CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 17 novembre 2015, n° 14-05281
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dupin, Fourtet (ès qual.), Edi Process (SAS)
Défendeur :
Print Chain (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Palau
Conseillers :
Mm. Ardisson, Leplat
Avocats :
Mes Debray, Moreuil, Flipo, Fourtet
La SAS Print Chain est un éditeur de solutions informatiques pour la gestion des achats dans le domaine de l'impression.
Elle propose sur son site internet un service d'appel d'offres et un outil de calcul du prix dit de marché pour des projets d'impression.
Pour calculer ce prix, elle exploite un logiciel alimenté par une base de données incluant pour l'ensemble des machines d'impression existant sur le marché divers types de données, continuellement mises à jour.
En mars et septembre 2002, Monsieur Dupin a déposé en son nom deux CD intitulés " Moteur de calcul du prix moyen de marché d'impression " auprès de l'Agence de Protection des Programmes, ci-après dénommée APP.
Ces dépôts ont été enregistrés sous les numéros 02-090023-00 et 02-090023-01.
Par acte du 10 juillet 2002, il a cédé à la société E-Quanto " un droit de reproduction et de représentation sur le logiciel de calcul du prix moyen du marché ". Ce logiciel est celui ayant fait l'objet des dépôts précités.
Par convention du 28 novembre 2002, la société E-Quanto a cédé à la société Print Chain une " maquette de logiciel ". L'acte précise que le vendeur cède " la pleine propriété de tous les droits de co-auteur... que détient E-Quanto sur le logiciel de calcul de prix moyen de marché ". Il indique que l'acquéreur reconnaît le carctère non finalisé du logiciel.
Par contrat du 12 décembre 2002, la société Print Chain a engagé Monsieur Dupin.
Le 3 juin 2005, Monsieur Dupin a été licencié.
Par ordonnance du 9 août 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montauban, saisi par la société Print Chain, a interdit à Monsieur Dupin, sous astreinte de 10 000 par infraction constatée, de " diffuser d'une quelconque manière et à quelque titre que ce soit une copie du logiciel de calcul du prix moyen du marché quelque qu'en soit la version " et d' " exploiter d'une quelconque manière le logiciel de calcul du prix moyen du marché quelque qu'en soit la version ".
Après avoir pratiqué une saisie description du logiciel dans les locaux de la société Print Chain, Monsieur Dupin a fait assigner celle-ci devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de se voir reconnaître la qualité d'auteur du " logiciel de calcul du prix moyen de marché ".
Par jugement du 9 mars 2006, le tribunal l'a débouté de ses demandes et lui a interdit de " détenir une copie du logiciel de calcul du prix moyen de marché, objet de la présente procédure et/ou de sa documentation " sous astreinte de 3 000 euro par infraction constatée ", le tribunal se réservant la liquidation de celle-ci.
Par arrêt du 24 mai 2007, la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
Par acte du 10 mai 2007, Monsieur Dupin a créé la société Edi Process, en liquidation judiciaire, qui propose, sur son site Imprimdoo.com un service mettant en contact clients et imprimeurs et détaillant les prix proposés et en proposant, comme la société Print Chain, un outil de calcul du prix moyen du marché.
Par actes des 27 janvier et 6 février 2009, un agent de l'APP, intervenu à la demande de la société Print Chain, a constaté que 51 % des " prix de la roule au mille " utilisés par la société Edi Process étaient identiques à ceux figurant dans la base de données de la société Print Chain.
Par acte du 4 juin 2009, la société Print Chain, autorisée à cet effet, a fait procéder à une saisie description du logiciel exploité par la société Edi Process.
Par arrêt du 17 février 2010, la cour d'appel de Versailles, saisi de l'appel d'une ordonnance de référé, a interdit à la société Edi Process de " réutiliser tout ou partie de la base de données de la société Print Chain sous astreinte " de 1 000 euro par infraction journalière constatée.
Par acte du 9 juin 2009, la société Print Chain a fait assigner la société Edi Process devant le Tribunal de grande instance de Nanterre afin que soit ordonnée une mesure d'expertise et que soit réparé son préjudice.
Par jugement du 25 novembre 2010, le tribunal a ordonné une expertise confiée à Monsieur Burtin, l'expert ayant notamment pour mission de comparer les deux logiciels.
