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Décisions

CA Aix-en-Provence, 9e ch. C, 11 décembre 2015, n° 13-04537

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)

Défendeur :

Ferrero

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vindreau

Conseillers :

Mmes Filliol, Parent

Avocats :

Mes Beauge-Gibier, Bellet

Cons. prud'h. Marseille, du 7 févr. 2013

7 février 2013

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Fin 2003, Madame Ferrero qui était, dans le VAR, directrice d'un établissement au sein du groupe Casino pour lequel elle travaillait depuis 16 ans, a adressé sa candidature à la société Yves Rocher pour diriger un institut de beauté et aux termes de plusieurs entretiens, sa candidature a été retenue.

Les relations entre les parties se sont engagées dans le cadre de deux contrats de gérance libre conclus avec 2 SARL que Madame Ferrero a constituées concomitamment et dont elle s'est réservé la gérance majoritaire ayant pour activité la vente de produits de beauté d'hygiène et les soins esthétiques, la SAR Alfredine et la SARL Primavera Beauté.

Un premier contrat de gérance libre a ainsi été signé le 2 mai 2004 entre la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et la SARL Alfredine société en cours de constitution représentée par Madame Ferrero pour l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d' hygiène et de soins esthétiques, connu sous le nom d'institut de beauté Yves Rocher et situé au [...].

La SARL Alfredine, société au capital de 7 700 euro, constituée entre Mme Martine Ferrero, pour 95 parts et Madame Nathalie Ferrero, pour 5 parts a été définitivement immatriculée le 28 mai 2004, après la signature du contrat de location- gérance.

Le 4 mai 2004, les parents de Madame Ferrero se sont portés caution de la société à hauteur de la somme de 58 985 euro.

Un second contrat de gérance libre a été signé le 12 octobre 2004 pour l'exploitation d'un second institut de beauté Yves Rocher situé [...] avec la SARL Primavera Beauté, société en cours de constitution ayant la même activité que la première et représentée, dans les mêmes conditions, par Madame Martine Ferrero.

Les parents de Madame Ferrero se sont portés caution à hauteur de 111 320 euro.

Les formalités de constitution se sont achevées le 26 novembre 2004, après la signature du contrat de location-gérance.

La situation des deux instituts s'est rapidement révélée déficitaire :

Institut du Centre Bourse SARL Alfredine : Le premier bilan au 30 juin 2005 affichait une situation nette négative de 13 115 euro, et dans un courrier du 14 février 2006 le directeur administratif et financier de la société Yves Rocher, tout en précisant qu'il n'était pas dans ses intentions de " s'immiscer dans la gestion de ses activités ", alertait Madame Ferrero sur certains points précis constituant selon lui " un dérapage important ".

Un avenant au contrat était régularisé le 4 mai 2006 pour la société et le 14 mars 2007 pour Madame Ferrero. Les nouvelles dispositions contractuelles modifiaient la quote-part versée à la société par Madame Ferrero, en remplaçant le principe d'une quote-part forfaitaire trimestrielle sur la moitié du prix de revient des cadeaux publicitaires et des minis produits remis à la clientèle, par une participation financière mensuelle due sur chaque produit de beauté ou accessoire offert aux clients.

Le 22 septembre 2006, le service comptabilité des magasins Yves Rocher faisait part à Madame Ferrero d'un impayé au 22 septembre 2006 de 14 580,11 euro.

Par courrier du 12 février 2007 la société a dénoncé le contrat de location-gérance conclu avec la SARL Alfredine.

Dans une lettre du 19 février 2007 Madame Ferrero, a contesté cette décision précisant qu'elle considérait " la mise à terme de son contrat injuste et demandait à la société de bien vouloir revenir sur sa décision et de reconduire son contrat pour une période minimale d'un an".

Le 18 avril 2007, un nouveau contrat pour une durée indéterminée révisable à effet au 25 mai 2007 était conclu entre les parties.

Un nouvel avenant relatif aux marges commerciales et à la redevance était signé le 18 mai 2007.

Dans un courrier du 19 novembre 2007, la direction administrative et financière constatait la situation nette négative de la société et faisait part en ces termes de ses inquiétudes quant à la santé financière de l'activité :

" Si en votre qualité de commerçante indépendante et responsable de votre gestion il vous appartient de prendre les décisions que vous jugez les plus appropriées, dans le cadre de notre assistance en notre qualité de franchiseurs, nous souhaitons attirer votre attention sur les points de votre bilan qui nous ont surpris.

En effet nous avons constaté:

- un taux de marge sur la vente de produits de beauté et DAV relativement faible au regard de la moyenne constatée sur la chaîne,

- une augmentation de la masse salariale globale de 5,2 % et des charges externes de 2,1 % pour un volume d'activité stable par rapport à l'exercice précédent.

De même nous sommes inquiets sur le litige qui vous oppose en ce moment à votre banque concernant la perte de remises.

En outre nous considérons que la situation financière du dernier bilan ne reflète pas la réalité et pourrait être plus faible si l'intégralité de la perte de remises avait été provisionnée.

Le 5 février 2009 la société Yves Rocher a mis en demeure Madame Ferrero de payer la somme de 12 164,49 euro et le 17 février 2009 le directeur des ventes de la société a fait une visite au magasin au cours de laquelle il " constatait l'état pitoyable du centre de beauté et sa malpropreté " et faisait à Madame Ferrero des " observations verbales sur un manque de rigueur tout à fait inadmissible ".

