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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 novembre 2015, n° 13-14017

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Andrieu, E.N.S (SAS), Andrieu (SAS)

Défendeur :

Real Chocolat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles

Avocats :

Mes Fajgenbaum, Lachacinski, Baechlin, Renaudier, Lambert

TC Paris, du 8 oct. 2012

8 octobre 2012

FAITS ET PROCÉDURE

M. Serge Andrieu, artisan chocolatier à la tête d'un réseau d'une quarantaine de boutiques réparties sur le territoire français à l'enseigne " L'Atelier du chocolat " spécialisées dans la création, la fabrication et la distribution de produits de confiserie et pâtisserie à base de chocolat, est notamment l'auteur du " Bouquet de chocolats " créé en 1993 qui se compose d'un assortiment de feuilles de chocolat et de morceaux de plaques de chocolat, associé à d'autres produits chocolatés, disposé dans un cornet de carton et papier entouré de cellophane transparent et fermé par un lien de raphia.

M. Serge Andrieu a concédé à la société E.N.S une licence exclusive pour l'exploitation de ses créations et l'utilisation des nombreuses marques qu'il a déposées. Celle-ci a concédé des sous-licences à la société Andrieu laquelle commercialise les produits imaginés par M. Serge Andrieu.

La société Real Chocolat, créée le 21 juin 2004, commercialise des produits de biscuiterie, de confiserie et tous produits agro-alimentaires en général.

A compter de juin 2009, la société Real Chocolat a commercialisé des produits de chocolat sous forme de morceaux cassés de plaques de chocolat disposés dans des cornets de papier cartonné fermés par une feuille de cellophane transparent et liés par un lien de simili-raphia, et vendus sous la dénomination ' Cornet de chocolats'.

Invoquant des actes de concurrence déloyale et parasitaire et après l'envoi d'une mise en demeure du 10 juin 2009 d'avoir à cesser ces actes restée vaine, M. Serge Andrieu, la société E.N.S et la société Andrieu ont assigné, par exploit du 28 juin 2010, la société Real Chocolat devant le tribunal de commerce de Paris aux fins notamment qu'il lui soit interdit de poursuivre la production et la commercialisation de chocolat sous la forme de " Cornets de chocolat " et qu'elle soit condamnée à les indemniser du préjudice subi.

Par jugement du 8 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a : Dit que l'action de M. Serge Andrieu, de la société E.N.S et de la société Andrieu recevable mais mal fondée,

Condamné in solidum M. Serge Andrieu, la société E.N.S et la société Andrieu à payer à la société Real Chocolat la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamné in solidum M. Serge Andrieu, la société E.N.S et la société Andrieu aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 128,81 € TTC (dont TVA 20,89 €).

Le 10 juillet 2013, M. Serge Andrieu, la société E.N.S et la société Andrieu ont interjeté appel de cette décision.

Vu les dernières écritures signifiées et déposées le 13 mai 2015, aux termes desquelles M. Serge Andrieu, la société E.N.S et la société Andrieu demandent à la cour, au visa des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil et 699 et 700 du Code de procédure civile, de :

Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 8 octobre 2012 en ce qu'il a débouté Monsieur Serge Andrieu et les sociétés Andrieu et E.N.S de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Real Chocolat et les a condamnés à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;

Et statuant à nouveau :

Dire Monsieur Serge Andrieu et les sociétés E.N.S. et Andrieu recevables et bien fondés en leur action ;

Débouter la société Real Chocolat de toutes ses demandes, fins et prétentions.

