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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 10 décembre 2015, n° 14-21294

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Prolex (SAS)

Défendeur :

Directeur Départemental de la Protection des Populations de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mmes Lacquemant, Jeanjaquet

Avocats :

Mes Saidji, Morain

TGI Paris, JEX, du 18 févr. 2014

18 février 2014

La société Prolex dont l'activité consiste essentiellement dans le référencement d'informations légales sur les entreprises, exploite deux sites Internet : www.infos-siret.fr et www.info-kbis.fr qui proposent aux sociétés commerciales comme aux travailleurs indépendants un référencement ainsi que la possibilité de souscrire à un abonnement afin d'être distingué sur lesdits sites, par le biais d'un encart publicitaire, et une géolocalisation pour toute recherche de la même activité sur le même département.

L'activité de Prolex a débuté en mars 2013, prenant la suite de la société Infolex, ayant les mêmes associés et le même dirigeant et qui a été liquidée à la suite d'une enquête préliminaire engagée sur la plainte de la direction départementale chargée de la protection des populations qui sera clôturée par une décision de relaxe.

C'est ainsi qu'à compter du mois de mars 2013 et jusqu'en juin 2013, la société Prolex a adressé, sur l'ensemble du territoire français, 121 000 prospects qui aboutiront à 764 abonnements, soit un taux d'abonnement de 0,6 %, et représentant un chiffre d'affaires d'environ 130 000 euro.

Destinataire de plaintes, après avoir diligenté une enquête pour publicité trompeuse concernant les prospections pour les sites Internet info-kbis et info-siret, par acte du 22 juillet 2013, agissant comme autorité administrative compétente au titre des articles L. 141-1, VIII et R. 141-4 du Code de la consommation, le directeur départemental de la protection des populations de Paris (le DDPP) a assigné la société Prolex devant le juge des référés aux fins d'interdiction de diffusion des documents et supports dont elle estime qu'ils trompent les professionnels lesquels sont conduits à considérer le document transmis comme un document officiel et le paiement requis comme obligatoire.

Par ordonnance de référé du 18 octobre 2013, le président du Tribunal de grande instance de Paris a condamné Prolex à cesser de diffuser et d'utiliser les supports publicitaires trompeurs annexés à l'acte introductif d'introductif d'instance ainsi que les supports modifiés en cours d'instance, et ce à peine d'une astreinte de 10 000 euro par infraction constatée dès le lendemain de la signification de l'ordonnance, a ordonné la publication de l'ordonnance sur la page d'accueil des sites Internet www.info-kbis.fr et www.info-siret ainsi que dans le journal Le Parisien, a dit avoir n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, a condamné Prolex aux dépens et rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Cette décision a été notifiée à la société Prolex le 22 octobre 2013.

Soutenant que malgré l'injonction du juge des référés, la société Prolex a continué à diffuser des supports publicitaires trompeurs, par assignation du 7 janvier 2014, le DDPP a saisi le juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte.

La société Prolex s'est opposée à la demande en faisant valoir que les supports incriminés étaient distincts de ceux soumis au juge des référés, seuls frappés d'interdiction.

Par jugement du 18 février 2014, le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Prolex à payer au directeur départemental de la protection des populations de Paris la somme de 40 000 euro représentant la liquidation de l'astreinte au titre des infractions relevées pour les mois de novembre et décembre 2013, a rejeté la demande d'augmentation du taux de l'astreinte prononcée par le juge des référés, a assorti la condamnation prononcée par le juge des référés au titre de la publication de la décision dans le journal le Parisien d'une astreinte provisoire de 100 euro par jour de retard, a dit que cette astreinte commencera à courir un mois après la notification de l'arrêt, pendant une période de 60 jours, a rejeté le surplus des demandes, a condamné la société Prolex à payer au directeur départemental de la protection des populations de Paris la somme de 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Prolex a relevé appel selon déclaration au greffe du 10 mars 2014 en intimant le DDPP et l'avocat général.

Par conclusions signifiées le 21 septembre 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte et de condamner le DDPP à lui payer 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 22 juillet 2015, la DDPP demande à la cour, vu le Code de la consommation et notamment les articles L. 121-1 et suivants, vu le Code de procédures civiles d'exécution et notamment les articles L. 121-1 et suivants, R. 121-1, les articles L. 131-1 et suivants et R. 131-1, de confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près du Tribunal de grande instance de Paris le 18 février 2014 en ce qu'il a condamné la société Prolex à payer au DDPP la somme de 40 000 euro représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le juge des référés, au titre des infractions relevées pour les mois de novembre et décembre 2013, statuant à nouveau pour le surplus, de réévaluer l'astreinte à hauteur de 250 000 euro par infraction nouvellement constatée, de condamner la société Prolex à payer au directeur départemental de la protection des populations de Paris, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 5 000 euro, de condamner la société Prolex aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Saidji & Moreau conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La procédure a été communiquée au Ministère public qui a fait connaître qu'il n'entendait pas intervenir.

