CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 18 décembre 2015, n° 15-11278
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Confédération Nationale des Buralistes de France
Défendeur :
Majirus, Vapostore (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Brault, Fisselier, Simon
Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,
Vu les jugements contradictoires du 2 décembre 2014 et du 17 mars 2015 rendus par le Tribunal de commerce de Meaux,
Vu l'appel interjeté le 4 juin 2015 par la Confédération Nationale des Buralistes de France et monsieur Eric Majirus,
Vu les dernières conclusions de la Confédération Nationale des Buralistes de France et de monsieur Eric Majirus, appelants, en date du 20 octobre 2015,
Vu les dernières conclusions de la SARL. Vapostore, intimée, en date du 4 novembre 2015,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 novembre 2015
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
Monsieur Eric Majirus exploite par l'intermédiaire d'un franchisé en vertu d'un contrat de gérance de trois ans renouvelable accordé par l'administration des Douanes, un débit de tabac sis à Paris 75008 45 rue d'Amsterdam.
La Confédération Nationale des Buralistes de France (ci-après la Confédération) est une union de syndicats professionnels, au sens de l'article L. 2131-1 et suivants du Code du travail, qui, par l'adhésion des chambres syndicales qui la composent regroupe près de 90 % des 27 000 débits de tabac de France.
Les 22-23 mars 2014 monsieur Eric Majirus et la Confédération ont constaté l'ouverture au n° 84 de la rue d'Amsterdam à Paris d'un magasin à l'enseigne Vapostore proposant à la vente et/faisant la promotion, selon eux, de produits assimilés et de divers accessoires servant à leur consommation notamment des e-cigarettes, des e-liquides " saveurs tabac " pouvant contenir différents dosages de nicotine ou des cartouches.
Ils ont constaté que la société Vapostore édite :
un site internet accessible à l'adresse www.vapostore.com sur lequel elle commercialise et fait la promotion des mêmes produits sous la marque " Vapostore Votre Plaisir d'abord ",
une application mobile " Vapostore - Cigarette Electronique " depuis laquelle elle commercialise et fait la promotion des produits commercialisés en boutique et sur le site précité
C'est dans ces conditions que selon actes d'huissier du 3 juin 2014, la Confédération et Monsieur Eric Majirus ont saisi le Tribunal de commerce de Meaux, à bref délai, en concurrence déloyale, mesures d'interdiction relatives à la commercialisation et à la promotion des cigarettes électroniques et produits e-liquides dans la boutique sise rue d'Amsterdam à Paris, sur son site internet www.vapostore.com, sur son application mobile et son blog et réparation de leurs préjudices.
Suivant jugement dont appel du 2 décembre 2014 appel, le tribunal a essentiellement :
- déclaré recevable en leur action monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France, les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- déclaré recevable la société Vapostore en ses demandes reconventionnelles, l'en a débouté,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de
France à payer à la société Vapostore la somme de 2 000 euro TTC au titre de l'article 700 du
Code de procédure civile,
- les a condamnés aux entiers dépens.
Par jugement en omission de statuer en date du 17 mars 2005, le tribunal de commerce de Meaux a :
- déclaré monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France recevables en leurs demandes tendant à voir juger illicites les actes de publicité en faveur des produits du tabac commis par la société Vapostore sur son site internet www.vapostore.com, sur son application mobile, sur son blog et dans ses boutiques, et sur les demandes en réparation subséquentes, les dit mal fondées et les en a débouté,
- condamné solidairement monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de
France à payer à la société Vapostore la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du
Code de procédure civile et aux entiers dépens.
