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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 6 novembre 2015, n° 14-00084

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DM Publishing (SAS)

Défendeur :

Go Multimedia (SARL), Dovimage (SARL), Bienfait (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Prigent, M. Richard

Avocats :

Mes Joly, Etner

T. com. Paris, du 20 déc. 2013

20 décembre 2013

Faits et procédure

La société Go Multimédia édite des magazines à destination d'un public jeune féminin, ayant pour thèmes l'univers des princesses ou des poneys sous les titres : "Belle Princesse", "Le Monde Merveilleux des Princesses " et " Magique Poney".

La société DM Publishing, également éditrice de presse, édite notamment, pour le même public, les magazines "Au pays des Princesses", "Au pays des Poneys", "Gentil Poney".

Les n°1 des magazines diffusés par chacune des sociétés Go Multimédia et DM Publishing étaient accompagnés de cadeaux prenant la forme de sets de papeterie commercialisés par la société Dovimage, laquelle fournit l'ensemble des acteurs de la filière dont les sociétés Go Multimédia et DM Publishing.

Estimant que les magazines diffusés DM Publishing à partir d'août 2012 étaient une imitation de ses propres magazines, et portaient atteinte à ses droits sur ses publications, la société Go Multimédia a attrait, le 13 septembre 2012, la société DM Publishing devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du 25 septembre 2012, a notamment dit que les sets en cause présentaient de nombreuses similarités et a interdit les magazines "Au pays des Princesses", "Au pays des Poneys" et "Gentil Poney".

Selon acte du 10 décembre 2012, la société Go Multimédia a assigné au fond les sociétés DM Publishing et Dovimage devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de confirmer l'ensemble des mesures ordonnées en référé, condamner DM Publishing à lui payer la somme de 149 128 euro à titre de dommages-intérêts et ordonner des mesures de publication.

Par jugement du 20 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné solidairement les sociétés DM Publishing et Dovimage à payer à la société Go

Multimédia la somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- interdit la publication des magazines "Au pays des Princesses" ; "Au pays des Poneys" et "Gentil Poney" ;

- condamné solidairement les sociétés DM Publishing et Dovimage au paiement de la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société DM Publishing a interjeté appel de cette décision le 2 janvier 2014.

Par ses dernières conclusions signifiées le 17 juillet 2014, elle demande à la cour de :

- la recevoir en ses fins et conclusions et la déclarer bien fondée ;

- constater que les revues "Belle Princesse", "le Monde Merveilleux des Princesses" et "Magique Poney" de la société Go Multimédia ont cessé de paraître depuis au moins le mois de mai 2013 et qu'il n'y a donc pas de risque de confusion possible avec les revues "Au pays des Princesses", "Au pays des Poneys" et "Gentil Poney" éditées par la société DM Publishing ;

- constater, en tout état de cause, que les revues "Au pays des Princesses", "Au pays des Poneys" et

"Gentil Poney" éditées par la société DM Publishing sont différentes des revues "Le monde merveilleux des Princesses" et "Magique Poney" de la société Go Multimédia ;

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société Go Multimédia de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société DM Publishing ;

À titre reconventionnel :

- ordonner à la société Go Multimédia de rembourser à la société DM Publishing l'intégralité des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution de l'ordonnance du 25 septembre 2012, soit la somme de 11 314,36 euro ;

- condamner la société Go Multimédia à verser à la société DM Publishing la somme de 240 000 euro à titre de dommages-intérêts du fait de l'interdiction de la diffusion des magazines " Au pays des Princesses " ; " Au pays des Poneys " et " Gentil Poney " depuis le 25 septembre 2012 ;

- condamner la société Go Multimédia à verser à la société DM Publishing la somme de 50 000 euro pour procédure abusive en raison de la poursuite du procès malgré la cessation de parution des magazines " Belle Princesse ", " le Monde Merveilleux des Princesses " et " Magique Poney " ;

- condamner la société Go Multimédia à verser à la société DM Publishing la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Go Multimédia aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Maître Charles-Antoine Joly, Avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'aucune confusion n'est possible entre ses propres publications et celles de Go Multimédia, dès lors que les titres sont différents, sémantiquement, grammaticalement et phonétiquement.

Elle indique que l'univers des princesses et des poneys n'est pas la propriété de Go Multimédia qui ne peut revendiquer aucune exclusivité ni sur ces thèmes, ni sur les sets de papeterie que Go Multimédia n'a en aucune façon créés. Elle soutient que l'intimée ne justifie d'aucune antériorité, qu'elle ne produit aucun élément sur sa réputation, son savoir-faire, son processus créatif ou la titularité de ses droits.