Finalement, la société a résilié le contrat de location-gérance par lettre recommandée le 10 juillet 2009 (après saisine le conseil de prud'hommes) à effet au 29 septembre 2009 pour :

- fautes dans la gestion avec impact sur les résultats financiers

- mauvais résultats commerciaux, et a mis en demeure la SARL Alfredine le 24 juillet 2009 de payer la somme de 12 159,76 euro, l'informait le 3 août 2009 de la suspension de ses livraisons, lui faisait une nouvelle sommation de payer 5 604,12 euro le 21 juin 2009, puis, le 4 septembre 2009, la somme de 64 842,37 euro.

La SARL Alfredine était déclarée en liquidation judiciaire le 14 février 2011.

Institut de la [...], SARL Primavera Beauté : la société Yves Rocher a relevé des impayés dès le 18 novembre 2004, pour un montant de 29 125,40 euro, puis le rejet d'une lettre de change d'un montant de 6 930,57 euro signalé par le service comptabilité le 19 novembre 2004.

Le 15 septembre 2005, Madame Ferrero a fait part de son accord pour qu'il soit mis fin au contrat de location-gérance à compter du 1 er mars 2006.

Le déficit de la société s'est aggravé passant de 31 300 euro au 30 avril 2005 à 55 085, 19 euro le 19 janvier 2006.

Au terme de plusieurs entretiens, Mme Ferrero a sollicité le 13 février 2006 " la pérennisation de l'exploitation du site" et un avenant intervenait les 4 mai et 20 juin 2006.

La résiliation amiable du contrat de gérance libre a été convenue le 29 août 2006 date à laquelle la dette de la société envers Yves Rocher était chiffrée à 18 2437, 08 euro. Cette résiliation a pris effet le 12 septembre 2006, Madame Ferrero ne poursuivant plus que l'exploitation de l'institut du Centre Bourse.

La société Primavera Beauté a été déclarée en liquidation judiciaire le 23 juillet 2008.

Le 22 juin 2009, Madame Ferrero a saisi le Conseil de prud'hommes de Marseille afin qu'il dise que la rupture du contrat était imputable à la société Yves Rocher et requalifie cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société au paiement de diverses sommes notamment au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'heures supplémentaires.

Par jugement de départage en date du 7 février 2013, le conseil de prud'hommes a :

- requalifié les contrats de location-gérance conclus le 25 mai 2004 et le 12 octobre 2004 entre la SA Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher et Madame Martine Ferrero représentant les SARL Alfredine et Primavera Beauté en contrat de travail à temps complet à durée indéterminée,

- fixé le salaire mensuel brut de référence à la somme de 2687 euro

- dit que la rupture contractuelle est imputable à la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Martine Ferrero les sommes suivantes:

- à titre de rappel de salaire la somme de 28 796 euro,

- au titre de l'indemnité légale de licenciement la somme de 3 360 euro

- à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 40 305 euro ces sommes portant intérêts au taux légal et avec capitalisation,

- condamné la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Martine Ferrero la somme de 120 990 euro à titre de rappel sur les heures supplémentaires sur la période du 18 juin 2004 au 29 septembre 2009, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la demande et avec capitalisation,

- dit que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher remettra à Madame Martine Ferrero les bulletins de salaire correspondant à la période de préavis, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions de la présente décision,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire complémentaire, rejette la demande reconventionnelle comme étant infondée,

-condamné la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Martine Ferrero une indemnité de procédure de 2 200 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Yves Rocher aux dépens.

La société Yves Rocher a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société Yves Rocher demande de (conclusions de janvier 2015):

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

A titre liminaire,

Vu l'article 5 du Code civil,

Vu l'article 1351 du Code civil,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération les pièces communiquées par Madame Martine Ferrero concernant les relations contractuelles entre Yves Rocher et des tiers au présent litige qui sont constitués par l'ensemble des pièces numérotées en chiffre par elle,

- voir écarter purement et simplement ces pièces du débat,

A titre principal,

Vu les dispositions des articles L. 1221-1 du Code du travail,

Vu les dispositions de l'article L. 781-1 ancien et suivants du Code de commerce, Vu les dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail,

Vu les dispositions de la Convention Collective Nationale de la Parfumerie et de l'Esthétique,

Vu les pièces versées aux débats par la Société Yves Rocher,

- débouter Madame Martine Ferrero de sa demande de requalification du contrat de location-gérance en contrat de gérante de succursale, relevant des articles L 7321-2 et suivants du Code du travail,

- débouter Madame Martine Ferrero de sa demande de requalification du contrat en contrat de travail,

- constater l'absence de tout lien de subordination,

- débouter, en conséquence, Madame Martine Ferrero de toutes demandes, fins et prétentions,

Subsidiairement,

Poser à la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 234 du Traité, les questions préjudicielles suivantes :

Le droit de l'Union et, notamment, l'article 101, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que le Règlement (UE) n° 330-2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 102), et les lignes directrices sur les restrictions verticales (JO C 130), de même que la décision de la Commission du 17 décembre 1986 relative à une procédure d'application de l'article 85 du Traité CEE (N.31.428 à 31.432 - Yves Rocher) (JO L 8), doit-il être interprété en ce sens :

