CA Montpellier, 2e ch., 15 décembre 2015, n° 14-04422
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Global Health Company (SAS), Medical Coating (Sté)
Défendeur :
Projection Plasma Systeme (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Olive
Conseillers :
M. Bertrand, Mme Ferranet
Avocats :
Mes Salvignol, Riera Thiebault, Apollis, Ruff
Les sociétés Medical Group, dont la nouvelle dénomination sociale depuis le 30 juillet 2013 est SAS Global Health Company, et SARL Medical Coating, dont le siège social est à Vaux-en-Velin (69120), ont saisi le tribunal de commerce de Rodez d'une action en concurrence déloyale dirigée contre la SA Projection Plasma Système (dit 2PS), établie à Montbazens (12220), par assignation délivrée le 20 mars 2013.
Elles soutenaient que la réalisation d'implants bucco-dentaires ou orthopédiques, par pose d'un revêtement de surface au moyen de projection plasma, requérait des autorisations administratives contenues dans le Code de l'environnement, qu'elles avaient obtenues, contrairement à la SA Projection Plasma Système, leur concurrente.
Ces deux sociétés réclamaient notamment :
- qu'il soit interdit à la SA Projection Plasma Système de poursuivre ses activités caractérisant une concurrence illégale, jusqu'à l'obtention de l'autorisation nécessaire, sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- la désignation d'un expert judiciaire chargé d'évaluer leurs préjudices issus de cette concurrence illégale, aux frais avancés de leur adversaire,
- la condamnation de la SA Projection Plasma Système à payer à la société Medical Coating la somme de 3 000 000 euro à titre de provision sur les dommages et intérêts,
- que soit ordonnée la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou périodiques au choix de la société Medical Coating et aux frais de la SA 2PS, à concurrence de 5 000 euro HT par insertion,
- la condamnation de la SA 2PS à lui payer la somme de 15 000,00 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 6 mai 2014, le tribunal de commerce de Rodez a, notamment, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 511-1 et suivants, L. 512-1 et suivants, L. 514-2, L. 514-9, R. 511-9 et R. 512-1 et suivants du Code de l'environnement :
- débouté les sociétés Global Health Company (Medical Group) et Medical Coating de l'ensemble de leurs demandes, fins, conclusions et prétentions,
- condamné reconventionnellement les sociétés Global Health Company (Medical Group) et Medical Coating à payer solidairement à la société Projection Plasma Système la somme de 150 000,00 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 15 000,00 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement.
Par déclaration d'appel parvenue au greffe de la cour d'appel le 13 juin 2014, les sociétés Global Health Company (Medical Group) et Medical Coating ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions d'appel transmises au greffe le 25 mars 2015, les sociétés Global Health Company (Medical Group) et Medical Coating sollicitent notamment :
- l'infirmation du jugement,
- qu'il soit constaté que la société Projection Plasma Système a exercé son activité en violation des dispositions du Code de l'environnement depuis 2005 jusqu'au changement de réglementation, au début de l'année 2014,
- qu'il soit constaté que l'exercice de son activité dans ces conditions caractérise des actes de concurrence illégale envers elles, pour les ventes alors réalisées,
- la condamnation de la SA Projection Plasma Système à payer à la société Medical Coating la somme de 1 560 000,00 euro pour la perte de chance,
- subsidiairement, la désignation d'un expert judiciaire chargé d'évaluer les préjudices causés par les actes de concurrence illégale, avec l'octroi d'une provision de 1 000 000,00 euro à la société Medical Coating, ceci aux frais avancés de la SA 2PS,
- le rejet des prétentions et moyens de la SA PPS et sa condamnation à leur payer une somme de 20 000,00 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou périodiques au choix de la société Medical Coating et aux frais de la SA 2PS, à concurrence de 5 000,00 euro HT par insertion.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 2 octobre 2015, la SA Projection Plasma Système, dite 2PS, sollicite :
- la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Rodez en toutes ses dispositions, sauf à porter à la somme de 200 000,00 euro le montant des dommages et intérêts au paiement de laquelle seront condamnées solidairement les appelantes, pour procédure abusive, outre l'allocation d'une somme de 30 000,00 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2015.
