CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 9 juin 2015, n° 13-05069
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bobin (époux)
Défendeur :
Vizier, Camille D.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellarin
Conseillers :
Mme Salmeron, M. Sonneville
Avocats :
Mes Fernandez-Delpech, Cambriel, Dalbin, SCP J.Y.M. - M.M. - O.M. - A.F. - M
Le 21 octobre 2002, Mme R. épouse B. et son époux M. B. sont devenus propriétaires d'une maison d'habitation située à [...], cadastrée section ZY n° 122,173,175 et 177.
Le 12 novembre 2005, ils ont donné mandat de vente de ce bien à la SARL Bas Quercy immobilier.
Le 18 juillet 2006, suivant acte authentique dressé en l'étude de Me B., notaire à Valence d'Agen, Mme D. et M. V. ont acquis la maison au prix de 145 000 euro. La maison a été payée au moyen d'un prêt " Primojeunes révisable " n°41330728443 et d'un autre prêt d'un montant de 16 519 euro, n°42330727448, souscrits auprès de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel.
Suivant acte sous seing privé non daté, Mme R. et M. B. ont vendu aux consorts V.-D. une parcelle de terre au prix ferme de 10 000 euro payable lors de la passation de l'acte authentique.
Les consorts V.-D. ont rapidement fait part de différents désordres affectant l'immeuble d'habitation.
Le juge des référés a rendu trois ordonnances au contradictoire des consorts V.-D., de Mme R. et de M. B., de la SARL BMPE, de la compagnie Covea Risk et de la SARL Bas Quercy Immobilier afin de procéder à une expertise confiée à M. B.
L'expert a établi son rapport le 19 janvier 2009, il a relevé différents désordres de nature décennale, l'état dégradé du lien de la ferme du séjour, des désordres concernant des travaux réalisés par M. B. et des infiltrations.
Par jugement en date du 10 mai 2011, le Tribunal de grande instance de Montauban a :
- constaté la caducité de l'acte de vente de la parcelle cadastrée n°172-174 et 176 de la section ZY sise au [...] moyennant le prix de 10 000 euro,
- constaté la publication de la demande en annulation ou en résolution de la vente par les consorts V.-D. en date du 4 mars 2011, et les as déclarés recevables en leurs demandes reconventionnelles,
- prononcé, aux torts de Mme R. et de M. B., l'annulation de la vente du 18 juillet 2006 et ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques,
- condamné Mme R. et M. B. à payer aux consorts V.-D. 140 000 euro représentant le prix de vente de l'immeuble, 3 100 euro au titre des dépenses de l'immeuble, 7 381 euro au titre des frais d'actes, le prix des impôts fonciers, sur justificatifs, à compter du 18 juillet 2006 avec intérêts au taux légal à compter de la date des conclusions reconventionnelles le 28 avril 2010, 5 000 euro en réparation du préjudice moral subi avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné les consorts V.-D. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel la somme de 147 574,34 euro en deniers ou quittances, en conséquence de l'annulation des contrats de prêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné Mme R. et M. B. à garantir ce paiement à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel.
- constaté l'annulation de plein droit des prêts consentis par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel aux consorts V.-D. suivant actes du 18 juillet 2006,
- avant dire droit sur les demandes formées par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel contre Mme R. et M.B., enjoint celle-ci d'établir et de communiquer un décompte détaillé et précis faisant apparaître le montant des intérêts conventionnels compris dans les échéances reversées aux consorts V.-D. en remboursement des échéances payées par eux jusqu'à la date du présent jugement ainsi que le montant de l'indemnité de résiliation anticipée contractuellement due à compter de la date du jugement, au titre des deux prêts.
Par arrêt en date du 4 septembre 2012, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé cette décision en ce qu'elle a constaté la caducité de l'acte de vente de la parcelle, mais l'a infirmée pour le surplus, déclarant irrecevable la demande reconventionnelle des consorts V.-D. tendant à l'annulation ou subsidiairement à la résolution de la vente du 18 juillet 2006 et jugeant sans objet la demande aux fins de voir constater l'annulation de plein droit des contrats de prêt ainsi que les demandes subséquentes de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel.
La cour d'appel a jugé que les consorts V.-D. ne justifiaient pas de la publication à la conservation des hypothèques de leur demande tendant à l'annulation ou à la résolution de la vente.
