CA Douai, 1re ch. sect. 2, 26 novembre 2015, n° 13-02310
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Broudehoux Boisse (SA)
Défendeur :
Textiles et Créations Production (SAS), Bernard et Nicolas Soinne (SELAS) , Soinne (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carriere
Conseillers :
Mmes Chapeaux, Lamotte
Avocats :
Mes Franchi, Delbecq, Laforce, Verspieren-Macquet, Soinne
La SAS Textiles & Créations Production (ci-après TCP) a pour activité la création, la fabrication, le négoce d'articles textiles et de linge de maison sous la marque Sylvie Thiriez.
M. Patrice Lefevre, qui dirige cette société depuis 1998, a, en 2000, recherché de nouveaux partenaires pour consolider sa trésorerie. Il a intégré ainsi dans son capital le groupe textile Broudehoux Boisse, entré au capital à hauteur de 61,5 %. Ce groupe a ensuite cédé sa participation à M. Patrice Lefevre en 2007.
A compter de 2008-2009, la société Broudehoux Boisse a mis au point une collection de linge de lit brodé " déco " sous la marque Flora Mundi et l'a présentée par le biais de catalogues.
La société TCP a alors considéré que la promotion de cette collection par la société Broudehoux Boisse s'inscrivait dans un contexte de déloyauté et a donc décidé d'abord de faire réaliser une saisie-contrefaçon le 25 août 2009, ensuite de faire dresser constat le 28 août 2009, enfin, d'assigner la société Broudehoux Boisse en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale selon acte en date du 28 octobre 2009.
La société Mobilis, à laquelle la société Broudehoux Boisse a transféré l'activité Flora Mundi en 2010 est intervenue volontairement à la procédure. Cette société a été placée en liquidation judiciaire le 17 décembre 2012.
Par jugement du 28 février 2013 le Tribunal de grande instance de Lille a :
- dit que les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont conjointement commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Textiles & Créations Production,
- condamné la société Broudehoux Boisse au paiement de la somme de 46 000 euro de chef avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- fixé la créance de la société Textiles & Créations Production au passif de la société Mobilis, représentée par son mandataire liquidateur M. Soinne, à la somme de 46 000 euro du chef des faits de contrefaçon, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- dit que les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont conjointement commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Textiles & Créations Production,
- condamné la société Broudehoux Boisse au paiement de la somme de 120 000 euro de chef avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- fixé la créance de la société Textiles & Créations Production au passif de la société Mobilis, représentée par son mandataire liquidateur M. Soinne, à la somme de 120 000 euro du chef des faits de concurrence déloyale et parasitaire,
- interdit aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis représentée par son mandataire liquidateur, d'importer, fabriquer ou faire fabriquer et /ou offrir à la vente et de commercialiser les modèles de sa collection " linge de montagne " présentés dans le catalogue diffusé sous la marque Flora Mundi et référencés sous les dénominations Vauvray, Le Maz, Ordier et Planay, et ce, sous astreinte de 100 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- interdit aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis représentée par son mandataire liquidateur, de diffuser de quelque façon que ce soit un catalogue qui reproduit servilement les caractéristiques de la mise en page de présentation des modèles de linge de lit de son catalogue, et ce, sous astreinte de 100 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- ordonné que les catalogues Flora Mundi contrefaisant (2009 et 2010) soient rappelés des circuits commerciaux et détruits en présence d'un huissier territorialement compétent aux frais des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis représentée par son mandataire liquidateur, et ce, sous astreinte de 100 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- ordonné la destruction du stock de catalogues Flora Mundi détenu par la société Broudehoux Boisse en présence d'un huissier territorialement compétent aux frais des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis représentée par son mandataire liquidateur, et ce, sous astreinte de 100 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- ordonné la publication du jugement dans 3 journaux ou revues au choix de la société Textiles & Créations Production aux frais des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis, représentée par son mandataire liquidateur, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 3 000 euro,
- dit que le tribunal ne se réserve pas la liquidation des astreintes,
- dit que les sommes résultant des mesures d'interdictions, de destruction et de publications ci-dessus ordonnées constituent des créances de la société Textiles & Créations Production devant être inscrites au passif de la société Mobilis placée en liquidation judiciaire,
- débouté les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis représentée par son mandataire liquidateur de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Broudehoux Boisse et M. Nicolas Soinne mandataire liquidateur de la société Mobilis in solidum aux dépens, en ce compris les frais de saisie contrefaçon du 29 août 2009, ainsi qu'à payer à la société Textiles & Créations Production la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Broudehoux Boisse et la SELAS Bernard & Nicolas Soinne ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mobilis ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 avril 2013.
La procédure devant la cour a été clôturée le 25 septembre 2015.
Prétentions des parties
Vu les conclusions en date du 18 septembre 2015 par lesquelles la SAS Broudehoux Boisse et SELAS Bernard & Nicolas Soinne ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Mobilis, appelants, invitent à la cour, au visa des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle, L. 331-3-1 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil, L. 622-22 et L. 622-23 du Code de commerce, à infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau,
s'agissant des droits d'auteurs d'auteur invoqués
à titre principal,
- dire que la société TCP ne justifie pas des droits d'auteur qu'elle invoque sur la mise en page et la présentation des modèles de linge de lit au sein des catalogues qu'elle diffuse sous la marque Sylvie Thiriez,
- dire que la manière dont elle caractérise la composition graphique va au-delà du catalogue qu'elle verse et s'apparente non pas une œuvre de l'esprit mais à une méthode de présentation de parures de lits au sein d'un catalogue destiné à des acheteurs professionnels ayant naturellement vocation à présenter les produits in situ ainsi que par des dessins ou croquis à plat pour présenter l'ensemble des éléments composant la parure de manière épuré et aéré,
- dire que la société TCP ne rapporte pas la preuve de l'originalité de l'agencement graphique qu'elle invoque,
- en conséquence, débouter TCP de ses prétentions au titre du droit d'auteur,
- en conséquence, débouter la société TCP de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire n'y avoir lieu à fixer une créance au bénéfice de TCP au sein de la liquidation judiciaire de Mobilis,
à titre subsidiaire,
- dire que la société TCP ne rapporte pas la preuve d'actes de contrefaçon commis respectivement par la société Broudehoux Boisse et par la société Mobilis dans le fait d'avoir fait imprimer et utilisé pour la première le catalogue V1 Flora Mundi et pour la seconde d'avoir utilisé le catalogue V2 Flora Mundi tous deux utilisés en 2009,
- en conséquence, débouter la société TCP de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire n'y avoir lieu à fixer une créance au bénéfice de TCP au sein de la liquidation judiciaire de Mobilis,
à titre infiniment subsidiaire,
- requalifier et analyser la demande subsidiaire de la société TCP relative aux catalogues et à la " composition graphique " invoquée, comme ne relevant pas du parasitisme mais de la concurrence déloyale,
- en toute hypothèse, dire que TCP ne rapporte pas plus la preuve que la combinaison d'éléments graphiques puisse être protégée subsidiairement au titre du parasitisme s'agissant d'une combinaison correspondant à une méthode et par ailleurs destinée à présenter de manière commune les parures de lits dressées sur une page et les schémas des pièces constituant ladite parure, et ne constituant pas une valeur économique individualisée fruit d'un savoir-faire et procurant un avantage concurrentiel,
