CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 3 novembre 2015, n° 14-12756
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Orphie Editions (SARL)
Défendeur :
Benard (Consorts), Winckler
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
SELARL Pixel Avocats, SELARL Lexipolis, Mes Lenoble, Cros, Cauchepin
Vu le jugement rendu contradictoirement le 5 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Paris.
Vu l'appel interjeté le 17 juin 2014 par la SARL Orphie Éditions.
Vu les dernières conclusions de la SARL Orphie Éditions, transmises le 19 juin 2015.
Vu les dernières conclusions de M. Stéphane Benard, M. Roland Benard et Mme Maëla Winckler, transmises le 2 juin 2015.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 juin 2015.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Considérant qu'il suffit de rappeler que la SARL Orphie Éditions est une maison d'édition réunionnaise spécialisée dans la publication d'ouvrages régionaux, éditant notamment des guides touristiques ;
Que M. Stéphane Benard, d'origine réunionnaise, est photographe et, après avoir vécu plusieurs années au Québec, est revenu vivre sur l'île de la Réunion en 2010 ; qu'il expose avoir proposé à la SARL Orphie Éditions un guide sur toutes les rivières et cascades de la Réunion et affirme que ce guide a été entièrement conçu et rédigé par lui-même et son père, également photographe, M. Roland Bénard ;
Que la SARL Orphie Éditions expose quant à elle qu'elle a contacté M. Stéphane Benard en raison de sa connaissance de l'île de la Réunion et de son parcours professionnel, pour qu'il participe à la création d'un guide qui intégrerait la collection Balades et Randonnées qu'elle édite ;
Qu'un contrat d'édition a ainsi été signé le 24 août 2010 entre la SARL Orphie Éditions d'une part et MM Roland et Stéphane Benard d'autre part ;
Que ce guide est paru fin 2010, regroupant 76 cascades et bassins et décrivant la façon d'y accéder, à pied ou non, sous le titre '76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion' ;
Que M. Stéphane Benard a ensuite créé sa maison d'auto-édition, Austral Éditions, qui a publié un nouveau guide conçu et réalisé par lui-même et sa compagne, Mme Maëla Winckler, intitulé " La Réunion à vélo " ;
Qu'en octobre 2013 M. Stéphane Benard et Mme Maëla Winckler ont conçu et rédigé et fait éditer par leur maison Austral Éditions, un autre guide intitulé " La Réunion, 150 balades et randos ", listant quasiment toutes les randonnées possibles sur l'île,
Que constatant que ce dernier guide reprenait plusieurs photographies publiées dans son guide " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion " ainsi que des paragraphes entiers du guide et que l'édition de cet ouvrage constituait selon elle une contrefaçon de son guide " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion ", la SARL Orphie Éditions a fait assigner M. Stéphane Benard, en sa qualité d'auteur et d'éditeur, Mme Maëla Winckler et M. Roland Benard devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale ;
Considérant que le jugement entrepris a, en substance : déclaré la SARL Orphie Éditions irrecevable à agir sur le fondement du droit d'auteur à l'encontre de MM Stéphane Benard et Roland Benard et de Mme Maëla Winckler,
débouté la SARL Orphie Éditions de ses demandes en concurrence déloyale à l'encontre de M. Stéphane Benard exerçant en tant qu'éditeur sous le nom de Austral Éditions,
condamné la SARL Orphie Éditions à payer à M. Stéphane Benard la somme de 3 000 euro et à M. Roland Benard et Mme Maëla Winckler la somme de 1 500 euro à chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de sa décision ;
I : SUR L'ACTION EN CONTREFAÇON DE DROITS D'AUTEUR :
Considérant qu'à titre principal, la SARL Orphie Éditions agit en contrefaçon de son guide " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion " d'une part contre M. Stéphane Benard et Mme Maëla Winckler, co-auteurs du guide " La Réunion : 150 balades et randos " édité par M. Stéphane Benard sous le nom de Austral Éditions et d'autre part contre M. Roland Benard, crédité dans le guide litigieux comme auteur de certaines photographies ;