M. V. et Mme D. ont, par acte du 3 décembre 2012, fait assigner Mme R., M. B. et la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel pour solliciter à titre principal la nullité de la vente et subsidiairement sa résolution, avec l'annulation subséquente du prêt immobilier et la condamnation des vendeurs à leur payer diverses sommes.
Par jugement du 17 septembre 2013, partiellement susceptible d'appel et assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Montauban a :
- révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture au 10 septembre 2013,
- rejeté les fins de non-recevoir au titre de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955, de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens s'agissant de l'action en nullité pour erreur,
- reçu la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résolution de la vente pour vices cachés,
- débouté les consorts V.-D. de leur demande en nullité de la vente sur le fondement d'une erreur,
- prononcé la nullité de la vente intervenue le 18 juillet 2006 entre les consorts V.-D. et Mme R. et M. B. sur le fondement du dol,
- constaté l'annulation du contrat de prêt n°41330728443, souscrit par les consorts V.-D. auprès de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel pour 145 000 euro,
- condamné Mme R. et M. B. in solidum à payer aux consorts V.-D. les sommes suivantes :
* 145 000 euro correspondant au prix d'achat de l'immeuble,
* 7 381 euro au titre des frais d'acquisition, augmentée des intérêts depuis le 18 juillet 2006,
* 800 euro au titre des travaux d'embellissement, augmentés des intérêts depuis le 3 décembre 2012,
* le montant des taxes foncières et d'habitation acquittées depuis 2007, sur présentation des justificatifs,
- dit n'y avoir lieu d'assortir cette dernière condamnation d'une astreinte,
- condamné in solidum les consorts V.-D. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel 132.935,75 euro, en deniers ou quittances, au titre du prêt n°41330728443,
- condamné in solidum Mme R. et M. B. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel la somme de 13 254,18 euro à titre de dommages et intérêts,
- débouté les consorts V.-D. de leur demande de subrogation,
- réservé les demandes relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à l'application du décret du 8 mars 2001 modifiant celui du 12 décembre 1996,
- sursis à statuer sur les demandes relatives au prêt n°42330727448 de 16 519 euro,
- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 4 octobre 2013 pour que les parties concluent sur le sort de ce dernier prêt.
Par déclaration en date du 30/09/2013, Mme R. et M.B. ont relevé appel du jugement.
Par jugement du 14 novembre 2013, le Tribunal de grande instance de Montauban a constaté l'annulation du contrat de prêt n° 42330727448 d'un montant de 16 519 euro souscrit par Laurent V. et Camille D. auprès du Crédit Agricole et les a condamné à payer à la banque la somme de 12 000,84 euro en remboursement.
Par ordonnance de référé en date du 6 novembre 2013, le premier président de la Cour d'appel de Toulouse a prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire venant assortir les dispositions du jugement.
Les époux B. ont fait assigner Camille D. devant la cour, suivant acte extrajudiciaire en date du 13 janvier 2014 et lui ont notifié leurs conclusions par acte du 31 mars 2014.
Les conclusions de Mme D., notifiées le 19 février 2015, ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 20 mars 2015.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2015.
Moyens et prétentions des parties
* Par conclusions notifiées le 21 mars 2014, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, les époux B. demandent :
- de réformer le jugement,
- de déclarer irrecevables les demandes de Laurent V., agissant seul, en nullité pour dol et erreur et subsidiairement en résolution de la vente d'un bien indivis sur le fondement de l'article 815-3 du Code civil,
- de déclarer irrecevable la demande en annulation pour erreur au titre de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens dans l'instance initiale,
- à titre subsidiaire, de déclarer la demande en annulation pour dol prescrite,
- de débouter les consorts V.-D. de leur demande d'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles,
- de débouter les consorts V.-D. de leur demande d'annulation de la vente pour dol,
- de débouter les consorts V.-D. de leur demande en résolution de la vente pour vices cachés,
- de dire que les consorts V.-D. ne justifient pas de leurs préjudices,
- de dire qu'ils ne sont pas responsables de la perte de chance prétendument subie par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel,
- de dire qu'ils ne sauraient être tenus de régler une quelconque somme correspondant au prêt n°42330727448, celui-ci n'étant pas lié à l'acte de vente, et par voie de conséquence de dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer un sursis à statuer concernant ce prêt.