L'expert a déposé son rapport le 22 décembre 2011.
Il conclut que les deux logiciels présentent des caractéristiques techniques très différentes du point de vue de la programmation informatique, que les fonctionnalités propres au métier d'imprimeur sont elles-mêmes implémentées de manière très différente dans ces deux logiciels et que non seulement il n'a pas été possible d'isoler des traces techniques de contrefaçon mais que les divergences relevées rendent clairement impossible la copie, même intelligente, d'un logiciel vers un autre.
Il lui parait évident que des documents ayant été traités voire créés dans le cadre des travaux de conception de son logiciel par la société Print Chain ont été récupérés par la société Edi Process, certains étant mêmes présents dans les fichiers saisis.
Il lui apparaît également que le contenu des fichiers ainsi récupérés n'a pas directement servi à copier des éléments du logiciel de la société Print Chain vers celui de la société Edi Process, une " inspiration en négatif " restant toutefois possible et étant reconnue par la société Edi Process.
Par actes du 30 mai 2012, la société Print Chain a assigné en intervention forcée Monsieur Dupin et Maître Fourtet en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Edi Process.
La société Print Chain a déclaré une créance de 1 035 000 euro au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Par jugement du 16 janvier 2014, le Tribunal de grande instance de Nanterre a:
dit que la société Edi Process a commis une atteinte aux droits de producteur de la base de données au préjudice de la société Print Chain
dit que la société Edi Process a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire
débouté la société Print Chain de son action en contrefaçon de logiciel
fixé la créance de dommages et intérêts de la société Print Chain due par la société Edi Process aux sommes de 20 000 euro au titre de l'atteinte aux droits du producteur et de 10 000 euro du chef des agissements parasitaires
rejeté les demandes formées à l'encontre de Monsieur Dupin et celles formées par lui
condamné la société Edi Process à payer à la société Print Chain la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles
condamné la société Print Chain à payer à Monsieur Dupin la somme de 5 000 euro à ce titre
rejeté la demande de la société Print Chain tendant à la liquidation de l'astreinte et à la restitution des logibox.
Par déclaration du 24 juillet 2014, Monsieur Dupin et Maître Fourtet ès qualités ont interjeté appel.
Dans leurs dernières conclusions portant le numéro 2 en date du 6 février 2015, Monsieur Dupin et Maître Fourtet ès qualités demandent que le jugement soit réformé en ce qu'il a retenu une atteinte aux droits du producteur et des actes de parasitisme et confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon.
Ils demandent qu'il soit jugé que la société Print Chain s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de logiciel et de parasitisme au préjudice de Monsieur Dupin.
A titre subsidiaire, ils sollicitent la désignation d'un expert chargé de procéder à la comparaison du logiciel exploité par la société Print Chain avec le contenu de la logibox.
La société Edi Process réclame le paiement des sommes de 1 000 000 euro en réparation de son préjudice matériel et de 200 000 euro de son préjudice moral.
Monsieur Dupin réclame le paiement d'une somme de 1 000 000 euro en réparation de ses préjudices matériel et moral.
La société sollicite le versement d'une somme de 35 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et Monsieur Dupin d'une somme de 45 000 euro sur le même fondement.
Ils concluent au rejet des demandes de la société Print Chain.
Ces parties rappellent les diverses procédures.
Elles exposent que Monsieur Dupin a conçu et créé un logiciel, ci-après dénommé Noyau logiciel, de " calcul du prix moyen de marché " comportant une base de données, destiné aux métiers de l'imprimerie.
Elles déclarent que le dépôt par Monsieur Dupin du noyau logiciel auprès de L'APP est un référencement qui permet d'inscrire la création au registre international IDDN et que l'agence place sous enveloppe scellée (logibox) le support de la création numérique et une copie attestant de son référencement, la logibox étant remise à l'adhérent.
Elles relatent que Monsieur Dupin a créé, avec d'autres, la société E-Quanto et qu'il l'a autorisée à commercialiser le noyau logiciel ainsi qu'il résulte du numéro mentionné.