- dire que dans le cadre de l'analyse des ressemblances, il doit être tenu compte du fonds commun du genre ainsi que des nécessités techniques et commerciales des professionnels du secteur,
- dire qu'il ne résulte pas de l'impression visuelle d'ensemble pour un professionnel à qui les catalogues sont destinés, un quelconque risque de confusion, les éléments communs étant nécessaires, courants et plus généralement relevant des techniques de présentation utilisées par les professionnels du secteur,
- en conséquence, débouter TCP de ses prétentions au titre de la concurrence déloyale et parasitaire en relation avec le catalogue qu'elle invoque,
- en conséquence, débouter la société TCP de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire n'y avoir lieu à fixer une créance au bénéfice de TCP au sein de la liquidation judiciaire de Mobilis,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire que la société TCP ne démontre pas le préjudice qu'elle invoque,
- dire que la société TCP ne peut faire l'amalgame entre l'édition du catalogue et la vente des produits qu'il présente qui n'est pas l'objet du droit invoqué de sorte qu'elle n'exploite pas à titre commercial l'œuvre invoquée et ne peut faire de lien entre le support (le catalogue) et la vente des produits,
- dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer un quelconque rappel des catalogues des circuits commerciaux s'agissant de catalogues obsolètes car visant des produits saisonniers, cette demande est donc sans objet,
- dire n'y avoir lieu à publication judiciaire,
- dire que la société TCP ne peut faire l'amalgame entre l'édition du catalogue et la vente des produits qu'il présente (43 000 euro de CA avec le 1er catalogue pour une marge de 21 500 euro et 125 240 euro de CA pour une marge de 62 620 euro, pour la totalité des produits présentés en 2009 avec catalogues),
- si la cour devait entrer en voie de condamnation, elle ne pourra faire droit aux prétentions de TCP qui ne tiennent pas compte de l'activité réelle de Broudehoux Boisse avec l'aide du 1er catalogue litigieux ayant dégagé en 2009, 43 000 euro de chiffre d'affaires et 21 500 euro de marge, pour 10 parures soit la somme de 8 600 euro pour les 4 parures critiquée et si tant est que la cour prenait également en compte le second catalogue, 125 240 euro de chiffre d'affaires et 62 620 euro de marge pour 10 parures soit la somme de 25 048 euro pour les 4 parures critiquées,
- si la cour tenait compte de la totalité de l'activité 2009 sur le marque Flora Mundi avec catalogue, elle devrait au minimum limiter le préjudice à la marge dégagée par les 4 parures critiquées par TCP, soit une somme de 33 648 euro (84 120 / 10 et × 4)
- si la cour tenait compte, à titre d'alternative, comme les juges de première instance des frais exposés par TCP en 2009 pour évaluer son préjudice, elle devra au minimum diviser par 4 les frais annuels de catalogues qui couvre l'ensemble de son activité et non le linge de lit " montagne ", soit 51 415 /4 = 12 853 euro, ce qui ramené aux 4 modèles dénoncés par TCP représente une perte de frais de 1 713 euro (12 853 / 30 × 4),
s'agissant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
à titre principal,
- dire que TCP n'invoque aucun fait distinct lorsqu'elle leur reproche à titre principal une présentation similaire des produits,
- requalifier et analyser les prétentions de la société TCP fondées sur la " concurrence parasitaire " ou le " parasitisme " à travers lesquelles TCP reproche, une imitation de 4 parures de lit, une copie de bon de commande, le recours à un même fournisseur ainsi que des actes de dénigrement, comme relevant de la concurrence déloyale,
- constater que TCP reconnaît qu'il n'y a pas de " copie " de ses produits mais qu'elle reproche pourtant à Broudehoux Boisse de s'être inspirée de 4 de ses produits pour la collection Flora Mundi de 2009,
- dire que TCP ne démontre pas que les similitudes dépassent le fait que les produits relèvent du même genre, le linge de lit de style montagne,
- dire que TCP ne rapporte pas la preuve d'un risque de confusion résultant des produits,
- dire que TCP ne rapporte pas la preuve d'un risque de confusion résultant du bon de commande au demeurant banal, présentant sous forme de colonnes, les produits à l'aide d'abréviations classiques,
- dire que le fait de partager un fournisseur commun n'est pas une faute et ne l'est pas plus dans le contexte démontré entre les parties,
- dire que TCP ne démontre aucun acte de dénigrement commis à son préjudice par elles,
- dire que la société TCP ne démontre pas à l'encontre de chacune d'elles des faits de concurrence déloyale ou parasitaire distincts,
- dire que la société TCP ne démontre pas qu'elles aient commis à son égard des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- en conséquence, débouter la société TCP de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire n'y avoir lieu à fixer une créance au bénéfice de TCP au sein de la liquidation judiciaire de Mobilis,
à titre subsidiaire,
- dire que la société TCP ne démontre pas les préjudices de trouble commercial, préjudice moral, préjudice lié aux économies injustement réalisées, perte de marge sur le chiffre d'affaires détourné qu'elle invoque,
- dire que la société TCP ne démontre pas le préjudice de 360 000 euro qu'elle invoque,
- dire que la société TCP n'établit aucun rapport entre le préjudice allégué au titre de la concurrence déloyale et /ou parasitaire et le chiffre d'affaires de 233 459 euro réalisé et les 116 729 euro de marge réalisée, avec la marque Flora Mundi en 2009 sur la totalité des produits à marque Flora Mundi,
- dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer une mesure d'interdiction, ni un quelconque rappel des catalogues des circuits commerciaux s'agissant de catalogues obsolètes car visant des produits saisonniers,
- dire n'y avoir lieu à publication judiciaire,
- débouter la société TCP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- si la cour entrait en voie de condamnation, fixer le préjudice à la somme de 4 242 euro,
en toutes hypothèses,
- condamner la société TCP à leur verser, à chacune, la somme de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société TCP aux entiers frais et dépens ;
Vu les conclusions en date du 21 septembre 2015 par lesquelles la SAS Textiles & Créations Production, intimée ayant relevé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 111-1, L 112-1, L. 122-3, L. 331-1-3, L. 331-1-4, L. 335-2 et L. 335-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et 10 bis alinéa 2 de la convention de Paris, de :
sur le principe de la responsabilité,
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis avaient commis des actes de contrefaçon et de concurrence parasitaire et déloyale à son préjudice,
à titre subsidiaire,
- constater que les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont commis des actes de concurrence parasitaire et déloyale à son préjudice pour l'ensemble des faits qui leur sont reprochés, en ce compris la diffusion des catalogues sous la marque Flora Mundi,
sur le quantum du préjudice,
- à titre principal, la recevoir en son appel incident,
sur le préjudice né de la diffusion du catalogue Flora Mundi,
- fixer sa créance de dommages-intérêts au passif de la société Mobilis à la somme de 100 000 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et arrêtés au jugement d'ouverture,
- condamner la société Broudehoux Boisse à lui payer la somme de 100 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à titre de dommages-intérêts,
sur le préjudice né des autres actes litigieux,
- fixer sa créance de dommages-intérêts au passif de la société Mobilis à la somme de 360 000 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et arrêtés au jugement d'ouverture,
- condamner la société Broudehoux Boisse à lui payer la somme de 360 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à titre de dommages-intérêts,
à titre subsidiaire, confirmer le jugement,
- confirmer le jugement sur les mesures accessoires, les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
y ajoutant,
- condamner conjointement et solidairement la société Broudehoux Boisse et M. Nicolas Soinne ès qualités aux dépens d'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 30 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce,
Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :
Sur la contrefaçon de droits d'auteur allégué par la société TCP
L'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose :
" Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ";
La reproduction est définie à l'article L. 122-3 du même Code qui dispose :
" La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte.