La société Go Multimédia, par ses dernières conclusions signifiées le 28 juillet 2015 demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 20 décembre 2013 en ce qu'il a : condamné la société DM Publishing et la société Dovimage in solidum à payer à la société Go Multimédia la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

- interdit à DM Publishing de publier Gentil Poney, Au Pays des Princesses et Au Pays des Poneys, sous astreinte de 2 000 euro par exemplaire de la publication se trouvant en vente 8 jours après la signification du jugement ;

- condamné DM Publishing et Dovimage solidairement à payer 25 000 euro à Go Multimédia au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ;

- a condamné DM Publishing et Dovimage solidairement aux dépens de première instance ;

- Statuant à nouveau :

- condamner la société DM Publishing à payer à la société Go Multimédia une somme de 119 128 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires (soit un total de 149 128 euro), avec capitalisation des intérêts à compter de l'assignation en référé du 13 septembre 2012 ;

- autoriser la société Go Multimédia à notifier aux Messageries Lyonnaises de Presse le jugement à intervenir aux frais de la société DM Publishing ;

- ordonner la publication d'extraits choisis par la société Go Multimédia du jugement à intervenir dans trois journaux au choix de la concluante sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 10 000 euro chacun, aux frais avancés de la société DM Publishing et ce, sous astreinte de 1 000 euro par semaine de retard après présentation d'un devis par la société Go Multimédia ;

- ordonner la destruction totale du stock contrefaisant aux frais de la société DM Publishing sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir tant que la société DM Publishing ne sera pas en mesure de justifier de cette destruction effective auprès de la société Go Multimédia ;

- débouter la société DM Publishing de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société DM Publishing au paiement de la somme de 25 000 euro à la société Go Multimédia au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Léna Etner conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle reproche à DM Publishing d'avoir repris le concept, la présentation et le contenu des publications de Go Multimédia sans frais de production, et d'avoir ainsi créé une confusion auprès d'une clientèle commune pour un produit très attractif. Elle souligne le caractère essentiel du set de papeterie qui occulte la plus grande partie du magazine et qui détermine l'achat.

La société Dovimage n'a pas constitué avocat.

Maître Stéphane Bienfait ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Dovimage France, appelé en intervention forcée selon signification délivrée à sa personne le 11 décembre 2014, n'a pas constitué avocat.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS de la DÉCISION

Considérant que les dispositions du jugement entrepris visant la société ne sont pas contestées ; qu'elles seront confirmées ;

Sur le parasitisme

Considérant que la société Go Multimédia fait grief à la société DM Publishing d'avoir commis des faits de parasitisme à son encontre en diffusant les publications " Gentil Poney ", " Au Pays des Princesses " et " Au Pays des Poneys " avec la même présentation et les mêmes produits d'accompagnement pour la même clientèle, à des tarifs similaires, entraînant de ce fait une confusion ;

Considérant que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ;

Considérant que les sociétés DM Publishing et Go Multimédia, éditrices de magazines à destination d'un public jeune féminin, sont en situation de concurrence ; que les produits en cause commercialisés par chacune de ces sociétés sont des publications dédiées aux jeunes enfants dans l'univers des princesses, des fées et des poneys ; que les titres, comprenant les termes de " princesses ", fées ", poneys ", sont proches ; que les revues sont accompagnées d'articles de papeterie ; que les articles de papeterie sont identiques : mini-rouleaux de ruban adhésif séparé du dérouleur, petits carnets, petits crayons à papiers, gommes de couleur aux formes originales, calepins agrémentés de cœurs et d'étoiles, le tout revêtu de dessins de poneys ou de princesses ; que le type et le format du conditionnement est semblable : blister transparent rigide rectangulaire de format strictement identique ; que les couleurs dominantes sont également les mêmes ; que la couverture des magazines de DM Publishing comporte, comme celles de Go Multimédia, un cercle de couleur jaune indiquant le " cadeau " joint à la revue ; que les prix sont pratiquement identiques ;

Considérant que l'antériorité de Go Multimédia dans la diffusion des produits en cause n'est contestable :

- ni en ce qui concerne les sets de papeterie : pour lesquels Multimédia Press groupe dont relève la société Go Multimédia - avait interrogé la société Dovimage dès le 13 mai 2008 (pièce n°21 communiquées par DM Publishing : courrier électronique du 13 mai 2008), notamment sur la présence, dans le set, d'un ruban adhésif distinct de son dérouleur, et de mini-crayons en papier (pièces de DM Publishing n° 23 et n° 20 : courriers électronique des 15 mai 2008 et 14 avril 2009) ;