Elles relèvent que la convention de cession du 28 novembre 2002 ne fait pas référence au numéro IDDN du noyau logiciel, seul le site Web intégrant le calculateur-la maquette- ayant été cédé. Elles soulignent que ce noyau n'a pu être cédé, la société E-Quanto ne disposant pas de droit de coauteur sur celui-ci. Elles soutiennent que seule la convention fait la loi des parties et que les courriers antérieurs ne peuvent prévaloir. Elles affirment que la société Print Chain exploite le noyau logiciel de Monsieur Dupin sans lui verser de droits.
Elles soulignent qu'est en cause la base de données soit le noyau logiciel.
Elles excipent du jugement querellé en ce qu'il a rejeté la demande de liquidation d'astreinte au motif qu'il n'est pas justifié que les deux logibox contiennent copie du logiciel Pricer développé par la société Print Chain alors que seules des maquettes de logiciels ont été déposées en 2002.
Elles affirment qu'il résulte de la note aux parties numéro 1 de l'expert que la société Print Chain produit au titre des spécifications de son logiciel Pricer un document qui correspond aux spécifications du noyau logiciel de Monsieur Dupin et, donc que Monsieur Dupin et la société Print Chain produisent le même document. Elles affirment que les propos tenus par Monsieur Dupin et repris par l'expert selon lesquels il était en possession d'une logibox datant de 2002 dans laquelle se trouvait une copie du Code source du logiciel exploité par la société Print Chain l'ont été en réponse à une déclaration de la société Print Chain qui avait prétendu que " dans la logibox, il y avait la copie du logiciel Print Chain, qu'il était important de vérifier si Monsieur Dupin s'était conformé au jugement ".
Elles réfutent toute atteinte aux droits du producteur de base de données.
Elles déclarent que doivent être distingués la structure de la base (son organisation intellectuelle et matérielle) et son contenu (ses données). Elles ajoutent qu'en tant que structure, la base de données est un des composants d'un logiciel. Elles en infèrent que si l'absence de copie du logiciel est constatée, il ne peut y avoir copie des bases de données.
Elles rappellent l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle et en déduisent que la faculté d'interdire l'utilisation du contenu n'est admise qu'à la condition que la base de données ait fait l'objet d'investissements financiers matériels ou humains substantiels. Elles affirment que les factures produites ne concernent pas la base de données en tant que telle, le site Web ne pouvant être confondu avec la base de données qui est une partie du noyau logiciel. Elles estiment que les salaires de Monsieur Dupin ne sont pas une preuve de l'investissement destiné à produire la base de données, celui-ci ayant pour mission de faire évoluer la maquette et de développer d'autres interfaces. Elles affirment que les factures postérieures à juin 2005 sont sans incidence, seules les bases de données de 2005 étant comparées et Monsieur Dupin, licencié le 5 juin 2005, ne pouvant copier que ce qui existait alors. Elles déclarent qu'aucune facture antérieure ne porte sur la recherche ou l'acquisition de données soit sur le contenu de la base, ces factures étant des factures de développements, d'hébergement..... Elles invoquent un arrêt de la cour de cassation du du 5 mars 2009 définissant la notion d'investissement.
Elles réfutent toute contrefaçon du logiciel Print Chain par Edi Process. Elles se prévalent du jugement qui a distingué les spécifications papiers et les fichiers qui présentent d'importantes similitudes et le Code source des logiciels des parties qui est différent. Elles excipent des conclusions de l'expert.
Elles soutiennent que la société Print Chain a commis des actes de contrefaçon. Elles rappellent que l'expert a relevé des similitudes concernant les spécifications saisies en 2009 chez Edi Process et les spécifications relatives au logiciel Pricer. Elles expliquent ces similitudes par le fait que ces spécifications saisies sont celles de Monsieur Dupin concernant le noyau logiciel, qu'il n'a pu récupérer lors de son départ. Elles soulignent qu'il ne s'agit pas des spécifications du logiciel Imprimdoo ce qui explique l'absence de similitudes des codes sources alors que les documents sont en partie identiques. Elles affirment que, dans la mesure où les spécifications produites par la société Print Chain correspondent au noyau logiciel objet du dépôt APP et présent dans les logibox, cela signifie que le logiciel Print Chain contrefait celui de Monsieur Dupin en 2002.
