CA Rennes, 2e ch., 17 mai 2013, n° 10-08773
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
De Malezieu
Défendeur :
BME France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Brun
Conseillers :
Mmes Le Potier, Lefeuvre
Avocats :
Mes Colleu, Torres Foret-Dodelin, SCP Castres Colleu Perot Le Couls Bouvet, Selafa Fidal, SELARL Gourves-D'aboville & Associes
Par jugement du 2 novembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Rennes a :
- prononcé l'annulation, pour réticence dolosive, de la vente du dispositif de morpholiposculpture intervenue entre la société FME et le docteur De Malezieu,
- condamné le docteur De Malezieu à verser à la société BME, en exécution de la vente du dispositif de lumière pulsée intense " Lumisculpt " la somme de 61 594 euro TTC outre intérêts légaux à compter du 28 janvier 2009, en contrepartie de la livraison par cette société des matériels visés dans le bon de commande n° 5905 et le descriptif joint,
- condamné le docteur De Malezieu à verser à la société BME et à la SCP Taddei-Funel la somme de 1 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Madame De Malezieu a formé appel de ce jugement et, par ses dernières conclusions du 18 décembre 2012, elle demande à la cour de :
Vu l'article 1116 du Code Civil,
- prononcer l'annulation des deux contrats de vente signés par elle le 14 novembre 2007 en considérant que son consentement a été vicié,
- condamner la société BME à lui payer la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.
La société BME et la SCP Taddei-Funel, mandataires judiciaires, en sa qualité de commissaire au plan de sauvegarde de la société BME ont conclu le 6 juin 2011 en demandant à la cour de :
- dire que les deux ventes intervenues le 14 novembre 2007 sont parfaites, les parties s'étant entendues sur la chose et sur le prix,
- dire que la société BME n'a commis aucune manœuvre dolosive en vertu de l'article 1116 du Code Civil,
- par conséquent, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- ordonné la réalisation forcée de la commande n° 5905,
- condamné le docteur De Malezieu à verser à la société BME en exécution de la vente du dispositif de lumière pulsée intense " Lumisculpt ", la somme de 61 594 euro TTC outre intérêts légaux à compter du 28 janvier 2009,
- condamné le docteur à verser à la société BME et à la SCP Taddei-Funel 1 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Subsidiairement,
Vu l'article 1142 du Code civil,
- condamner le docteur De Malezieu à payer à la société BME la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel et économique subi,
Reconventionnellement,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société BME avait fait preuve de réticence dolosive dans le cadre de la vente portant sur l'appareil de morpholiposculpture,
- donner acte à la société BME de ce qu'elle se désiste de sa demande de réalisation forcée de la commande n° 5904 portant sur l'appareil de morpholiposculpture, en l'état du décret du 11 avril 2011,
- condamner le docteur De Malezieu à payer 4 000 euro à chacune des concluantes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Motifs
Sur le contrat de vente de l'appareil de morpholiposculpture dit MSL
Considérant que Madame De Malezieu invoque que la société BME lui a dissimulé des éléments capitaux concernant l'absence de caractère inoffensif de l'appareil et l'absence de certification propre aux dispositifs médicaux et que cette tromperie justifie l'annulation de la vente sur le fondement de l'article 1116 du Code civil ;
Qu'elle observe que le bien-fondé de son argumentation a été démontré par le décret du 11 avril 2011 qui a interdit la commercialisation de l'appareil en raison des dangers graves qu'il présentait pour la santé humaine ;
Considérant que la société BME continue de soutenir devant la cour que le MLS n'est pas un dispositif médical mais esthétique qui ne relève pas de la surveillance de l'AFSSAPS et que le médecin peut utiliser cet appareil sans marquage CE spécifiquement médical ;
Que, cependant, en l'état du décret du 11 avril 2011, elle demande acte de ce qu'elle se désiste de sa demande de réalisation forcée de la vente du 14 novembre 2007 portant sur l'appareil de morpholiposculpture ;
Considérant qu'il ressort du courrier de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) du 30 novembre 2009 :
- que le dispositif MLS qui rassemble en un seul appareil un dispositif d'injection, une sonde de cryothérapie locale et un module d'ultra-sons externe, peut être qualifié de dispositif médical au sens de l'article L. 5211-1 du Code de la santé publique,
- que l'AFSSAPS avait confirmé par courrier du 10 juillet 2007, le statut de dispositif médical au motif que le fabricant prévoyait l'injection d'un médicament anesthésique lors de la procédure ;
Considérant que la société BME, tout en soutenant que son dispositif MSL n'a pas à être certifié médicalement, se prévaut de ce qu'elle a obtenu de la KEMA, organisme de certification néerlandais, le 10 juillet 2008 et pour une durée de quatre mois " le marquage CE de conformité dispositifs médicaux " ;