- dont il est indifférent que Go Multimédia les ai acquis auprès de Dovimage dès lors que c'est Go Multimédia qui a diffusé ces sets avec les magazines en cause ;

- ni sur l'association magazine " set de papeterie, Go Multimédia justifiant de la distribution de ses produits au moins à partir de juillet 2010 - " Magique Poney " n° 11 étant paru le 14 juillet 2010, " Cheval Fan " n° 28 le 10 septembre 2010, " L'univers Magique des Fées " le 11 septembre 2010, " Dinos et Monstres " n° 24 le 23 septembre 2010, " les Animaux de la Ferme " n° 1 le 1er octobre 2010, " Poney Fan " n° 8 le 2 octobre 2010, " Mon Rêve de Princesse " n° 2 le 1er février 2011, " les Animaux de la Ferme " n° 3 le 8 mars 2011, " Poneys Féeriques " n° 2 le 17 mars 2011, " J'aime les Chevaux " n° 25 le 17 mars 2011, " Magique Poney " n° 15 le 22 juillet 2011, " Le Monde Merveilleux des Princesses " n° 8 le 26 juillet 2011 " les faits reprochés n'étant pas antérieurs à août 2012 et DM Publishing ne faisant en revanche état d'aucune parution antérieure ;

Considérant que les multiples similitudes existant entre les titres diffusés par chacune des sociétés établissent que les produits de DM Publishing sont la copie servile de ceux de Go Multimédia ; qu'elles ont créé un risque de confusion préjudiciable à Go Multimédia ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que DM Publishing avait commis des actes de concurrence parasitaire en diffusant les produits incriminés ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la réparation

Considérant que Go Multimédia réclame une réparation à hauteur de 119 128 euro (59 564 publications éditées x 2 euro par publication), de 15 000 euro au titre des frais de conception d'un nouveau projet éditorial, et de 15 000 euro pour la perte de l'image du groupe et du titre ;

Considérant que Go Multimédia ne rapporte la preuve ni du préjudice d'image allégué, ni du lien direct des frais de conception d'un nouveau projet éditorial avec les faits de parasitisme en cause ; que le préjudice indemnisable au titre de la diffusion des publications litigieuses correspond aux exemplaires que Go Multimédia n'a pas vendus par suite de la concurrence déloyale commise par DM Publishing ; que ce préjudice doit donc être calculé, non sur les exemplaires diffusés, mais sur ceux effectivement vendus par DM Publishing, soit, au vu des chiffres, non contestés, cités par Go Multimédia, 8 067 (" Au pays des Princesses ") + 6 348 (" Gentil Poney ") + 6 056 (" Au pays des Poneys ") = 20 471 x 2 euro par publication = 40 942 euro, soit 41 000 euro; que la décision déférée sera réformée sur ce point ; qu'il sera fait droit à la demande tendant à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts à compter, non de l'assignation en référé du 13 septembre 2012, mais de la demande de capitalisation, soit le 6 décembre 2012 ;

Considérant que le jugement sera confirmé sur la mesure d'interdiction de publication ordonnée par le tribunal ; que la Cour fera droit à la demande de publication, la publication d'extraits choisis par la société Go Multimédia du jugement à intervenir dans deux journaux au choix de la concluante sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 10 000 euro chacun, aux frais avancés de la société DM Publishing et ce, sous astreinte de 1 000 euro par semaine de retard après présentation d'un devis par la société Go Multimédia, et réformera en ce sens au jugement entrepris ; que, le préjudice occasionné étant suffisamment réparé par les mesures ordonnées, Go Multimédia sera déboutée du surplus de ses demandes de réparation ;

Considérant que l'équité commande de condamner DM Publishing à payer à Go Multimédia la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation à dommages et intérêts prononcée à l'encontre de la SAS DM Publishing et sur le rejet de la mesure de publication, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Condamne la SAS DM Publishing à payer à la SARL Go Multimédia la somme de 41 000 euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la des intérêts à compter de l'assignation en référé du 6 décembre 2012, Ordonne la publication d'extraits choisis par la société Go Multimédia du jugement à intervenir dans deux journaux au choix de la concluante sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 10 000 euro chacun, aux frais avancés de la société DM Publishing et ce, sous astreinte de 1 000 euro par semaine de retard après présentation d'un devis par la société Go Multimédia, Condamne la SAS DM Publishing à payer à la SARL Go Multimédia la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Déboute la SARL Go Multimédia du surplus de ses demandes, Condamne la SAS DM Publishing aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.