Motifs :
Sur l'action en concurrence illegale ou deloyale :
La SA 2PS a pour objet social : " la fabrication et le commerce en général et éventuellement l'étude de tout procédé et matériel de traitement de surface et en particulier la réalisation, la vente et, éventuellement, l'étude de tout procédé et matériel mettant en œuvre la technologie du Plasma. "
Dans le cadre de ces activités professionnelles, elle réalise notamment des traitements de surface sur des implants orthopédiques et dentaires grâce à une projection thermique robotisée, consistant à injecter de la poudre (céramique ou titane) dans un dard plasma où elle est alors fondue, puis projetée à grande vitesse sur la surface à revêtir, appelée substrat.
LA SA 2PS précise que son procédé ne consiste pas à pulvériser du métal fondu mais à appliquer une procédé de traitement en phase gazeuse, les particules de poudre transitant dans le plasma, qui est un milieu ionisé et depuis le dard plasma, où elle est chauffée, elle percute la cible dans un état pâteux-gazeux. Dès lors elle n'a pas recours aux quantités de solvants habituels, qui justifient le régime d'autorisation administrative et c'est pourquoi aussi elle se trouve en-deçà des seuils réglementaires fixés dans un nouveau décret du 14 décembre 2013.
Les sociétés Global Health Company et Medical Coating déclarent exercer la même activité et avoir été victimes d'une concurrence illégale par la SA 2PS au motif qu'elle a économisé les frais administratifs et industriels découlant de l'obligation d'obtenir une autorisation administrative pour exercer cette activité.
Les appelantes considèrent que cette activité de pose d'un revêtement métallique, relevant d'une nomenclature réglementaire (les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement ou ICPE), était soumise à autorisation, en application de l'article L. 512-1 du Code de l'environnement, comme présentant de graves dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité ou la salubrité publique, ou la protection de l'environnement.
Ce texte prévoit un régime déclaratif pour les installations similaires ne présentant pas un grave danger ou inconvénient mais devant néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le Préfet pour assurer la protection de ces intérêts.
Elles invoquent les dispositions de l'article L. 514-9, ancien, du Code de l'environnement, sanctionnant pénalement la mise en service d'une installation classée sans détenir l'autorisation administrative et considèrent que cela caractérise aussi une faute administrative et une faute civile envers les tiers victimes de ce défaut de respect de la réglementation.
Les appelantes considèrent que les installations de la société 2PS relèvent de la rubrique 2567 et non de la rubrique 2565-3, invoquée par l'intimée, qui indique les activités relevant d'une simple déclaration à l'autorité administrative locale compétente.
La rubrique 2565-3 de la réglementation ICPE, dans sa rédaction issue du décret n°2006-678 du 8 juin 2006, vise :
" (le) revêtement métallique ou traitement (nettoyage, décapage, conversion, polissage, attaque chimique, vibro-abrasion, etc.) des surfaces (métaux, matières plastiques, semi-conducteurs, etc.) par voie électrolytique ou chimique, à l'exclusion du nettoyage, dégraissage, décapage de surfaces visées par la rubrique 2564''''''''''.. ".
Une telle installation est soumise à déclaration et à un contrôle périodique prévu à l'article L. 512-11 du Code de l'environnement.
La rubrique 2567 de la réglementation ICPE, dans rédaction inchangée depuis le décret n°2002-680 du 30 avril 2002 vise :
" (les) Métaux (galvanisation, étamage de) ou revêtement métallique d'un matériau quelconque par immersion ou par pulvérisation de métal fondu ". Une telle installation est soumise à autorisation administrative.
Les sociétés Global Health Company et Medical Coating considèrent que seuls les traitements électrolytiques et chimiques relèvent du statut déclaratif alors que la pulvérisation de métal fondu, qu'elles assimilent à l'utilisation du procédé plasma, relève du statut de l'autorisation, qu'elles disent avoir elles-mêmes obtenue depuis le 26 juillet 2005. Elles s'appuient sur l'avis technique du Professeur Hanlin Liao, de l'université de Belfort Montbéliard (pièce n°43), qui conclut en ce sens, de même que plusieurs Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), consultées sur ce point (pièces n°37 à 44), contrairement au Préfet de l'Aveyron et à la délégation départementale de la DREAL pour l'Aveyron, compétente dans le département d'exercice de l'activité de la SA 2PS.