Elle s'effectue notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique ";
L'article L. 335-3 du même Code précise :
" Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi " ;
La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences ; elle est caractérisée dès lors que sont repris en totalité ou partiellement les caractéristiques d'ensemble qui fondent l'originalité de l'œuvre revendiquée ; à cette fin, la contrefaçon doit être appréhendée au regard des seuls éléments qui caractérisent l'œuvre ;
La comparaison de l'œuvre revendiquée à l'œuvre incriminée ne saurait s'étendre à des éléments qui ne sont pas revendiqués sauf à sortir du champ de la protection sollicitée ;
La société TCP fait valoir que le catalogue Flora Mundi diffusé par la société Broudehoux Boisse constitue une contrefaçon des droits d'auteur dont elle dispose sur les catalogues qu'elle a créés depuis 2005 ; la société Broudehoux Boisse conteste l'existence de droits d'auteur au profit de la société TCP sur des catalogues dont elle estime la composition dénuée de la moindre originalité et de tout effort créatif ;
La société TCP soutient que les relations passées avec la société Broudehoux Boisse ont été purement financières, cette dernière réplique que le rapprochement entre elles de 2000 à 2007 a porté sur le transfert de son savoir-faire et de ses compétences en matière de linge de lit, notamment brodé ;
Il convient d'abord de remarquer que la diffusion des produits de la société TCP sous la marque Sylvie Thiriez se fait par le biais de boutiques de décoration, de détaillants et magasins spécialisés ou de magasins sous enseigne Sylvie Thiriez alors que la société Broudehoux Boisse diffuse la marque Flora Mundi dans le monde de la grande distribution et de la vente par correspondance ;
Il résulte des pièces produites que les relations entre les sociétés Broudehoux Boisse et TCP ont été capitalistiques mais aussi commerciales, permettant à ces deux sociétés de diversifier leurs points de vente entre des boutiques sous l'enseigne Sylvie Thiriez et la grande distribution ou la vente par correspondance ;
Comme l'a dit le Tribunal, la société Broudehoux Boisse ne démontre pas qu'elle aurait apporté à la société TCP un savoir-faire relativement au linge de maison brodé, alors que cette dernière société était déjà renommée pour son linge brodé style " chalet ", style que la société Broudehoux Boisse, qui avait également une ligne de linge brodé, ne commercialisait pas ;
L'attestation de M. Philippe Broudehoux (pièce TCP n° 14) décrit le rapprochement et le complémentarité entre les deux sociétés, sans être contredite notamment par l'attestation de M. Jean-Marie Lefevre, ancien fabricant de broderies mécaniques pour Broudehoux Boisse (pièce Broudehoux n°5), lequel ne fait que confirmer que les deux sociétés évoluaient manifestement dans des styles différents ; ce point est corroboré par les catalogues versés par les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ;
S'agissant des catalogues, il incombe à la société TCP de démontrer qu'elle est l'auteur de ces catalogues et que ceux-ci sont originaux en ce qu'ils portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;
La société TCP démontre d'abord sans être contredite sur ce point qu'elle est bien l'auteur des catalogues diffusés ;
Elle fait valoir ensuite que la personnalité de l'auteur de la mise en page revendiquée s'exprime sur le plan esthétique par les choix arbitraires qu'il a opérés pour aboutir à une composition graphique particulière se caractérisant par :
- une page présentant en gros plan une parure de lit dressée et photographiée dans une chambre, le plus souvent habillée de bois, sans personnage,
- une autre page en vis à vis déclinant la gamme sous forme de croquis à plat alignée et ordonnés suivant un agencement caractéristique :
* sur le côté gauche, sont représentés en croquis à plat les deux taies carrées et rectangles, puis en dessous la housse de couette puis en dessous le drap housse,
* sur le côté droit, sont représentés en croquis à plat la taie de traversin puis en dessous le drap,
* les tailles sont mentionnées successivement dans une colonne dans une typographie particulière ;
La société TCP valoir que le même agencement repris pour chaque modèle de linge de lit est le fruit d'un travail de conception mis en œuvre dans le souci de présenter de manière aérée et épurée les modèles et ses déclinaisons afin de les mettre en valeur, que cette composition résulte de choix arbitraires et esthétiques montrant un effort créatif qui lui confère un caractère original et qu'elle peut donc bénéficier de la protection au titre des droits d'auteur ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis soutiennent que les éléments constitutifs de la mise en page sont dépourvus d'originalité, la maquette de présentation n'étant composée que d'éléments descriptifs et fonctionnels sur lesquels la société Broudehoux Boisse estime démontrer son antériorité ; elles ajoutent que la technique du mapping était depuis longtemps employée ;
La société TCP ne revendique ni un format (A4), ni un système de fixation particulier (ressort ou agrafage), ni une couleur de couverture ; seule est en cause la maquette intérieure de présentation sur deux pages de sa collection de linge de lit ;
Les premiers juges ont exactement relevé qu'il est de principe que lorsqu'une combinaison de caractéristiques est revendiquée, l'appréciation de l'originalité de l'œuvre en cause s'effectue de manière globale en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement et ne porte donc pas sur l'examen de chaque caractéristique, de sorte que l'argumentation des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis apparaît inopérante en ce qu'elles font référence à des éléments isolés de l'agencement et notamment à la mention des tailles des produits vendus dans une typographie ou à la technique du mapping, alors que c'est l'ensemble de ces caractéristiques qui est de nature à conférer à l'agencement l'originalité requise par la loi ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis font ensuite valoir que la juxtaposition des éléments de mise en page n'est pas original en raison de leur caractère technique descriptif et nécessaire ;
Les catalogues de la société TCP sous la marque Sylvie Thiriez se caractérisent par la combinaison d'éléments alliant recherche esthétique et clarté de l'information sur les produits vendus dont le parti pris révèle la personnalité de l'auteur et donc l'effort d'originalité et de création retenu par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ; les premiers juges ont exactement retenu que le fait de présenter d'abord sur une page la parure de lit dressée et photographiée dans une chambre, le plus souvent habillée de bois, sans personnage, et sur une autre page, selon la technique du mapping, les éléments de ce lit déclinés en croquis à plat avec en dessous les tailles pour chaque élément dans une typographie particulière, est original et révèle clairement un choix esthétique de présentation allant bien au-delà des caractéristiques techniques nécessaires à l'information du consommateur ;
Comme l'a dit le tribunal, la mise en image et en scène de ces éléments, la recherche de clarté des informations tant des produits vendus que des tailles proposées confèrent à ce catalogue une réelle originalité par rapport aux autres catalogues versés aux débats par les parties, aucun autre n'alliant avec autant de recherche esthétique réelle ces différents éléments ;
En ce qui concerne la question de déterminer si les catalogues diffusées par les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis contrefont ceux de la société TCP, les premiers juges ont exactement relevé que malgré les différences de format ou d'épaisseur entre ces catalogues, il existe entre les catalogues de la société TCP et ceux vendant les produits Flora Mundi ancienne version (2009) comme nouvelle version (2010) une évidente ressemblance dans la composition graphique retenue, de sorte que les différences relevées, qui portent du reste sur des éléments non revendiqués, ne permettent pas de dissocier véritablement les catalogues ;
C'est ainsi que le catalogue Flora Mundi reprend la même police de caractère, la même composition graphique avec une page présentant en gros plan la parure de lit dressée et photographiée dans une chambre, le plus souvent habillée de bois et sans personnage, et une autre page reprenant les éléments de parure de lits en croquis à plat et les tailles dans une typographie particulière, éléments caractérisant la présentation du catalogue Sylvie Thiriez de la société TCP ;
