de sa base de données, dans la mesure où il permettrait à la SAS La Fourchette de collecter et réutiliser pour le compte de son propre site Internet les données relatives au Guide Michelin ;
Mais considérant que l'encart " Infos pratiques " figurant au bulletin d'adhésion que les restaurateurs doivent remplir pour figurer sur le site Internet de la SAS La Fourchette permet simplement à ceux-ci d'ajouter certaines précisions d'ordre pratique pour les internautes, à savoir l'acceptation de cartes de crédit comme moyen de paiement (Mastercard(r), Visa(r), American Express(r), chèques), certains critères d'originalité de l'établissement (terrasse, jardin, vue exceptionnelle) et de services (anglais parlé, climatisé, accès handicapé) et enfin l'indication que le restaurant figure dans les principaux guides gastronomiques (Gault-Millau, Routard, Lebey et le Guide Michelin) avec la note attribuée par ces guides à l'établissement ;
Considérant qu'il est permis de s'interroger sur la matérialité même d'actes d'extraction de la base de données de la SAS Michelin Travel Partner dès lors que les éléments invoqué par elle comme provenant de cette extraction ne sont en réalité que les renseignements fournis par les restaurateurs eux-même et que la SAS Michelin Travel Partner admet elle-même dans ses conclusions que " la référence à une distinction dans le Guide MICHELIN n'est pas, en soi, interdite " et qu'elle " ne [reproche] pas aux restaurateurs de faire état d'une distinction attribuée à leur établissement " (page 34 des conclusions des appelantes) ; qu'elle ajoute encore ne pas se plaindre 'de ce que les internautes, qui cherchent à s'informer sur un restaurant, soient informés de la distinction reçue par ce restaurant' (page 34 des conclusions) ;
Qu'il n'est donc pas démontré l'extraction d'une partie qualitativement substantielle du contenu de la base de données de la SAS Michelin Travel Partner ;
Considérant dès lors - et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la qualité d'hébergeur ou d'éditeur de la SAS La Fourchette au sens de la LCEN - que les conditions de la protection de l'article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle relative au droit sui generis du producteur de base de données ne sont pas réunies en l'espèce et que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Michelin Travel Partner de ses demandes au titre de ses droits de producteur de base de données ;
IV : Sur les demandes en parasitisme :
Considérant qu'à titre subsidiaire la SAS Michelin Travel Partner reproche à la SAS La Fourchette d'utiliser la référence à une distinction dans le Guide Michelin ainsi donnée par les restaurateurs en reproduisant le contenu de ces bulletins d'adhésion sur son site Internet " pour s'approprier, sans bourse délier, les investissements et la notoriété d'un concurrent " (page 34 de ses conclusions) ;
Qu'elle rappelle ainsi le montant total de ses investissements pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données du Guide Michelin dans sa version papier et dans sa numérique, ce guide étant l'aboutissement d'un travail de sélection, de vérification et de mise à jour ayant contribué à l'image de qualité attribué à son guide par le public concerné ;
Qu'elle soutient que la SAS La Fourchette a délibérément cherché à profiter du fait que les informations ainsi sélectionnés par son guide étaient librement accessibles pour se donner le moyen de la concurrencer de façon déloyale en mettant au point un outil reproduisant les données collectées, cette usurpation de son travail procurant à cette société un avantage concurrentiel indu destiné à promouvoir son activité commerciale en bénéficiant de la confiance et de l'attrait du public pour la sélection rigoureuse du Guide Michelin et l'image de qualité qui y est associée ;
Qu'elle fait valoir que la SAS La Fourchette a ainsi commis des fautes délictuelles distinctes en usurpant la renommée et l'image du Guide Michelin et du signe notoire " Guide Michelin " et en reprenant le Code couleur rouge associé à son guide ; que cette société s'est ainsi approprié la sélection de restaurants du Guide Michelin en la reproduisant sur son site par un onglet " Guide Michelin 2012 " et par une recherche thématique par le mot " guide " afin de promouvoir son activité commerciale ;
Qu'elle ajoute que ce comportement fautif lui est préjudiciable par la banalisation de l'image du Guide Michelin en l'associant à des guides concurrents, en faisant état d'une sélection périmée et en laissant croire aux partenaires réels de la SAS Michelin Travel Partner que cette dernière multiplie les partenariats ;
