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Décisions

Cass. crim., 10 novembre 2015, n° 14-86.799

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Pers

Avocat général :

M. Lagauche

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano

Paris, ch. 4-11, du 18 sept. 2014

18 septembre 2014

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X Ltd, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, chambre 4-11, en date du 18 septembre 2014, qui, pour pratique commerciale trompeuse, l'a condamnée à 30 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du Code de procédure pénale, 6, § 3, de la Convention des droits de l'Homme, 550 et 551 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du même Code ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée à la société X, l'a déclarée coupable du délit de pratique commerciale trompeuse, l'a condamnée en répression à une peine d'amende de 30 000 euro et à une publication judiciaire, et l'a condamnée sur l'action civile à verser une somme de 10 000 euro à l'association UFC Que Choisir ;

"aux motifs propres que, in limine litis, la société " Au X Limited ", X Ltd et M. Y demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater qu'il n'a pas été interjeté appel contre M. Y, de constater que les citations devant le Tribunal de grande instance de Paris, par acte du 15 septembre 2011, à la société " Au X Ltd " et à M. Y, " M. Y " , sont irrégulières et nulles, et qu'en outre, la citation du 20 janvier 2014 contre ce dernier est également entachée de nullité, puisque M. Y n'aurait pas été visé par les appels ; que les avocats sollicitent, en conséquence, le rejet des demandes de l'association Que Choisir ; qu'il est, en effet, exposé, tout comme en première instance, que les parties mises en cause ont pu avoir un doute sur l'objet et la portée de l'acte les citant devant le tribunal ce qui leur porte nécessairement grief ; que, d'une part, la société " Au X " ne correspond à aucune société existante ; qu'il y a donc un doute sur la personne visée ; que d'autre part, la qualité de M. Y n'étant pas précisée, il n'est pas possible de savoir en quelle qualité, et pour le compte de quelle personne morale, il est attrait en justice, ou même s'il a été cité personnellement, aucune régularisation, au demeurant, ne pouvant intervenir en appel ; qu'enfin, la nature des faits reprochés reste imprécise en ce qu'il est observé que la prévention vise une période allant du 1er janvier 2009 au 28 janvier 2010, alors qu'il pouvait s'agir que du 1er janvier 2010 ; qu'en premier lieu, la cour - contrairement aux conclusions sur ce point de M. Y - observe que, selon l'acte d'appel figurant au dossier de la procédure, l'association UFC Que Choisir a régulièrement fait appel des dispositions civiles du jugement du Tribunal de Paris du 18 mai 2012, contre la société X Ltd et M. Y ; que la citation de ce dernier devant la cour est en conséquence régulière ; que concernant la société X Ltd, la société citée le 15 septembre 2011, était désignée comme " la société Au X Ltd, Head Office Dublin - Airport Dublin - Irlande " ; qu'il résulte des pièces du dossier et notamment des informations communiquées par les avocats des prévenus que seule la société X Ltd, parmi les sept sociétés du groupe comporte effectivement les coordonnées Head Office Dublin Airport, Dublin Ireland ; que dès lors, la seule mention " Au " devant le nom exact de la personne morale, par ailleurs, repris différemment dans les entités des autres entités (X.com, X cargo, X holding, X handling services) n'est pas de nature à créer une ambiguïté sur la personne poursuivie, dès lors parfaitement identifiée ; que les seules lettres rajoutées " Au " ne constituant qu'une erreur matérielle lors de la reprise de la cédule de citation ; que dès lors, l'irrégularité alléguée n'a pu faire grief à la société X Ltd ; que sur les faits visés dans la citation, ces derniers sont reprochés pour la période du 15 au 18 décembre 2009, et depuis temps non couvert par la prescription, étant précisé que la prévention littérale décrit le mode opératoire reproché en visant la période du premier janvier 2009 au 28 janvier 2010, pour des vols pouvant bénéficier de l'offre promotionnelle en cause ; qu'il en résulte que les faits concernés visant expressément des tarifs promotionnels à solliciter courant décembre 2009 pour des réservations futures, il apparait dès lors que la mention du mois de janvier 2009 dans cette formulation est une erreur matérielle manifeste, l'année retenue ne pouvant être que 2010 ; qu'il ne saurait dès lors en résulter un doute préjudiciable pour les prévenus, au demeurant parfaitement éclairés sur la promotion limitée dans le temps qu'ils avaient initiée et qui s'est vue contestée ;