La société Broudehoux Boisse soutient que les premiers juges se sont contentés de motiver de manière unique et globale leur décision pour ses deux catalogues 2009 et automne /hiver 2010 alors que ceux-ci ne sont pas identiques ; elle fait valoir qu'à l'été 2009, elle a apporté des modifications à son nouveau catalogue portant sur un nouveau format plus long, et l'adoption d'une véritable fiche technique de la parure de lit se présentant de manière très structurée sous la forme d'un tableau comprenant des rubriques (schémas techniques, caractéristiques, astuces, tailles) ; elle soutient que ces différences contribuent à ne pas créer la même impression d'ensemble et que si l'on retrouve des ingrédients communs, ils sont nécessaires car partagés par les industriels du textile ;
En réalité, l'examen comparatif des catalogues en cause (2010 pour Broudehoux Boisse et Mobilis) révèle toujours les mêmes ressemblances :
- une page présentant en gros plan une parure de lit dressée et photographiée dans une chambre, le plus souvent habillée de bois, sans personnage,
- une autre page en vis-à-vis reprenant :
* sur le côté gauche en croquis successivement sur une seule colonne de haut en bas, les taies carrées, rectangles et de traversin, la housse de couette, puis le drap housse,
* sur le côté droit les tailles mentionnées successivement dans une colonne dans une typographie bien particulière ;
Il apparaît donc que dans cette deuxième version, la société Broudehoux Boisse reprend toujours la même combinaison de caractéristiques, de sorte que la contrefaçon est à nouveau avérée par les ressemblances précédemment relevées ; les différences alléguées par les sociétés appelantes ne permettent pas de contester la contrefaçon reprochée ;
La circonstance que les société Broudehoux Boisse et Mobilis aient adopté un nouveau format et que la couverture du catalogue soit nettement distincte du catalogue de la société Sylvie Thiriez par l'adoption d'une police de caractère spécifique de la marque " Flora Mundi " dans un style moderne n'a aucune incidence sur l'appréciation de la contrefaçon puisqu'il ne s'agit pas d'éléments qui entrent dans le champ de la protection revendiquée ; en effet, seule importe la comparaison de la maquette graphique intérieure de présentation des modèles de linge de lit sur deux pages ;
Les modifications apportées à la mise en page par l'insertion de colonnes, cases, titres et autres catégories d'informations techniques montrent que dans la seconde version de son catalogue, la société Broudehoux Boisse a cherché à amoindrir la flagrance de la contrefaçon de la première version, mais la société Broudehoux Boisse ne prouve pas les nécessités techniques qui l'auraient contrainte à adopter une maquette graphique sur deux pages selon le même choix d'agencement ; l'adoption d'une " véritable fiche technique de la parure de lit se présentant de manière très structurée sous la forme d'un tableau comprenant des rubriques " a été opérée en réalité pour accréditer la thèse selon laquelle les croquis seraient purement techniques ; toutefois, l'impression visuelle d'ensemble qui se dégage des deux mises en page est analogue et ce, malgré la modification d'agencement des croquis par rapport au catalogue 2009 qui est reprise sur une seule colonne et non répartis sur une pleine page ;
Par ailleurs les sociétés appelantes prétendent que le catalogue automne /hiver 2010 incriminé aurait été improprement présenté " automne-hiver 2010 " alors qu'il concernerait la période septembre-décembre 2009 ; elles indiquent qu'à compter de 2010, elles auraient utilisé deux nouveaux catalogues printemps-été 2010 puis automne-hiver 2010 ; elles font valoir que la période concernée par le présent litige ne s'étend que de janvier à décembre 2009, et elles produisent deux factures émises par la société ID Impression Directe ; cette interprétation est contestée par la société TCP ;
En réalité, le catalogue incriminé est un support de vente de la collection automne-hiver jusqu'à la parution du suivant un an plus tard, sa diffusion est annuelle ; chaque professionnel du secteur édite une fois par an un catalogue présentant la collection automne-hiver qui est nécessairement à cheval sur deux années ;
La facture du 30 janvier 2010 n° 11352 (pièce Broudehoux n° 56) vise l'impression d'un catalogue dénommé " catalogue Flora Mundi " sans aucune mention de date ; cette facture ne prouve pas s'il s'agit d'un catalogue distinct du catalogue précédent, ou de sa simple réimpression ;
La facture émise le 21 septembre 2010 n°15602 (pièce Broudehoux n° 57) vise l'impression d'un catalogue dénommé " catalogue Flora Mundi automne-hiver 2010-2011 "; or, un catalogue édité pour la collection automne-hiver couvre bien deux années, en l'espèce 2010 et 2011, de sorte que le précédent couvrait bien les années 2009 et 2010 ;
Il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être donné de crédit aux découpages chronologiques des appelantes dans le tableau inséré en page 12 ;
Le catalogue Flora Mundi automne-hiver 2010 a été diffusé pour couvrir à la fois les années 2009 et 2010 ; l'année 2010 entre donc dans le champ de la contrefaçon reprochée ;
Les sociétés appelantes ont également communiqué une copie des catalogues qu'elles indiquent avoir diffusé à compter de janvier 2010 ; ces catalogues reprennent la même composition graphique que le catalogue automne /hiver 2010 et sont donc eux-mêmes incriminables ;
Par ailleurs, le catalogue livré le 21 janvier 2010 vise à la fois la collection printemps/été 2010 et la collection automne/hiver 2009-2010 ; il s'agit d'un catalogue intermédiaire complété de deux nouveaux modèles de linge de montagne ; ce catalogue renvoie expressément aux modèles présentés dans le catalogue précédent dont il reproduit des visuels sous le titre " Collection Automne /Hiver 2009-2010 " (page 8 de la pièce Broudehoux n° 66) ;
il ne se substitue donc pas au précédent qu'il ne fait que prolonger, ce qui corrobore le fait qu'il demeure en vigueur jusqu'à la collection automne/hiver de l'année suivante ;
Il n'y a pas de cycle de collection et de prises de commande qui soient strictement encadrées dans des périodes arbitrairement délimitées dans le temps comme le soutiennent les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ; le catalogue de la collection automne/hiver 2009-2010 demeure en vigueur un an et les prises de commande ne coïncident pas avec la saison elle-même car les produits ne sont pas tributaires d'une saisonnalité comme peuvent l'être par exemple des vêtements et la clientèle implantée notamment dans les stations de montagne achète et vend ces modèles toute l'année ;
Le cycle des catalogues et des prises de commande décrit par les sociétés appelantes ne correspond donc pas à la réalité du marché et ne repose sur aucun élément probant ;
Au demeurant, les derniers catalogues produits en cause d'appel reprennent la même composition graphique que le catalogue précédent automne /hiver 2010 ; ils entrent donc eux-mêmes dans le champ de la contrefaçon reprochée, de sorte que l'année 2010 ne saurait être exclue du litige, comme le soutiennent, à tort, les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la contrefaçon alléguée est établie ;
Sur les actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire
Le principe de la libre concurrence ne dispense pas chaque acteur économique, dans l'exercice de son activité, de respecter les règles élémentaires d'honnêteté et de loyauté, et se distinguer de ses concurrents afin de ne générer ni risque de confusion, ni rattachement indiscret ; le comportement d'un acteur économique sur un marché peut dégénérer en faute s'il outrepasse les limites de ces règles et engage ainsi sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
La société TCP reproche aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis de s'être comportées de manière déloyale en développant une nouvelle collection de linge brodé s'inspirant des thèmes de la montagne et de la campagne, collection fabriquée par le même fournisseur chinois ; elle fait valoir que la mise en page des catalogues, des bons de commande mais également la confusion entretenue sur les liens ayant pu exister entre les deux sociétés et les actes de dénigrement commis, accentuent cette concurrence déloyale et parasitaire ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis soutiennent que les produits en cause sont des thèmes à la mode très courants et les modèles commercialisés par elles sont très différents de ceux commercialisés par TCP et qu'il n'existe pas de confusion entre ces produits ; elles font valoir que l'imitation des bons de commande ne peut être retenue, s'agissant de documents essentiellement techniques, contenant des éléments nécessaires ; elles soulignent que l'utilisation du même fournisseur est connu de la société TCP depuis 2002 ; elles affirment que l'activité commerciale est exercée dans le strict respect de la liberté du commerce et du strict devoir général de loyauté ; elles font aussi valoir qu'il n'y a pas lieu d'adopter une approche globale de la situation litigieuse car, soit les actes reprochés sont en eux-mêmes fautifs, soit ils ne le sont pas ;
