CA Lyon, 3e ch. A, 12 novembre 2015, n° 14-05938
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
LBF Group Holding (SARL), Bauland (ès qual.), Sabourin (ès qual.)
Défendeur :
Carolina Wok (SARL), Sommain
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Baufume, Sourbe, Selarl Bismuth Avocats, Mes Feschet, Destours
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL LBF Group Holding (LBF) animant un réseau de restauration à thème sous l'enseigne Tiger Wok et souhaitant diversifier ses activités a pris contact avec Jean-Paul Sommain lors d'un salon de la franchise.
Au mois de mars 2007, la société LBF a remis à Jean-Paul Sommain un document d'information précontractuelle en vue d'une implantation à Nîmes.
Le 27 juillet 2007, un contrat de franchise a été conclu entre les parties, la SARL Carolina Wok (Carolina), créée par Jean-Paul Sommain ayant ensuite repris le contrat, et l'ouverture du restaurant s'est effectuée en octobre 2008.
Estimant avoir été trompée sur la pertinence du concept et les réelles perspectives de réussite, la société Carolina a assigné, le 5 juillet 2011, la société LBF aux fins d'obtenir l'anéantissement du contrat de franchise, Jean-Paul Sommain étant intervenu volontairement à l'instance au titre d'un préjudice direct et personnel.
Par jugement en date du 19 juin 2014, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :
" Dit et Juge que Monsieur Jean-Paul Sommain a qualité et intérêt à intervenir volontairement à l'instance initiée par la société Carolina Wok en annulation ou résolution du contrat de franchise signé avec LBF Group Holding.
Dit et Juge recevable l'intervention volontaire de Monsieur Jean-Paul Sommain.
Dit et Juge que Monsieur Jean-Paul Sommain et la société Carolina Wok n'ont pas fait l'objet de manœuvres dolosives de la part de la société LBF Group Holding.
Dit et Juge que le consentement de Monsieur Jean-Paul Sommain et de la société Carolina Wok au contrat de franchise du 27 juillet 2007 a été vicié par l'erreur.
Prononce la nullité du contrat de franchise du 27 juillet 2007.
Condamne la société LBF Group Holding à restituer à la société Carolina Wok la somme de 45 000 euro HT correspondant à la redevance forfaitaire initiale.
Condamne la société LBP Group Holding à payer à la société Carolina Wok la somme de 29 161,95 euro euro en indemnisation de son préjudice subi à hauteur des frais directement liés à l'exploitation de l'enseigne Tiger Wok.
Déboute Monsieur Jean-Paul Sommain de l'intégralité de ses demandes.
Déboute la société LBF Group Holding de ses demandes reconventionnelles.
Condamne la société LBF Group Holding à payer à la société Carolina Wok la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute Monsieur Jean-Paul Sommain de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civil.
Condamne la société LBF Group Holding aux entiers dépens de l'instance.
Rejette comme non fondés tous les autres moyens, fins et conclusions des parties.
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution. "
Par déclaration reçue le 15 juillet 2014, la société LBF a relevé appel de ce jugement.
Par déclaration reçue le 17 juillet 2014, la société Carolina Wok et Jean-Paul Sommain ont également relevé appel de ce jugement.
Saisi par la société LBF d'une demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement, le délégataire du Premier Président, dans son ordonnance du 6 octobre 2014, l'en a déboutée.
Par ordonnance du 27 janvier 2015, le Conseiller de la mise en Etat a ordonné la jonction des deux affaires.
Le 18 février 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société LBF, désignant la Selarl Bauland Carboni Martinez en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Sabourin en qualité de mandataire judiciaire.
Le 22 juin 2015, une assignation en reprise d'instance a été délivrée par la société Carolina Wok et Jean-Paul Sommain à la Selarl Bauland Carboni Martinez et à Maître Sabourin, à personnes habilitées à recevoir l'acte.
Par ordonnance du 3 juillet 2015, le Conseiller de la Mise en Etat a enjoint aux parties distributivement de justifier d'une déclaration de créance au passif de la société LBF et de conclure sur la recevabilité des demandes de condamnation dirigées contre cette société au regard des dispositions de l'article L. 622-22 du Code de commerce.
