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Décisions

Cass. crim., 18 décembre 1996, n° 96-82.083

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

M. Cotte

Avocats :

SCP de Chaisemartin, Courjon

TGI Cahors, du 6 avr. 1995

6 avril 1995

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par Y, X, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, du 11 mars 1996, qui, pour vol simple, les a condamnés chacun à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 18 mois ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 311-1 et 311-3 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a requalifié les faits reprochés à Y et X en délit de vol simple au préjudice de Julia A, veuve B, et a déclaré les prévenus coupables dudit vol ;

" aux motifs que les textes visés à la poursuite incriminent les personnes ayant fait " souscrire des engagements ", c'est-à-dire les vendeurs et non pas les acquéreurs ; que lesdits textes ont pour objet d'éviter l'abus de faiblesse des consommateurs par des vendeurs ; qu'en l'espèce les 2 prévenus se sont fait remettre un objet mobilier en contrepartie d'un chèque émis par eux ; qu'ils n'ont fait souscrire aucun engagement à C ; qu'il s'ensuit que les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation sont inapplicables en la cause ; qu'il appartient à la Cour de vérifier si les faits peuvent recevoir une autre qualification ; que les prévenus ont manifestement, par la peur qu'ils ont su inspirer à C, pu obtenir de celle-ci, contre sa volonté, la remise de la fontaine dont elle était gardienne, remise qu'ils ont exigé avec insistance en contrepartie d'un chèque d'un montant très inférieur à la valeur réelle de cet objet mobilier ; que le fait d'obtenir par la contrainte la remise d'un tel objet constitue l'appropriation frauduleuse de la chose d'autrui et caractérise le vol ;

" alors que, s'il appartient aux juges de changer la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé aux faits de la prévention, et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction ; qu'en l'espèce les prévenus étaient poursuivis pour avoir fait souscrire une vente à la jeune C alors que celle-ci n'était pas en mesure d'apprécier la portée de son engagement ; qu'en requalifiant l'abus de la faiblesse ou de l'ignorance de la personne démarchée en vol, sans que les prévenus aient expressément accepté d'être jugés de ce chef complémentaire, et bien que les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction, en particulier la soustraction frauduleuse, n'aient pas été compris dans l'acte de saisine, la cour d'appel a, en violation des dispositions susvisées, excédé ses pouvoirs " ;

Vu lesdits articles ; - Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans la poursuite ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Y et X ont été poursuivis pour avoir, lors d'une foire à la brocante, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de C, âgée de 13 ans, en lui faisant souscrire un engagement, en l'espèce la vente, au prix de 900 francs, d'une fontaine en cuivre estimée à 9 000 francs ;

Attendu qu'après avoir écarté l'application des articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation, la cour d'appel, pour infirmer le jugement qui avait prononcé la relaxe des prévenus, énonce que les faits qui leur sont reprochés constituent un vol simple ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt attaqué ni des pièces de procédure, que Y et X aient accepté d'être jugés du chef de vol simple, alors que les éléments constitutifs de ce délit n'étaient pas compris dans les faits, objet de la prévention ; que, dès lors, en prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Agen en date du 11 mars 1996, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi : renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bordeaux.