En cause d'appel monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France appelants demandent essentiellement dans leurs dernières écritures en date du 20 octobre 2015 de :
- confirmer la décision en ce qu'elle a dit et jugé que monsieur Eric Majirus et la Confédération
Nationale des Buralistes de France sont recevables à agir et en ce qu'il a dit et jugé que les produits
Lucky boy et E-CAB constituent des publicités illicites indirectes en faveur des produits du tabac,
- le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,
- dire et juger que les actes de commercialisation par la société Vapostore sur son application mobile, sur son site internet www.vapostore.com et dans ses boutiques, des cigarettes électroniques et des e-liquides, constituent des actes de concurrence déloyale à leur préjudice,
- dire et juger que les actes de promotion par la société Vapostore sur son application mobile, sur son site internet www.vapostore.com et dans ses boutiques, des cigarettes électroniques et des e-liquides sont constitutifs d'une activité illicite et donc de concurrence déloyale à leur encontre,
- dire et juger, à titre subsidiaire, que les publicités de la société Vapostore sur son application mobile, sur son site internet www.vapostore.com et dans ses boutiques, des cigarettes électroniques et des e-liquides qui rappellent le tabac tels que les produits Jamal, Tabac M, Jolie blonde, Tabac Régular, Tabac des îles, Tabac menthe, Tabac brun, Tabac fresh, Tabac corse, Tabac doux, Tabac USA et les cigarettes électroniques qui rappellent le tabac et les produits du tabac, sont des publicités indirectes et donc illicites en faveur du tabac, constitutives de concurrence déloyale à leur encontre,
- ordonner des mesures d'interdiction sous astreinte,
- condamner la société Vapostore à verser à monsieur Eric Majirus la somme de 24 074,64 euro et 16 851,84 euro et à la Confédération celles de 27 000 euro et 27 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale résultant des actes illicites de commercialisation et de promotion des cigarettes électroniques et des produits e-liquides,
- condamner la société Vapostore à verser à chacun des appelants la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Vapostore, intimée, s'oppose aux prétentions des appelants, et pour l'essentiel, demande dans ses dernières écritures en date du 4 novembre 2015 de :
- déclarer monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France irrecevables en l'ensemble de leurs demandes liées à la cessation des actes de distribution de cigarettes électroniques et e-liquides par la société Vapostore, à la cessation des actes de promotion de cigarettes électroniques et e-liquides par la société Vapostore, et d'indemnisations subséquentes, et en cela, infirmer les jugements,
- déclarer monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France irrecevables en leurs demandes liées à la cessation des actes de distribution et de promotion de cigarettes électroniques et e-liquides par la société Vapostore et d'indemnisation subséquente, comme constituant des demandes nouvelles en appel,
- déclarer monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des Buralistes de France irrecevables en l'ensemble de leurs demandes en relation avec l'exploitation des magasins exploités en propre par la société Vapostore comme constituant des demandes nouvelles en cause d'appel.
En conséquence,
- limiter le litige et l'examen des demandes aux seuls éléments relatifs au site internet et à l'application mobile de la société Vapostore,
- constater l'inapplicabilité des articles 564 decies et suivants du Code général des impôts et L. 3511-1 et suivants du Code de la santé publique à la distribution de cigarettes électroniques et e-liquides, en conséquence, confirmer le jugement de ce chef,
- constater l'absence de toute publicité indirecte en faveur des produits du tabac par la société Vapostore et en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes formées ce titre,
- à titre subsidiaire,
- adapter les éventuelles sanctions aux seuls éléments considérés comme illicites et en lui accordant un délai de 15 jours compter de la signification de la décision à intervenir pour se mettre en conformité,
- rejeter les demandes d'indemnisation et à défaut les rapporter à une indemnisation symbolique d'un euro à chaque appelant,
- en tout état de cause,
- ordonner une mesure de publication judiciaire,
- condamner solidairement les appelants à lui payer une somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement les appelants aux dépens avec droit de recouvrement au profit de leur conseil.
Sur les fins de non-recevoir
La société Vapostore soulève l'irrecevabilité à agir de la Confédération Nationale des Buralistes de France sur le fondement des articles L. 3511-1 et suivants du Code de la santé publique prohibant toute promotion en faveur du tabac ou des produits du tabac car elle n'est pas spécifiquement habilitée à lutter contre le tabagisme pour obtenir une indemnisation ou solliciter la cessation de la distribution de cigarettes électroniques.