A titre principal :

Dire que la société Real Chocolat, en fabriquant et en commercialisant des "cornets" de chocolat, composée d'un assortiment de morceaux de plaques de chocolat disposé dans un cornet en carton et papier et de cellophane transparent et fermé par un lien de simili-raphia, s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de Monsieur Serge Andrieu et des sociétés E.N.S. et Andrieu, sanctionnés sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants du Code Civil ;

En conséquence :

Interdire à la société Real Chocolat de poursuivre la production et la commercialisation de chocolat sous la forme des " cornets de chocolats " objets de l'instance et ce, sous astreinte de 500 euros (cinq cents euros) par infraction constatée dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour restant saisie pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;

Condamner la société Real Chocolat à verser à Monsieur Serge Andrieu la somme provisionnelle de 135 000 euros (cent trente cinq mille euros) et à chacune des sociétés E.N.S et Andrieu la somme provisionnelle de 135 000 euros (cent trente cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, somme à parfaire le cas échéant au regard de la production par la société Real Chocolat d'un état certifié par Expert Comptable ou Commissaire aux Comptes relatif à la fabrication, l'exportation, l'importation, l'offre en vente et la vente des produits en cause ;

À tout le moins, ordonner la production, sous astreinte de 500 euros (cinq cent euros) par jour de retard dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de tout document comptable certifié par un expert comptable ou un commissaire au compte indépendant permettant d'établir les quantités produites, commercialisées et livrées des produits litigieux, ainsi que leur prix de vente et le chiffre d'affaires qui en est découlé et ce, de 2005 jusqu'au jour de l'arrêt, la Cour restant saisie pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;

Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir en entier ou par extraits, au choix des appelants et aux frais avancés et à la charge de la société Real Chocolat, dans trois (3) journaux au choix des appelants, sans que le coût de ces publications n'excède pour chacune la somme de 15 000 (quinze mille) euros hors taxes ;

Ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir pendant une période d'un mois sur la page d'accueil du site Internet de la société Real Chocolat accessible à l'adresse www.real-choclat.fr (ou tout site qui y serait substitué) à compter du huitième jour suivant la signification du dit arrêt, sous astreinte de 500 euros (cinq cent euros) par jour de retard, la Cour restant saisie pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;

Ordonner que cette publication intervienne en partie supérieure de cette page d'accueil et en toute hypothèse au dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police de caractères "Times New Roman", de taille "12", droits, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 120 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre "communique judiciaire" en lettres capitales de taille 14 ;

Rejeter comme non fondées les éventuelles demandes reconventionnelles de la société Real Chocolat ;

Condamner la société Real Chocolat à verser à Monsieur Serge Andrieu, à la société E.N.S et à la société Andrieu la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Real Chocolat aux entiers dépens de l'instance (incluant les frais des constats réalisés le 19 janvier 2010 par Maître Morau et les 19 janvier 2010, 29 avril et 21 juin 2011 et 27 mars et 27 mai 2013 par Maître Ramonfaur, dont distraction au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum & Associes, conformément aux articles 699 et suivants du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées et déposées le 28 août 2015, aux termes desquelles la société Real Chocolat demande à la cour, au visa des dispositions des articles du Code civil et du Code de commerce, de :

A titre principal :

Constater et déclarer que Real Chocolat n'a commis aucune faute constitutive d'un acte de concurrence déloyale et parasitaire,

Constater l'absence totale de sérieux des demandes qu'il s'agisse tant du grief de concurrence déloyale et parasitaire, que du prétendu préjudice, des demandes de publication et de communication de documents comptables sous astreinte,

En conséquence,

Confirmer sur ces points le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 8 octobre 2012,

Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes.

A titre incident :

Déclarer l'action de Monsieur Andrieu et de la société ENS irrecevable pour défaut de qualité et intérêt pour agir,

En conséquence,

Infirmer sur ce point le jugement du 8 octobre 2012,

Infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de condamnation de Monsieur Andrieu, la société ENS et la Société Andrieu pour procédure abusive,

Condamner in solidum Monsieur Andrieu, la société ENS et la Société Andrieu à payer à Real Chocolat la somme de 30 000 € pour procédure abusive,

Condamner in solidum Monsieur Andrieu, la société ENS et la Société Andrieu à payer à Real Chocolat la somme de 10 000 € au titre des frais d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Monsieur Andrieu, la société ENS et la Société Andrieu aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2015. L'affaire a été plaidée le 29 septembre 2015 et les parties ont été avisées qu'elle était mise en délibéré au 18 novembre 2015, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à dispositions au greffe.