Qu'elle précise que son moyen nouveau tiré de l'atteinte au signe notoire 'Guide Michelin' constitue un acte de parasitisme et n'est donc pas une prétention nouvelle qui serait irrecevable ;
Qu'elle indique que la notoriété du signe " Guide Michelin " est largement établie par l'ancienneté de son exploitation depuis 1900, la fréquentation importante de son site Internet et d'un sondage réalisé auprès d'actionnaires et de personnes du grand public ; que la SAS La Fourchette s'est appropriée de manière indue cette notoriété car elle n'a jamais été autorisée à utiliser le signe " Guide Michelin " alors qu'elle multiplie au sein des pages de son site Internet, l'utilisation de cette dénomination, cette reproduction massive de ce signe laissant faussement croire à l'internaute à l'existence d'un lien économique entre la SAS Michelin Travel Partner et la SAS La Fourchette ;
Qu'elle ajoute encore qu'en reproduisant le Code couleur traditionnellement associé au Guide Michelin dans le cadre de la promotion de ses services de restaurant, la SAS La Fourchette a également commis des actes de parasitisme, renforçant l'idée de partenariat entre les parties ;
Considérant que la SAS La Fourchette soulève l'irrecevabilité des demandes relatives aux informations présentes dans les fiches descriptives des restaurants répertoriés sur son site, d'une part comme étant nouvelles en cause d'appel et d'autre part sur le fondement du principe de l'estoppel dans la mesure où dès 2009 elle a été expressément autorisée par les appelantes à ce qu'apparaissent sur son site les distinctions obtenues au Guide Michelin par les restaurateurs répertoriés ; qu'elle estime encore que ces demandes seraient irrecevables sur le fondement de la LCEN, ayant le statut d'hébergeur et non d'éditeur de son site Internet ;
Qu'en ce qui concerne les actes de parasitisme, la SAS La Fourchette relève que les demandes à ce titre ne concernent que le Guide Michelin 2012, de telle sorte que les demandes de condamnation pour les années 2009 à 2011 devraient être écartées ;
Qu'elle soutient qu'il ne saurait y avoir de parasitisme en l'absence de preuve de prétendus investissements, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait voulu tirer profit du travail des sociétés Michelin, la reprise d'informations publique ne pouvant, en soi, constituer un acte fautif ;
Qu'elle fait ainsi valoir que le fait de suggérer la distinction attribuée par le Guide Michelin comme critère de recherche d'un restaurant (information au demeurant publique) ou de le présenter comme un onglet thématique ne constitue pas un détournement d'une valeur appartenant aux appelantes, l'existence d'une distinction au Guide Michelin étant un élément de description très commun dans le secteur de la restauration pour décrire les restaurants et qu'il n'y a aucun risque qu'un internaute y voie un partenariat quelconque et que loin de galvauder la réputation du Guide Michelin, elle a au contraire valorisé ce guide en mettant en avant le fait que certains restaurants avaient été distingués par ce guide ;
Qu'en ce qui concerne la prétendue atteinte au signe notoire 'Guide Michelin', elle soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle et en conséquence irrecevable et qu'au surplus la SAS Michelin Travel Partner ne démontre pas le caractère notoire de son signe, ni la matérialité des faits qu'elle allègue, d'autant plus qu'elle ne fait pas elle-même usage de ce signe à titre de marque mais pour exprimer une information de nature publique ;
Qu'elle conteste également une reprise du Code couleur du Guide Michelin, rappelant avoir été autorisée à se faire l'écho de la sortie du Guide Michelin 2012 et qu'aucun risque de confusion n'est démontré ;
Considérant ceci exposé qu'en première instance les sociétés appelantes avaient déjà présenté des demandes au titre du parasitisme et que le fait d'invoquer au soutien de ces prétentions, des moyens nouveaux tirés des informations figurant dans les fiches descriptives et de l'atteinte au signe notoire " Guide Michelin " tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge à ce titre et sont donc recevables conformément aux dispositions de l'article 565 du Code de procédure civile ;
Considérant que comme l'ont rappelé les premiers juges, le principe est celui de la liberté du commerce et de la libre concurrence et que ne peuvent être sanctionnés au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire que des actes fautifs au sens de l'article 1382 du Code civil dès lors que ces actes visent à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et/ou permettent de tirer profit sans bourse délirer d'une valeur économique d'autrui résultant d'un travail intellectuel et d'investissements ;