Mais considérant qu'il doit être constaté qu'a contrario la société BME n'avait pas de certification médicale et donc d'autorisation de commercialiser avant le 10 juillet 2008 et après le 10 novembre 2008, et qu'elle ne pouvait pas vendre cet appareil au docteur De Malezieu en novembre 2007 ;
Considérant que, par ailleurs, le décret du 11 avril 2011 est venu interdire, en raison du danger grave qu'elle présente pour la santé humaine la pratique d'actes de lyse adipocitaire à visée esthétique ;
Considérant que le premier juge a à juste titre retenu que le dol, régi par les dispositions de l'article 1116 du Code civil, peut résulter du silence d'une partie qui dissimule à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter et que, par ailleurs, le fabricant d'un produit complexe et nouveau doit fournir à l'acquéreur, fut-il utilisateur professionnel de ce matériel une information complète et loyale sur les conditions d'utilisation du produit ;
Qu'en n'informant pas le docteur De Malezieu que l'appareil n'avait pas la certification exigée pour les dispositifs médicaux lors de la vente, en violation d'une réglementation dont les effets avaient été rappelés par l'autorité compétente en juillet 2007, la société BME lui a dissimulé un élément déterminant qui, s'il avait été connu du docteur De Malezieu l'aurait dissuadée de contracter ;
Que le jugement qui a annulé la vente du dispositif MSL sera confirmé, étant constaté que la société BME se désiste de sa demande d'exécution forcée de cette vente.
Sur le contrat de vente du dispositif de lumière pulsée intense dénommé Lumisculpt
Considérant que, comme devant le premier juge, Madame De Malezieu soutient que l'appareil Lumisculpt nécessitait également une certification médicale et qu'à défaut de celle-ci la société BME a trompé son consentement lors de la vente ;
Que la société BME réplique que s'agissant d'un appareil à visée seulement esthétique il ne nécessite aucune certification médicale, qu'il bénéficie d'un marquage CE, que Madame De Malezieu a déclaré commander cet appareil pour son activité et qu'elle n'a pas été trompée ;
Considérant que l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins mentionne " tout mode d'épilation sauf les épilations à la pince ou à la cire " ;
Considérant que l'appareil relève de la compétence exclusive du médecin, mais est à revendication seulement esthétique ;
Que Madame De Malezieu, lors de la commande a déclaré que l'appareil commandé a un rapport direct avec son activité ;
Considérant que, comme l'a justement relevé le premier juge, pour l'application de l'appareil d'épilation la société BME n'avait pas à justifier d'une certification dispositif médical mais seulement d'un marquage CE impliquant la certification électrique et électromagnétique du matériel, attestation de conformité qui lui a été délivrée par l'APAVE le 29 décembre 2004 ;
Que la cour ajoutera qu'il résulte des courriers adressés par Madame De Malezieu à la société BME, qu'elle avait commandé l'appareil pour la création d'un " plateau technique esthétique " ; Qu'elle est une professionnelle avertie qui connaissait les appareils de lumière pulsée avant de se rendre au séminaire à Djerba ; Qu'elle a sollicité le report de la livraison de l'appareil en expliquant que le site d'implantation de ce plateau technique, par elle initialement envisagé, n'étant pas disponible, elle devait en rechercher un nouveau ; Qu'elle n'a jamais fait état avant d'être assignée par la société, de son manque d'information sur le dispositif Lumisculpt et de ce qu'elle aurait découvert, après la signature du bon de commande, que ce dispositif était dangereux pour la santé de ses patients ;
Qu'elle invoque ces moyens pour obtenir l'annulation de la vente mais ne démontre pas que l'appareil serait interdit de commercialisation, présenterait un danger pour ses patients et l'exposerait à des sanctions ;
Considérant que Madame De Malezieu ne caractérise pas de vice de son consentement au moment de la signature du bon de commande de l'appareil Lumisculpt ;
Qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'exécution du contrat de vente, le jugement étant confirmé ;
Considérant que la succombance respective des parties, justifie le partage des dépens entre elles et le rejet de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Madame De Malezieu à verser à la société BME et à la SCP Taddei-Funel la somme de 1 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, Constate que la société BME se désiste de sa demande de réalisation forcée de la commande n° 5904 portant sur l'appareil de morpholiposculpture, en l'état du décret du 11 avril 2011, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens, Dit qu'ils seront supportés par moitié par Madame De Malezieu, d'une part, et par la société BME et la SCP Taddei-Funel, en sa qualité de commissaire au plan de sauvegarde de la société BME, d'autre part, et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.