"et aux motifs adoptés que sur la régularité de la procédure, d'une part, il est précisé qu'il existe un doute sur la société visée par les poursuites engagées et qu'en tous cas aucune société " Au X Ltd " n'existe ; que le tribunal observe que l'indication " Au " résulte d'une erreur purement matérielle ne pouvant affecter la régularité de l'acte en l'absence d'un grief ; que sur la société visée par la prévention, il ressort des éléments de procédure qu'il s'agit de la société enregistrée en Irlande sous le n° 104547 à l'origine de la diffusion des annonces examinées ; que d'autre part, l'article 550 du Code de procédure pénale prévoit que la citation doit contenir le nom, prénom et adresse du destinataire tandis que l'article 551 précise que la qualité du destinataire soit indiquée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'examen de l'acte signifié à M. Y que cet acte indique les date et lieu de naissance de celui-ci, son adresse et mentionne sa qualité de prévenu ; que les textes susvisés n'imposent aucune autre mention de telle sorte que la citation est régulière ;

"1°) alors que la citation doit viser précisément la personne poursuivie par le Ministère public, sans laisser aucune place au doute ; qu'au cas d'espèce, il était constant que la citation délivrée par le Ministère public le 15 septembre 2011 visait une personne morale sous la dénomination " société Au X Ltd ", laquelle était inexistante ; que la prévenue soutenait que cette imprécision faisait nécessairement grief à ses droits de la défense dès lors que, outre la citation visant une société " Au X Ltd ", le constat d'huissier produit par l'association UFC Que Choisir, partie civile, qui était l'unique élément de preuve du dossier, visait une " société X.com ", que la plainte de la partie civile mentionnait pour sa part une " société X ", et qu'enfin, au terme de leur enquête, les services de police judiciaire avaient de leur côté visé une " société X Corporate Head Office " ; qu'en se bornant à dire qu'il convenait de laisser de côté la formule " Au " figurant devant le nom de la société " X Ltd " comme procédant d'une pure erreur matérielle qui n'avait pas pu faire grief, dès lors que les autres entités du groupe X, soit les sociétés X.com, X cargo, X holding et X handling services, si elles reprenaient le nom de " X ", étaient suivies d'un intitulé différent, sans s'expliquer sur les incertitudes résultant de la conjonction de l'inexistence de la personne morale visée par la citation (société " Au X Ltd "), et des autres pièces du dossier dont aucune ne désignait une société " X Ltd ", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que la citation doit informer le prévenu avec certitude et précision de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet ; qu'au cas d'espèce, il était constant que la prévention visait tout à la fois des faits commis par la société " Au X Ltd " courant 2009, pour des billets d'avion correspondant à des réservations devant être effectuées, entre le 15 et le 18 décembre 2009, et pour une période s'étendant, du 1er janvier 2009 au 28 janvier 2010 ; qu'en estimant là encore que la prévention n'était affectée que d'une simple erreur matérielle, dès lors que la période concernée par la prévention devait être considérée comme celle du 15 au 18 décembre 2009 et ce, pour des réservations de billets d'avion pour des voyages entre le 1er janvier 2010 (et non 2009) et le 28 janvier 2010, quand la citation, qui visait concurremment des faits ayant été commis " courant 2009 ", puis du " 15 au 18 décembre 2009 ", puis encore du " 1er janvier 2009 au 28 janvier 2010 " laissait nécessairement subsister une incertitude faisant grief à la prévenue en ce qui concerne la période exacte bornée par la prévention, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, L. 121-6 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008) et L. 213-1 du même Code, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X Ltd coupable du délit de pratique commerciale trompeuse, l'a condamnée en répression à une peine d'amende de 30 000 euro et à une publication judiciaire, et l'a condamnée sur l'action civile à verser une somme de 10 000 euro à l'association UFC Que Choisir ;