SUR CE

Sur l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt à agir Considérant qu'aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'il en ressort que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action lequel relève de l'examen de l'affaire au fond ;

Considérant que la société Real Chocolat soutient que M. Serge Andrieu et la société E.N.S sont dépourvus d'intérêt à agir dès lors qu'ils ne justifient leur présence à l'action qu'au seul regard des droits de propriété intellectuelle dont ils sont titulaires, les " Bouquets de chocolats " étant fabriqués et commercialisés par la seule société Andrieu ; que M. Serge Andrieu et la société ENS répliquent qu'ils exercent une action en concurrence déloyale et en parasitisme qui tend à réparer le préjudice qu'ils ont subi du fait d'agissements fautifs commis par un tiers et que l'existence de droits de propriété intellectuelle est indifférente à cet égard ;

Considérant que l'action en concurrence déloyale et/ou parasitaire est une action autonome et distincte de l'action en contrefaçon de marque ou de dessins ou modèles ; que la première est une action en responsabilité civile fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil qui sanctionnent un comportement déloyal dans les relations de concurrence, la seconde étant une action spéciale protégeant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les deux actions procédant de causes différentes et ne tendant pas aux mêmes fins ;

Considérant que M. Serge Andrieu et la société E.N.S se prévalent d'une diminution du chiffre d'affaires qu'ils tirent chacun de l'exploitation des 'Bouquets de chocolat'; qu'ils justifient d'un intérêt à agir en réparation d'un préjudice qu'ils auraient subi personnellement du fait des agissements de la société Real Chocolat ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir ;

Sur le fond

Considérant qu'aux termes du jugement entrepris, le tribunal de commerce a considéré que s'il existait des éléments de ressemblance entre les ' cornets ' et les bouquets ', ceux-ci n'étaient pas source de confusion pour un consommateur d'attention moyenne et que la société Real Chocolat n'ayant pas la nécessité de se placer dans le sillage des demandeurs, aucun acte de parasitisme ne peut dès lors lui être reproché ;

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, les appelants soutiennent en substance qu'en proposant à la vente des cornets reprenant les caractéristiques principales des " Bouquets de chocolats " sans aucune nécessité résultant d'un usage ou d'impératifs techniques, la société Real Chocolat s'est rendue coupable d'acte de concurrence déloyale et de parasitisme ; qu'ils rappellent la très forte renommée nationale et internationale depuis 1993 des " Bouquets de chocolat " créés en 1993 par M. Serge Andrieu ; qu'ils considèrent que l'intimée a utilisé la notoriété de ses bouquets afin de vendre ses cornets Real Chocolat et qu'il y a risque de confusion entre les produits ;

Considérant que la société intimée conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir que l'absence totale de ressemblance entre " le bouquet " et " le cornet " exclut tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et par voie de conséquence, l'existence de quelque acte de concurrence déloyale que ce soit ; qu'elle affirme qu'en réalité, l'objectif des appelants est d'essayer d'obtenir l'exclusivité de la commercialisation des chocolats en cornets ; qu'elle ajoute que le conditionnement en cornet est usuel, pratique et banal dans le secteur de la confiserie et spécifiquement dans le secteur de la chocolaterie de sorte que l'action en concurrence parasitaire se trouve sans objet ;

Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un produit puisse être librement reproduit sous réserve de l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée ;

Considérant que M. Serge Andrieu est l'auteur du " bouquet de chocolats " crée en 1993 lequel commercialisé sous forme de cadeau à offrir, est composé d'un assortiment de morceaux de plaques de chocolat cassées, confectionné en atelier et disposé dans un cornet de forme conique, coupé en biais et réalisé en papier cellophane transparent, la partie basse du cornet étant entourée de papier kraft, la partie supérieure du cornet de cellophane étant fermée par un lien de raphia ;