- qu'il s'oppose à des règles juridiques d'un Etat membre permettant au juge national de procéder à la requalification d'un contrat-type de franchise de distribution de produits et services cosmétiques en contrat de travail, alors que le modèle économique sur lequel est fondé ce contrat-type de franchise a fait l'objet d'une décision d'exemption par la Commission européenne et bénéficie du règlement 330-2010 et des lignes directrices susvisées

- que les principes de primauté, d'effet direct, d'effectivité et de confiance légitime s'opposent à des règles juridiques d'un Etat membre permettant au juge national de procéder à la requalification d'un contrat-type de franchise de distribution de produits et services cosmétiques, alors que le modèle économique sur lequel celui-ci se fonde a fait l'objet d'une décision d'exemption adoptée par la Commission européenne et bénéficie du règlement 330-2010 et des lignes directrices susvisées

- que le principe d'effet utile des dispositions du droit de l'Union s'opposent à l'application par le juge d'un Etat membre, du droit national du travail lui permettant de procéder à la requalification en contrat de travail d'un contrat-type de franchise de distribution de produits et services cosmétiques alors que le modèle économique sur lequel celui-ci se fonde a fait l'objet d'une décision d'exemption adoptée par la Commission européenne et bénéficie du règlement 330-2010 et des lignes directrices susvisées

A titre infiniment subsidiaire et en cas de requalification du contrat en contrat relevant des articles L. 7321-2 et suivants du Code du travail,

- constater le caractère irrecevable et mal fondé de la demande en rappel de salaire, Madame Martine Ferrero sollicitant une double rémunération,

- limiter, en conséquence, le rappel de salaire, à titre subsidiaire, à la somme de 15 361 euro brut,

- dire et juger, irrecevable la demande en rappel d'heures supplémentaires au titre de l'année 2004,

- dire et juger non-justifiées les demandes complémentaires en rappel d'heures supplémentaires pour les années postérieures,

- constater que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouter Madame Martine Ferrero de ses autres demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse à six mois de rémunération,

A titre reconventionnel et en tout état de cause,

- condamner Madame Martine Ferrero à verser à la Société Yves Rocher la somme de 7 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Madame Ferrero demande de :

Vu les articles L. 7321-1, L. 7321-2, L. 7321-3 du Code du travail,

Vu la Convention collective de Parfumerie Esthétique,

Vu les deux contrats de gérance libre,

- débouter la société Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher de ses questions préjudicielles et de sa demande de sursis à statuer.

- dire et juger que l'existence des deux sociétés commerciales (Sociétés Alfredine et Primavera Beauté) et la signature de deux contrats commerciaux ne peuvent priver Madame Ferrero, personne physique, des droits qu'elle tient à titre individuel des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail.

- constater qu'au-delà de l'existence des sociétés Alfredine et Primavera Beauté, l'activité était en fait exercée personnellement par Madame Martine Ferrero.

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Madame Ferrero remplissait les conditions des articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail.

- infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié les contrats de location gérance conclus les 25 mai 2004 et 12 octobre 2004 en contrats de travail à temps complet à durée indéterminée.

- dire que Madame Ferrero remplit les conditions fixées par l'article L. 7321-3 du Code du travail.

- faire application de la jurisprudence de la Cour de cassation qui n'exige pas des juges du fond qu'ils relèvent l'existence de l'ensemble des conditions fixées à l'article L. 7321-3 du Code du travail.

- constater que les conditions d'exploitation commerciales étaient telles dans les deux Instituts de Marseille, qu'elles induisaient nécessairement un contrôle des conditions de travail (Cass. soc., du 7 avril 2009, sur les pourvois n007-43.409 et 07-43.414) et par voie de conséquence, l'application des dispositions de l'article L. 7321-3 du Code du travail.

- constater que la société Yves Rocher a pris l'initiative de mettre fin aux relations contractuelles par lettre du 10 juillet 2009, au lendemain de la saisine du Conseil de prud'hommes par Madame Ferrero.

En conséquence:

- Se déclarer compétente.

- Dire et juger que Madame Martine Ferrero bénéficie de toutes les dispositions du Code du travail, notamment celles relatives aux heures supplémentaires (Livre II).

- Dire que la rupture du contrat de l'Institut de Saint-Ferréol est intervenue du fait d'Yves Rocher qui en porte l'entière responsabilité.

- Dire et juger que les motifs avancés dans la lettre de résiliation du contrat de l'Institut du Centre commercial Bourse ne sont pas fondés.

- Requalifier la rupture des relations contractuelles en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Fixer la rémunération de référence à 2 687 euro.

- Constater que les attestations des esthéticiennes de l'Institut témoignent des heures supplémentaires réalisées chaque semaine par Madame Ferrero.

- Condamner la société Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à Madame Martine Ferrero les sommes suivantes :

- 79 849 euro au titre du rappel de salaires.

- 120 990 euro au titre du rappel d'heures supplémentaires,

- 3 360 euro au titre de l'indemnité de licenciement

- 64 488 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 18 juin 2009.

- Condamner la société Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher à remettre à Madame Martine Ferrero les bulletins de paie correspondant à la période de préavis, un certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi.

- Condamner la société Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à Madame Martine Ferrero la somme complémentaire de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC, qui s'ajoute à celle de 2 200 euro allouée en première instance.