- de condamner in solidum les consorts V.-D. et la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel à régler la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils font valoir, pour y parvenir, les moyens suivants :
- Laurent V. est le seul indivisaire, dans le cadre de la procédure d'appel, à demander l'annulation ou la résolution de la vente, ce qu'il ne peut faire sans le consentement de l'autre indivisaire, en application des dispositions de l'article 815-3 du Code civil ;
- l'assignation en référé expertise ne pouvait interrompre la prescription de l'action en nullité pour dol, puisque la désignation d'un expert était demandée au titre de la garantie des vices cachés et de la garantie décennale; les acquéreurs ont eu connaissance des désordres le 5 juin 2007, l'action engagée le 3 décembre 2012, plus de 5 ans après, est prescrite ;
- la preuve du dol ne serait pas rapportée car les travaux de restauration avaient été commencés par le précédent propriétaire et il ne serait pas démontré que Monsieur B. ait mis en place une plaque de plâtre dissimulant à la vue l'état de la pièce de charpente, dont l'expert avait relevé qu'il constituait un vice apparent;
- lors de la première instance, les acquéreurs ont invoqué la nullité de la vente pour dol, pas pour erreur, alors que ces demandes ont le même objet; ils sont irrecevables à l'invoquer dans le cadre d'une nouvelle instance en application du principe de concentration des moyens;
- l'absence de permis de construire ne saurait constituer une erreur sur les qualités substantielles; eux-mêmes ignoraient que les travaux réalisés par l'ancien propriétaire pour transformer une grange en habitation, en 2000, avaient été réalisés sans permis de construire et eux-mêmes avaient déposés une simple déclaration de travaux pour les travaux réalisés en 2006; enfin la garantie des vices cachés constitue le seul fondement possible de l'action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à son usage;
- la demande en résolution fondée sur la garantie des vices cachés est prescrite; la connaissance du vice remonte au 18 janvier 2006, l'assignation est du 3 décembre 2012 et le délai de prescription n'a pu être interrompu par les conclusions déposées devant le tribunal de grande instance et devant la cour d'appel, dès lors que l'irrecevabilité retenue pour défaut de publication de l'assignation constituait une fin de non-recevoir et non une exception, et l'article 2241-2 du Code civil ne retient comme cause d'interruption de la prescription que la seule annulation par l'effet d'un vice de procédure de l'acte de saisine et non son irrégularité résultant d'une fin de non-recevoir;
- à titre subsidiaire, ils ne sont ni professionnels ni de mauvaise foi et la clause de non garantie doit s'appliquer, Laurent V. n'était pas profane en bâtiment du fait de sa profession, les vices étaient apparents et ne sauraient être qualifiés de vices rédhibitoires, alors qu'il est possible d'y remédier;
- rien ne justifiait selon l'expert, que les acquéreurs quittent les lieux, une réparation sommaire était suffisante pour assurer la sécurité des occupants;
- pour cette raison, le défaut de règlement du prêt par les acquéreurs tient à la seule existence des difficultés financières qu'ils rencontraient par ailleurs;
- il n'avait jamais été fait état de l'existence d'un second prêt et le tribunal ne devait pas surseoir à statuer sur la demande le concernant;
- ils ne peuvent être subrogés aux acquéreurs comme débiteurs de la banque.
