CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 décembre 2015, n° 14-08498
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Borriglione, Borriglione & Cie (SARL)
Défendeur :
La Tanneur & Cie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles
Avocats :
Mes de Vigan, Boccon-Gibod, Bertheux-Scotte
La SA La Tanneur & Cie (Le Tanneur), qui a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation d'articles de maroquinerie et de voyage, fabrique et commercialise un modèle de porte-monnaie, créé en 1895 par M. Bonnardel, fondateur de la marque Le Tanneur, dénommé Sans Couture, qui a la particularité technique d'être monté à l'aide de rivets et de ne nécessiter aucune couture.
Au début des années 2000, la société Le Tanneur a réactualisé ce modèle de porte-monnaie qu'elle a proposé dans chacune de ses collections, dans les couleurs traditionnelles de la maroquinerie, ainsi que dans des coloris moins habituels.
Mme Emilie Borriglione, jeune créatrice indépendante qui dessine des bijoux et de la maroquinerie, a développé à compter de l'année 2005, sa propre marque d'accessoires de maroquinerie fabriqués de façon artisanale " Melle Emilie B. ". Mme Borriglione a déposé la marque française " Melle Emilie B. " auprès de l'INPI, au mois de novembre 2008, et a crée la SARL Borriglione & Cie, dont le sigle est " B&C ", en juin 2012.
Mme Borriglione, qui n'a pas de boutique et commercialise ses créations notamment dans des marchés d'artisanat, a créé la page Facebook " Melle Emilie B. " le 11 mars 2009, ainsi qu'un espace de vente en ligne sur le site " alittleMarket " le 1er août 2011.
En février 2009, lors du salon professionnel " Le cuir à Paris ", un représentant de la société Le Tanneur a reproché à Mme Borriglione de commercialiser un modèle de porte-monnaie sans couture qui serait une copie du modèle Sans Couture commercialisé par la société Le Tanneur.
Par courriel du 19 mai 2009 la société Le Tanneur a écrit à Mlle Borriglione : " Bonjour Émilie, je viens vers vous aujourd'hui suite à la réunion que nous vous avons fait sur votre produit sans-couture. Nous vous proposons un contrat de prestation de services et cession de droits de propriété intellectuelle pour un montant de 250 euro. Dans le cadre de ce contrat, nous ferons mention de votre accord concernant la reconnaissance des droits pour le porte-monnaie sans- couture que vous avez copié, et nous définirons votre mission (objet, durée, honoraires) et la cession des droits au profit de le tanneur des créations réalisées. Je vous laisse revenir vers moi avec votre accord et ensuite je vous mettrai en relation avec notre équipe de style pour réaliser la mission. "
Par courriel du 20 juin 2009, Mme Borriglione a répondu " Monsieur, j'ai bien reçu votre email et réfléchi à votre proposition. Vous me parlez de contrat, je suis disposée à en discuter de manière plus concrète car hormis la somme de 250 euro, qui me semble dérisoire, rien n'est défini. Je serais d'accord de vous société la fabrication du modèle, voire d'en arrêter la fabrication, mais en contrepartie d'une redevance, que vous m'assuriez un montant minimum et l'apposition de mon nom sur les produits. En ce qui concerne votre proposition d'un contrat de prestations de services, je n'y suis pas opposée mais il faut également en discuter. Je reste à votre disposition pour que nous convenions d'un rendez-vous. "
Le 22 mai 2012, la société Le Tanneur a fait l'acquisition de 3 porte-monnaie sans-couture de 3 tailles différentes vendus par Mme Borriglione.
Par courrier de son conseil du 24 mai 2012, la société Le Tanneur a mis en demeure la société Borriglione " de cesser immédiatement la fabrication, la présentation, la proposition à la vente et la vente, à quelque titre de quelque manière que ce soit, de produits de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du modèle Sans Couture appartenant à la société La Tanneur & Cie ".
Par courrier de son conseil du 11 juin 2012, Mme Borriglione a refusé d'accéder aux demandes de la société Le Tanneur en lui reprochant de chercher " par cette démarche à entraver gravement la liberté du commerce et de l'industrie de Mlle Émilie B. dont le comportement nous paraît licite ".
Par acte du 4 décembre 2012, la société Le Tanneur a assigné Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie devant le Tribunal de commerce de Paris, en leur reprochant, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des actes de concurrence déloyale et parasitaire consistant à fabriquer et commercialiser des produits de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du porte-monnaie Sans Couture qu'elle fabrique commercialise.