"aux motifs propres que sur les pratiques commerciales trompeuses reprochées à la société X Ltd, il est constant et au demeurant, non contesté ; que l'opération promotionnelle en cause " 500 000 places 5 euro aller simple taxes et charges incluses " proposée via le site Internet de la compagnie, pour une période de réservation allant du 15 au 18 décembre 2009, pour des vols en Europe allant du 1er janvier 2010 au 28 février 2010, était réalisée pour le compte de la société X, par ses organes ou représentants ; qu'il n'est, en effet, pas contestable que cette campagne publicitaire était réalisée avec l'aval des dirigeants et des services compétents de la personne morale, ce qui n'est d'ailleurs pas remis en cause ; que les avocats de la prévenue soulignent que les constatations réalisées par l'huissier requis par la plaignante, ne portent que sur quelques vols, de surcroît au départ de Paris, et que ces diligences trop parcellaires perdent toute force probante, eu égard aux très nombreux vols en partance d'autres aéroports européens qui pouvaient bénéficier de la promotion affichée, laquelle s'adressait à tous les consommateurs européens ; qu'il est ainsi exposé que, simultanément, la même promotion était diffusée sur tous les sites européens de la compagnie, six cent quatre-vingt-quatre lignes aériennes étant ainsi concernées par la campagne, dont trente-neuf au départ des aéroports français, le consommateur français pouvant bénéficier de l'offre quel que soit son aéroport de départ ou d'arrivée ; qu'il était cependant ajouté que la compagnie, en interne, via son service " yield management " se réservait le droit de répartir les billets à tarifs réduits selon le coefficient de remplissage de ses vols de manière à éviter un manque à gagner, chaque avion devant impérativement être rempli à 80,85 % seules les places restantes étant éventuellement concernées par le tarif de 5 euro ; que cette contrainte de gestion impliquait une répartition de ces billets à bas prix, au gré des analyses, au coup par coup, ce qui pouvait expliquer, selon la prévenue, les constatations de l'huissier sur certains vols qui n'avaient pas de billets à 5 euro ; que, cependant, la promotion était proposée sur le site français de la compagnie X, concernant les consommateurs résidant principalement sur le territoire, raisonnant majoritairement en fonction de besoins à partir d'un aéroport français ; que dès lors, les observations de l'officier ministériel, instrumentant sur plusieurs destinations phares européennes, listées et mises en valeur sur les pages d'écran de la promotion, à partir de Paris-Beauvais, aéroport principal de X en France apparaissent suffisamment probantes en ce qu'elles concernaient des demandes qu'il avait désignées comme flexibles pour les dates des vols, couvrant ainsi la totalité de la période considérée, soit du 1er janvier au 28 février 2010 ; qu'en outre, il n'était pas seulement constaté une faible quantité de billets à 5 euro pour les lignes considérées mais une absence totale de billets à ce tarif pour quatre des destinations choisies comme tests, et une quasi absence de vols pour la destination de Glasgow, sur la même période deux mois ; que, dans ce contexte, l'absence systématique de places au tarif préférentiel indiqué sur les cinq destinations présentée comme attractives et retenues comme arguments de vente par le transporteur, alors que la période de réservation n'était que de trois jours, pour une période de vols longue de deux mois, révèle nécessairement une tromperie sur l'avantage proposé, nonobstant l'existence d'autres destinations ; que, dans le même sens, la société X reconnaît elle-même qu'elle décidait en interne de distribuer en dernier recours des billets à bas prix selon le taux de remplissage de ses avions, et le cas échéant, de ne pas accorder de billets prime sur certains vols si les billets étaient déjà vendus au prix habituel, rendant très aléatoire l'attribution de billets à 5 euro ; que la compagnie, enfin, ne justifie d'ailleurs pas de la vente effective des cinq cent mille billets pendant les trois jours de réservation concernés ; que l'argument majeur de cette promotion, outre le prix exceptionnellement bas, retenu par le consommateur moyen et susceptible de l'attirer vers la compagnie X était le nombre très important de billets soit cinq cent mille unités, lui laissant légitimement penser qu'il pouvait bénéficier de l'avantage, sur une durée aussi limitée que trois jours de réservation ; que, dès lors, cette publicité, constituée d'allégations fausses ou à tout le moins partiellement fausses, était de nature à l'induire en erreur sur l'existence, la disponibilité d'un service, et constitue dès lors, une pratique commerciale déloyale, en ce qu'elle apparaît contraire aux exigences de diligence professionnelle d'un transporteur aérien et qu'elle altère, de manière substantielle, le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ; qu'en effet, en l'espèce, le consommateur ne pouvait qu'être attiré par l'offre publicitaire de la compagnie X, en raison de l'image de dynamisme de la compagnie résultant de cette campagne et de l'idée ainsi générée d'un transporteur soucieux de proposer à la vente les meilleurs prix ; qu'ainsi induit en erreur, son comportement économique s'en trouvait donc substantiellement altéré, en ce qu'il se portait plus exclusivement vers la compagnie X ; qu'enfin, l'élément intentionnel se déduit nécessairement du caractère trompeur des allégations diffusées par l'entreprise lors de la mise en place de sa campagne promotionnelle ;