Elles exposent que Monsieur Dupin avait mis le noyau logiciel à la disposition de la société Print Chain, son employeur, et que celle-ci exploitait gracieusement ce noyau logiciel et adaptait à ses besoins la maquette du site interface qu'elle avait acquise. Elles soulignent que l'intimée n'a jamais offert à Monsieur Dupin de s'acquitter des droits d'auteur lui revenant.
Elles affirment que le rejet, par l'arrêt prononcé le 24 mai 2007, de sa demande de paiement de ses droits d'auteur ne porte que sur la maquette acquise par la convention qui a fait l'objet d'investissements postérieurs mais pas sur le noyau logiciel. Elles contestent donc toute autorité de la chose jugée, la cour s'étant fondée sur la convention qui ne concerne que la maquette.
Elles déclarent que les logibox n'ont jamais été ouvertes et qu'une maquette ne peut faire l'objet d'un dépôt. Elles affirment que le noyau logiciel et la base de données sont demeurés la propriété de Monsieur Dupin.
Elles exposent que Monsieur Dupin a été engagé pour faire évoluer la maquette acquise auprès de la société E-Quanto et que Monsieur Bellec, son collaborateur, a intégré dans l'interface E-Quanto mise en place par Monsieur Dupin des liens avec le noyau logiciel que Monsieur Dupin mettait à la disposition de la société. Elles reprochent à la société d'avoir continué à utiliser le noyau logiciel après le départ de Monsieur Dupin. Elles déclarent que le logiciel Print Chain comprend le moteur de calcul réalisé par Monsieur Dupin et déposé en 2002 dans le logibox et la mise en œuvre de l'interface relationnelle réalisée en partie par Monsieur Bellec. Elles se prévalent des constatations de l'expert sur les similitudes entre les spécifications.
Elles considèrent donc que l'expert s'est trouvé confronté à des spécifications écrites pour le noyau logiciel Dupin, délaissées dans les locaux de la société Print Chain lors du départ de Monsieur Dupin et utilisées par elle. Elles en concluent à l'existence d'une contrefaçon de la part de la société Print Chain.
Les appelantes proposent, subsidiairement, que soit ordonnée l'ouverture des logibox contenant le noyau logiciel Dupin déposé en mars 2002 afin qu'il soit comparé avec le logiciel Print Chain de 2005.
Elles démentent tout parasitisme. Elles rappellent qu'on peut étudier une œuvre pour s'en inspirer. Elles relèvent que l'expert a déclaré que les démarches étaient différentes et soutiennent que le soit disant parasitisme n'est pas le résultat de l'appropriation de fichiers mais celui d'expérience dans la conception du noyau logiciel et de l'interface, Monsieur Dupin s'étant inspiré de sa propre création antérieure.
Elles font état d'un harcèlement procédural et de ses conséquences économiques sur la société Edi Process.
Dans ses dernières écritures en date du 8 décembre 2014, la SAS Print Chain conclut à l'irrecevabilité des demandes de Monsieur Dupin au titre de la contrefaçon.
Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu une atteinte aux droits de producteur de base de données et des actes de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la société Edi Process et en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre.
Elle demande qu'il soit infirmé pour le surplus.
Elle demande qu'il soit jugé que la société Edi Process s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de logiciel à son préjudice.
Elle sollicite la fixation de son préjudice à la somme globale de 640 000 euro.
Elle demande que sa créance au passif de la société soit fixée à 640 000 euro.
Elle réclame la condamnation de Monsieur Dupin à lui payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Elle sollicite la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 9 mars 2006, confirmé par arrêt du 24 mai 2007, et la condamnation de Monsieur Dupin à lui payer la somme de 6 000 euro.
Elle demande qu'il soit ordonné à Monsieur Dupin de lui remettre les deux logibox en sa possession dont le contenu est inscrit au répertoire APP-IDDN sous les numéros IDDN. FR.001.090023.000 R.P 2002.000.30620 et FR.001.090023.0001.R.P 2002.000.30620 sous astreinte de 100 euro par jour de retard, liquidée par la cour.
Elle réclame la condamnation insolidum des appelants à lui payer la somme de 50 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et l'inclusion dans les dépens des frais du constat des 27 janvier et 6 février 2009 et des frais afférents à la saisie description.
La société rappelle les diverses procédures.