En effet, la Confédération Nationale des Buralistes n'est pas fondée à se prévaloir fût ce dans le cadre d'une action en concurrence déloyale en vue de protéger l'intérêt particulier des buralistes, de la violation de dispositions que seules les associations désignées comme agissant dans un intérêt de santé publique sont recevables à poursuivre, de sorte qu'elle est irrecevable à solliciter l'interdiction de la promotion de la cigarette électronique et des e-liquides, sur ce fondement.
Elle est donc irrecevable à agir de ce chef de demande.
Elle soutient également qu'elle est irrecevable à agir sur le fondement des articles 564 et suivant du Code général des impôts et des articles L. 2131-1 et suivants du Code du travail faute de défendre l'intérêt collectif de ses membres car elle prétend faire respecter une réglementation tendant à protéger la santé publique contre les méfaits du tabac alors mêmes qu'elle représente les débitants de tabac.
Elle poursuit en indiquant que faute de caractériser un préjudice direct et personnel des professionnels qu'elle représente, ses demandes de cessation d'activité sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir sur le fondement des articles 31 et 122 du Code de procédure civile.
Mais le non-respect d'une réglementation administrative par une entreprise commerciale cause un dommage de concurrence déloyale pour les autres entreprises qui se soumettent à cette réglementation et les débitants de tabac qui sont des commerçants sont recevables à agir et la Confédération en sa qualité de syndicat professionnel, tient des dispositions de l'article 2131-2 du
Code du travail le droit d'agir en réparation du préjudice collectif, matériel ou moral que ces débitants de tabac qu'elle représente, subissent personnellement.
Elle a donc qualité à agir en réparation des préjudices subis par ces derniers en raison des actes de concurrence déloyale allégués.
La société Vapostore soulève l'irrecevabilité à agir de monsieur Majirus en faisant valoir qu'en première instance ses demandes étaient fondées uniquement sur l'exploitation du magasin sous enseigne Vapostore situé à Paris 84 rue d'Amsterdam qui étaient irrecevables dès lors qu'il n'est pas l'exploitant de ce magasin, alors qu'en appel ses demandes sont fondées sur les actes de commercialisation des cigarettes électroniques par Vapostore sur son site internet, sur son mobile et dans les magasins exploités en propre par Vapostore, ce qui constituent des demandes nouvelles irrecevables sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile, car présentées pour la première fois en cause d'appel.
Mais l'action de monsieur Majirus, commerçant étant dès l'origine fondée sur l'activité de vente des cigarettes électroniques et des e-liquides par la société Vapostore qui lui occasionne un avantage concurrentiel déloyal est, en cette qualité, recevable à agir à son encontre pour des actes allégués de concurrence déloyale qui portent atteinte à ses redevances de franchiseur, ses présentes demandes tendant aux mêmes fins que ses demandes initiales en qualité de gérant de la boutique sise rue d'Amsterdam.
Ces deux parties sont donc recevables à agir.
Concernant les demandes des appelants liées aux magasins exploités par la société Vapostore, celle-ci soulève leur irrecevabilité sur le fondement du texte précité, car présentées pour la première fois en cause d'appel et portant sur des faits nouveaux.
Les appelants se fondant sur les termes de l'article 565 du Code de procédure civile exposent que s'agissant de demandes tendant aux mêmes fins que celles formées en première instance, celles-ci sont recevables.
Effectivement, la demande de réparation en nature déjà demandée en première instance, élargie en cause d'appel à l'ensemble des magasins Vapostore, qui tend aux mêmes fins, est recevable.
Le moyen d'irrecevabilité de ce chef doit donc être écarté.
Sur la licéité de la commercialisation des cigarettes électroniques et les e-liquides, en dehors des débits de tabac
Les appelants soutiennent que les e-cigarettes sont des produits assimilés à du tabac car destinés à être fumés, même s'ils ne contiennent pas de tabac au sens de l'article 564 decies du Code général des impôts et prétendent également que les dispositions de l'article L. 3511-1 du Code de la santé publique leur sont applicables. Ils considèrent qu'elles ne peuvent être considérées comme des produits de consommation courante.