Considérant que 'le cornet de chocolat' fabriqué et commercialisé par la société Real Chocolat, sous forme de cadeau à offrir, est composé d'un assortiment de morceaux de plaques de chocolat cassées présenté dans un cornet en losange, réalisé à partir de papier cartonné pour la partie inférieure et en cellophane transparent pour la partie supérieure et fermé par un lien de simili-raphia ;

Considérant qu'il ressort de la comparaison des deux produits que le 'cornet de chocolats' reprend les caractéristiques essentielles du 'bouquet de chocolats' et qu'il existe de très fortes similitudes entre eux leur conférant une impression visuelle d'ensemble identique à l'origine d'un risque certain de confusion pour un consommateur moyen raisonnablement attentif et avisé ; que l'existence d'un risque de confusion s'appréciant d'après les ressemblances et non les différences, il importe peu à cet égard que le nombre de morceaux, au demeurant lié à l'aléa inhérent aux opérations de tablage et de cassage, la composition des chocolats et la qualité 'plus bas de gamme, industriels et moins travaillés, selon les propres dires de la société Real Chocolat, diffèrent sensiblement, un consommateur d'attention moyenne ne pouvant percevoir ces éléments à travers l'emballage ; que de même, au regard du risque de confusion, les différences dans les emballages de taille de l'ordre de 2 cm et de couleurs qui sont peu marquées, ne sont pas perceptibles pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux produits sous les yeux ; qu'enfin, les cornets et les bouquets sont vendus dans une gamme de prix similaire ;

Considérant dès lors que les actes de concurrence déloyale à l'égard des sociétés exploitantes sont caractérisés ;

Considérant que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements ; que le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'il suffit de démontrer la reproduction servile ou quasi-servile de données ou d'informations qui caractérisent l'entreprise par la notoriété et la spécificité qui s'y attachent, elles-mêmes résultant d'un travail intellectuel et d'un investissement propres ;

Considérant que les appelants justifient par la production d'un nombre important d'articles de presse (magazines, sites internet...) que le 'bouquet de chocolat' imaginé en 1993 par M. Serge Andrieu constitue un produit emblématique de la quarantaine de boutiques à l'enseigne 'L'Atelier du chocolat' et bénéficie d'une très forte renommée ; que son originalité est régulièrement mise en exergue ; que la chaîne LCI lui a consacré un reportage le 17 mars 2008 ; qu'il est notamment cité dans l'ouvrage " Les marques d'Aquitaine " qui présente les marques célèbres ayant contribué à l'essor économique de la région ; qu'il est nécessairement le résultat d'investissements importants ;

Considérant que la reproduction des caractéristiques essentielles du " bouquet de chocolats " par la société Real Chocolat ne peut être fortuite ; qu'elle ne justifie d'aucune contrainte technique et réglementaire nécessitant notamment l'utilisation de cette forme d'emballage ; que par ailleurs, elle ne communique ni même n'allègue aucun élément de nature à établir ses propres efforts de création et de promotion des 'cornets'; que cette reprise lui a permis de réaliser des économies injustifiées en termes de création et de développement du produit ; qu'elle a ainsi manifesté une volonté délibérée de se placer dans le sillage des sociétés exploitantes concurrentes pour bénéficier du succès de la notoriété du 'bouquet de chocolats'; que ce faisant, elle a commis des actes de concurrence parasitaire ;

Considérant que les actes de concurrence déloyale et parasitaire étant caractérisés, le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ;

Considérant que M. Andrieu sollicite une somme forfaitaire et provisionnelle de 135 000 €, soit 15.000 € par année d'exploitation, correspondant à la rémunération qu'il serait en droit d'attendre en contrepartie d'une licence négociée autorisant la société Real Chocolat à exploiter 'ses bouquets de chocolats' au sein de la gamme 'cornets de chocolats' ;