Dans le dernier état de leurs conclusions (récapitulatives) déposées le 7 août 2015, la société LBF Group Holding, la Selarl Bauland Carboni Martinez et Maître Sabourin demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris dans son intégralité, et statuant à nouveau,
- prendre acte que la société Carolina Wok :
ne critique pas la présentation de l'état local du marché,
ne critiquait pas la présentation de l'état général du marché en première instance,
a avoué judiciairement en première instance ne pas avoir eu son consentement vicié,
- dire et juger que :
la société LBF Group Holding n'a pas établi de comptes d'exploitation prévisionnels,
la société LBF Group Holding n'a pas violé les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,
la société LBF Group Holding n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de franchise,
la société Carolina Wok ne démontre pas que son consentement a été vicié,
la société Carolina Wok ne démontre pas subir un préjudice directement lié à l'exécution du contrat de franchise,
En conséquence,
- rejeter l'intégralité des demandes de la société Carolina Wok,
- rejeter l'intégralité des demandes de Jean-Paul Sommain,
Reconventionnellement,
- condamner la société Carolina Wok à régler à la société LBF Group Holding la somme de 46 237,93 euro au titre des redevances de franchise, outre les intérêts légaux à compter du 13 janvier 2010,
- condamner la société Carolina Wok à régler à la société LBF Group Holding la somme de 5.000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société LBF, la Selarl Bauland Carboni Martinez et Maître Sabourin affirment qu'il n'a pas été fourni un quelconque prévisionnel à la société Carolina, le document Excel joint au courriel du 26 avril 2007 n'étant qu'un simple document de travail modifiable dont le contenu ne transparaît pas à la lecture du courriel et qui mentionne expressément sa valeur indicative.
Ils soulignent qu'à partir du moment où la société Carolina a demandé à son propre expert-comptable d'établir un prévisionnel, il y a lieu de considérer que c'est uniquement eu égard à ce prévisionnel que la société Carolina s'est décidée à ouvrir son restaurant, ce prévisionnel étant antérieur à l'obtention du prêt.
Ils soutiennent que le seul constat d'une différence sensible entre les chiffres d'affaires prévisionnels et les chiffres d'affaires réalisés ne suffit pas à démontrer l'existence d'un dol, ni même que les prévisions étaient erronées, irréalistes et fantaisistes, et que la rentabilité de l'exploitation ne peut être considérée comme une qualité substantielle du fait de l'existence d'un aléa, la société Carolina étant, en outre, un commerçant indépendant devant assumer les risques inhérents à son activité.
Ils prétendent également qu'il existait des éléments extérieurs, tels que le contexte économique national, les difficultés de circulation à Nîmes et la concurrence qui s'est renforcée, pouvant expliquer l'écart de chiffre d'affaires constaté et qu'en comparaison avec d'autres restaurants de la franchise, les chiffres n'étaient pas irréalistes.
Ils font valoir que la société LBF n'avait pas à communiquer d'étude de marché mais seulement une présentation de l'état local du marché, et que la présentation de l'état local du marché fourni satisfaisait à l'exigence légale, alors que la présentation de l'état du réseau n'était pas trompeuse puisque l'article 6 du document d'information précontractuelle précisait que le réseau démarrait.
Ils allèguent que la société Carolina ne se prévaut d'aucun vice du consentement et ne saurait déduire, de manière automatique, de la prétendue violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce un quelconque vice du consentement.
Ils soutiennent que Jean-Paul Sommain, en tant que dirigeant d'un important groupe immobilier, avait la formation intellectuelle lui permettant de comprendre son engagement et qu'il a reconnu dans le préambule du contrat de franchise avoir bénéficié de l'information précontractuelle conforme aux dispositions du Code de commerce.
Ils exposent que la société Carolina n'a à aucun moment critiqué l'assistance de la société LBF, simple obligation de moyens, durant l'exécution du contrat de franchise, mais a, au contraire, manifesté publiquement sa satisfaction.
Ils estiment que la société Carolina et Jean-Paul Sommain ne rapportent pas la preuve d'un préjudice indemnisable.