* Par conclusions notifiées le 27 janvier 2014, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, Laurent V. demande, au visa des articles 1109, 1110, 1116, 1641 et suivants du Code civil, et L. 312-1 et suivants du Code de la consommation :
- de confirmer le jugement,
- de condamner Mme R. et M. B. à lui payer la somme de 4.500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner Mme R. et M. B. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me M.,
- subsidiairement, de dire la vente conclue entre les consorts V.-D. et Mme R. et M. B., en date du 18 juillet 2006, nulle sur le fondement de l'erreur,
- à titre infiniment subsidiaire, de dire que cette vente sera résolue sur le fondement des vices cachés,
- d'annuler le prêt immobilier consenti par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel aux consorts V.-D. pour un montant de 145 000 euro,
- de dire que la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel ne peut solliciter le remboursement que du capital emprunté, déduction faite des remboursements d'ores et déjà effectués, à l'exclusion de tout autre somme pouvant s'apparenter à une indemnisation équivalente aux intérêts initialement convenus,
- de condamner solidairement les époux B. à lui payer les sommes suivantes :
* frais d'acquisition : 7 381 euro augmentés des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2006,
* 800 euro au titre des travaux d'embellissement augmentés des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2006,
- de condamner solidairement Mme R. et M. B. à lui rembourser les taxes foncières et d'habitation acquittée depuis 2007, et ce sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter de la présentation du justificatif du paiement de ces impôts,
- après subrogation, de condamner solidairement Mme R. et M. B. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel la somme de 146 665,83 euro,
- de dire que Mme R. et M. B. seront solidairement tenus du paiement de toutes les sommes accessoires que pourrait solliciter la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel,
- dans l'hypothèse où la subrogation ne serait pas acceptée, de condamner solidairement Mme R. et M. B. à lui payer la somme de 145 000 euro au titre de la restitution du prix de vente augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2006,
- de condamner Mme R. et M. B. à prendre en charge toutes les sommes accessoires qui pourraient être octroyées à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel,
- de condamner solidairement Mme R. et M. B. à lui payer la somme de 4 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner Mme R. et M. B. aux entiers dépens d'appel au profit de Me M.
Il fait valoir les moyens suivants :
- le point de départ de la prescription de l'action pour dol est la découverte de celui-ci dans toute son étendue et ses conséquences; il ne peut être fixé qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise le 19 janvier 2009 et la demande en référé expertise interrompait en tout état de cause la prescription;
- les époux B. ne pouvaient ignorer l'existence des désordres, dont certains étaient de nature décennale, alors que l'immeuble constituait leur résidence principale, qu'ils avaient eux-mêmes effectués certains des travaux et qu'ils ont tenté d'en dissimuler certains, masquant aux yeux du diagnostiqueur et des acquéreurs l'état de la charpente, dont l'expert a constaté qu'elle présentait un risque sérieux d'effondrement partiel;
- aucune demande de permis de construire n'a été déposée pour la création de surface habitable et la modification d'aspect, de sorte que l'habitation n'avait aucune existence légale et le consentement est vicié par une erreur sur la substance;
- peu importe qu'une régularisation puisse être envisagée, dès lors que l'erreur s'apprécie à la date de formation du contrat;
- les désordres résultent des travaux réalisés par les vendeurs et étaient connus par eux, la plupart sont de nature décennale et ils doivent garantir les acquéreurs au titre des vices cachés;
- le délai de prescription pour l'action rédhibitoire a été interrompu par les conclusions signifiés le 2 avril 2010 devant le tribunal et par celles signifiés devant la cour d'appel le 16 juin 2011;
- le prêt immobilier n°42330727448 a été annulé par jugement du 14 novembre 2013 dont les époux B. n'ont pas relevé appel;
- les conditions générales du prêt n° 41330728443 reprennent la condition résolutoire de la non conclusion de la vente et dès lors que la vente est annulée ou résolue, le prêt est censé n'avoir jamais existé par application des articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation;
- si la banque l'accepte, elle aurait intérêt à ce que les vendeurs leurs soient subrogés,
- le prêt étant résolu de plein droit, la banque ne peut prétendre à l'indemnisation d'une perte de chance de percevoir les intérêts.