Que l'appelante soutient que le contrat d'édition signé le 24 août 2010 comprenait également les photographies puisque M. Roland Benard est signataire de ce contrat alors qu'il n'a rédigé aucun texte et que son apport a consisté en l'apport de ses photographies, cédées à titre exclusif à la SARL Orphie Éditions en vue de la publication du guide " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion " ;
Qu'elle fait valoir l'originalité des éléments de ce guide, le vocabulaire emprunté étant original et propre à son auteur, ainsi que la structure même des phrases, chacune des excursions donnant lieu à des commentaires personnels de l'auteur du guide, M. Stéphane Benard, qui témoigne de son expérience et de son ressenti en choisissant de s'adresser directement au lecteur en leur transmettant non seulement des informations pratiques mais aussi ses impressions ;
Qu'elle fait également valoir l'originalité des photographies témoignant de la volonté de leur auteur de faire transparaître sa vision de chacun des sites ;
Que sur la matérialité de la contrefaçon, elle rappelle que l'auteur qui a cédé le droit d'exploiter son œuvre et tenu de garantir l'auteur cessionnaire de la libre jouissance du droit qu'il a cédé et de s'abstenir de tout agissement susceptible d'entraver l'exploitation de l'œuvre et le succès de l'édition ;
Qu'elle se livre en pages 17 à 27 de ses conclusions à une comparaison des deux guides pour en souligner les similitudes des textes et des photographies ;
Considérant que les intimés répliquent que le contrat d'édition n'indique pas que les photographies insérées dans l'œuvre, sont l'objet de la cession, le fait que M. Roland Benard ait également signé ce contrat ne prouvant pas qu'il ait cédé ses photographies à la SARL Orphie Éditions mais simplement qu'il a participé, par le prêt de ses photographies, par le contrôle de la rédaction et par la mise en page, à cette œuvre composite qu'est le guide sur les bassins et cascades de La Réunion ;
Que concernant les textes, ils font valoir que ceux-ci sont d'une telle banalité qu'ils ne peuvent raisonnablement faire l'objet d'une protection dans la mesure où il ne s'agit que de décrire un itinéraire, tous les guides réunionnais comme les sites Internet décrivant les parcours de la même façon ;
Que sur la matérialité de la contrefaçon, ils soutiennent que la seule originalité de l'ouvrage édité par la SARL Orphie Éditions se situe dans le choix de ne parler que des bassins, cascades et rivières de La Réunion, ce qu'aucun guide n'avait fait auparavant, alors que l'ouvrage argué de contrefaçon n'a pas repris cette idée originale, n'étant qu'un guide de randonnées classique réunissant toutes les randonnées de l'île dans leur intégralité ;
Qu'ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SARL Orphie Éditions irrecevable à agir sur le fondement du droit d'auteur à leur encontre ;
Considérant ceci exposé, que la validité du contrat d'édition signé le 24 août 2010 entre MM Stéphane Benard et Roland Benard d'une part en qualité de co-auteurs et la SARL Orphie Éditions d'autre part, n'est plus contestée devant la cour, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses motifs pertinents et exacts tant en fait qu'en droit, en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité du dit contrat soulevée par MM Stéphane Benard et Roland Benard ;
Considérant qu'en ce qui concerne la cession des photographies au sein du contrat d'édition, l'article L. 131-3, 1er alinéa du Code de la propriété intellectuelle dispose que " la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession " ;
Considérant que le contrat d'édition stipule simplement en préambule que la cession de droits porte sur " un ouvrage intitulé provisoirement - Cascades et rivières de La Réunion ", son article 1er relatif à l'étendue de la cession ne faisant aucune mention d'une quelconque cession de droits concernant les photographies ; qu'il sera relevé que les articles 2 et 3 du contrat ne font allusion qu'au 'texte de l'œuvre " (article 2) et aux corrections de ce texte (article 3), les articles suivants portant sur les prérogatives et obligations des éditeurs (articles 4 et 5), le prix de la cession (article 6), l'arrêté et remise des comptes (article 7), les réimpressions (article 8), la mise au pilon et vente en solde (article 9), le cas de force majeure (article 11) et l'attribution de compétence en cas de litige (article 12) ;