En réalité, il est de principe que les faits reprochés sur le fondement d'une concurrence déloyale et parasitaire doivent être appréciés de manière globale et non individuelle ; il convient donc d'analyser les différents griefs formés à l'encontre des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis par la société TCP, dans une approche globale et non en les examinant de manière individuelle et sans les mettre en perspective les uns avec les autres ;
Les premiers juges ont exactement relevé qu'il apparaît d'abord que les modèles figurant dans les catalogues des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis, autour du style " chalet " reprenant ainsi des thèmes montagnards, sont extrêmement proches dans leur aspect de ceux figurant dans le catalogue Sylvie Thiriez et sont repris dans une présentation identique, que cette imitation répétée des modèles en question constituant 50 % du catalogue Flora Mundi 2009, n'apparaît pas fortuite en ce que la société TCP vient démontrer que le catalogue 2009 de Flora Mundi reprend pour la première fois du linge de lit de style montagnard ;
Comme l'a dit le tribunal, la reprise des éléments caractéristiques de ces modèles, que ce soit par le biais du style adopté lui-même comme de leur présentation par le catalogue a nécessairement pour but de créer une confusion dans l'esprit du public visé, qui est celui des professionnels du linge de maison ;
L'attestation de Mme Broussole, cliente de TCP, relève la ressemblance entre les collections et les catalogues ; il en est de même de l'attestation de M. Vandershooten, chef d'entreprise spécialisé dans le linge de maison qui relève dans son attestation avoir eu l'impression de retrouver la collection Sylvie Thiriez en découvrant le stand Flora Mundi en janvier 2009 ;
Il résulte de la comparaison des différents modèles des similitudes répétées :
- modèle Rougemont (Sylvie Thiriez) / modèle Vauvray (Flora Mundi) : même thème de broderie inspirée du thème de la montagne avec la reprise d'une broderie centrale mise en valeur par un encadrement sur la housse de couette et un rappel sur les autres éléments de la parure et même choix de décliner les deux modèles sur deux seuls coloris identiques : rouge et taupe, avec association du nom du modèle à la couleur,
- modèle Honorine (Sylvie Thiriez) / modèle Le Maz (Flora Mundi) : même choix de combiner ensemble des motifs de cœur un tissu uni taupe et un tissu écossais avec une combinaison ivoire,
- modèle Pastorale et Valentine (Sylvie Thiriez) / modèle Odier (Flora Mundi) : même déclinaison du modèle autour du cœur avec trois cœurs identiques positionnés à intervalles réguliers et mêmes tons : broderie rouge et tissu blanc,
- modèle Galahad (Sylvie Thiriez) / modèle Planay (Flora Mundi) : même déclinaison de broderies de cerfs aux attitudes et proportions similaires et même broderie centrale de deux cerfs en vis-à-vis positionnés par symétrie sur le plateau de la housse de couette reprise par ailleurs sur les taies ;
Les premier juges ont exactement retenus que ces produits ne présentent pas de différences substantielles, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis, mais apparaissent comme issus du même créateur, de sorte que les quelques différences peuvent apparaître comme des déclinaisons des mêmes produits ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis affirment que le style chalet était courant dans le domaine du linge de maison, au moment où elles ont commencé à le commercialiser, mais elles ne le démontrent pas par la production de fiches internet non datées ;
Comme l'ont relevé les premiers juges, les similitudes entre les modèles sont de nature à créer une confusion dans l'esprit du public sur l'origine des produits ; quand bien même ces produits sont diffusés sous deux marques différentes, il résulte des attestations versées par la société TCP que, pour des professionnels habitués aux produits Sylvie Thiriez, les produits de style montagne de la société Flora Mundi, arrivés sur le marché en 2009 reprennent les mêmes caractéristiques et font immédiatement penser au style développé depuis longtemps par Sylvie Thiriez ; les témoins ont encore relevé les similitudes entre les catalogues mais aussi les bons de commandes ;
Les premiers juges ont exactement retenu que ces éléments de ressemblance sont de nature à évoquer, dans l'esprit du public, les produits originaux ; ces différents éléments de ressemblances joints entre eux révèlent encore que la société Broudehoux Boisse puis la société Mobilis qui a exploité Flora Mundi à compter de 2010, se sont placées dans le sillage de la société TCP, reprenant ses modèles, ses catalogues, ses bons de commande, captant ainsi la notoriété des produits Sylvie Thiriez, sans investissement ni risques financiers ;
L'attestation de M. Patrick Taquet, agent commercial apparaît très clair sur ce point, un client lui ayant rapporté avoir compris qu'en achetant du Flora Mundi c'était comme acheter du Sylvie Thiriez ;
S'agissant des bons de commandes, à la fin des catalogues de la société TCP, figurent ces bons de commande reprenant les références et les prix de chaque modèle ; la société Broudehoux Boisse a procédé à une copie de ces bons de commande en reproduisant toutes les mentions dans leur moindre détail selon une disposition et des intitulés identiques ; la société TCP fait valoir que la clientèle a l'habitude de ces bons de commande si bien qu'elle a été frappée de telles ressemblances et de l'imitation à ce point flagrante de tout ce qui fait l'identité de la TCP : catalogues, collections, bons de commande ;
De fait, la comparaison sur pièces des bons de commande Flora Mundi et Sylvie Thiriez révèlent l'imitation car on y retrouve à l'identique :
- en haut du bon de commande, les mêmes informations selon la même disposition : mise en avant de la marque, des éléments d'identification du client et des conditions de paiement à gauche, identification de la société et rubrique spécifique " observations ", à droite,
- mise en évidence par un bandeau grisé du nom du modèle, de sa référence, de la quantité et du prix,
- liste reprise dans le même ordre, ligne par ligne, de tous les éléments de la parure : taie, traversin, HC (housse de couette), drap, DH (drap housse) alors qu'il n'y a aucune raison particulière d'adopter cet ordre,
- adoption à l'identique d'abréviations propres à la société TCP : HC pour housse de couette, DH pour drap housse qu'aucun autre intervenant n'utilise,
- reprise des mêmes conditions de paiement et d'un taux identique d'escompte qui n'a rien d'usuel (2 % en cas de paiement comptant) ;
La société Broudehoux Boisse a ainsi établi son bon de commande en prenant délibérément comme modèle celui de la société TCP pour laisser croire à la clientèle qu'il existe un lien entre les deux entreprises et adopter les mêmes habitudes de commande ;
Le recours au même fournisseur vient encore ajouter un élément à l'attitude déloyale des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis et ce alors qu'elles ne démontrent nullement qu'elles se fournissaient avant 2009 auprès de ce fournisseur chinois ;
S'agissant en effet de l'approvisionnement auprès du même fournisseur, la société TCP se fournit depuis plusieurs années auprès de la société de droit chinois Shandong Charming Hometextiles ; lorsque la société Broudehoux Boisse était l'actionnaire majoritaire de la société TCP elle a eu connaissance des liens commerciaux de cette dernière avec ce fournisseur ;
La société Broudehoux Boisse soutient que la société TCP ne peut l'empêcher de s'approvisionner auprès du même fabriquant ; toutefois, le recours au fournisseur de la société TCP s'inscrit en l'espèce dans une stratégie de concurrence parasitaire mise en œuvre par la société Broudehoux Boisse ;
L'expert-comptable du cabinet KPMG de la société Broudehoux Boisse indiquait à l'époque où cette société était l'actionnaire majoritaire de la société TCP que " la société TCP est financièrement dépendante de sa société mère, elle est incapable de mettre en place des lettres de crédit nécessaires pour effectuer ses approvisionnements " ; c'est donc pour soutenir sa filiale que la société Broudehoux Boisse a apporté sa couverture financière pour garantir le règlement des factures de ce fournisseur, lorsque la société Broudehoux Boisse était l'actionnaire majoritaire de la société TCP ; la couverture financière assumée par la société Broudehoux Boisse faisait l'objet d'une rémunération spécifique reprise au titre des conventions réglementées annexées aux rapports des commissaires aux comptes établis aux cours des exercices 2003 et 2005 ;
Il ne peut ainsi être contesté qu'avant 2008, la société Shandong Charming Hometextiles n'avait jamais fabriqué de collection de linge de lit pour le compte de la société Broudehoux Boisse ;
Ces faits sont d'ailleurs attestés par le dirigeant de la société Shandong Charming Hometextiles (pièce TCP n° 48), M. Hou, qui relate :
" Je produis la gamme de linge de lit brodé Sylvie Thiriez (production Textiles Créations) depuis 2001.