- Condamner la société Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la gérance de succursale

Les parties s'accordent à dire que c'est à tort que les premiers juges ont requalifié le contrat de location gérance en contrat de travail.

Madame Ferrero sollicite le bénéfice des dispositions des articles L. 7321-1 et 2 du Code du travail afin d'être reconnue gérante de succursale, soutenant que la société Yves Rocher avait mis en place un système qui n'était pas celui de la location gérance , mais celui de la gestion de succursale, ce qui ne laissait aucune autonomie à la locataire.

La société Yves Rocher ne peut être suivie lorsqu'elle indique que l'intimée ne pourrait pas revendiquer le bénéfice de ces articles alors que la quasi-totalité de la collaboration avec la société Yves Rocher s'est déroulée avant leur promulgation, les articles L. 7221-1 et suites étant en vigueur au jour de la résiliation du contrat notifié par la société le 10 juillet 2009 et étant identiques aux articles anciens.

L'article L. 7321-1 du Code du travail indique que les dispositions du présent Code sont applicables aux gérants de succursales, dans la mesure de ce qui est prévu au présent titre, l'article L. 7321-2 qu'est gérant de succursale, toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

La société Yves Rocher qui considère que l'intimée ne relève pas du statut de gérante de succursale, fait en préliminaire valoir que le conseil de prud'hommes a procédé par analogie sans examiner précisément la situation de Madame Ferrero qui ne verse que peu de pièces propres à ses relations contractuelles avec la société Yves Rocher, raison pour laquelle, elle sollicite que ces pièces soient écartées des débats.

Il convient de relever que si Madame Ferrero produits divers documents, mails d'instruction, catalogues ... reçus de la société Yves Rocher pendant le contrat et communs à toutes les locataires gérantes, elle verse en outre aux débats des pièces qui lui sont propres.

L'ensemble de ces pièces ont été régulièrement communiquées à l'appelante, et en outre celle-ci appuie elle-même son argumentation sur des attestations de témoins concernant d'autres relations contractuelles existant entre elle et des tiers à la procédure de sorte que sa demande ne peut qu'être rejetée.

La société Yves Rocher ne peut en outre être suivie dans son argumentation selon laquelle Madame Ferrero ne pourrait revendiquer à titre personnel de se voir appliquer l'article L. 7321-2 du Code du travail sauf à démontrer en préambule le caractère fictif des sociétés Alfredine et Primavera Beauté alors que ces sociétés avaient une véritable existence juridique.

L'existence d'une société commerciale d'exploitation et la signature d'un contrat commercial ne peuvent priver une personne physique des droits qu'elle détient à titre individuel des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et pour déterminer si l'intimée réunit ou non les critères fixés par cet article, il n'est pas nécessaire de s'interroger sur le caractère fictif ou non des sociétés Alfredine et Primavera Beauté avec lesquelles les contrats de gérance ont été conclus.

Que ces sociétés aient rempli toutes les caractéristiques de sociétés commerciales, ce qui n'est au demeurant pas contesté par Madame Ferrero, laquelle soutient que c'est précisément le système qui avait été mis en place par la société Yves Rocher pour tenter de faire écran avec la locataire gérante, importe peu, dès lors que c'est la locataire gérante personne physique qui exploite personnellement l'institut et qui se voit imposer toutes les conditions d'exploitation.

L'objet des deux contrats de gérance libre était ainsi défini: " Yves Rocher donne en gérance libre le fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques. Il est ici précisé que ledit fonds s'intègre dans le réseau des Instituts de Beauté Yves Rocher et qu'à ce titre, elle devra respecter l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité de ce réseau et bénéficiera du savoir-faire développé par LBV Yves Rocher SA ".

Doit être examiné si Madame Ferrero remplissait ou non les conditions cumulatives de l'article L. 7321-2 du Code du travail.

- toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise :

Les premiers juges ont justement relevé le soin avec lequel la candidature de Madame Ferrero avait été examinée avant la conclusion des contrats de location-gérance: premier entretien avec le directeur régional, stage de présélection de quatre jours, second entretien avec le directeur régional, et entretien final entre le 13 novembre 2003 et le 3 février 2004 et considéré que ces circonstances démontraient que c'était bien avec la personne physique et non avec des sociétés qui n'avaient alors encore aucune existence et qui allaient être constituées pour les besoins de la cause, que la SA Yves Rocher avait contracté pour l'exploitation des deux instituts dont elle était propriétaire.

L'appelante ne conteste pas que Madame Ferrero en tant que locataire gérante vendait les marchandises fournies exclusivement par ses soins mais conteste que cette activité de vente ait été essentielle, partant du principe que la marge dégagée par l'activité de soins était supérieure à celle dégagée dans le cadre de la vente de produits, ajoutant qu'1/3 du temps de travail des salariés était consacré à l'activité soins.

Madame Ferrero justifie par la production des bilans et comptes de résultats que le chiffre d'affaires généré par la vente de produits était supérieur à celui généré par les soins de même que la marge brute.

Outre le fait que l'article L. 7321-2 du Code du travail ne fait aucune référence à la notion de marge, il n'est pas soutenu que Madame Ferrero qui n'était pas esthéticienne ait pratiqué des soins, les catalogues versés aux débats démontrant que les produits utilisés en cabine étaient essentiellement fournis par la société Yves Rocher.