Dans le dernier état de leurs écritures (récapitulatives) déposées le 3 septembre 2015, la société Carolina et Jean-Paul Sommain demandent à la cour de :
A titre principal,
- constater que la société LBF Group Holding a établi et communiqué le 26 avril 2007 un compte d'exploitation prévisionnel préalablement à la conclusion du contrat de franchise,
- constater le caractère irréaliste et chimérique dudit compte d'exploitation prévisionnel en considération des résultats réalisés par la société Carolina Wok,
- constater, en outre, les défaillances du document d'information précontractuelle remis par la société LBF Group Holding en mars 2007 préalablement à la conclusion du contrat de franchise,
- constater la violation, par la société LBF Group Holding, des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,
En conséquence,
- constater le dol commis par la société LBF Group Holding ou, à défaut, l'erreur subie par la société Carolina Wok ayant vicié son consentement,
- constater la nullité du contrat de franchise conclu le 27 juillet 2007,
- prononcer l'annulation du contrat de franchise conclu le 27 juillet 2007,
- confirmer le jugement entrepris
en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de franchise conclu le 27 juillet 2007,
en ce qu'il a retenu comme cause de nullité de ce contrat le vice du consentement de la société Carolina Wok par erreur et,
- statuant à nouveau, substituer à ce fondement celui du dol commis par la société LBF Group Holding,
A titre subsidiaire,
- constater les manquements graves et répétés commis par la société LBF Group Holding à ses obligations, notamment à son devoir d'assistance depuis la conclusion du contrat,
En conséquence,
- prononcer la résolution du contrat de franchise depuis sa conclusion le 27 juillet 2007,
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LBF Group Holding à payer à la société Carolina Wok la somme de 45 000 euro HT au titre des restitutions à intervenir,
- condamner la société LBF Group Holding, prise en la personne de Maître Sabourin, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à payer à la société Carolina Wok la somme de 45 000 euro HT au titre des restitutions à intervenir,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LBF Group Holding à réparer les préjudices subis par la société Carolina Wok,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation à réparation de la société LBF Group Holding à la somme de 29 161,95 euro,
- statuant à nouveau, fixer la créance de la société Carolina Wok au passif antérieur de la société LBF Group Holding, prise en la personne de Maître Sabourin, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à la somme de 2 489 493,70 euro, somme à parfaire, au titre des réparations à intervenir,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en réparation de Jean-Paul Sommain,
- statuant à nouveau, fixer la créance de Jean-Paul Sommain au passif antérieur de la société LBF Group Holding, prise en la personne de Maître SABOURIN, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à la somme de 60 501,43 euro, somme à parfaire, au titre des réparations à intervenir,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Jean-Paul Sommain en substitution de caution et, statuant à nouveau, condamner la société LBF Group Holding à se substituer à Jean-Paul Sommain dans ses trois engagements de caution, au bénéfice du Crédit Agricole du Languedoc, des dettes de la société Carolina Wok,
- débouter la société LBF Group Holding de l'intégralité de ses demandes et arguments,
- faire injonction à la société LBF Group Holding de produire tous documents utiles et relatifs à ses relations avec chacun des fournisseurs qu'elle a référencés, telles les conventions annuelles récapitulatives obligatoires au sens de l'article L. 441-7 du Code de commerce,
- condamner la société LBF Group Holding, prise en la personne de Maître Sabourin, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à voir fixées à son passif antérieur au bénéfice de la société Carolina Wok et de Jean-Paul Sommain, respectivement les sommes de 10 000 et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société LBF Group Holding, prise en la personne de Maître Sabourin, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, au paiement des entiers frais et dépens.
La société Carolina et Jean-Paul Sommain prétendent que la société LBF a communiqué, en pièce jointe du courriel du 26 avril 2007, un compte d'exploitation prévisionnel personnalisé, précisément détaillé et renseigné, engageant sa responsabilité.
Ils font valoir que le compte d'exploitation prévisionnel établi par l'expert-comptable de la société Carolina n'a été réalisé que postérieurement à celui que le franchiseur a communiqué et qu'il est donc sans conséquence aucune quant à l'existence d'un dol.
Ils affirment que le compte d'exploitation prévisionnel communiqué par la société LBF a été l'élément déterminant de leur consentement puisque Jean-Paul Sommain a légitimement considéré que les risques financiers étaient relativement limités et que la rentabilité de cette nouvelle activité serait assurée, élément d'autant plus déterminant que ce dernier n'est spécialiste ni de la restauration, ni de la franchise.