En 2002, sur demande de Sylvie Thiriez, j'ai émis des factures au nom de Broudehoux Boisse, sa société mère, pour des raisons financières.
Je n'ai jamais eu de relations commerciales directes avec la société Broudehoux Boisse.
En 2008, Broudehoux Boisse m'a contacté pour la production de leur gamme de linge de lit brodé Flora Mundi.
J'ai commencé à produire leur gamme en 2008 jusqu'en 2009.
Je ne travaille plus avec cette société " ;
De plus, les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ne démontrent pas que la société Shandong Charming Hometextiles est un fournisseur incontournable dans le secteur du linge de maison brodé alors que la Chine compte un nombre important de fabricants textiles de linge brodé, que ces fabricants chinois exposent leur savoir-faire lors d'un salon à Francfort en Allemagne " HeimTextil " (pièce TCP n° 39), que la consultation des sociétés intervenant lors de ce salon démontre qu'il existe 113 exposants chinois intervenant dans le secteur de la maison, du linge de maison et de la décoration ; par ailleurs, il n'est pas davantage démontré qu'un grand nombre de noms du linge de lit français s'approvisionnent auprès de ce même fabricant chinois car la société TCP n'est pas démentie lorsqu'elle affirme que la société Danset ne fait plus de linge de lit depuis plusieurs années et les sociétés appelantes ne prouvent pas que la société AVA International s'approvisionnerait auprès de ce fabricant ; il apparaît que la société Broudehoux Boisse a délibérément choisi ce fournisseur pour profiter de l'expérience acquise par ce dernier du fait de sa collaboration pendant plus de 9 ans avec la société TCP ; or la recherche d'économie effectuée au détriment d'un agent économique caractérise un acte de concurrence parasitaire ;
L'attestation de M. Patrick Taquet, agent commercial apparaît très clair sur ce point, un client lui ayant rapporté avoir compris qu'en achetant du Flora Mundi c'était comme acheter du Sylvie Thiriez ;
Le recours au même fournisseur vient encore ajouter un élément à l'attitude déloyale des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis et ce alors qu'elles ne démontrent nullement qu'elles se fournissaient avant 2009 auprès de ce fournisseur chinois ;
Par ailleurs, l'attestation de Mme Levilly fait état d'un acte de dénigrement, un commercial de Flora Mundi lui ayant indiqué que c'était Sylvie Thiriez qui avait copié sur eux ;
Au surplus, il apparaît que, eu égard aux liens capitalistiques et commerciaux ayant existé entre les sociétés TCP et Broudehoux Boisse, cette dernière aurait dû adopter un comportement particulièrement loyal ;
Il apparaît ainsi que par leurs agissements, les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont manifesté leur volonté de s'inscrire dans le sillage de la société TCP en imitant des produits et des bons de commande, en s'approvisionnement auprès du même fournisseur, en entretenant une confusion sur les liens ayant pu exister entre les deux entreprises et en dénigrant la société TCP ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a dit qu'il résulte de ces différents éléments que les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société TCP ;
Sur la réparation du préjudice
Sur la réparation du préjudice lié à la contrefaçon
L'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, dispose :
" Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits ";
* Les conséquences économiques négatives
Les premiers juges ont rejeté la demande en paiement de la somme de 54 000 euro formée par la société TCP de ce chef au motif qu'elle ne démontre pas que la diffusion des catalogues contrefaits aurait entraîné pour elle un manque à gagner ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis soutiennent que l'évaluation du dommage éventuel subi par la société TCP ne peut se faire à l'aune du chiffre d'affaires réalisé par la société Broudehoux Boisse grâce à la vente de ses modèles de linge de lit car cela reviendrait à confondre les produits et le catalogue ;
Toutefois, si les catalogues ne sont pas vendus, ils sont remis à la clientèle et permettent ainsi d'assurer la promotion des produits qui y sont présentés, non seulement auprès des professionnels mais également auprès des consommateurs ; la diffusion des catalogues a donc eu un impact sur l'activité de la société TCP dans la mesure où ils ont détourné la clientèle vers les produits des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ;
Il résulte des pièces produites que la diffusion des catalogue contrefaisant a permis aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis de réaliser au minimum un chiffre d'affaires de 233 459 euro au cours de l'exercice 2009 et 404 029 euro au cours de l'exercice 2010, soit 642 488 euro au total ;
Il doit être relevé que :
- le chiffre d'affaires réalisé en 2010 est à prendre en compte car, comme il a été dit, le catalogue automne/hiver 2010 a servi de support de vente au cours de cet exercice,
- le chiffre de 65 000 euro réalisé à l'occasion du salon Maison et Objet de janvier 2009 n'a pas à être soustrait du chiffre d'affaires de l'année 2009 dans la mesure où aucune pièce ne prouve l'origine de ce chiffre et que rien ne permet de valider la réalité de cette imputation par les sociétés appelantes,
- l'impact de la diffusion des catalogues litigieux n'a pas à être réduit au seul chiffre d'affaires généré par la vente de 4 parures sur les 10 qui y sont présentées en ce qu'il est indifférent que la société TCP incrimine 4 parures de lit de manière distincte sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire puisque ceci n'a pas de lien de causalité avec le grief de contrefaçon qui concerne la maquette graphique des catalogues et ce, qu'elle que soit le modèle en cause ;
Au total, 1 175 catalogues ont été imprimés, soit 675 en 2009 et 1 100 en 2010, soit 2 275 catalogues ; ces derniers ont été diffusés dans 70 points de vente en France selon la propre publicité de la société Broudehoux Boisse (pièce Broudehoux n° 46) ; ces catalogues ont vocation à être consultés sur place par la clientèle qui se rend sur les points de vente ; leur diffusion dans les 70 points de vente montre l'importance de la clientèle qui a pu y avoir accès et qui a été détournée des produits de la société TCP ;
Le préjudice de 54 000 euro revendiqué par la société TCP représente 8,4 % du montant des ventes que la diffusion des catalogues contrefaisant a permis aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis de réaliser en 2009 et 2010 ; ce pourcentage parait cependant excessif eu égard au nombre de catalogues diffusés par les sociétés Broudehoux et Mobilis et il doit donc être réduit de moitié ;
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté la société TCP de sa demande au titre de l'indemnisation du préjudice né du manque à gagner ;
La société Broudehoux Boisse doit être condamnée à payer à la société TCP la somme de 27 000 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, date de l'assignation ;
La créance de la société TCP au passif de la société Mobilis doit être fixée à la somme de 27 000 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, date de l'assignation ;
* Les économies d'investissements
Les premiers juges ont exactement retenu que la société TCP justifie avoir une perte subie du fait de la diffusion de ces catalogues alors qu'elle a eu sur ces trois dernières années un budget annuel de 46 000 euro pour la conception des catalogues, que ce préjudice résulte de la diffusion des catalogues contrefaisant par la société Broudehoux Bois comme par la société Mobilis à laquelle l'activité Flora Mundi a été transférée en 2010 mais qui a été placée en liquidation judiciaire ;
