CA Colmar, 1re ch. civ. A, 18 novembre 2015, n° 14-04286
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ekonis (SAS)
Défendeur :
Ecosols (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Mmes Alzeari, Serafini
Avocats :
Mes Frick, Richard-Frick, Huilier
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Alors qu'il était mis fin par la SARL Ecosols au contrat de travail et aux fonctions de directeur commercial et technique de M. Jean-Marie Kolb, la SARL Ecosols, en qualité de fournisseur, et M. Jean-Marie Kolb " ou toute autre personne morale et en particulier une société à responsabilité limitée qu'il voudra se substituer ", en qualité de distributeur, ont conclu un contrat de distribution exclusive à la date du 22 mars 2013.
En date du 08 juillet 2013, la SAS Ekonis a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés par son président, M. Jean-Marie Kolb.
Par assignation en date du 14 octobre 2013, M. Jean-Marie Kolb et la SAS Ekonis prise en la personne de son représentant légal ont assigné la SARL Ecosols devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Sarreguemines pour voir condamner cette dernière, à titre provisoire, à l'exécution de ses obligations contractuelles relativement au paiement des factures et à la clause pénale pour résiliation anticipée du contrat de distribution exclusive lors de la première année d'exécution.
M. Jean-Marie Kolb et la SAS Ekonis ont également demandé des dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour la parfaite information de la juridiction saisie, M. Jean-Marie Kolb et la SAS Ekonis lui ont ensuite indiqué qu'ils ont fait attraire, par acte d'huissier délivré le 16 octobre 2013, la SARL Ecosols et la SARL Hsols Industriels devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Sarreguemines pour concurrence déloyale.
Par application des dispositions de la clause d'attribution de juridiction, le juge des référées du Tribunal de grande instance de Sarreguemines, par ordonnance en date du 18 mars 2014, s'est déclaré territorialement incompétent au profit du Président du Tribunal de grande instance de Strasbourg statuant en matière de référés commerciaux.
Les requérants ont ainsi repris leurs demandes devant le magistrat désigné face auquel la requise a soulevé l'existence de contestations sérieuses.
Par ordonnance en date du 1er août 2014, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la partie requérante de ses demandes, l'a condamnée aux frais et dépens ainsi qu'à verser à la partie requise 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SAS Ekonis prise en la personne de son représentant légal a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 22 août 2014.
Par arrêt en date du 27 février 2015, la Cour d'appel de Colmar s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande de communication de pièces formulée par la SAS Ekonis ; a débouté cette dernière de sa demande ; l'a condamnée aux dépens de l'incident et a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL Ecosols.
Aux termes de ses dernières écritures datées du 28 mai 2015, la SAS Ekonis demande à la Cour d'appel de Colmar d'infirmer l'ordonnance rendue le 1er août 2014 et de condamner la SARL Ecosols à lui verser, outre les dépens de première instance et d'appel, une provision d'un montant de :
- 25 665,84 euro portant intérêts au taux légal à dater du 5 août 2013 au titre de factures impayées, établies entre le 31 mai 2013 et le 5 août 2013 ;
- 5 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- 70 000 euro au titre de la clause de résiliation anticipée du contrat de distribution exclusive lors de la première année d'exécution ;
Ainsi qu'une somme de 2 200 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur la qualité de la partie demanderesse qui est bien la SAS Ekonis ni sur aucune des dispositions contractuelles dont il est demandé l'application, en vertu de l'article 1134 du Code civil et de la liberté contractuelle, à savoir notamment celles relatives au processus d'établissement des factures et aux conséquences financières d'une résiliation anticipée du contrat de distribution exclusive.
Aux termes de ses dernières écritures datées du 26 mars 2015, la SARL Ecosols, constituée intimée, demande à la cour d'appel de Colmar de confirmer l'ordonnance entreprise ; de débouter la SAS Ekonis de toutes ses fins et conclusions ; de condamner cette dernière à lui verser, outre les dépens, une somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que chacune des demandes de la SAS Ekonis se heurte à une contestation sérieuse échappant dès lors à la compétence du juge des référés en ce sens que certaines dispositions contractuelles sont, de son point de vue, étrangères à l'objet d'un contrat de distribution exclusive ou inapplicables et donc nulles pour absence de cause ou pour cause illicite.
Elle rappelle également que ni M. Jean-Marie Kolb ni la SAS Ekonis n'ont respecté le processus de facturation des factures émises du 31 mai 2013 au 5 août 2013.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article 872 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 873 du Code de procédure civile poursuit en indiquant que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Sur la qualité de créancier de la SARL Ecosols :
Le contrat de distribution exclusive conclu le 22 mars 2013 désigne M. Jean-Marie Kolb ou toute autre personne morale et en particulier une SARL en qualité de fournisseur de la SARL Ecosols.
L'article 11 dudit contrat précise que le contrat ainsi que les droits et obligations en résultant pourront être librement transférés par le distributeur au successeur de son choix, sous réserve d'en avertir préalablement le fournisseur et de lui communiquer par lettre recommandée avec avis de réception avec un préavis de trois mois toutes les informations concernant ce successeur et l'engagement écrit de ce dernier quant aux obligations figurant au contrat.
Les onze factures dont il est demandé le paiement par la SAS Ekonis s'étalent sur une période comprise entre le 31 mai 2013 et le 5 août 2013.
Or, non seulement la société créée par M. Jean-Marie Kolb n'a été immatriculée et n'a donc acquis la personnalité morale qu'à la date du 8 juillet 2013, soit en fin de période, mais encore il n'a pas été démontré que les dispositions de l'article 11 du contrat de distribution exclusive ont été respectées.