La référence au catalogue d'octobre 2009 permettant la possibilité d'acheter de la cire chez des fournisseurs autre que la société Yves Rocher n'est pas en soit contradictoire.

En tout état de cause, l'activité de soins, prévue au contrat de location gérante ne pouvait être considérée comme une activité annexe.

Il ressort par ailleurs des dispositions contractuelles que :

- La présente location gérance comporte à la charge de la gérante libre l'engagement de s'approvisionner exclusivement auprès de la société LBV Yves Rocher,

- La gérante libre s'oblige à ne pas approvisionner son institut de beauté Yves Rocher et à ne pas vendre des produits qui n'auraient pas été approuvés expressément pas Yves Rocher,

- La gérante libre s'interdit de céder directement ou indirectement les produits fabriqués par Yves Rocher,

- La gérante libre reconnaît devoir maintenir et exploiter personnellement avec l'aide d'une ou plusieurs esthéticiennes, un ou plusieurs modules et cabines de soins esthétiques Yves Rocher dans lesquels seuls les produits expressément autorisés par Yves Rocher et les traitements et méthodes de soins spécifiques pourront être utilisés et effectués.

Yves Rocher considère que la profession de Madame Ferrero ne consistait pas essentiellement à la vente de marchandises puisqu'elle n'enregistrait pas les ventes, ce à quoi l'intimée répond que les locataires gérantes ne dispensent pas de soins et gèrent uniquement la surface de vente et ne passent que très rarement des opérations en caisse, cette tâche étant plutôt dévolue aux vendeuses et esthéticiennes qui perçoivent des commissions, ce point n'étant pas contredit par les comptes rendus de visite ou encore les attestations versées aux débats par Yves Rocher.

- un local fourni par l'entreprise :

Madame Ferrero était locataire des deux locaux de Marseille de sorte qu'il est constant que Madame Ferrero a exercé sa profession dans des locaux fournis pas la société Yves Rocher.

- des conditions d'exploitation qui doivent être imposées par le propriétaire du fonds de commerce :

La société Yves Rocher soutient que la liberté de Madame Ferrero dans les conditions commerciales d'exploitation des deux instituts de beauté qu'elle a exploités, n'a, en aucune manière été limitée, de telle sorte qu'elles soient assimilées à des conditions d'exploitation imposées par elle.

La société considère n'avoir fait que dispenser des conseils en vue d'une gestion optimale et non des directives et ne pas avoir donné à Madame Ferrero d'instructions particulières à Madame Ferrero concernant les horaires d'ouverture.

Elle rappelle les termes des deux contrats commerciaux selon lesquels, " la gérante libre aura la pleine et entière liberté de direction de l'exploitation du fonds sous sa seule responsabilité et sans qu'il soit besoin du concours de la société ", " la gérante libre reconnaît devoir diriger personnellement son institut de beauté et être seule responsable de l'engagement ou du renvoi du personnel ainsi que de la rémunération ", " la gérante libre s'engage à maintenir l'institut de beauté la société Yves Rocher ouvert à la clientèle pendant les jours et les heures normaux d'ouverture ".

L'appelante produit en cause d'appel de très nombreuses attestations d'exploitante établies en 2012 qui toutes font état de leur totale autonomie, dans la fixation de leur horaires et celui de l'institut, dans la prise des jours de repos et congés, dans la fixation de leur rémunération, la distribution des dividendes, le recrutement des salariés et la fixation des prix.

Comme souligné par l'intimée, la société Yves Rocher a mandaté un organisme ( le GRC) pour adresser le mail produit aux débats à toutes les locataires gérantes et franchisées pour les inviter à rédiger une attestation mettant en évidence les points principaux devant y figurer ce qui amène à prendre avec précaution ces attestations, certaines étant au demeurant plus vagues et en totale contradiction avec ce que la cinquantaine de locataires gérante en litige avec la société Yves Rocher ont pu soutenir.

Madame Ferrero établit quant à elle par la production de documents contractuels, des catalogues qui lui étaient adressés chaque mois comme " scénario " ou " promotions ", les mailings et courriers adressés de façon régulière, qu'elle ne disposait d'aucune autonomie réelle dans l'exploitation du fonds de commerce, la société Yves Rocher organisant des contrôle réguliers de la conformité de l'institut qui lui était confié, des vitrines, de la surface de vente, des tarifs, des tenues etc...

La société Yves Rocher a défini les modalités d'exploitation au sein de l'institut, imposant à l'intimée de respecter les campagnes engagées par elle, lui adressant de nombreuses directives en ce sens et de lui soumettre tout renseignement sur sa situation commerciale et financière.

Sont sans incidences effectives le fait que Madame Ferrero ait pu disposer d'un expert-comptable ou ait pu définir les horaires effectifs d'ouverture de l'institut (ce point n'étant au demeurant pas clairement établi, n'étant pas démontré que c'est en fonction d'indications données par Madame Ferrero que la société Yves Rocher mentionnait sur son site les heures d'ouvertures de l'institut).

- les prix imposés par l'entreprise

L'intimée souligne que l'argumentation qu'elle développe et les pièces qu'elle verse aux débats sont communes à toutes les locataires gérantes et franchisées exploitant sous l'enseigne la société Yves Rocher.