Que ce contrat, qui doit s'interpréter strictement à la lumière de l'article L. 131-3 précité, ne contient donc aucune clause de cession des droits sur les photographies ; que contrairement à ce que soutient la SARL Orphie Éditions, la cour ne saurait se fonder sur de simples présomptions telles que les crédits figurant en dernière page du guide (qui ne font que confirmer que M. Roland Benard est bien l'auteur des photographies figurant dans l'ouvrage) ou le fait que celui-ci soit signataire du contrat en qualité de co-auteur, pour décider que M. Roland Benard a cédé à l'éditeur ses droits sur les photographies ;
Qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que la SARL Orphie Éditions ne démontrait pas avoir des droits sur les photographies ;
Considérant qu'en ce qui concerne les textes il sera rappelé que la qualité d'auteur relève exclusivement de la loi et ne saurait se déduire d'accords contractuels, tel que le contrat de cession de droits du 24 août 2010 ;
Considérant qu'une œuvre est originale lorsqu'elle est une création intellectuelle propre à son auteur, reflétant suffisamment sa personnalité, c'est-à-dire son individualité, sa particularité et/ou son tempérament ;
Considérant qu'en l'espèce, il convient de s'en tenir aux passages expressément revendiqués par la SARL Orphie Éditions pour démontrer l'originalité du texte, à savoir les 5 exemples retenus par les premiers juges et les 4 exemples invoqués en appel par la SARL Orphie Éditions :
Introduction : " Sportif. Ces sentiers sont éprouvants physiquement, et s'adressent à des personnes entraînées. Ils peuvent comporter quelques dangers, passages d'échelles, précipices, et escalades. " ;
Visite 11 (Bassin Pilon) : " Le sentier commence dans un champ de canne. Vous marcherez 250m en direction du Sud-Est en effectuant une boucle dans les champs, le sentier débute à la lisière des bois, difficile à trouver. Une fois engagé, pas de difficulté particulière mais quelques passages vertigineux. Il existe des sentiers abrupts qui descendent vers chaque bassin énuméré. Vous traverserez un champ de palmistes puis au niveau du Bassin Carosse, vous devrez emprunter une échelle de 10 mètres de haut. " ;
Visite 12 (Cascade des Délices) : " La Cascade des Délices doit son nom au village qui la surplombe, (...). Une petite cascade haute de 4 mètres, se jette dans un petit bassin (...). Le sentier très facile et bien entretenu débute dans un sous-bois. Après le petit pont, vous croiserez quelques habitations du village de Délices. Montez les escaliers et prenez la première à gauche. Engagez-vous sur le sentier de terre, qui vous mènera vers la cascade. Sur la droite, vous pouvez grimper sur la paroi rocheuse, pour admirer le site en contrebas. " ;
Visite 13 (Cascade Pichon) : " Une très belle cascade située en contrebas d'une ancienne propriété coloniale. Ce site, bordé de gigantesques bambous et manguiers, est très peu connu du public. " ;
Visite 28 (Cascade Blanche) : " La Cascade Blanche est la première cascade visible en s'enfonçant dans les gorges du Bras de Caverne. Spectaculaire par temps de grosses pluies, elle chute d'une hauteur de 700m par paliers ! " ;
Visite 32 (Mare à Poule d'eau) : " La Mare à Poule d'eau, est un lieu très paisible, (...) Où se retrouvent les pêcheurs qui viennent ici taquiner le tilapia. "
Visite 39 (Cascade Bras Rouge) : " Rejoignez Cilaos par la RN5, depuis St-Louis. Traversez-le village, laissez l'église sur votre gauche. Juste avant l'établissement thermal, prenez à gauche vers "l'îlet à Cordes". Après quelques virages (...). Sans grande difficulté à l'aller, vous n'aurez qu'à descendre à travers chocas et bois de couleur. 2km plus loin sur votre droite, observez la Cascade Ferrière, la Cascade Bras Rouge se trouve 500m en contrebas. Arrivé sur le site, vous pourrez vous approcher de la cascade pour la voir presque de face, mais faites très attention, car la roche polie est très glissante. " ;
Visite 57 (Cascade du Trou Noir) : " La Cascade du Trou Noir porte mal son nom, sertie d'une végétation luxuriante, l'eau est limpide et le bassin est bleu turquoise. Vous pourrez amener votre masque pour découvrir les profondeurs de ce bassin et peut-être avoir la chance de voir des truites. " ;
Visite 75 (Bassin Vital) : " Le Bassin Vital se situe aux abords d'un chemin parfois pavé qui reliait