Qu'en l'espèce les faits invoqués par la SAS Michelin Travel Partner ne sont que des actes qualifiés par elle de parasitisme, étant rappelé que les agissements parasitaires consistent à se placer dans le sillage d'un autre opérateur économique en tirant un profit injustifié d'un avantage concurrentiel développé par celui-ci ;
Qu'il n'est pas sérieusement contestable que le Guide Michelin qui existe depuis 1900 et utilise son classement de restaurants au moyen d'étoiles depuis près de 90 ans, jouit d'une renommée particulière, compte tenu également de sa mise à jour régulière et de son classement particulier des restaurants par l'attribution d'une, de deux ou de trois étoiles ; que ce travail de sélection et de classement ont en eux-mêmes une valeur économique importante ;
Qu'il sera néanmoins souligné que ce n'est qu'après le lancement, le 06 mars 2012, du site Internet du Guide Michelin <http://restaurant.michelin.fr> venant directement concurrencer le site de la SAS La Fourchette, que les sociétés Michelin ont fait établir le 25 avril 2012 un procès-verbal de constat d'huissier sur Internet, et qu'ainsi pour démontrer l'existence des agissements parasitaires qu'elle invoque, la SAS Michelin Travel Partner ne produit que ce procès-verbal de constat dont il ressort qu'à cette date le site de la SAS La Fourchette ne mentionne que l'édition 2012 du Guide Michelin, la référence à l'édition 2011 par l'intermédiaire de la rubrique " Thématiques restaurants " renvoyant en réalité à l'édition 2012 comme a pu le constater l'huissier de justice (page 18 du procès-verbal et copie d'écran en annexe 18) ;
Qu'il s'ensuit que seuls peuvent être retenus des actes prétendument parasitaires constatés au mois d'avril 2012 et relatifs à la seule édition 2012 du Guide Michelin ; qu'en effet les extraits du site <www.archive.org> reproduisant des pages du site de la SAS La Fourchette à différentes époques n'ont pas de valeur probante suffisante dans la mesure où il s'agit d'un site privé non officiel dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas démontrés et où la date des documents qui y sont reproduits, dont il n'est pas exclu qu'elle puisse être modifiable par une simple manipulation technique, n'est pas certaine ;
Considérant par ailleurs, pour la période antérieure à 2012, qu'il ressort des pièces versées aux débats que des pourparlers ont débuté en 2007 entre la SAS La Fourchette et les sociétés Michelin en vue d'un partenariat entre leurs sites Internet respectifs et que par des échanges de courriels au mois de mars 2009 les sociétés Michelin ont autorisé la SAS La Fourchette à mentionner sur son site la sélection dans le guide Michelin 2009 des restaurants partenaires ainsi que la mention des étoiles éventuellement attribuées à ces établissements ainsi que la mention 'Bib Gourmand' ;
Que des actions ponctuelles communes ont également eu lieu entre les parties, un contrat de partenariat étant signé en 2011 en vue de la diffusion de l'offre de la SAS La Fourchette sur le site du Printemps du Guide Michelin 2011 entre le 21 mars et le 21 avril 2011 ; qu'à l'occasion de la sortie du Guide Michelin France 2011, la SAS La Fourchette s'est associée aux sociétés Michelin pour l'organisation d'un jeu concours ;
Qu'enfin à l'occasion de la sortie de l'édition 2012 du Guide Michelin, la SAS La Fourchette ayant souhaité communiquer à ce sujet sur son site Internet en utilisant des encarts reproduisant la couverture du guide ou le personnage " Bibendum ", symbole des sociétés Michelin, ces dernières se sont seulement opposé à 'toute utilisation d'un élément de propriété intellectuelle de Michelin à des fins commerciales' mais ont autorisé la SAS La Fourchette à " faire écho de la sortie du guide Michelin " ; qu'il ne saurait donc être reproché à cette société d'avoir communiqué sur la sortie de l'édition 2012 du Guide Michelin sur ses newsletters comme le font les appelantes en page 68 de leurs conclusions ;
Considérant, ainsi qu'il l'a été rappelé précédemment, que le fait de mentionner, dans la fiche descriptive des restaurants figurant sur le site Internet de la SAS La Fourchette, que tel établissement figure dans l'édition 2012 du Guide Michelin et a éventuellement été distingué dans ce guide par l'attribution d'une, deux ou trois étoiles, reprenant ainsi cette information donnée par les établissements eux-mêmes dans leur fiche d'adhésion, n'est pas en lui-même un acte fautif, s'agissant d'informations publiques classiques dans le domaine de la gastronomie pour décrire les restaurants ;