* La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées a formé appel incident et, par conclusions notifiées le 11 février 2014, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, demande :
- au visa des articles 1109, 1110 ainsi que 1116 et suivants et 1641 et suivants du Code civil, dans l'hypothèse où, la cour confirmerait l'annulation et/ou la résolution du contrat de vente sur le fondement du dol ou sur tout autre fondement à la demande des consorts V.-D., et en conséquence la résolution du contrat de prêt accessoire n°41330728443 :
* de donner acte aux consorts V.-D. de ce qu'ils ont réglé au total sur ce prêt, les sommes de :
. en capital amorti : 3 605,83 euro,
. au titre des intérêts normaux : 3 798,54 euro,
. au titre des intérêts de retard : 1 505,10 euro
soit au total, une somme de 8 909,94 euro,
* de condamner les consorts V.-D. à lui rembourser le capital emprunté, soit 145 000 euro en quittance et deniers et après déduction des sommes réglées en principal et intérêts 8 909,94 euro soit 136 090,06 euro,
- au visa de l'article 1382 du Code civil, de dire que Mme R. et M.B. ont commis une faute délictuelle à son encontre et de les condamner à l'indemnisation des préjudices subis :
* perte des intérêts qui auraient dû normalement être réglés par les emprunteurs hors toutes difficultés financières attachées au vice affectant l'immeuble, soit la somme de 28 239,13 euro,
* application à minima, si les emprunteurs avaient demandé à la date de la résolution, le remboursement anticipé de leur prêt, l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée soit 2 418,30 euro,
- de condamner les consorts V.-D. à lui régler la somme de 28 239,13 euro au titre des intérêts perdus arrêtés au 31 septembre 2013 à parfaire et 2 418,30 euro au titre de la pénalité de remboursement anticipé,
- de condamner tous les succombants au paiement de la somme de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me De L.
Elle s'appuie pour cela sur les moyens suivants, évoquant l'hypothèse selon laquelle la vente serait annulée et résolue, entraînant la résolution du contrat de prêt accessoire n° 41330728443 :
- Laurent V. et Camille D. n'ont pas respecté le plan de surendettement et n'ont réglé aucune somme à partir de décembre 2009, une somme de 136 090,53 euro reste due,
- les époux B. sont responsables, en application de l'article 1382 du Code civil, du préjudice qu'elle subit et qui tient aux intérêts qui auraient dû être réglés jusqu'à la date de la décision à intervenir, et non en une perte de chance, puisque les acquéreurs auraient été en mesure de faire face au remboursement du prêt s'ils n'avaient pas été contraints de s'acquitter du paiement d'un loyer et au montant de l'indemnité due en cas de remboursement anticipé.
Motifs de la décision
A) Sur l'application de l'article 815-3 du Code civil.
L'action aux fins d'annulation ou de résolution de la vente du bien indivis a été engagée par les deux copropriétaires indivis de l'immeuble et donc régulièrement au regard des dispositions de ce texte.
Le fait de l'un des indivisaires, intimé, n'ait pas régulièrement comparu devant la cour, saisie par l'appel des vendeurs contre le jugement ayant prononcé l'annulation de la vente, est sans effet sur la régularité de l'action.
B) Sur l'application du principe de concentration des moyens.
Il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder celle-ci.
La demande fondée sur un vice du consentement tenant à une erreur sur la substance de la chose vendue est ici formée entre les mêmes parties et tend aux mêmes fins, l'annulation de la vente immobilière que la demande originaire.
Le fait qu'il n'ait pas été statué dans le dispositif de l'arrêt de cette cour en date du 4 septembre 2012, qui a déclaré irrecevable la demande originaire, sur le bienfondé de l'argumentation développée par les acquéreurs n'est pas de nature à faire échec à l'application de ce principe et la demande, qui se heurte en conséquence à l'autorité de la chose jugée, est irrecevable en application de l'article 480 du Code de procédure civile.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
C) Sur la prescription de l'action en nullité pour dol.
En application de l'article 1304 du Code civil, dans tous les cas où l'action en nullité ou en révision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure 5 ans; ce temps court, dans les cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
En l'espèce, les seules pièces versées aux débats permettent d'établir que les acquéreurs ont été informés par un courrier de la société ETAIR en date du 5 juin 2007, faisant état après la visite d'un technicien à domicile, de la nécessité de procéder d'urgence à la mise en place d'un étaiement au droit de l'entrait de ferme, présentant un affaiblissement important, pour éviter son effondrement, à la suite de quoi Laurent V. et Camille D. ont immédiatement quitté les lieux et saisi leur assureur en raison du mauvais état de cette poutre maîtresse et de la non-conformité de l'installation électrique.
Après rapport de la société SARETEC, désignée par l'assureur, qui n'est pas produit, Laurent V. et Camille D. ont saisi le juge des référés aux fins d'expertise par acte extrajudiciaire en date du 18 janvier 2008.