La société TCP justifie que ces dépenses se sont élevées à 51 415 euro pour la seule année 2009 comme l'atteste son expert-comptable (pièce TCP n° 40) de sorte que la somme de 46 000 euro correspond donc bien à une moyenne annuelle ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis soutiennent qu'il ne saurait être tenu compte de l'ensemble des frais exposés pour l'ensemble des catalogues et photos de la société TCP alors que " seul le catalogue printemps /été 2009 est invoqué ", qu'il convient de diviser ces frais par 4 dans la mesure où la société TCP édite 4 catalogues par an ;
En réalité, la société TCP ne prétend pas que seul son catalogue printemps /été 2009 a été contrefait ; les catalogues de linge de lit en cause sont diffusés depuis 2006 sous la même maquette graphique de mise en page et tous ces catalogues diffusés deux fois par an par la société TCP depuis 2006 sont contrefaits par les catalogues que les sociétés appelantes ont diffusé en 2009 et 2010 ; dans ces conditions, il convient de retenir comme base de référence le budget annuel moyen de la société TCP pour les frais d'investissements afin d'appréhender les économies réalisés par les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ;
Les sociétés appelantes soutiennent encore que les frais annuels qu'elle divise par 4, devraient subir une seconde correction sous prétexte que seuls quatre modèles sont incriminés par ailleurs au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; mais comme il l'a été dit précédemment, évoquer l'incrimination par la société TCP de 4 parures de linge de lit au titre de la concurrence déloyale et parasitaire est hors sujet dans la fixation des dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon reprochés puisque la maquette graphique du catalogue est en cause, quel que soit la parure présentée ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la société Broudehoux Boisse au paiement de cette somme afin d'indemniser la société TCP et fixé la créance de la société TCP à la somme de 46 000 euro au passif de la liquidation judiciaire de la société Mobilis, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Sur la réparation du préjudice résultant des agissements parasitaires et de la concurrence déloyale
Comme il a été dit, les agissements reprochés sont les suivants :
- imitation des produits et des bons de commande,
- approvisionnement auprès d'un même fournisseur,
- confusion entretenue auprès de la clientèle,
- actes de dénigrement ;
De plus, ces griefs ne se réduisent pas à l'imitation de quatre parures de linge de lit ;
De fait, le grief d'imitation de 4 parures n'est qu'un grief parmi les autres qui se rapportent à l'activité de vente de linge de lit sous la marque " Flora Mundi " exercée par les sociétés appelantes sans restrictions ; il doit donc être tenu compte de tous les bénéfices que les sociétés appelantes ont pu tirer injustement de leur comportement parasitaire et de toutes les économies qu'elles ont pu réaliser ; ces agissements multiples leur ont permis de s'introduire sur un nouveau marché en s'inscrivant dans le sillage de la notoriété acquise par la société TCP et d'enregistrer rapidement un volume de ventes sur les deux premiers exercices 2009 et 2010 sans investissements ni prise de risques ;
La société TCP fait valoir que ces actes de concurrence déloyale et parasitaire lui ont causé divers préjudices :
- un préjudice commercial qu'elle chiffre à 150 000 euro et qui s'infère selon elle des actes déloyaux eux-mêmes, c'est à dire du déséquilibre commercial créé par les actes déloyaux,
- un préjudice moral chiffré à 30 000 euro,
- un préjudice né des économies réalisées par la société Broudehoux Boisse pour la création, la communication, la promotion et la publicité de ses collections et qu'elle chiffre à 155 000 euro,
- un préjudice né du détournement de chiffre d'affaires qu'elle évalue à 25 000 euro ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis font valoir que ces préjudices ne sont pas démontrés ;
Les premiers juges ont exactement retenu qu'en rompant les règles de la concurrence loyale, en s'appropriant le travail de création de la société TCP sans bourse déliée, en se plaçant dans le sillage de sa notoriété indéniable sur le style de linge de montagne, les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont porté préjudice à la société TCP ;
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a alloué à la société TCP la somme globale de 120 000 euro en réparation des préjudices générés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Il convient toutefois de distinguer entre les différents chefs de préjudices et d'y ajouter une réparation supplémentaire pour tenir compte d'élément nouveau exposé plus loin produit en cause d'appel ;
* Le trouble commercial
L'acte parasitaire et déloyal génère un trouble commercial au préjudice de la société qui en est victime et ce sans avoir à démontrer l'ampleur du préjudice subi ; les actes reprochés aux sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont sans conteste déstabilisé la position de la société TCP sur son marché ; il n'est pas contesté qu'il a fallu des années à la société TCP pour élaborer ses collections, gagner des clients, développer un partenariat avec son fournisseur et se faire une place sur un marché très ciblé et qu'après avoir connu des périodes chaotiques, ces efforts se sont traduits par une réussite commerciale dont la société Broudehoux Boisse a tiré les fruits en cédant sa participation majoritaire en 2007 ;
En effet, la société Broudehoux Boisse est entrée au capital de la société TCP en 2000, en souscrivant à une augmentation de capital en date du 11 juillet 2000 à hauteur de 304 898 euro (9,44 euro la part) ; le 16 mars 2007, elle a cédé sa participation pour un montant total de 2 306 903 euro (soit 71,43 euro la part), de sorte que la plus-value engrangée a été de plus de 2 000 000 euro ;
La valorisation acquise par la société TCP en 7 ans (9,44 euro la part en 2000 pour 71,43 euro en 2007) traduit les succès commerciaux remportés au prix de nombreux efforts ; cette valorisation de ces actifs en 7 ans constitue un élément de fait non négligeable pour appréhender le trouble commercial que lui fait subir le comportement des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ;
Les actes de détournement et de captation illégitimes de clientèle par ces dernières ont pour conséquence d'affaiblir la valeur patrimoniale de ses actifs : pillage de son savoir-faire, imitation avérée de collections, recours au même fournisseur préalablement formé par la société TCP, dénigrement, confusion entretenue auprès de la clientèle ; la société Broudehoux Boisse a profité indûment des investissements réalisés par la société TCP dont elle a tiré un profit financier ;
Le trouble commercial s'infère des actes déloyaux commis ;
La société TCP justifie avoir enregistré au cours de l'exercice 2010, une perte de chiffre d'affaires sur la vente de linge de lit de 525 795 euro TTC, ce qui démontre incontestablement qu'elle a subi un trouble commercial du fait de la rupture des règles de la concurrence loyale par les sociétés appelantes ; la perte de chiffre d'affaires enregistrée par la société TCP en 2010 démontre encore que l'immixtion des sociétés appelantes sur ce nouveau marché dans des conditions déloyales a directement entamé ses positions commerciales ;
Il doit donc être distingué dans la réparation forfaitaire de 120 000 euro allouée par les premiers juges le montant de la réparation du trouble commercial subi par la société TCP à hauteur de la somme de 50 000 euro ;