En effet, le Préfet de l'Aveyron, interrogé par la SA 2PS sur sa situation au regard de ces textes a répondu comme suit notamment dans sa lettre du 5 avril 2013 (pièce n°12) :
" Je vous confirme que votre société est régulièrement déclarée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement auprès de mes services pour son activité de projection plasma pour implants orthopédiques implantée sur la commune de Montbazens.
Elle est bénéficiaire du récépissé n°14 086 délivré le 21 novembre 2013 pour la rubrique 2565-3 de la nomenclature et du récépissé n°14 454 délivré le 20 septembre 2012 actant le changement d'exploitant.
L'inspection des installations classées n'a émis aucune observation à l'examen de votre dossier, même après intervention de la société Medical Group sur le sujet.
En conséquence, je confirme que vos activités n'ont pas fait l'objet d'un constat de fonctionnement en infraction avec la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. "
Toutefois, ce régime légal et réglementaire alors applicable a été modifié par le décret n°2013-1205 du 14 décembre 2013, qui a institué un seuil en-deçà duquel l'obligation d'autorisation prévue à la rubrique 2567 ne s'applique plus, applicable en l'espèce à l'installation de la société 2PS, ce qui n'est pas contesté.
Selon les appelantes cette modification réglementaire ne saurait régulariser l'infraction commises entre 2005 et 2013, caractérisant une concurrence déloyale à leur égard, en ce qu'elles ont dû effectuer les démarches nécessaires à l'obtention et au maintien de l'autorisation requise pour exercer cette activité, ce que n'a pas eu à faire la SA 2PS. Elle leur aurait ainsi fait perdre une chance d'obtenir certains clients en raison d'une différence de leurs prix, résultant de ces faits.
Le Préfet de l'Aveyron, sollicité par la SA 2PS, a écrit le 5 avril 2013 que celle-ci était régulièrement déclarée pour son activité, mais les appelantes considèrent qu'il ne s'est prononcé que sur la rubrique 2565-3 et non sur celle, applicable selon eux, 2567. Elles invoquent aussi le caractère tardif de cette déclaration, le 21 novembre 2011, la SA 2PS ayant fonctionné plusieurs années durant avant cette déclaration, de façon illégale.
Les appelantes invoquent une jurisprudence de la chambre commerciale de la cour de Cassation, dans son arrêt du 21 janvier 2014 (n°12-25443). Elle a retenu que le non-respect de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) caractérisait un acte de concurrence déloyale :
" Mais attendu, d'une part, que l'arrêt, après avoir relevé que de septembre 2005 à octobre 2007, la société M. avait exploité une installation de broyage et entreposage de véhicules hors d'usage sans autorisation préfectorale et en violation de la réglementation en vigueur, en déduit qu'un tel agissement avait apporté une distorsion dans le jeu de la concurrence afférente au marché des activités de stockage de véhicules hors d'usage ;
Et attendu, d'autre part, que la qualification de concurrence déloyale ne suppose pas que les faits incriminés aient procuré un profit à leur auteur ; "
Cette décision, cependant, concernait une entreprise ayant reconnu avoir violé la réglementation environnementale en vigueur, alors que la SA 2PS conteste avoir commis une telle violation.