Le point de départ de la prescription s'entend de la date à laquelle a été découvert le dol dans toute son étendue et ses conséquences. En l'espèce, cette date peut être arrêtée au 5 juin 2007, à partir de laquelle le risque d'effondrement d'une poutre maîtresse et la nécessité de mesures conservatoires urgentes étaient avérées.
La prescription a été interrompue par l'assignation en référé aux fins d'expertise; en effet, si cette pièce n'est pas versée aux débats, la mission de l'expert porte sur la description les conséquences et la recherche de l'origine des désordres, de leur caractère apparent ou non, de la connaissance que pouvait en avoir le vendeur et avait pour objet de permettre aux demandeurs de faire établir par un technicien la preuve de faits nécessaires à la solution d'un litige, sans que le fondement de celui-ci et l'objet des demandes susceptibles d'être présentées ultérieurement ait eu à être précisés.
La nature des investigations confiées à l'expert devait permettre d'établir les éléments constitutifs de l'existence d'un dol aussi bien que celle de vices cachés; il peut en outre être observé qu'il lui était également demandé de rechercher la conformité de la construction par rapport aux règles d'urbanisme et que sa mission, qui a été étendue pour être contradictoire à l'agence immobilière, ne pouvait être attachée à un fondement précis.
Les demandes présentées par Laurent V. et Camille D. lors de la première instance qu'ils ont engagée devant le tribunal de grande instance, puis devant la cour, aux fins d'annulation ou subsidiairement de résolution de la vente, n'ont par contre pas interrompu le délai de prescription, l'irrecevabilité de ces demandes ayant été déclarée au constat du défaut de publication de leurs demandes, qui ne constitue pas un vice de procédure visé à l'article 2241 du Code civil et qui aurait permis d'admettre le caractère interruptif de prescription d'une demande en justice annulée par l'effet d'un vice de procédure.
La prescription a été interrompue par l'assignation en référé en date du 18 janvier 2008; l'action engagée au fond en annulation de la vente pour dol le 3 décembre 2012 n'est pas prescrite.
D) Sur le dol.
Le premier juge a relevé par des motifs pertinents et au vu de constatations claires posées par l'expert judiciaire que les désordres dénoncés étaient soit apparents, soit pouvaient relever de l'ignorance du vendeur, non professionnel, à l'exception de l'état de la pièce de charpente, d'apparence saine mais totalement creuse et pourrie, dont la vue directe était masquée par une plaque de plâtre faisant office de garde-corps, plaque dont la présence avait contribué à ce que le diagnostiqueur passe sous silence cette anomalie et que les acquéreurs n'y prêtent pas attention.
Il a attribué à Monsieur B., dont il a relevé que l'immeuble constituait sa résidence principale, la mise en place de cette plaque, ce que conteste celui-ci. L'expert a cependant relevé que Monsieur B. avait effectué personnellement de nombreux travaux, dont l'agrandissement de la mezzanine, avec pose du plancher, des cloisons et du garde-corps. Il ne pouvait ainsi ignorer à la pose de la plaque de plâtre faisant office de garde-corps, l'état de la ferme, et son caractère creux, qui n'est apparu aux acquéreurs qu'après dépose de cette plaque.
Il a ainsi, en connaissance de cause, mis en place un élément qui dissimulait aux yeux d'acquéreurs normalement diligents l'état de la ferme et ne leur a donné aucune information sur cet aspect essentiel de l'habitation. Selon l'expert, la solidité de l'ouvrage était compromise et le risque d'effondrement sérieux, dans la mesure où la capacité portante des chevrons était inconnue. Laurent V. et Camille D. ont quitté les lieux dès qu'ils ont découvert le vice et été informés de sa gravité par un technicien.
Enfin, l'expert a justement démenti la qualité de personne avertie en matière de techniques du bâtiment que les appelants prêtent à Laurent V., à qui la profession de chef d'équipe dans une entreprise de travaux publics n'est pas censée apporter de compétences particulières en matière de second œuvre dans le bâtiment.
Les vendeurs ont délibérément masqué aux acquéreurs un vice rédhibitoire et le jugement sera confirmé en ce qu'il annulé la vente en raison d'un dol.