Par jugement du 28 février 2014, le Tribunal de commerce a :
Condamné solidairement Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie à verser à la société La Tanneur & Cie la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;
Interdit à Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie de faire?fabriquer, de fabriquer, d'offrir à la vente ou de vendre sous astreinte définitive de 200 euro par?infraction constatée à compter de la signification du jugement, tout objet de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du petit porte-monnaie Sans Couture fabriqué et vendu par la SA La Tanneur & Cie ;
Condamné solidairement Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione &?Cie à payer à la SA La Tanneur & Cie la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
Débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamné solidairement Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie aux entiers dépens.
Le 16 avril 2014, Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie ont interjeté appel contre ce jugement.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 8 septembre 2015, par lesquelles Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie demandent à la cour de :
Au visa des articles 32-1 du Code de procédure civile et 1382 du Code civil, Recevoir Mme Emilie Borriglione et à la société Borriglione & Cie en leurs conclusions et les y déclarer bien fondées ;
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 février 2014 dans toutes ses?dispositions ;
Et statuant de nouveau,
Débouter la société La Tanneur & Cie de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Débouter la société Le Tanneur de sa demande de confirmation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 28 février 2014 ;
Débouter la société Le Tanneur de ses demandes incidentes par lesquelles elle demande à?la Cour d'appel de Paris de dire et juger que Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie auraient commis des actes constitutifs concurrence parasitaire, et?d'ordonner une mesure de publication de l'arrêt à intervenir ;
Condamner la société Le Tanneur & Cie à payer la somme de 10 000 euro à chacune des?défenderesses en réparation de leur préjudice pour procédure abusive,
Condamner la société Le Tanneur & Cie à payer Mme Emilie Borriglione et à la?société Borriglione & Cie la somme de 8 000 euro, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Le Tanneur & Cie aux dépens de l'instance.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 2 juillet 2015, par lesquelles la société Le Tanneur & Cie demande à la cour de :
Débouter Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie de toutes leurs demandes, fins et conclusions et les déclarer mal fondées en leur appel ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 février 2014 en ce qu'il a jugé coupables de concurrence déloyale, Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 février 2014 en ce qu'il a condamné Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie à verser à la société La Tanneur & Cie la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il a prononcé à leur encontre une mesure d'interdiction de fabriquer, de faire fabriquer, d'offrir à la vente et de vendre, sous astreinte de 200 euro par infraction constatée, tout objet de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du petit porte-monnaie Sans Couture fabriqué et vendu par la société La Tanneur & Cie ;
Ajoutant au jugement du 28 février 2014 rendu par le Tribunal de commerce de Paris :
Dire et juger que la fabrication, l'offre à la vente et la vente par Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie de produits de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du porte-monnaie Sans Couture fabriqué et vendu par la société Le Tanneur & Cie, sont également constitutifs à son encontre d'actes de concurrence parasitaire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois revues ou journaux au choix la société La Tanneur & Cie et aux frais solidaires de Mme Emilie Borriglione et la?société Borriglione & Cie, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 3500 euro et ce à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
Condamner solidairement Madame Emilie Borriglione et la société Borriglione &?Cie à payer à la société La Tanneur & Cie la somme complémentaire de 7 000 euro au titre?des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner solidairement Mme Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie?aux entiers dépens de la présente instance.
Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SELARL?Lexavoue Paris- Versailles, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé, la cour :
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie exposent que le modèle de porte-monnaie sans couture créé par Mme Borriglione ne constitue pas une copie du porte-monnaie Sans Couture de la société Le Tanneur ;