Considérant que le fait de permettre aux internautes, par une recherche thématique par le mot " Guide " sur le site, de sélectionner les restaurants en fonction de leur mention dans l'édition 2012 du Guide Michelin ne peut être considéré comme la démonstration de " la volonté de la société LA FOURCHETTE de bénéficier sans bourse délier d'une part du travail de sélection, vérification et mise à jour de la demanderesse et d'autre part de l'image de qualité attachée au Guide auprès du public concerné, à savoir le grand public s'agissant d'internautes à la recherche d'un restaurant " comme l'affirment les premiers juges ;
Qu'en effet l'outil de recherche thématique " Guide " ne renvoie pas exclusivement au Guide Michelin, mais également à 40 autres guides gastronomiques (Bottin Gourmand, Champérard, Gault Millau, etc), revues spécialisées (Gourmet Tour, Logis de France, Relais & Châteaux, Restaurateurs de France, Tables et Auberges de France, etc) ou généralistes (Elle, L'Express, Le Monde, Le Parisien, Le Point, Les Echos, Washington Post, etc), sites Internet (L'Internaute), les deux références au Guide Michelin ne figurant qu'en douzième et treizième position dans cette liste ;
Qu'il ne s'agit donc que d'un outil purement informatif destiné à faciliter la recherche de l'internaute qui souhaite rechercher un restaurant distingué dans un guide, une revue ou sur Internet, et non pas d'un moyen d'action malveillant pour faciliter l'accomplissement d'actes de parasitisme, sauf à soutenir, ce qui n'est pas le cas, que par cet outil la SAS La Fourchette chercherait également à se placer dans le sillage des 40 autres guides, revues ou sites également répertoriés ;
Considérant d'autre part que l'onglet " Guide Michelin 2012 " figurant en page d'accueil de la sélection des restaurants à Paris n'est également qu'un outil permettant à l'internaute qui le souhaite de sélectionner les restaurants figurant à la fois sur le site de la SAS La Fourchette et l'édition 2012 du Guide Michelin sans que cet onglet soit particulièrement mis en avant sur cette page, étant observé qu'il figure dans une rubrique informative intitulée " En ce moment sur LaFourchette "' avec d'autres onglets d'apparence similaire, permettant notamment de sélectionner des restaurants de repas d'affaires ou des brunchs ;
Que cet onglet ne reproduit aucun élément de propriété intellectuelle appartenant aux sociétés Michelin, la couleur rouge, dont on peut au demeurant douter, au vu des captures d'écran reproduites sur le procès-verbal de constat, de l'identité parfaite avec la couleur des guides Michelin, ne pouvant être assimilée à une référence aux Guides Michelin puisqu'elle est reprise dans l'onglet voisin relatif aux brunchs et qu'on la retrouve dans d'autres pages du site Internet dans des rubriques sans aucun rapport avec le Guide Michelin, ainsi les nombreux onglets " Avantage LaFourchette, -50 % sur l'addition " et " Avantage LaFourchette, -30 % sur l'addition même sur les boissons " dans la rubrique " Réservation en ligne " (annexes 7 à 10, 14, 21 et 27 du procès-verbal de constat) ;
Considérant qu'il n'est donc démontré à l'encontre de la SAS La Fourchette aucune reproduction du Guide Michelin, " de manière structurée " sur son site Internet pour attirer illicitement " la clientèle du guide MICHELIN en lui proposant des promotions spécifiques sur les restaurants sélectionnés " (étant rappelé que les promotions sur les prix sont la spécificité du site Internet de la SAS La Fourchette et ne sont pas réservés aux seuls restaurants figurant au Guide Michelin) et capter ainsi " un élément différenciant rattaché à l'univers des pneumatiques et de la restauration afin d'accélérer sa propre légitimité dans l'univers des restaurants " (page 71 des conclusions des appelantes) ;
Considérant enfin que le grief d'atteinte portée à la notoriété du signe notoire 'Guide Michelin' relève du régime de responsabilité de droit commun de l'article 1382 du Code civil et n'est qu'un élément matériel du grief de parasitisme invoqué à l'encontre de la SAS La Fourchette ; qu'il convient en effet de rappeler que ce signe n'est pas déposé à titre de marque et que dès lors la protection spécifique accordée à la marque renommée ou notoirement connue par l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle du seul fait d'une " exploitation injustifiée " de la renommée de la marque est inapplicable en l'espèce ;