Il le sera également en ce qu'il a fait une juste appréciation des sommes au paiement duquel seront condamnés in solidum les vendeurs en restitution du prix et en réparation des préjudices qu'il lui était demandé d'apprécier :
- restitution du prix, pour 145 000 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2008,
- frais d'acquisition, pour 7 381 euro, majorés des intérêts à compter du 18 juillet 2006,
- travaux d'embellissement de l'immeuble constatés par l'expert, pour 800 euro, majorés des intérêts à compter du 3 décembre 2012,
- montant des taxes foncières et d'habitation depuis 2007, sur présentation de justificatifs.
Comme l'a décidé le premier juge, il n'y a pas lieu d'assortir cette dernière condamnation d'une astreinte,
E) Sur l'annulation du prêt.
Le prêt est accessoire à la vente et l'annulation de celle-ci conduit à celle du prêt, ce dont conviennent les parties. L'annulation du prêt de 16 145 euro a été prononcée par jugement définitif du 14 novembre 2013 et seul le prêt de 145 000 euro est concerné par la présente instance, les parties s'accordent également sur ce point.
Il est justifié du remboursement du prêt de 145 000 euro par Laurent V. et Camille D. à concurrence des sommes de 3 605,83 euro, au titre du capital, 3 798,54 euro au titre des intérêts, outre 1 505,10 euro, au titre d'intérêts de retard, soit, comme le relève la banque, un total restant dû de 136 090,53 euro et non 132 935,75 euro, comme l'avait retenu le premier juge. Il n'est pas contesté, en effet, qu'aucune somme n'a plus été réglée à compter du mois d'octobre 2008.
Le jugement sera infirmé sur ce chef.
F) Sur les demandes du Crédit Agricole à l'encontre des vendeurs.
Les époux B. doivent réparation à la banque du préjudice qu'elle subit en raison de la faute qu'ils ont commise et qui a conduit à l'annulation de la vente, et par voie de conséquence, du prêt.
Le préjudice invoqué de la perte des intérêts qui auraient été réglés par les emprunteurs jusqu'à la date de la décision doit, comme l'a retenu le Tribunal, être apprécié à une perte de chance, de 50 %, du montant de ces intérêts, soit 14 119,56 euro.
Les difficultés financières connues par les emprunteurs sont en effet caractérisées par un état de surendettement et l'hypothèse émise par la banque selon laquelle ils auraient été en mesure d'honorer le remboursement du prêt s'ils n'avaient pas été contraints de payer un loyer, relève de la supputation.
Il n'est ainsi pas établi que la perte des intérêts relève des seules conséquences de la faute des époux B.
Le principe d'un lien de causalité entre cette faute et l'absence de règlement de l'indemnité de règlement anticipé du prêt n'apparaît pas fondé; la banque omet dans son raisonnement l'hypothèse selon laquelle le remboursement du prêt n'aurait pas été honoré pour des raisons extérieures aux difficultés rencontrées par les acquéreurs en raison du dol, ce que la saisine en 2008 de la commission de surendettement rend on ne peut plus plausible. Elle ne justifie pas d'un préjudice indemnisable à ce titre.
G) Sur les autres demandes.
La subrogation des vendeurs aux acquéreurs ne ressort pas des dispositions des articles 1250 et 1251 du Code civil, comme l'a relevé le premier juge et la demande est rejetée.
Les époux B., qui succombent, supporteront la charge des dépens de la présente instance et leurs propres frais. En outre, l'équité commande de les faire participer aux frais irrépétibles exposés par les intimés et ils seront condamnés au paiement d'une indemnité de 2 000 euro à Laurent V. et à la banque, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable la demande en annulation de la vente fondée sur l'erreur, fixé à 132 935,75 euro le montant de la somme restant due à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées par Laurent V. et Camille D. et à 13 254,18 euro le montant des dommages et intérêts devant être payés à la banque par les époux B.; Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés, Déclare irrecevable la demande de Laurent V. et Camille D. aux fins d'annulation de la vente pour erreur sur la substance, Condamne Laurent V. et Camille D. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées la somme de 136 090,94 euro au titre du remboursement du prêt n° 41330728443, Condamne les époux B. à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées la somme de 14 119,56 euro à titre de dommages et intérêts, Confirme le jugement pour le surplus; Y ajoutant, Condamne les époux B. à payer à Laurent V. et à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées la somme de 2 000 euro chacun par application des dispositions d l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne les époux B. aux dépens, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.