Ils soutiennent que le compte d'exploitation prévisionnel était irréaliste et chimérique au regard des chiffres effectivement réalisés par la société Carolina et qu'en le communiquant volontairement, la société LBF a indubitablement eu l'intention de les tromper et de les amener à contracter.
Ils estiment que leur consentement a été vicié par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité en raison de la différence entre les chiffres prévus et ceux réalisés, d'autant plus qu'aucune faute de gestion et de manquement au contrat, en particulier concernant le respect du concept franchisé, ne leur est reprochée.
Ils prétendent que la société LBF n'a pas respecté son obligation légale d'information précontractuelle puisque le document fourni ne procède pas à la présentation de l'état général du marché, la concurrence et la position du réseau de franchise sur le marché considéré n'y étant jamais précisément décrites, ne présente pas suffisamment les perspectives de développement du marché général tout en omettant le marché local et fait une présentation trompeuse de l'état du réseau.
Ils allèguent qu'à défaut d'annulation, la résolution du contrat de franchise s'impose du fait de divers manquements de la société LBF, notamment concernant le référencement des fournisseurs, et de la carence générale de cette société en matière d'assistance puisqu'aucune aide, ni aucune assistance ne leur a été apportée alors que la société rencontrait de graves difficultés.
Ils indiquent que chacun des chefs de préjudices dont il est demandé réparation est la conséquence directe de " l'exécution du contrat de franchise anéanti " et qu'ils sont constitués pour la société Carolina des frais de constitution de la société, des investissements réalisés en vain spécifiquement pour la mise en œuvre du contrat de franchise, des pertes d'exploitation essuyées, de la charge des emprunts qui ont dû être réalisés et des coûts afférents au personnel du restaurant.
Ils soulignent que Jean-Paul Sommain a eu à souffrir de divers préjudices directement consécutifs aux agissements et manquements de la société LBF liés à ses engagements de caution, aux apports réalisés en compte courant auprès de la société Carolina Wok et à son préjudice économique du fait des nombreuses heures consacrées à ce projet.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'en application de l'alinéa 2 de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures déposées par les parties ;
Sur la nullité du contrat de franchise
Attendu qu'aux termes de l'article L. 330-3 du Code de commerce " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. " ;
Que l'article R. 330-1 de ce Code prévoit que " Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du troisième alinéa de l'article L. 232-7 ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. " ;
Attendu que l'absence de respect de ces textes n'est susceptible de motiver la nullité du contrat de franchise qu'en ce qu'elle se trouve à l'origine d'une erreur sur la substance ou d'un dol ;
Attendu que l'article 1116 du Code civil dispose que " le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvrés, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé. " ;
Attendu que la société Carolina Wok et Jean-Paul Sommain critiquent les premiers juges en ce qu'ils ont retenu la seule existence d'un vice du consentement, et revendiquent une infirmation en soutenant l'existence de manœuvres frauduleuses commises par la société LBF qui ont déterminé le consentement du franchisé ;
Que, par contre, le dispositif de leurs dernières écritures demeure équivoque sur le moyen de nullité du contrat de franchise basé sur une erreur substantielle au regard du visa dans leur entête des articles 1109 et 1110 du Code civil, comme au travers de la formule " constater (...) à défaut l'erreur subie par la société Carolina Wok ayant vicié son consentement " ;
Attendu que les parties ne contestent nullement que le franchiseur ait au regard des textes susvisés une quelconque obligation de fournir au futur franchisé un compte d'exploitation prévisionnel, ce candidat à la franchise ayant la responsabilité de le faire réaliser pour se déterminer dans la gestion de sa future entreprise ;
Attendu qu'elles s'affrontent sur l'existence comme sur les caractéristiques d'un fichier informatique " Nîmes.xls " joint à un courriel émis par la société LBF le 26 avril 2007 à destination de [email protected], (pièce 2 des intimés) ;