Par ailleurs, jusqu'à la procédure d'appel le seul chiffre d'affaires connu était celui de 108 000 euro déclaré à l'issue des opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées le 25 août 2009 ; dans le cadre de la procédure d'appel, à l'issue de plusieurs sommations et d'un incident, les sociétés appelantes ont justifié avoir réalisé sur la période incriminée un chiffre d'affaires cumulé de 642 488 euro ; cet élément nouveau est à prendre en compte dans l'appréciation du préjudice subi par la société TCP ;
Il doit donc être ajouté au jugement que la société Broudehoux Boisse est condamnée à payer à la société TCP la somme supplémentaire de 30 000 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, date de l'assignation, en réparation des préjudices liés aux actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
La créance de la société TCP au passif de la société Mobilis doit être fixée à la somme supplémentaire de 30 000 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, date de l'assignation, en réparation des préjudices liés aux actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
* Le préjudice moral
Les attestations versées aux débats démontrent que la société Broudehoux Boisse a eu un comportement dénigrant à l'égard des produits de la société TCP ;
Le commercial qui s'est rendu chez Mme Régine Broussolle a ainsi affirmé que " c'était Sylvie Thiriez qui avait copié sur eux " (pièce TCP n° 23) ;
Mme Eveline Levilly précise par ailleurs que le commercial de la société Broudehoux Boisse informait ses clients que " la société Sylvie Thiriez était en perdition, que les collections étaient de mauvaise qualité et qu'il ne fallait plus lui faire confiance ";
Il convient de distinguer dans la réparation forfaitaire de 120 000 euro allouée par les premiers juges le montant de la réparation du préjudice moral subi par la société TCP à hauteur de la somme de 10 000 euro ;
* Les économies réalisées par les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis
La société TCP justifie de par les pièces produites des investissements considérables engagés depuis de nombreuses années pour créer, commercialiser et promouvoir ses collections ;
Il apparaît que chaque année la société TCP consacre au minimum un budget de près de 360 000 euro pour la création, la communication, la promotion et la publicité de ses collections, se décomposant comme suit :
- frais de personnel liés à la création : 163 711 euro,
- prestations de style : 58 200 euro,
- photos, impression catalogues : 46 000 euro,
- parutions publicitaires : 19 000 euro,
- salons : 73 000 euro ;
A ce budget s'ajoute tous les frais engagés pour développer le partenariat avec son fournisseur chinois et lui permettre d'acquérir un savoir-faire, en particulier les nombreux déplacements sur place, l'élaboration de prototypes ;
En outre, depuis plusieurs années, la société TCP a sollicité le bénéfice d'un crédit impôt recherche pour les frais de collection ;
Les frais repris au titre du crédit impôt-recherche depuis 2005 s'établissent comme suit (pièce TCP n° 49, 41-1,41-2) :
- 2005 : 190 910,75 euro,
- 2006 : 180 933,75 euro,
- 2007 : 274 120,07 euro,
- 2008 : 335 073,95 euro,
- 2009 : 444 892,01 euro ;
Ces demandes de crédit impôt recherche ont chaque année été acceptées par l'administration fiscale ;
Par ailleurs, la société TCP supporte des coûts importants pour financer sa force de vente qui s'élèvent à (pièce TCP n° 50) :
- 2006 : 141 635 euro,
- 2007 : 214 302 euro,
- 2008 : 252 263 euro,
- 2009 : 363 047 euro ;
Les sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis ont ainsi tiré des avantages incontestables de leurs actes de concurrence déloyale et parasitaire à la mesure des investissements engagés par la société TCP qui en est la victime ;
Le secteur Multi marques représente 35,20 % de son chiffre d'affaires (pièce TCP n° 40), soit une part de 156 640 euro ;
Il convient de distinguer dans la réparation forfaitaire de 120 000 euro allouée par les premiers juges le montant de la réparation des économies injustement réalisées par les sociétés appelantes à hauteur de la somme de 52 000 euro ;
* Le détournement de chiffres d'affaires
En première instance, la société Broudehoux Boisse a communiqué l'état de ses commandes au 26 juin 2009 soit sur 6 mois d'activité ; il a été mis en évidence la corrélation entre le lancement de la collection " Flora Mundi " et la dégradation du chiffre d'affaires en 2009 chez 3 clients importants, Antonio Tessuti, Scenes d'Autrefois et Abia qui ne se fournissaient pas auparavant auprès de la société Broudehoux Boisse ;
Cette baisse significative (successivement 39 578 euro, 10 371 euro et 2 649 euro sur l'année 2009) est directement liée aux commandes passées par ces mêmes clients chez la société Broudehoux Boisse (respectivement 11 720 euro, 4 280,60 euro et 3 069,20 euro sur 6 mois) ;
Sur la seule année 2009, pour trois clients, la perte de chiffre d'affaires s'est élevée à 52 598 euro soit une perte de marge de plus de 25 000 euro pour la seule année 2009 (pièce TCP n°43) ;
Il convient de distinguer dans la réparation forfaitaire de 120 000 euro allouée par les premiers juges le montant du préjudice né du détournement de clientèle à hauteur de la somme de 8 000 euro ;
Sur les mesures accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les mesures accessoires ; la publication judiciaire de l'arrêt dans les conditions fixées par les premiers juges doit en outre être ordonnée ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Broudehoux Boisse et la SELAS Bernard & Nicolas Soinne ès qualités de mandataire liquidateur de la société Mobilis, parties perdantes, doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société TCP la somme supplémentaire de 25 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Broudehoux Boisse et la SELAS Bernard & Nicolas Soinne ès qualités ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Textiles & Créations Productions de sa demande de dommages-intérêts au titre des conséquences économiques négatives de la diffusion des catalogues contrefaits, Statuant à nouveau de ce seul chef réformé, Condamne la société Broudehoux Boisse à payer à la société Textiles & Créations Production la somme de 27 000 euro de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, au titre des conséquences économiques négatives de la diffusion des catalogues contrefaits, Fixe la créance de la société Textiles & Créations Production au passif de la liquidation judiciaire de la société Mobilis à la somme de 27 000 euro de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, au titre des conséquences économiques négatives de la diffusion des catalogues contrefaits, Y ajoutant, Condamne la société Broudehoux Boisse à payer à la société Textiles & Créations Production la somme supplémentaire de 30 000 euro de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, en réparation des préjudices générés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire, Fixe la créance de la société Textiles & Créations Production au passif de la liquidation judiciaire de la société Mobilis à la somme supplémentaire de 30 000 euro de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, en réparation des préjudices générés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire, Ordonne la publication de l'arrêt dans 3 journaux ou revues au choix de la société Textiles & Créations Production aux frais des sociétés Broudehoux Boisse et Mobilis, représentée par son mandataire liquidateur, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 3 000 euro, Condamne in solidum la société Broudehoux Boisse et la SELAS Bernard & Nicolas Soinne ès qualités de mandataire liquidateur de la société Mobilis aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Textiles & Créations Production la somme supplémentaire de 25 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Rejette toute autre demande.