En ce qui concerne la base de données, elle rappelle les termes de l'arrêt du 17 février 2010 sur sa qualité à agir en application de l'article L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et sur le caractère quantitativement et qualitativement substantiel de la réutilisation par la société Edi Process des données de sa base.
Sur sa qualité à agir, elle déclare avoir investi, de 2002 à 2008, plus de 1 000 000 euro pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données qu'elle exploite sur son site. Elle détaille ses dépenses et reproche aux appelants de tronquer l'arrêt du 5 mars 2009
Elle affirme justifier d'une atteinte à ses droits. Elle invoque l'article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle. Elle excipe du constat dressé par l'APP et d'une attestation de Monsieur Lenoir, président de la compagnie des chefs de fabrication de l'imprimerie, aux termes de laquelle " il est pratiquement impossible que les prix pour une machine et un travail donné soient identiques au centime près chez deux imprimeurs ". Elle affirme que Monsieur Dupin a emporté, en juin 2005, une copie de la base de données de son employeur et déclare que la comparaison des données a été effectuée avec sa version 2005 de sa base. Elle conclut à l'importance quantitative et qualitative substantielle de cette réutilisation compte tenu de ce taux de 51% et de leur valeur stratégique, le prix du roule au mille étant particulièrement important pour déterminer le coût d'impression d'un produit comme en atteste Monsieur Lenoir. Elle considère que ces prix confèrent à sa base l'essentiel de sa valeur et déclare que leur obtention nécessite un investissement substantiel. Elle admet que ce prix est une donnée courante et disponible mais fait valoir qu'il est nécessaire de la collecter, la vérifier et la présenter sur un site internet ce qui nécessite un investissement substantiel que la société n'a pas fait. Elle souligne qu'elle ne revendique pas la protection pour les données elles-mêmes mais pour la base qu'elle a produite.
En ce qui concerne son préjudice, elle rappelle l'article L. 331-1-3 du Code précité et se réfère aux " conséquences économiques négatives " soit l'économie réalisée par l'auteur de l'atteinte. Elle invoque son investissement, 1 000 000 euro, et la réutilisation de 51 % des données relatives au prix de roule au mille qui confèrent à sa base l'essentiel de sa valeur, et évalue à 510 000 euro son préjudice de ce chef. Elle ajoute un préjudice moral et calcule donc à 540 000 son préjudice au titre de l'atteinte à ses droits de producteur de base de données.
En ce qui concerne le logiciel, l'intimée reconnaît que l'expert a exclu toute copie du Code source mais fait valoir qu'il ressort de ses travaux que les spécifications et l'interface utilisateur de son logiciel ont été reprises par la société Edi Process. Elle déclare que 11 fichiers sont concernés et que 20 pages du logiciel d'Edi Process correspondent mot pour mot à celles de son logiciel.
Elle reprend les termes du rapport et en conclut que la contrefaçon est caractérisée, étant souligné que l'article 112-2 du Code de la propriété intellectuelle considère comme œuvre de l'esprit " les logiciels y compris le matériel de conception préparatoire ".
Elle ajoute que l'expert a constaté que l'interface utilisateur du logiciel exploité par Edi Process était initialement très proche du sien.
Elle en conclut qu'il résulte de son rapport que la société Edi Process a initialement copié l'interface utilisateur du logiciel et que le tribunal a écarté à tort la contrefaçon.
Elle demande, en tout état de cause, que le jugement soit confirmé en ce qu'il a retenu la concurrence déloyale et parasitaire. Elle fait état de déclarations de Monsieur Dupin devant l'expert et des propres indications de l'expert. Elle affirme que la société a, par cette appropriation, indument réalisé des économies substantielles. Elle réclame, au vu de ses investissements, le paiement d'une somme de 100 000 euro.
Elle soutient que Monsieur Dupin a pris une part prépondérante dans ces agissements, l'interface utilisateur du logiciel exploité par la société Edi Process étant, selon l'expert, très proche du sien en 2006 soit avant la création de la société et les fichiers contenant des éléments appartenant à la société Print Chain ayant été créés avant 2007. Elle sollicite donc le paiement d'une somme de 50 000 euro de ce chef.