Il convient à cet égard de relever que le décret n°2013-1205 du 14 décembre 2013 modifiant la nomenclature des installations classées figurant dans la colonne A de l'annexe à l'article R. 511-9 du Code de l'environnement a modifié comme suit (en caractères gras) la rubrique n°2567, concernant le traitement des métaux :
" Galvanisation, étamage de métaux ou revêtement métallique d'un matériau quelconque par un procédé autre que chimique ou électrolytique (ancienne version : par immersion ou par pulvérisation de métal fondu)." Il a aussi été ajouté un paragraphe 2 à cette rubrique, ainsi rédigée :
" procédés par projection de composés métalliques, la quantité de composés métalliques consommée étant :
- supérieure à 200 kg par jour : (Autorisation requise)
- supérieure à 20 kg par jour mais inférieure ou égale à 200 kg/jour : (Déclaration requise, avec Contrôle périodique possible pour l'administration). "
Il est constant entre les parties que l'activité de projection de métaux par dard plasma, réalisée par la SA 2PS relève exactement de cette nouvelle rubrique " procédés par projection de composés métalliques ", et que la faible quantité de matériaux ainsi traités, inférieure à 200 kg par jour, lui impose seulement de déclarer cette activité auprès du Préfet et de la DREAL de l'Aveyron, qui peut ainsi la contrôler périodiquement, déclaration dont il n'est pas contesté qu'elle a été régulièrement faite par cette société, en temps utile.
Mais il s'évince également de la modification réglementaire des dispositions de la rubrique 2567, que le procédé technologique particulier et innovant de la projection de composés métalliques par dard plasma, sous forme gazeuse et pâteuse, n'avait pas été expressément prévu parmi les activités industrielles soumises à déclaration avant le décret du 14 décembre 2013, contrairement à ce que soutiennent les appelantes.
Il ne s'agit pas en effet d'un procédé de revêtement métallique d'un matériau par quelconque " immersion ou par pulvérisation de métal fondu ", qui étaient les seuls cas prévus antérieurement dans cette nomenclature, d'une part.
D'autre part, il ne s'agit pas non plus d'un procédé électrolytique ni chimique, seuls prévus à la rubrique 2565, exigeant l'obligation déclarative ; c'est d'ailleurs pourquoi la nouvelle nomenclature 2567 précise qu'elle s'applique au revêtement métallique d'un matériau quelconque par un procédé autre que chimique ou électrolytique, ce que le texte antérieur ne précisait pas ; ceci afin d'articuler ensemble les deux nomenclatures par rapport à cette activité technique et industrielle non envisagée auparavant. L'exposé des motifs du décret du 14 décembre 2013, relatif à la modification de ces rubriques de la nomenclature, indique d'ailleurs à cet égard que cette modification est faite " afin d'harmoniser les libellés et introduire de nouveaux seuils et critères de classement ".
C'est donc à partir d'une interprétation des textes des nomenclatures, dans leurs rédaction antérieure au décret du 14 décembre 2013, que les sociétés Global Health Company et Medical Coating ont considéré que l'activité de revêtement métallique ou céramique par dard plasma, relevait du régime de l'autorisation administrative de la rubrique 2567 ou, à défaut de celui de la déclaration administrative de l'article 2565.
Or il s'agit de textes réglementaires susceptibles de caractériser une infraction pénale délictuelle en cas de manquement avéré de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement. En effet les dispositions de l'article L. 514-9 du Code de l'environnement, dans leurs rédaction antérieure à celle entrée en vigueur le 1er juillet 2013, considéraient que le fait d'exploiter une installation sans l'autorisation requise était un délit correctionnel, puni d'un an d'emprisonnement de 75 000,00 euro d'amende au maximum.
Ceci était d'ailleurs rappelé par l'avocat de la société Medical Group dans sa lettre du 13 septembre 2011 adressée à la SA 2PS, pour lui réclamer une indemnisation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait du manquement de la SA 2PS à cette obligation d'obtenir une autorisation administrative. (pièce n°4). Il convient donc conformément aux dispositions de l'article 111-4 du Code pénale, d'interpréter ces textes répressifs de façon stricte et non étendue.
Il s'ensuit que le procédé technique particulier utilisé par la SA 2PS pour effectuer le revêtement métallique de matériaux destinés à réaliser des implants dentaires ou orthopédiques, par projection de composés métalliques, en l'espèce de la poudre de titane, au moyen d'un dard plasma, sous forme pâteuse et gazeuse, n'apparaît pas avoir été prévu dans la rubrique 2567 de la nomenclature avant l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2013. Dès lors il ne saurait être reproché comme une infraction à ce texte le défaut d'autorisation administrative de la SA 2PS pour la pratiquer, entre 2005 et 2013. Il ne peut donc lui être reproché d'avoir ainsi commis une faute caractérisant un acte de concurrence illégale ou déloyale.