"et aux motifs adoptés qu'il ressort du constat d'huissier que l'engagement pris par la société dans son message publicitaire ne concernait pas de nombreuses destinations, ce qui rendait trompeuse l'annonce faite ; qu'il convient de retenir la société dans les liens de la prévention ;

"alors qu'une pratique commerciale ne peut être considérée comme trompeuse, au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, et des articles 5 et 6 de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005, qu'à la condition que cette pratique amène ou soit susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, ce qu'il incombe au juge de vérifier concrètement ; qu'au cas d'espèce, il était soutenu par la société prévenue que l'opération publicitaire litigieuse " 500 000 places à 5 euro " n'était pas susceptible d'amener les consommateurs à prendre une décision commerciale qu'ils n'auraient pas prise autrement, dès lors que seule la consultation du site Internet www.ryanair.com permettait à l'usager de prendre connaissance de ces offres promotionnelles, en sorte que son comportement d'achat sur le site n'aurait pas été différent de celui qu'il aurait pu adopter à n'importe quel moment de l'année, sachant que les tarifs sont maintenus à bas niveau de manière constante ; qu'en se bornant à affirmer abstraitement que la publicité de la société prévenue avait " altéré, de manière substantielle, le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé " dès lors que ledit consommateur ne pouvait qu'être attiré par l'offre publicitaire de la société X, sans s'expliquer concrètement sur la façon dont la décision commerciale du consommateur aurait pu être altérée, en ce sens qu'il ne l'aurait pas prise autrement, notamment au regard de la circonstance que l'offre litigieuse ne pouvait être connue qu'en se connectant au site Internet de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer la société X Ltd coupable de pratique commerciale trompeuse, l'arrêt attaqué, après avoir décrit les constatations de l'huissier ayant instrumenté sur plusieurs destinations phares européennes, listées et mises en valeur sur les pages d'écran de l'offre promotionnelle "500 000 places 5 euro aller simple taxes et charges comprises" proposée via le site Internet de la compagnie aérienne, relève que l'argument majeur de cette publicité, constituée d'allégations en totalité ou en partie fausses, était, outre le prix exceptionnellement bas retenu par le consommateur moyen et susceptible de l'attirer vers la compagnie X, le nombre très important de billets lui laissant légitimement penser qu'il pouvait bénéficier de l'avantage, sur une durée limitée à trois jours de réservation ; que les juges ajoutent que la compagnie, en interne, via son service "yield management", se réservait le droit de répartir les billets à tarifs réduits selon le coefficient de remplissage de ses vols de manière à éviter un manque à gagner, chaque avion devant impérativement être rempli à 80,85%, seules les places restantes étant éventuellement concernées par le tarif de 5 euro, la répartition des billets à bas prix, au gré des analyses et au coup par coup, s'expliquant par cette contrainte de gestion ; que la cour d'appel en déduit que le consommateur ne pouvait qu'être attiré par l'offre publicitaire de la société X, en raison de l'image de dynamisme de la compagnie résultant de cette campagne et de l'idée ainsi générée d'un transporteur soucieux de proposer à la vente les meilleurs prix et qu'ainsi induit en erreur, son comportement économique s'en trouvait donc substantiellement altéré, en ce qu'il se portait plus exclusivement vers la compagnie X ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas statué par des motifs abstraits et généraux, et qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondant aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel le délit de pratique commerciale trompeuse dont elle a déclaré la société X coupable, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 120-1, L. 121-1, L. 121-5 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008), L. 121-6 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008), L. 213-1 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014) et L. 213-6 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009) du Code de la consommation, 121-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X Ltd coupable du délit de pratique commerciale trompeuse, l'a condamnée en répression à une peine d'amende de 30 000 euro et à une publication judiciaire, et l'a condamnée sur l'action civile à verser une somme de 10 000 euro à l'association UFC Que Choisir ;