Elle relève que l'expert a indiqué que Monsieur Dupin était en possession d'une boite Logibox contenant, selon ses propres déclarations, une copie du logiciel de calcul du prix moyen de marché tel qu'il avait été acheté par la société Print Chain en 2002. Elle relève également qu'il a ajouté que Monsieur Dupin avait mentionné une seconde logibox contenant également ce logiciel et/ou sa documentation. Elle demande donc la liquidation de l'astreinte et la restitution de ces pièces.
Elle fait valoir que cette restitution est d'autant plus nécessaire que Monsieur Dupin continue de soutenir, malgré l'autorité de la chose jugée en 2006, qu'il est l'auteur d'un premier logiciel de calcul du prix moyen de marché qu'il appelle désormais noyau qui aurait été intégré à celui acquis par la société Print Chain et dont il n'aurait pas cédé les droits. Elle relève qu'il affirme que ses droits sont établis par le certificat qu'il verse aux débats et souligne que, dans son arrêt du 24 mai 2007, la cour a jugé que toute utilisation du certificat d'hébergement serait abusive. Elle réclame la liquidation de l'astreinte prononcée par cet arrêt.
La société conclut au rejet des demandes des appelants au motif que les siennes sont fondées.
Elle ajoute qu'elles sont irrecevables. Elle déclare que les demandes de Monsieur Dupin fondées sur la contrefaçon de son logiciel sont nouvelles en appel et se heurtent à l'autorité de la chose jugée le 24 mai 2007.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2015
Sur les demandes de Monsieur Dupin au titre de la contrefaçon et du parasitisme
Considérant que, dans ses dernières conclusions en première instance, Monsieur Dupin a sollicité le paiement d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral mais n'a pas invoqué d'acte de contrefaçon ou de parasitisme commis par la société Print Chain ;
Considérant que sa demande tendant à juger que la société s'est rendue coupable d'une contrefaçon et d'un parasitisme et à se voir octroyer la somme de 1 000 000 euro en réparation de son préjudice moral et de son préjudice matériel est donc nouvelle ;
Considérant qu'elle est, en conséquence, irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Sur la base de données
Considérant que l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose:
" Le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celle-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel " ;
Considérant que l'article L. 342-1 du même Code dispose:
" Le producteur de base de données a le droit d'interdire... la réutilisation par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement et quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme " ;
Considérant que la société Print Chain exploite une base de données au travers de son site ;
Considérant qu'il lui appartient de démontrer qu'elle a, pour la constitution, la vérification ou la présentation de celle-ci, procédé à un investissement financier, matériel ou humain substantiel ; que cet investissement lié à l'obtention du contenu d'un base de données s'entend des moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans la base ;
Considérant qu'elle a acquis auprès de la société E-Quanto un logiciel incluant la base de données pour le prix de 56 000 euro ; que Monsieur Dupin a été engagé notamment pour procéder à la collecte et à la vérification des données moyennant un salaire brut de 2 321, 55 euro soit un montant global d'environ 65 000 euro jusqu'au 3 juin 2005 ;
Considérant qu'elle a payé, jusqu'au départ de Monsieur Dupin, la somme de 32.939,26 euro à la société Virtuology France pour la conception graphique du site, la somme de 42 125 euro à la société Magnitude 12 pour le développement de la plate-forme technique du site et celle de 140 733,32 euro à la société Pertineo pour le même motif ;
Considérant qu'elle a également payé la somme de 247 356,16 euro à la société Kernix pour le développement, la maintenance et l'hébergement du site ;
Considérant que doivent être prises en compte non seulement les sommes correspondant à la constitution de la base de données et à sa vérification mais également celles exposées pour rendre cette base accessible au public soit celles investies à ce titre pour le développement du site ;
Considérant que, même en excluant les dépenses liées à la charte graphique du site, le libellé des factures démontre l'importance de l'investissement consacré à cette constitution et vérification et à sa mise à la disposition du public ;
Considérant que la société Print Chain démontre donc l'importance de son investissement ;
Considérant qu'elle justifie ainsi de sa qualité à protéger ses droits de producteur de base de données ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte du constat dressé par l'APP que 51 % des prix de roule au mille utilisés par la société Edi Process sont identiques à ceux figurant dans cette base de données ; que le président de la compagnie des chefs de fabrication de l'imprimerie estime " pratiquement impossible que les prix pour une machine et un travail donné soient identiques au centime près chez deux imprimeurs " ;