Que les caractéristiques que la société Le Tanneur énumère dans son assignation comme présentant " une forme particulière et reconnaissable " de son porte-monnaie Sans Couture ne se retrouvent pas dans la création " Melle Emilie b. " ; que l'impression d'ensemble qui se dégage des deux modèles de porte-monnaie ne laisse aucune place à la confusion dans l'esprit de la clientèle ; qu'en outre, la société Le Tanneur ne se prévaut que d'un seul modèle Sans Couture décliné dans une seule et unique taille, alors que le modèle créé, fabriqué et commercialisé par Mme Borriglione, qui a toujours inscrit ses collections de porte-monnaie dans un effet de gamme déclinant tout à la fois les tailles et les coloris, comporte 5 tailles différentes ; que chacune des deux marques a fait le choix de couleurs très différentes, Mme Borriglione ayant choisi, dès 2005, des couleurs vives et acidulées pour ses collections, ce qui est très original pour des créations en cuir, alors que la société Le Tanneur n'a commencé à décliner ses porte- monnaie Sans Couture dans une plus large palette de couleurs que postérieurement ; Que les seules ressemblances entre les deux modèles litigieux ne résultent que de la reproduction et de la combinaison de formes qui appartiennent au domaine public, s'agissant de caractéristiques de formes qui se retrouvent de longue date dans les fabrications de porte-monnaie, soit la forme rectangulaire, les dimensions permettant d'insérer une carte de paiement, la présence de plusieurs compartiments à soufflets, caractéristique des modèles sans couture et la fermeture par un rabat muni d'un bouton pression ; que, pour invoquer l'existence d'un risque de confusion auprès du consommateur, la société Le Tanneur se borne à se fonder sur des caractéristiques classiques, largement répandues, et dépourvues d'originalité pour des modèles de porte-monnaie ;
Considérant que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie exposent également que le modèle de porte-monnaie sans couture créé par Mme Borriglione ne constitue pas une imitation du porte-monnaie Sans Couture de la société Le Tanneur ; que ce modèle de porte-monnaie sans couture porte la trace d'un effort de création et de recherche esthétique lui conférant une originalité qui caractérise une création intellectuelle propre à son auteur et éligible à la protection de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, ce que la société Le Tanneur, qui a cherché à acquérir les droits sur les créations de Mme Borriglione, ne peut contester ; qu'il existe entre les deux modèles de porte-monnaie en cause une différence fondamentale de fabrication qui se retrouve dans l'impression d'ensemble qui se dégage des deux porte-monnaie ;
Considérant que les appelantes soutiennent enfin qu'il n'existe aucun élément caractérisant un comportement déloyal ; que la présentation des porte-monnaie est totalement différente, alors que la société Le Tanneur a opté pour un présentoir métallique " design " et très moderne, Mme Borriglione a choisi de présenter ses créations dans des petites caisses en bois, ou dans des petits seaux métalliques ou des paniers, ce qui donne une impression radicalement différente, qui s'inscrit dans un univers champêtre ; que le conditionnement des porte-monnaie est également très différent ; que la présentation des porte-monnaie consistant à les ranger les uns à côté des autres, pour mettre en avant la palette de couleurs, constitue une pratique largement répandue sur le marché ; que les deux modèles de porte-monnaie, commercialisés respectivement par les sociétés Le Tanneur et Borriglione, sont en réalité très différents, et n'ont en commun que d'être des portes monnaie sans couture, et d'une taille relativement standard correspondant à la taille d'une carte de paiement ; Considérant que la société Le Tanneur répond que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie ont commis des actes de concurrence déloyale à son encontre du fait de la fabrication, de la présentation à la vente et de la vente de porte-monnaie reprenant les caractéristiques et les conditions de présentation et de vente du porte-monnaie Sans Couture, devenu un produit emblématique de la société Le Tanneur qui le fabrique et le vend depuis plus d'un siècle ;
Qu'il se dégage des porte-monnaie fabriqués par Mme Borriglione et du porte-monnaie Sans Couture qu'elle fabrique une même impression d'ensemble qui ne peut résulter du simple hasard et qui traduit la volonté délibérée des appelantes de semer la confusion dans l'esprit de la clientèle entre les deux produits ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, c'est l'impression d'ensemble qui se dégage des deux porte-monnaie qu'il convient de retenir et non les différences de détails entre ces produits ;
Que le risque de confusion est également caractérisé en l'espèce par l'effet de gamme choisi par Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie pour décliner leur produit et sa présentation à la clientèle ; que les produits fabriqués et vendus par Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie sont déclinés dans des coloris vifs et plutôt inhabituels en matière de petite maroquinerie, qui reprennent les couleurs choisies par elle pour son porte-monnaie Sans Couture ;
Que c'est également dans cet objectif de confusion et d'association avec son porte-monnaie Sans Couture que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie ont choisi le mode de présentation de leurs produits à la clientèle ; qu'ainsi la présentation des porte-monnaie Sans Couture, dans leurs différents coloris les uns à côté des autres, comme des livres dans une bibliothèque, a également été reprise par Mme Borriglione, qui a fait de cette présentation sa principale image de communication, le porte-monnaie litigieux apparaissant en outre comme le produit phare de sa collection ;