Sur ce

La société Prolex critique le jugement déféré en ce qu'il a liquidé l'astreinte assortissant l'interdiction de diffusion en faisant valoir que le dispositif de la décision du juge des référés en date du 18 octobre 2013 qui sert de fondement à la demande vise les supports publicitaires " annexés à l'acte introductif d'instance " et les supports " modifiés en cours d'instance ", que ce dispositif est clair et ne souffre aucune interprétation, que dès lors que l'interdiction assortie de l'astreinte est précise, le juge de la liquidation ne saurait l'étendre à des hypothèses non envisagées, qu'en l'espèce, la demande du DDPP n'entre pas dans les prérogatives du juge de l'exécution, qu'en effet, le juge des référés ayant expressément interdit la diffusion des documents annexés à l'acte introductif ainsi que de ceux présentés en cours d'instance, le DDPP ne pouvait solliciter la liquidation de l'astreinte que du chef de la diffusion des supports publicitaires soumis et invalidés par le juge des référés alors que la liquidation de l'astreinte a été sollicitée au motif que Prolex aurait diffusé, en novembre et décembre 2013, une version des supports publicitaire différente de celle soumise au juge des référés, que cependant, il s'agit de documents nouveaux et très largement modifiés puisque tirant les conséquences de l'ordonnance du juge des référés, que dès lors qu'ils n'ont pas été sanctionnés dans l'ordonnance de référé, ces documents ne peuvent donner lieu à liquidation, que le juge de l'exécution a outrepassé ses pouvoirs.

La société Prolex soutient par ailleurs qu'elle s'est conformée à l'injonction et qu'il ne peut lui être imputé une pratique commerciale trompeuse.

Tandis que le DDPP conteste le prétendu excès de pouvoir du juge de l'exécution et souligne que les nouveaux supports publicitaires ne respectent aucunement les exigences de l'ordonnance de référé ce dont elle veut pour preuve les nombreuses mises en garde adressées aux créateurs d'entreprises cibles des supports litigieux par les chambres de commerce et d'industrie et les greffes de tribunaux de commerce contre la confusion entretenue par Prolex pour favoriser la souscription à ses services perçus comme émanant d'un organisme officiel. Elle précise avoir après la décision de la cour d'appel du 5 mars 2015 confirmant la décision du juge des référés reçu de nouveau des plaintes de prospects faisant suite à la diffusion des nouveaux supports. Elle ajoute que la facture incriminée, quel que soit le nom qui lui est donné à savoir fiche d'enregistrement ou formulaire d'inscription et quelle que soit la version qui est diffusée auprès des cibles de Prolex, constitue une pratique commerciale trompeuse en ce qu'elle contrevient notamment aux dispositions de l'article L. 121-1-1, 20° du Code de la consommation.

Il sera observé que le jugement n'est pas critiqué en ses dispositions concernant l'astreinte prononcée du chef de la condamnation à publication de la décision du juge des référés.

Il résulte de l'article R. 121-1 du Code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites.

En l'espèce, l'ordonnance du juge des référés a condamné Prolex à cesser de diffuser et d'utiliser les supports publicitaires annexés à l'acte introductif d'introductif d'instance ainsi que les supports modifiés en cours d'instance, jugés trompeurs au regard des dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses au sens notamment de l'article L. 121-1-1, 20° du Code la consommation et ce, à peine d'une astreinte de 10 000 euro par infraction constatée dès le lendemain de la signification de l'ordonnance.

C'est de cette astreinte dont il est demandé la liquidation du chef de quatre infractions constatées en novembre et décembre 2013 étant souligné que par arrêt du 5 mars 2015, la cour d'appel de ce siège a confirmé l'ordonnance du juge des référés et y ajoutant a ordonné à la société Prolex de cesser de diffuser et d'utiliser les documents trompeurs ayant l'apparence d'une facture sous en-tête info-kbis et info-siret à peine d'une astreinte de 1 000 euro par infraction constatée dès le lendemain du prononcé de l'arrêt et a ordonné la publication aux frais de Prolex et sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt.

Le dispositif de la décision du juge des référés en date du 18 octobre 2013 qui sert de fondement à la saisine du juge de l'exécution par le DDPP est, en effet, clair en ce qu'il interdit la diffusion des supports publicitaires annexés à l'acte introductif d'instance et des supports modifiés en cours d'instance et ne souffre aucune interprétation.

C'est sur la société Prolex, débitrice de l'injonction, que pèse la charge de la preuve de l'exécution de cette obligation.

Il n'est pas contesté que dans la suite de l'ordonnance de référé, Prolex a élaboré un nouveau formulaire qui a été diffusé à partir de novembre 2013.

Il revient au juge de l'exécution dans l'exercice de ses attributions, et à la cour d'appel, de rechercher s'il a été satisfait à l'injonction portant interdiction de diffusion des documents précités.