Mais considérant que M. Andrieu a concédé une licence exclusive d'exploitation du 'bouquet de chocolats' à la société ENS laquelle a concédé une sous-licence à la société Andrieu ; que dès lors, il ne justifie pas être en droit de percevoir la rémunération dont il déplore la perte ;

Considérant que M. Andrieu fait également état d'une dévalorisation des licences qu'il a consenties en ce qu'il a été dans l'impossibilité de garantir à ses partenaires l'exclusivité ; que toutefois, il n'évalue pas ce poste de préjudice et ne forme aucune demande chiffrée à ce titre ; qu'il n'y a donc pas lieu de l'examiner ;

Considérant que s'agissant des faits de parasitisme, les sociétés ENS et Andrieu se bornent à invoquer l'importance des investissements qu'elles ont réalisés durant des années pour exploiter les " bouquets de chocolat " ; qu'elles ne font état précisément que du coût de 2 millions d'euros supporté par la société Andrieu pour la construction d'un siège social de 2.500 m² doté d'un laboratoire et d'un espace d'exposition et s'abstiennent de donner la moindre précision quant à la nature et à l'importance de leurs investissements au regard du seul produit en cause et de communiquer aux débats un quelconque document relatif aux investissements allégués qui ne sont toutefois pas contestés par la société intimée ; qu'en conséquence de ces éléments, il leur sera alloué à chacune la somme de 20 000 € .

Considérant que s'agissant des actes de concurrence déloyale, les appelants affirment qu'ils ont subi un important préjudice tenant à une perte de clientèle et de parts de marché ; que toutefois, ils ajoutent, non sans contradiction, que les agissements de la société Real Chocolat ont provoqué 'une baisse sensible' du chiffre d'affaires des 'Ateliers du chocolat' et que la société Andrieu a commercialisé 30 000 bouquets de moins pendant l'exercice 2009/2010 en conséquence direct des actes de l'intimée ; qu'ils relèvent sans être contredits que le chiffre d'affaires de la société Real Chocolat a doublé entre 2009 et 2011 ; qu'ils font également valoir une atteinte à l'image de marque et notamment à leur réputation de qualité par la vulgarisation du produit en suite des agissements de l'intimée ; qu'ils évaluent à 135 000 € le préjudice subi par chacune des sociétés ENS et Andrieu ;

Considérant que le risque de confusion a nécessairement entraîné un détournement de clientèle ainsi qu'une atteinte à l'image des " bouquets de chocolat " par la commercialisation de produits de moindre qualité ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble des éléments communiqués au dossier et sans qu'il soit nécessaire de faire injonction à la société Real Chocolat de communiquer tout document d'établir les quantités produites commercialisées et livrées des 'cornets' ainsi que le chiffre d'affaires qui en est découlé, il sera alloué à chacune des sociétés exploitantes la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner les mesures d'interdiction sollicitées par les appelants sous astreinte selon les modalités fixées au dispositif du présent arrêt et dont il n'y a pas lieu de se réserver la liquidation ;

Considérant qu'une mesure de publication de la décision judiciaire n'apparaît pas nécessaire pour assurer une plus ample réparation du dommage ;

Considérant enfin que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Real Chocolat de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Par ces motifs La Cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. Andrieu et de la société ENS et débouté la société Real Chocolat de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, Et statuant de nouveau, Condamne la société Real Chocolat à verser à la société ENS la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de parasitisme et celle de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ; Condamne la société Real Chocolat à verser à la société Andrieu la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de parasitisme et celle de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ; Fait interdiction à la société Real Chocolat de poursuivre la production et la commercialisation de chocolats sous la forme des 'Cornets de Chocolats', objets de l'instance et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à partir d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pendant une période de six mois, Dit n'y avoir lieu à se réserver le cas échéant la liquidation de l'astreinte, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Real Chocolat aux dépens de première instance et d'appel en ce non compris les coût des constats d'huissier, Autorise la SCP Nataf Fajgenbaum &Associes, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Real Chocolat à verser à M. Serge Andrieu, la société ENS et la société Andrieu la somme de 15 000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.