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Décisions

Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-18.172

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Raffi

Défendeur :

Serrano (ès qual.), Coopérative In'Pec prêt à poser, CGEA d'Annecy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vallée

Rapporteur :

M. Rinuy

Avocats :

SCP de Nervo, Poupet

Dijon, du 3 avr. 2014

3 avril 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Raffi a été engagé par la société ln'Pec (la société) en qualité de vendeur représentant placier (VRP) exclusif le 1er juin 2009 ; qu'il a été licencié pour faute grave et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que la société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. Serrano étant désigné en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes en paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur et le salarié n'a rien à démontrer ; que pour décider que le licenciement pour faute grave était fondé, la cour d'appel a relevé que le salarié ne versait aux débats aucun document établissant qu'il avait régulièrement rendu compte de son activité à M. Lesieur comme lui en faisait obligation son contrat de travail, et que les documents " reconstitués " étaient sans valeur probante eu égard au grief qui lui était fait relatif à la régularité d'une information complète sur son activité et sur ses prévisions d'activité ; qu'elle a ainsi fait peser la charge de la preuve sur le salarié et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 2°) que de plus, les juges du fond apprécient la réalité des faits invoqués par l'employeur pour justifier la faute grave qu'il impute au salarié au vu des documents de la cause qu'ils sont tenus de viser et d'analyser ; que la cour d'appel, qui a affirmé purement et simplement qu'il était coupable d'un " refus persistant" de se soumettre à ses obligations d'information de son employeur, sans justifier cette affirmation par le visa des documents sur lesquels elle se fondait, et dont il résulterait que le salarié avait refusé à plusieurs reprises et donc antérieurement à la convocation à l'entretien préalable de transmettre les documents relatifs à son activité, a violé l'article 455 du Code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait en vain mis en demeure le salarié de lui fournir ses rapports mentionnant l'intégralité de ses visites en les localisant et un état détaillé des chiffres d'affaires réalisés, des commandes en cours de négociation, de ses prospects ainsi que de ses prévisions de visites et de chiffres d'affaires, alors que son contrat de travail prévoyait en son article 5, qui lui imposait d'adresser à son supérieur hiérarchique un rapport journalier de son activité, et en son article 15 en vertu duquel il s'engageait à respecter les instructions et recommandations qui lui seraient données par sa hiérarchie et, notamment, de remettre hebdomadairement un rapport détaillé de son activité au cours de la période considérée et d'apporter toutes informations utiles tenant notamment à l'état des marchés et aux besoins de la clientèle, la cour d'appel a pu en déduire, par ces seuls motifs et sans inverser la charge de la preuve, que le refus persistant du salarié de se soumettre à ces obligations d'information de son employeur sur son activité commerciale rendait impossible son maintien dans l'entreprise et caractérisait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen qui est recevable : - Vu l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ; Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il résulte de l'article 6 du contrat de travail du 1er juin 2009 que " le représentant est commissionné au taux de 9 % brut sur le montant facturé et livré, hors taxe et hors frais d'installation. La commission est due après encaissement total des factures par la société. Pour tenir compte des délais éventuels de traitement des commandes, la société assurera un minimum mensuel de 2 500 euro brut correspondant à une avance de commissionnement " ; que par avenant du 1er juin 2010, le taux de commissionnement du salarié a été porté de 9 % à 7,27 %, la société s'engageant par ailleurs à assurer un minimum mensuel de 2 019 euro brut correspondant à une avance sur commissionnement ; qu'il résulte des termes de l'article 5 de l'accord du 3 octobre 1975 que les représentants exclusifs bénéficient, sans condition d'ancienneté et même pendant la période d'essai d'une ressource minimale forfaitaire, que la ressource minimale forfaitaire, déduction faite des frais professionnels, est égale pour chaque trimestre d'emploi à temps plein, à 520 fois le taux horaire du SMIC en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement, que le montant de la rémunération minimale forfaitaire trimestrielle s'élève à la date du licenciement du salarié à la somme de 520 x 8,86 euro = 4 607,20 euro correspondant à la somme de 1 535,73 euro brut par mois, que pour l'ensemble de la période de travail du salarié pour la société, à savoir de juin 2009 à septembre 2010 soit seize mois, la rémunération minimale forfaitaire s'élève à 24 571 ,73 euro brut, qu'il résulte de l'ensemble des bulletins de paie transmis par le salarié que celui-ci a perçu, pour cette période, au titre de ses commissions, primes et rémunération minimale forfaitaire, la somme brute totale de 26 810,61 euro, qu'il en résulte qu'il a perçu sur l'ensemble de la période concernée une rémunération brute réelle supérieure à la rémunération minimale forfaitaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur doit verser au VRP chaque trimestre le montant de la ressource minimale forfaitaire instituée par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, casse et annule, mais seulement en ce qu'il déboute M. Raffi de sa demande au titre du rappel de salaire, l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Besançon.