Savannah au village Bois de Nèfles. (...) Après 1.7 km, vous trouverez un stationnement en terre sur votre gauche. (...) Le sentier longe la ravine sur 250m. Vous devrez traverser à gué, là où le niveau est le moindre, et commencer une ascension assez raide sur votre gauche. La pente devient douce, et vous surplombez l'Etang de St-Paul. Le sentier bifurque vers la droite jusqu'au bassin, que vous dominez. Pour l'atteindre il vous faudra enjamber quelques gros rochers, parfois très glissants. Vous pourrez également contourner le bassin vers une petite grotte. La cascade en été, est impressionnante du haut de ses 150m. " ;
Considérant que ces textes décrivent des circuits de randonnée connus et faisant partie du domaine public, que le choix de s'adresser directement au lecteur - étant rappelé qu'un choix, qui ne peut en lui-même être confondu avec l'originalité, doit révéler la personnalité de l'auteur pour qu'il puisse justifier de la protection par le droit d'auteur - est banal pour un guide de randonnée en ce qu'il se contente d'indiquer l'itinéraire à suivre d'une façon purement descriptive : " Vous marcherez (...) Vous traverserez (...) Vous croiserez (...) Montez les escaliers et prenez la première à gauche.
Engagez-vous sur le sentier (...) Vous pouvez grimper (...) Rejoignez Cilaos (...) Traversez le village, laissez l'église (...) Prenez à gauche (...) Vous n'aurez qu'à descendre (...) Observez (...) Faites très attention (...) Vous trouverez (...) Vous devrez traverser (...) Vous surplombez (...) Vous dominez (...)
Vous pourrez également contourner " ;
Que le simple fait d'indiquer qu'il faut " longer [une] ravine sur 250 m ", " traverser à gué ", " commencer une ascension ", que " le sentier bifurque vers la droite " et qu'il " faudra enjamber quelques gros rochers " (visite 75) est également purement descriptif de l'itinéraire à suivre ;
Que les informations transmises dans le cadre de ces itinéraires sont tout aussi descriptives, qu'il s'agisse d'indiquer " un champ de canne ", " la lisière des bois ", " des sentiers abrupts ", " un champ de palmistes ", " une petite cascade haute de 4 mètres ", un " sentier très facile et bien entretenu ", un " petit pont ", " quelques habitations du village ", des " escaliers ", un " sentier de terre ", une " cascade ", une " paroi rocheuse ", " une très belle cascade ", " une ancienne propriété coloniale ", " de gigantesques bambous et manguiers ", des " pêcheurs qui viennent ici taquiner le tilapia (poisson d'eau douce de l'île) ", un " village ", une " église ", " quelques virages ", des " chocas (plante courante de l'île) et bois de couleur ", une " végétation luxuriante ", une eau " limpide " et un bassin " bleu turquoise ", " un chemin parfois pavé ", " un stationnement en terre ", un " sentier [qui] longe la ravine ", une traversée " à gué ", une " pente [qui] devient douce ", " quelques gros rochers " ;
Que le simple fait d'indiquer qu'une roche polie " est très glissante " qu'un village " surplombe " une cascade, qu'on peut grimper sur une paroi rocheuse " pour admirer le site en contrebas " qu'une végétation, dans l'île de La Réunion, est " luxuriante " ou qu'on peut " avoir la chance de voir des Truites " dans un bassin est tout aussi banal ;
Que le vocabulaire choisi n'a également rien d'original, qu'ainsi le fait d'écrire que des sentiers peuvent être " éprouvants physiquement " est banal lorsqu'il s'agit d'expliciter, en introduction au guide, ce que désigne le niveau de difficulté " Sportif ", qu'il en est de même pour indiquer qu'un sentier peut être " difficile à trouver ", que les passages sont " vertigineux " et les sentiers " abrupts " lorsqu'il s'agit de décrire un itinéraire qualifié de " Sportif " (visite 11) ;
Considérant qu'il apparaît ainsi que l'établissement de ces itinéraires de randonnées dans les cascades et bassins de l'île de La Réunion ne met pas en œuvres des critères géographiques, culturels ou humains traduisant la personnalité de leur auteur, dans lesquels cet ouvrage pourrait puiser son originalité ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'ouvrage intitulé " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion " ne présente pas une physionomie propre le distinguant des autres ouvrages du même genre et traduisant un parti pris empreint de la personnalité de son auteur et ne peut dès lors pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré la SARL Orphie Éditions irrecevable à agir sur le fondement du droit d'auteur à l'encontre de MM Stéphane Benard et Roland Benard et de Mme Maëla Winckler ;