Le contrat conclu entre les parties stipule: "Yves Rocher s'engage à vendre à la gérante les produits avec une remise de 31 % sur les prix de vente unitaires hors taxe tels qu'ils ressortent des Livres Verts de la Beauté et des tarifs de mise à jour édités par ses soins. Yves Rocher, à sa seule initiative, se réserve le droit de pratiquer des taux de remises promotionnelles plus élevés pour des produits et pour des périodes qu'elle fixera" (article 7).

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort de l'ensemble des documents versés aux débats (catalogues de prix des produits adressés à Madame Ferrero, que la société Yves Rocher fixait seule les prix, ainsi qu'en témoignent les catalogues adressés régulièrement à Madame Ferrero, les mailings adressés par la société Yves Rocher à l'ensemble du réseau, les mailings à la clientèle, les chéquiers avantages distribués à la clientèle et les annonces sur internet.

Par ailleurs, Madame Ferrero produit les tickets de caisse concernant deux produits identiques achetés à l'initiative de son conseil, la même semaine, sur 100 instituts en France, qu'il s'agisse de centres en location gérance comme le sien, de franchisés ou de succursales, en centre-ville ou en centre commercial, démontrant le respect de prix imposés.

Le relevé d'écart de prix dont la société Yves Rocher fait état, ne démontre en rien que Madame Ferrero modifiait librement les prix conseillés par ses soins, mais bien que la société Yves Rocher imposait les prix et veillait à ce que la locataire gérante ne s'en écarte pas.

La décision rendue par le Conseil de la Concurrence le 6 juillet 1999, dont l'appelante se prévaut, ne permet pas de conclure que les locataires gérantes disposaient d'une liberté dans la fixation des prix mais qu'elles (et partant Madame Ferrero) pouvaient appuyer sur la touche 'prix vente forcée' pour rectifier les erreurs matérielles commises dans l'étiquetage par la société.

La société Yves Rocher qui tente d'opérer une distinction entre la notion de prix imposé telle que prévue à l'article L. 7321-2 du Code du travail et celle de prix maxima ou conseillé, estime qu'il conviendrait de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles concernant l'interprétation du règlement n° 330-2010.

Ayant été retenu que Madame Ferrero avait exercé une activité en pratiquant non pas des prix de vente maxima ou recommandés par son fournisseur mais des prix imposés par la société Yves Rocher, et qu'elle ne disposait pas de la liberté de pratiquer les prix qu'elle entendait, les demandes de questions préjudicielles sont sans objet et devront être rejetées.

S'évince que l'intimée réunit les conditions cumulatives de l'article L. 7321-2 du Code du travail et est bien fondée à en solliciter le bénéfice.

Sur l'imputation de la rupture des contrats et la demande de requalification licenciement sans cause réelle et sérieuse

La rupture contractuelle est matérialisée par la lettre de résiliation adressée par la société Yves Rocher le 10 juillet 2009 à effet au 29 septembre 2009.

Dans ce courrier la société Yves Rocher indique :

" Nous tirons les conséquences des constatations que nous avons effectuées à plusieurs reprises et des recommandations que nous vous avons adressées et qui n'ont pas été suivies d'effet.

En conséquence, nous dénonçons le contrat de gérance libre à durée indéterminée qui a pris effet le 25 mai 2007 et qui lie nos deux sociétés dans le cadre de l'exploitation du Centre de Beauté Yves Rocher sis.

Notre décision de rompre le contrat de gérance libre repose sur les éléments suivants :

1 - des fautes dans le cadre de la gestion avec impact sur les résultats financiers du centre de beauté, précisant :

Dans le cadre des responsabilités que vous avez accepté d'assumer vous aviez la maîtrise et la responsabilité de prendre toutes mesures de gestion appropriée en vue d'assurer une exploitation pérenne du centre de beauté.

Compte tenu des résultats nous avons procédé à un examen de la situation du magasin que votre société exploite afin de comprendre les raisons de votre manque de réussite. Cet examen nous a permis de mettre en lumière l'apparition d'une démarque importante et persistante par rapport à l'exploitation de la gérante libre précédente.

Ceci a eu pour effet d'engendrer une diminution anormale de la marge commerciale concernant l'activité de vente de produits de beauté.

Par courrier recommandé en date du 14 février 2006 nous vous avons alertée sur la situation dans laquelle vous sembliez vous enliser et nous vous invitions à mettre en place un plan d'action en vue de remédier à cette situation.

Malgré cette assistance, force a été de constater que vous n'êtes pas parvenue à rectifier cette situation préoccupante.

2 - de mauvais résultats commerciaux :

Nous vous rappelons que nous vous avons confié la tâche de préserver la valeur du fonds de commerce qui vous a été remis et qui appartient à la société.

Malheureusement depuis le commencement de l'exploitation du Centre de Beauté par votre société, vous n'êtes pas parvenue à atteindre un niveau de chiffre d'affaire en pahase avec les engagements que vous aviez pris après consultation du CEP , et cela, que ce soit au niveau de l'activité vente de produits ou de la pratique des soins esthétiques.

Ainsi, si l'on observe que le CA PDB TTC et le CA Soins TTC réalisés sur ce magasin depuis 2002, nous voyons que depuis la reprise de l'exploitation par votre société en 2004, l'évolution est négative.