Considérant, d'autre part, que le prix de roule au mille est, ainsi qu'il résulte de la déclaration du président précité, particulièrement difficile à recueillir compte tenu de ses composantes ; que cette donnée doit être collectée et vérifiée puis présentée sur un site internet; que son obtention nécessite un investissement substantiel ; qu'elle fait la valeur de la base de données ;
Considérant qu'il ressort du constat effectué et de l'importance des données réutilisées que la société Edi Process a porté atteinte aux droits de la société Print Chain en qualité de producteur de la base de données ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, les dommages et intérêts sont fixés en prenant en considération le manque à gagner subi par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte- qui n'a pas eu à procéder aux investissements nécessaires- et le préjudice moral subi ;
Considérant qu'au regard des investissements effectués, de l'économie réalisée, des identités constatées et du préjudice moral subi, une somme de 20 000 euro sera allouée à la société Print Chain à ce titre ;
Sur le logiciel
Considérant qu'en application de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut porter sur les logiciels y compris le matériel de conception préparatoire ;
Considérant que Monsieur Burtin a comparé les logiciels exploités par les sociétés Print Chain et Edi Process ;
Considérant que les appelantes ne versent aux débats aucune pièce de nature à établir que le logiciel utilisé par la société Print Chain est en réalité celui mis au point par Monsieur Dupin et déposé par lui auprès de l'APP en 2002;
Considérant que cette preuve ne résulte pas davantage des conventions conclues ;
Considérant que l'expert n'a pas estimé nécessaire de procéder à son ouverture malgré la demande de Monsieur Dupin; que son refus est justifié par les éléments précités;
Considérant qu'une mesure d'expertise ne peut suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve ; que la demande sera rejetée ;
Considérant qu'il résulte des constatations, non critiquées, de Monsieur Burtin qu'il n'y pas eu copie du Code source du logiciel ;
Considérant que, même si des spécifications du logiciel utilisé par la société Edi Process sont identiques à celles du logiciel utilisé par la société Print Chain et si l'ancienne interface du logiciel d'Edi Process était " très proche " de celui de l'intimée, ces proximités sont insuffisantes à caractériser une contrefaçon ;
Considérant, toutefois, que ces éléments démontrent que la société Edi Process n'a pas seulement étudié le logiciel pour s'en inspirer mais a exploité les spécifications du logiciel de la société Print Chain, fût-ce en négatif, et s'est ainsi approprié son travail ; qu'elle a donc commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Considérant que le préjudice de la société Print Chain a été justement évalué par le tribunal à la somme de 10 000 euro ;
Sur les demandes formées contre Monsieur Dupin
Considérant que l'atteinte aux droits du producteur de la base de données et le comportement parasitaire sont le fait de la société Edi Process et non de Monsieur Dupin ; que les demandes formées contre celui-ci seront donc rejetées ;
Considérant que la Cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 24 mai 2007, confirmé un jugement interdisant à Monsieur Dupin de " détenir une copie du logiciel de calcul du prix moyen du marché objet de la présente procédure et/ou de sa documentation " sous astreinte de 3 000 euro par infraction constatée ;
Considérant que l'astreinte assortit l'interdiction de détenir une copie du logiciel développé par la société Print Chain ;
Considérant qu'il résulte des termes de l'arrêt et de ceux non contraires du jugement que les logibox ne sont pas concernées par cette interdiction dès lors qu'elles ont été déposées en 2002 et que le logiciel développé par la société Print Chain est postérieur ;
Considérant que la demande de liquidation de l'astreinte sera donc rejetée ;
Considérant que, pour les mêmes motifs, la demande de remise des deux logibox sera rejetée ;
Sur les autres demandes
Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions y compris celles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens;
Considérant que les appelants seront, in solidum, condamnés à payer la somme de 5 000 euro à l'intimée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, leurs demandes aux mêmes fins seront rejetées ;
Par ces motifs, Contradictoirement, Déclare irrecevable la demande de Monsieur Dupin au titre de la contrefaçon et du parasitisme, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne in solidum Monsieur Dupin et Maître Fourtet en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Edi Process à payer à la société Print Chain la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne in solidum Monsieur Dupin et Maître Fourtet ès qualités aux dépens, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.