En outre, contrairement à ce que prétend la SAS Ekonis, ce n'est pas parce qu'elle est désormais seule en procédure en qualité d'appelante, à l'exclusion de M. Jean-Marie Kolb, qu'il n'existe plus de contestation sérieuse sur la détermination et l'identification du créancier de la SARL Ecosols.
Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a relevé l'existence de contestations sérieuses sur l'identité de celui, de M. Jean-Marie Kolb ou de la SAS Ekonis en cours d'immatriculation au moment de l'établissement de la plupart des factures dont il est demandé le paiement, qui avait la capacité de s'engager à l'égard de la SARL Ecosols.
Sur la demande de provision au titre du paiement de onze factures établies entre le 31 mai 2013 et le 5 août 2013 :
L'article 1134 du Code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'annexe 3 relative aux tarifs, conditions générales de vente, de passation des commandes, de livraison et de règlement des produits contractuels pratiqués par le fournisseur prévoit la procédure de commande et de facturation.
Il y est stipulé que :
- le distributeur passera directement commande au producteur des quantités qui lui seront nécessaires (') et il informera le fournisseur de sa commande dans les mêmes délais ;
- le producteur effectuera la livraison directement au distributeur au lieu et date souhaités ;
- durant la première année du contrat, la SARL Ecosols facturera le produit des ventes engendré par M. Jean-Marie Kolb aux clients désignés par lui ('). La différence entre le prix facturé au client et les tarifs définis (') sera reversée à M. Jean-Marie Kolb sur présentation de factures dûment établies.
Or, les pièces produites par la partie appelante ne permettent pas de s'assurer précisément que le processus de facturation respecte les dispositions contractuelles de l'annexe 3 et ce, d'autant que plusieurs échanges démontrent que la SARL Ecosols a dû solliciter M. Jean-Marie Kolb pour qu'il lui transmette les renseignements lui permettant d'établir les factures.
En ce sens, c'est à bon droit que le juge de première instance a mis en avant l'existence de contestations sérieuses au fond quant au respect du processus de facturation.
Sur la demande de provision sur les dommages et intérêts à faire valoir pour résistance abusive :
En raison même de l'existence de contestations sérieuses relatives au processus de facturation, il ne peut être soutenu que la résistance de la SARL Ecosols à s'acquitter des factures établies est fautive.
C'est en conséquence à juste titre que le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté la demande de provision formée par M. Jean-Marie Kolb et la SAS Ekonis au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur la demande de provision à faire valoir sur le paiement de l'indemnité due en cas résiliation anticipée du contrat de distribution exclusive lors de sa première année d'exécution :
L'article 1108 du Code civil dispose que quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention, à savoir le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation.
Il résulte de l'article 12 du contrat de distribution exclusive que le contrat pourra notamment être résilié en cas d'inexécution par l'une des parties des obligations figurant au contrat et/ou de l'une quelconque des obligations inhérentes à l'activité exercée.
La résiliation anticipée interviendra un mois après mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la partie défaillante, indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire expresse restée sans effet.
Il est prévu qu'au cas où l'une des parties décidait de mettre fin avant son terme au présent contrat pour une raison autre que celles stipulées ('), une indemnité de 70 000 euro pour la première année en cours de contrat (') est due à la partie n'étant pas à l'origine de la résiliation.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 30 juillet 2013 adressé à M. Jean-Marie Kolb et à la Société Ekonis, la SARL Ecosols a demandé à interrompre les relations commerciales en invoquant la nullité du contrat de distribution exclusive fondé sur les clauses illégales.
La lecture du contrat de distribution exclusive signé le 22 mars 2013 entre la SARL Ecosols et M. Jean-Marie Kolb pose question quant à l'objet du contrat et à sa cause.
En effet, l'article 1126 du Code civil dispose que tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire.
L'article 1131 rappelle que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.
A ce titre, il paraît opportun de rappeler que le contrat de distribution exclusive est un contrat par lequel un fournisseur s'engage à ne vendre ses produits qu'à son cocontractant, le distributeur, sur un territoire déterminé.
Le distributeur revend en son nom et pour son compte ces produits sur ce territoire donné.
A l'instar de tous les contrats, le prix de vente doit être déterminé ou, à tout le moins, déterminable.
Or, force est de constater que la SARL Ecosols et M. Jean-Marie Kolb ont entendu contracter afin de permettre à la SARL Ecosols de réaliser une marge brute d'achat sur vente permettant de renflouer partiellement sa trésorerie, marge brute dont le montant est fixé en fonction de l'indemnisation totale ou partielle de M. Jean-Marie Kolb par l'agence nationale pour l'emploi et de la durée de la dite indemnisation.
En outre, le paragraphe 3 engagements postérieurs de la société Ecosols concerne plus particulièrement un objectif de cession de nom et de marque par la société Ecosols totalement dépendant du gain espéré et de la marge brute réalisée.
Ces éléments ne peuvent qu'être examinés par le juge du fond, en sorte que c'est encore à bon droit que le premier juge a noté l'existence de contestations sérieuses quant à la validité du contrat de distribution exclusive.
Le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg n'avait donc pas le pouvoir de statuer sur les demandes provisoires formées par M. Jean-Marie Kolb et par la SAS Ekonis en raison de l'existence de contestations sérieuses.
En conséquence, il n'y avait pas lieu à référé.
Sur les autres demandes :
Succombant, la SAS Ekonis est condamnée aux entiers dépens.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL Ecosols.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Ekonis.
Par ces motifs LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 1er août 2014 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg, Y ajoutant, Condamne la SAS Ekonis aux entiers dépens, Condamne la SAS Ekonis à verser à SARL Ecosols la somme de 1 500 euro sur fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Ekonis.