Attendu que la société LBF conteste la valeur probante de l'impression de ce fichier joint, affirmé comme étant librement modifiable par son lecteur, et comme ne pouvant être rattachée avec certitude à la pièce indiquée comme jointe ;
Que les intimés ne fournissent aucun document qui permette de faire ce rattachement nécessaire au courriel ainsi réputé reçu par l'un d'entre eux, ni même qui pourrait conduire à retenir que cette pièce jointe ne pouvait être modifiée, alors que cette preuve était aisée à rapporter par l'intervention d'un technicien extérieur ou d'un officier ministériel pour consulter et examiner ledit courriel ;
Attendu, d'ailleurs, que la pièce 11 de la société LBF confirme que ce fichier était alors modifiable ;
Attendu que ce document ne peut ainsi être retenu comme ayant une quelconque valeur probante sur les éléments chiffrés alors communiqués au candidat à la franchise ;
Attendu que la société Carolina Wok n'a ainsi pas établi l'existence de la manœuvre frauduleuse tenant aux éléments comptables affirmés comme présents dans cette pièce jointe ;
Attendu qu'elle invoque, à titre subsidiaire, une erreur sur la rentabilité de l'activité franchisée, qui n'est pas susceptible d'être établie par comparaison avec l'annexe de la pièce 2 fournie par elle (impression du fichier Nîmes.xls) ;
Attendu que la confrontation même des chiffres réalisés par cette société les deux premières années avec le prévisionnel établi par son expert-comptable le 20 décembre 2007 (pièce 34 des intimés) révèle que :
- sur la première année ont été réalisés un chiffre d'affaires de 359 697 euro, à confronter aux 1 012 000 euro du prévisionnel, et un résultat comptable de 524 412 euro au lieu des 58 640 euro émanant de cet expert-comptable,
- sur la seconde année, ont été réalisés un chiffre d'affaires de 247 382 euro, à confronter aux 880 000 euro du prévisionnel, et un résultat comptable de 565 945 euro au lieu des 18 125 euro du même comptable ;
Attendu que cette divergence d'avec les chiffres prévisionnels établis par un professionnel du chiffre missionné par la société Carolina Wok n'est en rien expliquée par cette dernière ;
Que, d'ailleurs, ces chiffrages ont été réalisés postérieurement à la signature du contrat de franchise alors que cette société n'a pas tenté de faire référence à l'influence éventuelle de données alors prouvées comme ayant été fournies par son franchiseur pour la déterminer à contracter ;
Attendu qu'elle n'a ainsi pas plus satisfait à la charge de la preuve lui incombant de l'existence même d'une erreur sur la rentabilité qui l'aurait ainsi déterminée ;
Attendu que la société Carolina Wok stigmatise " l'indigence manifeste de la présentation de l'état général du marché " ou une " présentation trompeuse de l'état du réseau " sans même tenter de caractériser que ces non-respects du texte susvisé l'aient déterminée à signer le contrat de franchise ;
Que le document d'information précontractuelle (DIP en pièce 3 de l'appelante) comprend une partie intitulée " 5. l'état général et local du marché " avec 6 pages pour le seul " état général du marché " au sein desquels figurent des graphiques sur 6 années ;
Attendu que le réseau de franchise n'a été créé avec l'enseigne " Tiger Wok " que postérieurement au dépôt international de la marque au début de l'année 2006, alors que les trois premiers restaurants ont été ouverts directement par la société LBF, la franchise ne s'étant en fait lancée qu'au salon de la franchise en 2007 où les parties ont pris contact ;
Que la société Carolina Wok ne pouvait ainsi exiger une analyse pertinente de la position du réseau sur le secteur sud de la France où aucun de ces premiers restaurants n'avait été implanté ;
Attendu que l'état local du marché faisait par ailleurs l'objet d'une annexe dédiée 9.4 produite en pièce 4 par l'appelante et comportant 25 pages comme procédant à une analyse détaillée, la société intimée se bornant à affirmer que cette analyse était inexistante ;
Attendu que s'agissant des perspectives du marché, il ne peut s'agir que d'une analyse prospective sur l'évolution du marché de la restauration, sans qu'il soit possible à ce stade sur cette niche particulière de donner une quelconque pertinence locale à une éventuelle étude exhaustive nationale sur l'évolution du comportement des consommateurs ;
Que si le DIP ne comprend qu'une page à ce sujet, la société Carolina Wok ne tente en rien de démontrer que cette concision ait été à l'origine d'une erreur sur la clientèle qu'il était susceptible d'attraire sur la ville de Nîmes, élément qui dépendait des facteurs locaux de commercialité et des concurrents déjà sur la place, dont la liste était annexée à l'état local du marché ;