Il ne peut pas non plus être retenu comme étant établie avec certitude l'obligation d'avoir à déclarer cette activité, au seul motif qu'à défaut de la rubrique 2567 elle relèverait nécessairement de la rubrique 2565 de la nomenclature. Celle-ci ne visait, avant le décret du 14 décembre 2013, que les traitements électrolytiques ou chimiques, ce qui ne recouvre pas le procédé de projection de composés métalliques par un dard plasma sous forme pâteuse et gazeuse.
Il s'ensuit que l'absence de déclaration administrative antérieure au 21 novembre 2011, par la SA 2PS de cette activité de projection de composés métalliques n'est pas non plus fautive et c'est d'ailleurs ce qu'a implicitement considéré le Préfet de l'Aveyron dans sa lettre du 5 avril 2013 susvisée et en décidant de ne pas poursuivre cette société pour l'absence de déclaration antérieure de son activité.
Par ailleurs, la cour relève aussi qu'il n'est pas contesté que l'essentiel (89 %) des matériaux projetés par le procédé du dard plasma, par la SA 2PS, ne sont pas des métaux ou des composés métalliques mais de la céramique, laquelle ne relève pas, par sa nature, du régime administratif des rubriques 2565 et 2567. La SA 2PS déclarait en effet dans sa lettre du 15 septembre 2011 adressée à l'avocat de ses adversaires (pièce n°5) qu'elle traitait annuellement 300 kg de poudres céramiques et 40 kg de poudre de titane, seul ce dernier étant un matériau métallique et représentant une très faible quantité au regard des normes administratives de seuil désormais fixées dans le décret du 14 décembre 2013.
Enfin, en toute hypothèse, il y a lieu de retenir que même si l'autorité administrative compétente avait mal apprécié l'étendue des obligations déclaratives résultant du Code de l'environnement et incombant à la SA 2PS, cette société, en partageant de bonne foi l'erreur d'interprétation de l'autorité compétente, ne saurait se voir imputer de ce fait la commission d'une faute délictuelle de concurrence déloyale au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. En l'espèce il ne résulte d'aucun des éléments versés aux débats que la SA 2PS a fait preuve de mauvaise foi dans l'exercice de son activité industrielle et commerciale, pas plus qu'elle n'a cherché à induire en erreur les autorités administratives chargées de veiller à l'application de la législation de protection de l'environnement.
En conséquence, par ces motifs substitués, il convient de confirmer le jugement déféré ayant débouté la SAS Global Health Company et la SARL Medical Coating de leurs demandes fondées sur la prétendue concurrence illégale ou déloyale imputée à la SARL 2PS, au motif qu'elle aurait contrevenu aux dispositions réglementaires obligatoires de l'article R. 511-9 du Code de l'environnement et ainsi réalisé des économies lui permettant de concurrencer ces deux sociétés sur le même marché des implants dentaires et orthopédiques réalisés par ce procédé identique de projection de composés par dard plasma.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :
Ainsi que l'a exactement retenu le tribunal de commerce de Rodez dans son jugement déféré, la procédure judiciaire intentée par les sociétés Global Health Company et Medical Coating dirigée contre leur concurrente, la SA 2PS, s'avère à la fois infondée et abusive, traduisant son intention d'en tirer un profit injustifié ou de nuire à sa concurrente sur le marché spécialisé et limité de fourniture d'implants médicaux.
Il ressort en effet de la lettre adressée à la SA 2PS par l'avocat des sociétés Global Health Company et Medical Coating le 13 septembre 2011, que leur motivation n'était pas de voir respecter la législation de protection de l'environnement en Aveyron, qui n'était pas leur lieu d'exercice professionnel, mais juste de faire payer à la SA 2PS une prétendue indemnité compensatrice pour avoir exercé son activité de façon alléguée comme illégale.
L'engagement d'une procédure judiciaire civile, avec dénonciation éventuelle auprès de l'administration compétente à cette occasion, était ainsi présenté comme une menace en cas de refus de payer une somme dont le montant exigé était " significatif ", donc important.