"aux motifs propres que, sur les pratiques commerciales trompeuses reprochées à la société X Ltd, il est constant et au demeurant, non contesté, que l'opération promotionnelle en cause " 500 000 places 5 euro aller simple taxes et charges incluses " proposée via le site Internet de la compagnie, pour une période de réservation allant du 15 au 18 décembre 2009, pour des vols en Europe allant du 1er janvier 2010 au 28 février 2010, était réalisée pour le compte de la société X, par ses organes ou représentants ; qu'il n'est, en effet, pas contestable que cette campagne publicitaire était réalisée avec l'aval des dirigeants et des services compétents de la personne morale, ce qui n'est d'ailleurs pas remis en cause ; que les avocats de la prévenue soulignent que les constatations réalisées par l'huissier requis par la plaignante, ne portent que sur quelques vols, de surcroît au départ de Paris, et que ces diligences trop parcellaires perdent toute force probante, eu égard aux très nombreux vols en partance d'autres aéroports européens qui pouvaient bénéficier de la promotion affichée, laquelle s'adressait à tous les consommateurs européens ; qu'il est ainsi exposé que, simultanément, la même promotion était diffusée sur tous les sites européens de la compagnie, six cent quatre-vingt-quatre lignes aériennes étant ainsi concernées par la campagne, dont trente-neuf au départ des aéroports français, le consommateur français pouvant bénéficier de l'offre quelque soit son aéroport de départ ou d'arrivée ; qu'il était cependant ajouté que la compagnie, en interne, via son service " yield management " se réservait le droit de répartir les billets à tarifs réduits selon le coefficient de remplissage de ses vols de manière à éviter un manque à gagner, chaque avion devant impérativement être rempli à 80, 85 % seules les places restantes étant éventuellement concernées par le tarif de 5 euro ; que cette contrainte de gestion impliquait une répartition de ces billets à bas prix, au gré des analyses, au coup par coup, ce qui pouvait expliquer, selon la prévenue, les constatations de l'huissier sur certains vols qui n'avaient pas de billets à 5 euro ; que cependant, la promotion était proposée sur le site français de la compagnie X, concernant les consommateurs résidant principalement sur le territoire, raisonnant majoritairement en fonction de besoins à partir d'un aéroport français ; que dès lors, les observations de l'officier ministériel, instrumentant sur plusieurs destinations phares européennes, listées et mises en valeur sur les pages d'écran de la promotion, à partir de Paris-Beauvais, aéroport principal de X en France apparaissent suffisamment probantes en ce qu'elles concernaient des demandes qu'il avait désignées comme flexibles pour les dates des vols, couvrant ainsi la totalité de la période considérée, soit du 1er janvier au 28 février 2010 ; qu'en outre, il n'était pas seulement constaté une faible quantité de billets à 5 euro pour les lignes considérées mais une absence totale de billets à ce tarif pour quatre des destinations choisies comme tests, et une quasi absence de vols pour la destination de Glasgow, sur la même période deux mois ; que, dans ce contexte, l'absence systématique de places au tarif préférentiel indiqué sur les cinq destinations présentée comme attractives et retenues comme arguments de vente par le transporteur, alors que la période de réservation n'était que de trois jours, pour une période de vols longue de deux mois, révèle nécessairement une tromperie sur l'avantage proposé, nonobstant l'existence d'autres destinations ; que, dans le même sens, la société X reconnaît elle-même qu'elle décidait en interne de distribuer en dernier recours des billets à bas prix selon le taux de remplissage de ses avions, et le cas échéant, de ne pas accorder de billets prime sur certains vols si les billets étaient déjà vendus au prix habituel, rendant très aléatoire l'attribution de billets à 5 euro ; que la compagnie, enfin, ne justifie d'ailleurs pas de la vente effective des cinq cent mille billets pendant les trois jours de réservation concernés ; que l'argument majeur de cette promotion, outre le prix exceptionnellement bas, retenu par le consommateur moyen et susceptible de l'attirer vers la compagnie X était le nombre très important de billets soit cinq cent mille unités, lui laissant légitimement penser qu'il pouvait bénéficier de l'avantage, sur une durée aussi limitée que trois jours de réservation ; que dès lors, cette publicité, constituée d'allégations fausses ou à tout le moins partiellement fausses, était de nature à l'induire en erreur sur l'existence, la disponibilité d'un service, et constitue dès lors, une pratique commerciale déloyale, en ce qu'elle apparaît contraire aux exigences de diligence professionnelle d'un transporteur aérien et qu'elle altère, de manière substantielle, le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ; qu'en effet, en l'espèce, le consommateur ne pouvait qu'être attiré par l'offre publicitaire de la compagnie X, en raison de l'image de dynamisme de la compagnie résultant de cette campagne et de l'idée ainsi générée d'un transporteur soucieux de proposer à la vente les meilleurs prix ; qu'ainsi induit en erreur, son comportement économique s'en trouvait donc substantiellement altéré, en ce qu'il se portait plus exclusivement vers la compagnie X ; qu'enfin, l'élément intentionnel se déduit nécessairement du caractère trompeur des allégations diffusées par l'entreprise lors de la mise en place de sa campagne promotionnelle ;