Attendu que concernant la présentation du réseau, dont il faut rappeler qu'il n'était pas encore constitué par des franchisés, aucune erreur substantielle ne peut être invoquée par la société intimée au regard de sa connaissance de ce qu'elle allait constituer un des premiers restaurants ouverts avec cette franchise ;
Que ces éléments ne pouvaient caractériser un quelconque dol ni même une erreur déterminante ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de franchise ;
Sur la résolution du contrat de franchise
Attendu que l'article 1184 du Code civil dispose que " la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. " ;
Que la société LBF soutient pour sa part que seule une résiliation est susceptible d'être prononcée, ne s'agissant pas concernant le fondement juridique invoqué d'une condition de recevabilité de la demande ;
Attendu que la société Carolina Wok reproche à son franchiseur de n'avoir pas respecté ses obligations prévues dans le contrat de franchise ;
Qu'elle a également la charge de la preuve de cette inexécution, alors qu'elle ne verse aux débats aucun courrier ou courriel venant émettre des doléances auprès de la société LBF ou conduisant à mettre cette dernière en demeure de respecter les clauses édictées dans le contrat de franchise ;
Que seul le courrier émis le 1er avril 2010 par son conseil (sa pièce 7) stigmatise " le manque d'assistance à votre franchisé alors même qu'il le réclame depuis de nombreux mois " sans pour autant que des courriels ou courriers soient fournis par accréditer cette allégation ;
Attendu qu'au contraire, la pièce 16 de son adversaire constituée d'un courriel du responsable d'exploitation du restaurant vient contredire ces affirmations d'une absence d'assistance par le franchiseur ;
Que la société LBF produit également de nombreuses pièces (notamment 19, 20, 22 à 24, 27, 28, 30, 31, 32, 46, 62 à 64) établissant sans conteste qu'elle a fourni une assistance à sa franchisée ;
Attendu, par ailleurs, que la demande de communication forcée de pièces formée par la société Carolina Wok supposait nécessairement que soit examinée la question du préjudice mis en avant par les parties intimées ;
Attendu qu'il convient dès lors de débouter la société Carolina Wok de toutes ses prétentions dirigées contre la société LBF ;
Sur les demandes présentées par Jean-Paul Sommain
Attendu qu'en l'absence de démonstration de quelconques agissements fautifs de la société LBF, ce dernier ne peut revendiquer une quelconque indemnisation, la décision entreprise devant être confirmée sur le débouté prononcé à son encontre ;
Sur la demande reconventionnelle formée par la société LBF
Attendu que cette société revendique le paiement des redevances de franchise, la société Carolina Wok invoquant une exception d'inexécution et affirmant n'avoir pas été en possibilité de bénéficier de cette franchise ;
Qu'il vient d'être retenu qu'elle avait failli à démontrer cette inexécution des obligations par la société LBF, les redevances correspondant effectivement aux contreparties fournies à la franchisée jusqu'à la résiliation du contrat de franchise, le montant réclamé n'étant pas contesté dans son quantum ;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande et de condamner la société Carolina Wok à lui verser la somme de 46 237,93 euro outre intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2010 ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que l'infirmation prononcée comme la succombance totale de la société Carolina Wok doit conduire à la condamner à supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Que l'équité commande par ailleurs de décharger la société LBF des frais irrépétibles engagés tant devant les premiers juges que devant cette cour et de condamner la société Carolina Wok à lui verser une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a, débouté Jean-Paul Sommain en toutes ses demandes, dit et jugé que Jean-Paul Sommain et la société Carolina Wok n'ont pas fait l'objet de manœuvres dolosives de la part de la société LBF Group Holding, et statuant à nouveau sur le surplus, Déboute la SARL Carolina Wok de toutes ses demandes, Condamne la SARL Carolina Wok à verser à la SARL LBF Group Holding la somme de 46 237,93 euro outre intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2010, Condamne la SARL Carolina Wok à verser à la SARL LBF Group Holding une indemnité de 5.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Carolina Wok aux dépens de première instance et d'appel.