Considérant que si aux motifs de ses conclusions, la SARL Orphie Éditions demande, en cas de confirmation de ce chef du jugement, que M. Stéphane Benard soit " condamné à rembourser à la société ORPHIE les sommes indument (sic) perçues par lui " (page 11 de ses conclusions), force est de constater que cette prétention n'est pas reprise au dispositif de ses conclusions, de telle sorte que, conformément aux dispositions de l'article 954, 2ème alinéa du Code de procédure civile, la cour n'a pas à statuer sur cette demande ;
II : SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE POUR EXÉCUTION DE MAUVAISE FOI DU CONTRAT D'ÉDITION :
Considérant qu'à titre subsidiaire, si la cour ne devait pas retenir l'originalité des textes et des photographies, la SARL Orphie Éditions invoque au visa de l'article 1134 du Code civil, l'exécution de mauvaise foi du contrat d'édition dans la mesure où selon elle, autoriser une maison d'édition concurrente à publier les mêmes textes et photographies, qui plus est combinés de la même façon, pour un projet très similaire de guide de randonnées, revenait nécessairement à exécuter de mauvaise foi le contrat d'édition signé deux ans auparavant ;
Considérant que cette demande subsidiaire se fonde sur les articles 1 et 2 du contrat ainsi rédigés :
- article 1 - 2/ : " L'auteur garantit la jouissance du droit d'édition cédé aux Éditeurs contre tous troubles, revendications ou évictions quelconques. "
- article 2, 3ème et 4ème alinéas : " L'auteur assure que ce manuscrit est entièrement original et garantit en conséquence les Éditeurs contre tous troubles revendications et évictions quelconques.
Il est seul responsable du contenu de l'ouvrage et fera son affaire de tout litige ou réclamation pouvant survenir après publication. "
Mais considérant que le simple fait pour MM Stéphane et Roland Benard de publier, près de trois ans après la publication du guide " 76 randonnées : Cascades & Bassins La Réunion ", un guide décrivant 150 randonnées dans l'île de La Réunion (dont l'objet est différent, ne se limitant pas aux cascades et bassins), en y insérant certaines photographies (au demeurant recadrées différemment) dont les droits n'avaient pas été cédés à la SARL Orphie Éditions et en reprenant une description banale de certaines randonnées du guide initial, non protégeable par le droit d'auteur, ne constitue pas en soi une inexécution de mauvaise foi du contrat au sens de l'article 1134 du Code civil ;
Qu'en effet la SARL Orphie Éditions ne procède sur ce point que par une affirmation péremptoire de faute " (...) revenait nécessairement à exécuter de mauvaise foi le contrat (...) " ;
Considérant dès lors que la SARL Orphie Éditions sera déboutée de sa demande subsidiaire au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat d'édition ;
II : SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE ET/OU PARASITAIRE :
Considérant que la SARL Orphie Éditions invoque également à l'encontre de M. Stéphane Benard, en sa qualité d'éditeur exerçant sous le nom de Austral Éditions, à titre principal des actes de concurrence déloyale par risque de confusion et à titre subsidiaire des actes de concurrence parasitaire en se plaçant dans son sillage ;
Qu'elle rappelle en premier lieu que M. Stéphane Benard exerçant son activité d'éditeur sous le nom de Austral Éditions est en situation de concurrence avec elle et qu'il entretient une confusion entre les deux guides, leur sujet étant au moins en partie similaire, leurs couvertures étant toutes deux de couleur bleue et combinant des photographies pêle-mêle, leurs index et leur structure étant identiques et le guide litigieux étant vendu à un prix inférieur au sien ;
Que subsidiairement, sur la concurrence parasitaire, elle soutient que M. Stéphane Benard s'est clairement placé dans son sillage puisqu'il n'a pas eu à entreprendre les mêmes investissements qu'elle, se contenant de reprendre le travail qu'il avait déjà réalisé et contre lequel il avait reçu paiement ;
Considérant que les intimés répliquent que l'objet des deux guides n'est absolument pas le même, le premier étant un guide sur les rivières et cascades de la Réunion et non pas un guide de randonnées comme celui édité par Austral Éditions, le nombre de sites n'étant en outre pas le même (150 contre 76) ;