"et aux motifs adoptés qu'il ressort du constat d'huissier que l'engagement pris par la société dans son message publicitaire ne concernait pas de nombreuses destinations, ce qui rendait trompeuse l'annonce faite ; qu'il convient de retenir la société dans les liens de la prévention ;

"alors que si les personnes morales peuvent être responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, notamment en ce qui concerne le délit de pratique commerciale trompeuse, c'est à la condition que les juges du fond identifient l'organe ou le représentant de la personne morale qui a commis le délit pour le compte de celle-ci ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond se sont bornés à énoncer que la pratique commerciale imputée à la société prévenue avait été réalisée pour son compte par ses organes ou représentants dès lors qu'il n'était pas contestable que cette campagne publicitaire avait été réalisée avec l'aval des dirigeants et des services compétents ; qu'en s'abstenant d'identifier précisément l'organe ou le représentant de la société prévenue qui avait commis le délit, condition nécessaire à ce que la responsabilité pénale de la personne morale soit retenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 121-2 du Code de procédure pénale [sic] ; - Attendu que, selon ce texte, les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, pour déclarer la société X Ltd coupable de pratique commerciale trompeuse, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis pour son compte, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 18 septembre 2014, mais en ses seules dispositions relatives au délit de pratique commerciale trompeuse commis par la société X Ltd, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.