Mais considérant que celui qui ne peut pas ou ne peut plus se prévaloir d'un droit privatif de propriété intellectuelle sur un produit peut agir à l'encontre des tiers qui en reproduisent les caractéristiques sur le terrain de la concurrence déloyale ou parasitaire ; que le fait de copier ou d'imiter un produit n'est constitutif d'un comportement déloyal que s'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Le Tanneur a été fondée en 1898 pour commercialiser le porte-monnaie Sans Couture, créé en 1895, pour lequel un brevet fut déposé à la fin du XIXe siècle, qui a la particularité d'être monté à l'aide de rivets et de ne nécessiter aucune couture ; que le packaging du porte-monnaie Sans Couture reprend l'affiche publicitaire déjà utilisée en 1911 ; que les catalogues produits par la société Le Tanneur montre que le porte-monnaie Sans Couture figurait sur son catalogue " Noël 1999 " et qu'à compter de l'année 2007 il a figuré sur sa communication et sur tous ses catalogues successifs, également déclinés " dans des coloris tendance ", tels que le fuchsia, le mauve, l'orange, le turquoise, ainsi que dans les couleurs dorées et argentées à compter de 2008 ;
Considérant que la société Le Tanneur démontre, d'une part, que le porte-monnaie Sans Couture est l'emblème de sa marque et qu'il est présent de manière récurrente depuis la fin du XIXe siècle dans sa communication, ses catalogues et ses magasins, d'autre part que depuis l'année 2007 ce porte-monnaie est décliné dans des couleurs vives et qu'un présentoir blanc, destiné à être placé près des caisses dans ses magasins, a été créé afin de présenter les porte-monnaie Sans Couture dans les différents coloris, les uns à côté des autres sur leur tranche ;
Considérant que si plusieurs modèles de porte-monnaie sans couture sont commercialisés, le porte-monnaie Sans Couture, emblème de la société Le Tanneur, a une apparence caractéristique qui le distingue nettement des autres produits vendus, par sa forme rectangulaire, sa taille de 10,5 x 7 cm, la présence d'un rabat qui se positionne à l'avant, sur les trois quart de la hauteur et sur toute la largeur du porte-monnaie, avec des angles arrondis et en son centre un arrondi dans lequel est placé un bouton pression en métal, ses trois soufflets dont un avec rabat intérieur ;
Considérant que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie établissent, par l'attestation de leur fournisseur, avoir utilisé, dès l'année 2005, des cuirs et un nuancier de couleurs très variés pour leurs créations ; que, cependant, si les appelantes justifient de leur participation en 2005 à une braderie et à un marché de Noël, les photographies produites, qui ne peuvent être datées, ne permettent pas d'étayer leur affirmation, selon laquelle dès 2005, elles commercialisaient déjà leur porte-monnaie dans différentes tailles et dans des couleurs vives ; que la commercialisation de leur porte-monnaie sans couture n'est établie qu'à compter de l'année 2007 par une photocopie en noir et blanc d'un article du 28 mai 2007 du journal Midi Libre relatif à un marché artisanal dénommé Promaude ; que la commercialisation de porte-monnaie dans des couleurs vives n'est démontrée qu'à compter de 2009 par la production de photographies en couleur relatives au " salon du cuir à Paris " ; Considérant que le porte-monnaie commercialisé par les appelantes, dont la taille 1 a comme dimension 9 X 6 X 2,5 cm, reprend à l'identique le modèle et la forme du porte-monnaie Sans Couture de la société Le Tanneur ; que bien qu'il existe, comme le soulignent les appelantes, quelques différences dans la fabrication tenant au nombre de pièces de cuir assemblées, à l'absence de pièces cartonnées qui donne aux soufflets un volume légèrement différent, à l'absence de poche plate à l'arrière et à ce qu'un des 3 soufflets intérieurs dispose d'un fond, cependant, l'aspect extérieur des deux porte-monnaie est identique ; que l'impression d'ensemble dégagée par les deux porte-monnaie entraîne un risque de confusion, qui ne peut être écarté ni par l'existence d'une gamme de produits de tailles différentes proposée par les appelantes, ni par l'utilisation de cuir de couleurs vives, puisque la société Le Tanneur proposait dès l'année 2007, des couleurs vives en plus des couleurs habituelles en maroquinerie ;
Considérant que la société Le Tanneur verse aux débats une carte de visite, une facture, des captures d'écran de pages facebook de Mme Borriglione, un dossier de presse Mlle Emilie B., datant de 2012, qui montrent que les appelantes ont repris la présentation choisie dès 2007 pour le porte-monnaie Sans Couture ; qu'elles présentent leurs porte-monnaie les uns à côté des autres, sur leur tranche et ont fait de cette présentation particulière leur principale image de communication et du porte-monnaie litigieux le produit phare de leur collection ; que ces agissements sont de nature à augmenter le risque de confusion entre les deux porte-monnaie ;
Considérant qu'il résulte de la comparaison des deux porte-monnaie versés aux débats que les appelantes ont imité le porte-monnaie Sans Couture, produit emblématique de la société Le