Pour obtenir gain de cause dans cette procédure judiciaire, les sociétés Global Health Company et Medical Coating n'ont pas hésité ensuite à dénoncer les conditions d'exercice de la SA 2PS auprès de l'autorité administrative compétente et à remettre en cause l'analyse juridique et administrative du Préfet de l'Aveyron, ainsi qu'il ressort de la lettre de ce dernier ci-dessus reproduite. Elles ont aussi tenté d'influencer des Directions Régionales de l'Environnement et de l'Aménagement Local, en les interrogeant sur la question de la nomenclature, sans leur préciser que leurs réponses étaient destinées à contester la position de la Dreal de l'Aveyron et du Préfet puis à être produites en justice.
Elles ont ainsi donné une publicité à la mise en cause de la régularité de l'exercice professionnel de leur concurrente, qui s'est répandue notamment dans le milieu réduit des établissements médicaux utilisant des implants orthopédiques ou dentaires, de nature à perturber la gestion commerciale de la SA 2PS, sur la base d'une interprétation pour le moins très discutable de textes réglementaires imprécis, qui ont dû être modifiés ultérieurement pour cette raison.
Le maintien de leurs prétentions infondées après la lettre du Préfet de l'Aveyron du 5 avril 2013 et le rejet de leur action par le tribunal de commerce de Rodez le 6 mai 2014, par un appel formé le 13 juin 2014, et poursuivi ensuite, alors que par ailleurs il résultait désormais clairement du décret du 14 décembre 2013, que leur analyse juridique des obligations administratives antérieures applicables à la SA 2PS était erronée ou à tout le moins suffisamment sujette à caution pour ne pas caractériser une faute constitutive de concurrence illégale ou déloyale, traduit le caractère abusif de cette procédure, exclusif de toute bonne foi de leur part.
Cette faute a provoqué un trouble important dans la gestion de la SA 2PS, au-delà du simple engagement de frais de procédure considérables, appréciés par ailleurs, du fait des nombreuses démarches ainsi imposées à la société pour vérifier qu'elle respectait la réglementation en vigueur, assurer sa défense devant les juridictions commerciales et rétablir sa réputation à l'égard de ses clients ou clients potentiels, outre un préjudice moral.
Il convient d'évaluer l'ensemble de ces préjudices à la somme de 75 000,00 euro que seront condamnées à payer à la SA 2PS à titre de dommages et intérêts, les sociétés Global Health Company et Medical Coating, le jugement déféré étant réformé de ce chef pour avoir évalué ces préjudices à la somme de 150 000,00 euro.
Sur les frais de procédure et les dépens :
Il y a lieu de confirmer aussi le jugement déféré en ce qu'il a décidé d'allouer à la SA 2PS la somme de 15 000,00 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, que devront lui payer " in solidum " les sociétés Global Health Company (anciennement dénommée Medical Group) et Medical Coating, condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel sous la même solidarité ;
Il apparaît aussi équitable en l'espèce de condamner les sociétés Global Health Company (anciennement dénommée Medical Group) et Medical Coating à payer, sous la même solidarité une somme supplémentaire de 15 000,00 euro à la SA 2PS, au titre des frais de procédure exposés en appel, qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Vu les articles 6, 9 et 32-1 du Code de procédure civile, Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, Vu les articles L. 512-1, L. 514-9, ancien, et R. 511-9 du Code de l'environnement, Vu le décret n°2013-1205 du 14 décembre 2013, Confirme, par substitution de motifs, le jugement du tribunal de commerce de Rodez prononcé le 6 mai 2014, sauf en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Global Health Company et Medical Coating à payer une somme de 150 000,00 euro à la SA 2PS à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, Et statuant à nouveau sur le chef infirmé : - Condamne " in solidum " les sociétés Global Health Company et Medical Coating à payer à la SA Projection Plasma Système (2PS) la somme de 75.000,00 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Condamne " in solidum " les sociétés Global Health Company et Medical Coating aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SA Projection Plasma Système (2PS) la somme supplémentaire de 15.000,00 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties ; Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 15 décembre 2015.