Que le seul fait pour la SAS La Fourchette de mentionner l'expression " Guide Michelin " sur les pages de son site Internet à l'occasion des recherches spécifiques effectuées à l'aide de l'outil de recherche thématique " Guide " ou de l'onglet, telles qu'analysées précédemment, sans autre commentaire ou reproduction illicite d'éléments de propriété intellectuelle dont les sociétés Michelin seraient titulaires, ne saurait constituer en lui-même un acte fautif d'atteinte portée à la notoriété de ce signe mais confirme au contraire la notoriété de ce signe ;
Qu'il ne saurait en outre être question d'une " reproduction massive du signe notoire "Guide Michelin" au sein des pages de son site " (page 77 des conclusions des appelantes) par la SAS La Fourchette, étant rappelé que les constatations de l'huissier dans son procès-verbal de constat n'ont porté que sur les seules pages du site consacré aux restaurants parisiens alors que ce site recense plus de 6 000 restaurants répartis sur tout le territoire national ainsi que mentionné en page d'accueil du site ;
Considérant en conséquence qu'aucun acte fautif de parasitisme n'est démontré, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer le principe de l'estoppel ou de se prononcer sur le statut de la SAS La Fourchette relativement à son site Internet ;
Considérant dès lors que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que la SAS La Fourchette avait commis des actes parasitaires à l'encontre de la SAS Michelin Travel Partner et a prononcé une mesure d'interdiction et une condamnation de la SAS La Fourchette au paiement de dommages et intérêts et que, statuant à nouveau de ces chefs, la SAS Michelin Travel Partner sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre des agissements parasitaires ;
V : Sur les autres demandes :
Considérant que la SAS La Fourchette reprend devant la cour sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive dont elle avait été déboutée par les premiers juges en soutenant que la présente procédure serait " nécessairement abusive " dès lors qu'elle a eu pour seul objectif le fait de nuire à son activité, dont elle entendait concurrencer les services et que le tribunal avait rappelé les principes juridiques fondamentaux et incontestables tenant à l'exigence pour celui qui invoque un droit d'auteur d'en définir la teneur, ou bien encore pour celui qui se prévaut d'un droit sui generis de justifier d'investissements ;
Considérant que les sociétés Michelin s'opposent à cette demande rappelant que la procédure abusive doit résulter d'une évidente mauvaise foi, de l'absence manifeste de tout fondement à l'action, de la multiplication des procédures engagée, du caractère malveillant de l'action, d'une attitude malicieuse, de l'intention de nuire à un concurrent, du désir d'assouvir une vindicte personnelle ;
Considérant qu'en l'espèce il n'est pas démontré l'existence d'une faute caractérisée des sociétés Michelin ayant fait dégénérer en abus leur droit d'ester en justice et d'user des voies de recours prévues par la loi, d'autant plus qu'en première instance elles avaient obtenu partiellement gain de cause sur le terrain du parasitisme et qu'en appel, même si elles sont déboutées de leurs demandes, il est reconnu le caractère substantiel des investissements en tant que producteurs de bases de données ;
Considérant en conséquence que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS La Fourchette de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'accorder les divers " donner acte " sollicités par les parties au dispositif de leurs conclusions respectives, étant rappelé qu'un donné acte n'est pas constitutif de droits ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à La Fourchette la somme de 50 000 euros au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner seront pour leur part, déboutées de leur demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner, parties perdantes, seront condamnées in solidum au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la SAS La Fourchette avait commis des actes parasitaires à l'encontre de la SAS Michelin Travel Partner et prononcé des mesures d'interdiction et des condamnations de ce chef et en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et la charge des dépens de la procédure de première instance, infirmant de ces chefs et statuant à nouveau : Déboute la SAS Michelin Travel Partner de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SAS La Fourchette pour parasitisme ; Condamne in solidum les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner à payer à la SAS La Fourchette la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; Déboute les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner de leur demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Manufacture Française des Pneumatiques Michelin et Michelin Travel Partner aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.