Ainsi, outre l'impossibilité pour votre société de réaliser les bénéfices escomptés et qu'une rigueur dans votre gestion aurait permis d'obtenir sans difficulté, à l'exemple de la grande majorité d'autres locataires gérantes, votre manque de performance commerciale a gravement préjudicié aux intérêts de notre société, aussi bien en termes de préservation de la valeur du fonds qu'au titre de l'image de marque qui fait la force de notre réseau.

C'est la raison pour laquelle nous vous informons que le contrat expirera le 17 janvier 2010 à l'issue d'un préavis de 6 mois. "

En l'état de la requalification en gérance de succursale, la lettre de rupture doit s'analyser en une lettre de licenciement.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige de sorte que les développements concernant des griefs non visés dans ce courrier, comme les plaintes de clients, sont hors sujet.

La société Yves Rocher soutient que la situation d'effondrement du fonds de commerce, invoqué dans le courrier du 10 juillet 2009 était parfaitement avéré et a justifié la cessation du contrat de location gérance en cours dont l'exécution était devenue impossible, précisant que si le contrat était requalifié, la motivation de cette rupture restait valable et le licenciement reposerait alors sur une cause réelle et sérieuse.

Madame Ferrero fait quant à elle valoir que la véritable raison de la résiliation notifiée le 10 juillet 2009, n'est certainement pas la démarque ou le faible chiffre d'affaires, mais uniquement la saisine du conseil de prud'hommes intervenue le 18 juin 2009.

Les premiers juges ont considéré que " il sera relevé que la Société Yves Rocher n'a pas précisé en quoi consistaient les fautes de gestion de Madame Ferrero, que l'insuffisance de résultats ne saurait à elle seule justifier, un licenciement, et qu'eu égard à la procédure de recrutement à laquelle a été soumise la candidature de Madame Ferrero, elle ne peut sérieusement soutenir comme elle le fait que cette dernière l'aurait trompée sur la réalité de ses compétences ".

Les résultats d'exploitation produits par la société Yves Rocher ne sont pas en soi contestés.

Il ressort néanmoins des documents versés aux débats que l'Institut de Saint-Ferréol était structurellement déficitaire, la précédente locataire gérante ayant connu le même manque de rentabilité.

Par lettre du 11 août 2006, Madame Ferrero a écrit à la société Yves Rocher : " Sans que je ne le sache, le magasin (de Saint-Ferréol) connaissait déjà une situation déficitaire. J'en ai pris connaissance ultérieurement en consultant les bilans financiers obtenus par la gérante précédente.

De plus, la démarque inconnue s'est révélée nettement supérieure au compte d'exploitation prévisionnel, de l'ordre de 4 fois environ. Sans compter l'équipe d'esthéticiennes (reprises par Madame Ferrero avec le fonds) qui s'est bien vite révélée peu fiable (différences dans les caisses, erreurs répétées, disparition de produits Devant ce cumul de problèmes, le bilan de la première année affichait un déficit de 57 136 euro ".

A réception de cette lettre, Yves Rocher n'a pas envisagé d'émettre le moindre grief à son encontre ou lui imputer la responsabilité de l'échec commercial de l'Institut.

C'est dans ce contexte que la société Yves Rocher a fait régulariser les 29 août et 24 septembre 2006 un protocole de résiliation amiable et anticipée du contrat de location gérance à effet du 12 septembre 2006, un protocole dans lequel elle procédait à un abandon de sa créance à l'encontre de la société Primavera Beauté.

S'agissant du Centre Bourse, après avoir dénoncé le contrat à durée déterminée le 12 février 2007, la société Yves Rocher aux contestations de Madame Ferrero qui rappelait l'origine des difficultés, a accepté de poursuivre les relations contractuelles par contrat à durée indéterminée à compter du 25 mai 2007.

Ne saurait être contesté, (Madame Ferrero s'en ouvert à la société Yves Rocher à l'occasion de plusieurs courriers), que les deux instituts, avait accusé une forte baisse de fréquentation en raison des travaux du tramway qui avaient duré plus de deux ans de février 2005 à juillet 2007, des modifications des sens de circulation, Marseille ayant en outre connu de nombreux mouvements de grève.

Pas plus n'est nié que ces établissements marseillais connaissaient une démarque conséquente du fait des vols.

Madame Ferrero souligne en outre que la société Yves Rocher a réalisé des travaux en 2010 confirmant que l'aspect sale et vieux des instituts lui était imputable.

Rien ne permet de considérer que les mauvais résultats du Centre Beauté Yves Rocher du Centre Bourse soient dûs à des manquements de Madame Ferrero, au non-respect de conseils prodigués ou à son incompétence.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame Ferrero ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur le salaire de référence et la demande de rappel de salaire

Pour fixer le salaire de référence de Madame Ferrero à la somme de 2 687 euro et lui allouer un rappel de salaire à hauteur de 28 796 euro, les premiers juges ont retenu que :

" Madame Ferrero assurait des fonctions de responsabilité dans les deux instituts à la tête d'une équipe de salariés. Elle est fondée à revendiquer l'application du statut cadre défini à l'annexe 3 de la convention collective applicable et à bénéficier du coefficient 250 qui correspond à l'emploi de " directrice d'institut de beauté ayant entre 1 et 6 employés sous ses ordres ".