Qu'ils ajoutent que les couvertures des deux guides sont celles de la plupart des guides, y compris en ce qui concerne leur couleur, que le format n'est pas le même, que l'index est celui utilisé dans tous les guides, de même que la structure et que la différence de prix résulte du fait que le guide litigieux est auto-édité, rendant les frais moins importants ;
Qu'ils font encore valoir que le fondement de la concurrence parasitaire est fantaisiste puisque le guide édité par la SARL Orphie Éditions a été intégralement rédigé par les consorts Benard et qu'on ne voit pas quel travail ni quel investissement auraient été réalisés par la SARL Orphie Éditions ;
Considérant ceci exposé, que le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce ;
Considérant que c'est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu'en droit, que la cour adopte, que les premiers juges ont relevé que les deux guides ne traitent pas du même sujet, le premier concernant les rivières et cascades sans être un guide de randonnées puisque la marche n'est pas toujours nécessaire pour accéder aux lieux cités alors que le second est un guide compilant toutes les randonnées possibles sur l'île de La Réunion, que ce soit autour des cascades mais aussi autour du volcan, dans la forêt, dans la plaine, etc., et où seulement 55 randonnées concernent des bassins et cascades (dont 43 seulement apparaissent dans le guide initial) ;
Que les premiers juges ont encore relevé à juste titre que la plupart des guides ont une couverture bleue ou verte et présentent une couverture illustrée de photographies pêle-mêle, que l'usage du logo d'un randonneur illustrant le propos du livre est également souvent utilisé par les guides, que le classement des balades selon leur difficulté appartient au fond commun du classement, que le format des deux livres n'est pas le même, que la structure, permettant au lecteur un maniement rationnel et simple pour choisir une randonnée, est utilisée par la grande majorité des guides et que l'ouvrage litigieux n'est pas vendu à vil prix, la différence entre les deux ouvrages étant insignifiante (13,90 euro contre 14,80 euro) et résultant notamment du fait que le guide litigieux est auto-édité ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la SARL Orphie Éditions ne démontrait pas les faits de concurrence déloyale qu'elle allègue et l'a déboutée de ses demandes à ce titre ;
Considérant qu'en ce qui concerne la demande subsidiaire présentée devant la cour sur le fondement du parasitisme, force est de constater que le guide initial édité par la SARL Orphie Éditions est essentiellement le résultat du travail et des investissements de MM Stéphane et Roland Benard et que cette société ne justifie pas des investissements qu'elle aurait personnellement réalisés dans l'élaboration de ce guide et qui aurait permis à M. Stéphane Benard de se placer dans son sillage pour profiter sans bourse délier de ces investissement ;
Considérant que la SARL Orphie Éditions sera en conséquence déboutée de sa demande subsidiaire en concurrence parasitaire ;
III : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant qu'il est équitable d'allouer à MM Roland et Stéphane Benard la somme complémentaire de 5 000 euro chacun et d'allouer à Mme Maëla Winckler la somme de 2.500 euro au titre des frais par eux exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que la SARL Orphie Éditions sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que la SARL Orphie Éditions, partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Déboute la SARL Orphie Éditions de sa demande subsidiaire pour exécution de mauvaise foi du contrat d'édition signé le 24 août 2010 avec MM Stéphane et Roland Benard, Déboute la SARL Orphie Éditions de sa demande subsidiaire au titre de la concurrence parasitaire, Condamne la SARL Orphie Éditions à payer les sommes complémentaires suivantes au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, à??M. Stéphane Benard : cinq mille euro (5 000 euro), à M. Roland Benard : cinq mille euro (5 000 euro), à??Mme Maëla Winckler : deux mille cinq cents euro (2 500 euro), Déboute la SARL Orphie Éditions de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Orphie Éditions aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.