Dans sa décision du 18 octobre 2013, le juge des référés a sanctionné en premier lieu la combinaison des trois éléments suivants au recto du document diffusé : le nom commercial de la société Prolex, l'indication "info-kbis " ou "info-siret " en caractères gras de grande taille suivie de la mention " L'information sur les entreprises du registre du commerce et des sociétés ", considérée comme de nature à tromper le prospect sur l'expéditeur et, enfin, le terme de " publicité" lequel, selon le juge des référés, aurait dû apparaître dans l'en-tête ou à tout autre emplacement au recto mais toujours en caractères apparents.

Il ressort de la comparaison des pièces versées au dossier que dans le nouveau prospectus qui sert de support à l'offre de Prolex, le terme " publicité " apparaît dans une police similaire à celle utilisée précédemment, que le nom de la société Prolex y est inscrit en très petits caractères en bas de page, que l'intitulé du nom commercial " info-kbis " ou " info-siret ", suivi de la mention " publicité pour les entreprises du registre du commerce et des sociétés" est inscrit dans une police inchangée et se trouve aligné en dessous du nom commercial " info-kbis " ou " info-siret ", en haut au milieu au lieu d'en haut à gauche ce qui réalise, en réalité, une modification mineure, à peine perceptible, de mise en page dans laquelle la dénomination Prolex n'est pas davantage mise en valeur.

Par ailleurs, le juge des référés ayant tenu pour trompeur, en ce qu'il laissait le prospect croire à un document administratif avec obligation de payer le prix demandé au titre de l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés et non d'un service de Prolex, l'intitulé "fiche d'enregistrement " suivi des informations de la société prospectée et de l'encadré type facture (prix HT ; TVA ; et TTC), accompagné d'un coupon ainsi rédigé " Merci de retourner le coupon ci-dessous sous 8 jours avec son règlement ", il est établi que la société Prolex a abandonné la présentation sous forme de coupon ainsi que le terme " coupon ", remplacé par celui de " fiche ", et a placé des astérisques (**) qui renvoient à la mention suivante inscrite en italique sur le côté droit du formulaire : "Durée de validité de l'offre publicitaire".

Cependant, ces changements purement formels ne sont pas de nature à lever la tromperie retenue par le juge des référés pour interdire la diffusion des documents étant souligné que la mention " Durée de validité de l'offre publicitaire" qui remplace celle de " Offre publicitaire obligatoire " est inscrite en très petits caractères.

Quant aux conditions générales figurant au verso du document dont le juge des référés a relevé qu'elles ne pouvaient être lues par un professionnel, dès lors qu'il a pu être abusé par le contenu du recto, d'autant plus que le document présente une impression en filigrane ressemblant à celui d'un extrait k-bis renforçant le risque de confusion, il doit être constaté que l'impression en filigrane a disparu sur le nouveau support publicitaire.

De ces éléments, il s'évince que compte tenu des similitudes persistantes entre les documents soumis au juge des référés et ceux diffusés ensuite, il n'a pas été satisfait à l'injonction d'interdiction de diffusion comme l'a exactement retenu, après un examen comparatif minutieux des documents successivement diffusés, le premier juge lequel a agi dans les limites de ses pouvoirs.

Il résulte de l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive peut être supprimée, en tout ou partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

En l'espèce, la société Prolex soutient s'être conformée à l'injonction lui incombant et n'invoque ni cause étrangère ni difficultés d'exécution.

Elle observe que le DDPP ne rapporte pas la preuve des prétendues plaintes qu'elle aurait reçues depuis le 19 novembre 2013 qui doivent, dès lors être considérées comme inexistantes.

Mais le DDPP verse au débat le rapport d'enquête intermédiaire concernant la société Prolex établi par M. Grasset, inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, agissant sous l'autorité du directeur départemental de la protection des populations de Paris, clôturé le 31 décembre 2013, lequel constate que deux sociétés (Routage 903 et BRI) ont effectué, en novembre et décembre 2013, deux campagnes de publipostage pour la société Prolex de deux lots chacune portant sur les documents mis en page au mois de septembre 2013. Ce rapport d'enquête qui a valeur probante, établit, pour le moins, quatre infractions résultant de la diffusion de quatre lots de documents non conformes aux prescriptions de l'ordonnance de référé.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la somme de 10 000 x 4 = 40 000 euro.

Il n'y a pas lieu en revanche à réévaluation de l'astreinte.

L'équité commande de confirmer les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et, y ajoutant, de condamner la société Prolex à payer la somme de 2 500 euro au DDPP pour ses frais exposés en appel.

Partie perdante la société Prolex supportera les dépens ce qui conduit à la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de pocédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement, Y ajoutant, Condamne la société Prolex à payer au Directeur départemental de la protection des populations de Paris (le DDPP) la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne la société Prolex aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.