Tanneur, dans des conditions entraînant un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale imputables aux appelantes ;
Sur le parasitisme :
Considérant que la société Le Tanneur soutient également que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie se sont rendues coupables d'agissements parasitaires en cherchant à bénéficier de la notoriété acquise par le porte-monnaie Sans Couture afin de donner aux porte-monnaie qu'elles fabriquent et commercialisent un caractère de prestige dont ils ne bénéficieraient pas autrement, le fait que les réseaux de distribution soient prétendument différents étant sans incidence ; qu'en commercialisant, à destination d'une clientèle commune, un porte-monnaie évocateur dans sa forme et sa présentation du modèle ancien et bien connu Sans Couture de la société Le Tanneur, et en s'inspirant par conséquent de la valeur économique créée au fil des années sur ce produit, sans aucune justification légitime, les appelantes ont commis des actes de parasitisme à son préjudice ;
Considérant que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie répondent que l'existence d'une concurrence parasitaire suppose que la société Le Tanneur rapporte la preuve que, d'une part Mme Borriglione a indûment détourné le savoir-faire de la société Le Tanneur, et d'autre part, que la mise sur le marché de ses produits résulte de ce détournement ; qu'aucun détournement de savoir-faire au préjudice de la société Le Tanneur n'est établi ; qu'au contraire, les techniques de fabrication des modèles sont différentes, puisque le porte-monnaie " Melle Emilie b. " est obtenu à partir de seulement 2 pièces de cuir assemblées, alors que le porte-monnaie Sans Couture est bâti à partir de 6 pièces de cuir dont certaines comportent un renfort en carton collé ;
Mais considérant que le parasitisme, qui consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion ;
Considérant que les parties qui commercialisent toutes deux des articles de maroquinerie, notamment sur internet, sont en concurrence pour la vente de porte-monnaie sans couture ; que si la fabrication des deux porte-monnaie sans couture n'est pas identique, cependant leur apparence est quasiment la même ; que les appelantes ont pu, en s'immisçant dans le sillage de la société Le Tanneur par la reprise des caractéristiques d'un de ses produits emblématiques, tirer profit de la notoriété acquise par cette société dans la maroquinerie de luxe ainsi que de ses investissements en communication, afin de proposer, à moindre frais, un produit de substitution ; que ces agissement sont constitutifs d'une concurrence parasitaire ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société Le Tanneur expose que les agissements des appelantes lui ont causé un préjudice dont elle demande la cessation et la réparation ; que son préjudice résulte de la vulgarisation et de la banalisation du modèle de porte-monnaie Sans Couture et de l'atteinte portée à ses investissements ; que le préjudice a été aggravé par le fait que les agissements de Mme Borriglione et de sa société ont été commis en 2012, soit quelques mois avant qu'elle ne lance une campagne de communication, d'un montant de 300 000 euro, sur son porte-monnaie Sans Couture à l'occasion des 115 ans de ce produit ; que compte tenu des faibles résultats de la société Borriglione & Cie, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation à hauteur de 5 000 euro et a ordonné une mesure d'interdiction de fabriquer et vendre ; qu'en revanche, elle demande la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de publication judiciaire ;
Considérant que Mme Borriglione et la société Borriglione & Cie exposent que les parties ne s'adressant pas à la même clientèle, la société Le Tanneur ne justifie pas de l'existence d'un préjudice ;
Considérant que les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par les appelantes ont nécessairement causés un préjudice commercial et d'image à la société Le Tanneur qui est bien fondée à demander la confirmation du jugement ; que compte tenu de la mesure d'interdiction prononcée par le tribunal à compter du jugement, la mesure de publication judiciaire sollicitée par la société Le Tanneur n'apparaît pas nécessaire à la réparation de son préjudice et doit être rejetée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Considérant que les appelantes, qui soutiennent à tort que la société Le Tanneur a voulu les priver de la possibilité de développer leur activité dans le domaine de la maroquinerie et qui ne rapporte pas la preuve que cette société a abusé de son droit d'agir en justice, doivent être déboutées de leur demande de dommages-intérêts ;
Par ces motifs, Confirme le jugement, Et y ajoutant, Dit que la fabrication, l'offre à la vente et la vente par Madame Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie de produits de maroquinerie reproduisant les caractéristiques du porte-monnaie Sans Couture fabriqué et vendu par la société La Tanneur & Cie, sont constitutifs à son encontre d'actes de concurrence parasitaire, Condamne Madame Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie à verser à la société La Tanneur & Cie la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne Madame Emilie Borriglione et la société Borriglione & Cie aux dépens d'appel, qui pourrons être recouvrés en application de l'article 699 du Code de procédure civile.