Par référence à la convention collective applicable, convention collective parfumerie, les seules dispositions conventionnelles étendues sur les salaires sont prévues par l'accord numéro 4 du 17 juin 1994 qui ne prévoit pas de salaire minimum au-delà du coefficient 200, (soit la somme de 8 270 Francs qui correspond à 1 260,75 euro).

Madame Ferrero revendique le salaire de 2 687 euro qui a été attribué à Madame Jonghes qui dirigeait un institut Yves Rocher à Sarlat.

En 2005 le cumul des chiffres d'affaires des deux instituts dont elle avait la direction était de

1 589 000 euro. Cette somme n'est inférieure que de 10% au chiffre d'affaires réalisé par l'autre directrice, différence qui sera compensée par la charge supplémentaire que représente la gestion de deux établissements ".

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément sans les paraphraser inutilement que le conseil de prud'hommes a analysé et répondu à ces demandes sur laquelle les parties n'apportent pas en cause d'appel d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause la décision querellée.

Sur les conséquences de la rupture

La cour ne trouve pas matière à réformer le jugement sur la somme allouée au titre de l'indemnité de licenciement, les premiers juges ayant au regard, de la rémunération, de l'ancienneté et des dispositions conventionnelles, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Tenant à la rémunération de l'intimée, à son ancienneté ,aux circonstances de la rupture ainsi qu'à tous éléments de préjudice soumis à appréciation, notamment en termes de chômage et d'emploi, il convient d'allouer à Madame Ferrero la somme de 40 305 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement confirmé.

Sur les heures supplémentaires

Madame Ferrero sollicite la confirmation du jugement qui a condamné la société Yves Rocher à lui verser la somme de 120 990 euro au titre des heures supplémentaires.

La société appelante soutient quant à elle que les demandes de l'intimée relative à l'année 2004 sont prescrites, que Madame Ferrero ne remplit pas les conditions de l'article L. 7321-3 du Code du travail et qu'en tout état de cause, les demandes de cette dernière sont injustifiées, la société Yves Rocher n'ayant jamais demandé d'heure supplémentaire, Madame Ferrero ne justifiant pas selon elle, par ailleurs, la réalité de ses heures.

Le moyen tiré de la prescription doit être écarté, Madame Ferrero justifiant avoir à l'occasion de la saisine du conseil de prud'hommes coché la case " heures supplémentaires ".

Aux termes de l'article L. 7321-3 du Code du travail, le chef d'entreprise qui fournit des marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord.

Doit dès lors être recherché, avant d'examiner la demande relative aux heures supplémentaires si la société Yves Rocher a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité dans les établissements dirigés par Madame Ferrero ou si celles-ci ont été soumises à son accord.

Que les conditions d'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail soient réunies n'impliquent que celles de L. 7321-3 le soient ipso facto.

En l'espèce, Madame Ferrero ne démontre pas que la société Yves Rocher est intervenue à un quelconque titre dans l'embauche de ses salariés (dans un courrier du 13 février 2006, elle mentionne le recours à du personnel extérieur à l'entreprise et fait état de deux licenciements) admettant avoir procédé à des embauches selon contrats à durée déterminée.

La société Yves Rocher n'a pas décidé de la rémunération des salariés ni proposé un modèle de contrat de travail.

Dans le courrier précité l'intimée mentionne les actions qu'elle a mises en place pour lutter contre la démarque, ajoutant par ailleurs avoir décidé de " réduire de façon conséquente sa rémunération de gérante majoritaire ".

Dans un courrier du 19 février 2007, elle fait état de " mesures de réorganisation ".

La société Yves Rocher a contrôlé que les établissements respectaient les règles de sécurité au travail mais ne les a pas prescrites.

Enfin, le contrat de gérance n'obligeait pas Madame Ferrero à être présente dans les centres de beauté durant les heures d'ouverture mais à les diriger.

Madame Ferrero ne satisfaisant pas aux conditions posées par l'article L. 7321-3 du Code du travail, doit être déboutée, en réformation du jugement déféré, de sa demande au titre des heures supplémentaires.

Sur les autres demandes des parties

La société Yves Rocher devra remettre à Madame Ferrero les documents sociaux rectifiés et conformes au présent arrêt.

Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de licenciement, rappel de salaire) portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer.

En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

L'équité en la cause commande de confirmer le jugement sur l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la société Yves Rocher à payer à Madame Ferrero la somme de 1 200 euro sur ce même fondement en cause d'appel et de la débouter de sa demande de ce chef.

La société Yves Rocher supportera les dépens.

Par ces motifs LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale, Reçoit l'appel régulier en la forme, Infirme partiellement le jugement de départage déféré rendu le 7 février 2013 par le Conseil de prud'hommes de Marseille, Statuant à nouveau, Dit que les relations de travail entre la SA Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher et Madame Ferrero relèvent de l'article L. 7312-2 du Code du travail relatif aux gérants de succursales, Déboute Madame Ferrero de sa demande au titre des heures supplémentaires, Dit que les sommes dues en exécution du contrat de travail portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire, Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Confirme pour le surplus la décision entreprise, Y ajoutant, Dit que la SA Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher devra remettre à Madame Ferrero les documents sociaux rectifiés et conformes au présent arrêt, Condamne la SA Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Ferrero la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la SA Laboratoire de Biologie Végétale Yves Rocher aux dépens d'appel, Rejette toute autre demande.