Ils précisent qu'en application de l'article 565 du Code général des impôts la vente des tabacs manufacturés en France est soumise au monopole d'Etat et que l'exercice de ce monopole est confié en application des dispositions de l'article 568 du même Code à des préposés désignés à cet effet, les débitants de tabac qui sont indéfiniment et solidairement responsables de leur activité soumis à des conditions d'agrément très strictes. La vente à distance leur étant interdite.
Ils font valoir à cet effet que la vente de la cigarette électronique et les produits e-liquides a été interdite aux mineurs de moins de 18 ans, que la Ministre des Affaires sociales et de la santé a confirmé le 25 septembre 2014 que la circulaire DGS -MC2014-273 du 25 septembre 2013 relative à l'encadrement de la publicité des dispositifs électroniques de vapotage que les dispositions existantes des articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du Code de la santé publique sont applicables aux publicité pour les cigarettes électroniques ressemblant à des produits de tabac et aux produits e-liquides faisant référence à un goût rappelant le tabac.
Ils poursuivent en exposant qu'aux termes de la Directive sur les produits du tabac du 26 février 2014 les cigarettes électroniques et les e-liquides ont vocation à intégrer soit la catégorie des produits connexes au tabac soit la catégorie des nouveaux produits du tabac.
Ils indiquent qu'aucun texte ne vient soustraire la vente des cigarettes électroniques et les e-liquides à l'application du principe général selon lequel sont assimilés aux produits du tabac les produits destinés à être fumés qui sont des produits " où on fait brûler en aspirant la fumée par la bouche " ce qui correspond au processus de fonctionnement de la cigarette électronique et que d'ailleurs la politique de promotion de la société Vapostore insiste sur " l'action de fumer ".
Ils ajoutent que plusieurs acteurs politiques, médicaux et la ministre de la santé publique préconise une mise en place une réglementation identique à celle existant actuellement pour la cigarette.
L'article 564 decies du Code général des impôts prévoit que :
Sont assimilés aux tabacs manufacturés:
1° les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ;
2° les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à usage médicamenteux.
Mais en l'absence de tabac, qui est une plante spécifique, dans les cigarettes électroniques et e-liquides qui contiennent parfois de la nicotine qui n'est qu'un composant du tabac, et en l'absence de tout phénomène de combustion générant de la fumée puisque s'agissant d'émission de vapeur, la réglementation du tabac ne peut leur être appliquée.
En effet le rapport de l'Office Français du Tabagisme publié le 7 juin 2013 définit l'e-cigarette comme un produit fonctionnant à l'électricité sans combustion, destiné à simuler l'acte de fumer du tabac. Il produit un brouillard de fines particules, appelé communément " vapeur " ou " fumée artificielle " ressemblant visuellement à la fumée produite par la combustion du tabac et indique qu'on ne peut considérer en France l'e-cigarette comme un produit du tabac (page 156).
La Directive communautaire relative au tabac n° 2014-40-CE adoptée le 3 avril 2014 invoquée par les appelants n'est pas encore transposée en droit français mais précise qu'un produit à fumer suppose nécessairement une combustion (article 2, 9) et n'assimile pas la cigarette électronique au tabac comme le soutiennent à tort les appelants mais au contraire leur prévoit un régime distinct régi par le titre II pour le tabac et le titre III pour la cigarette électronique et les e-liquides.
L'article L. 3511-2-1 du Code de la santé publique fait également référence à la simulation de l'acte de fumer pour la cigarette électronique alors que l'article L. 3511-1 du même Code mentionne les produits visés en deux catégorie distinctes, d'une part les produits du tabac ou des ingrédients et d'autre part les cigarettes électroniques et les liquides contenant ou non de la nicotine destinés à être consommés avec une cigarette électronique et précise que sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même sils ne contiennent pas de tabac.
Simulation de fumer relevée par la société Vapostore dans sa communication publicitaire qui tend à accentuer le caractère substitutif de ce produit à celui du tabac.
Par ailleurs les cigarettes électroniques ne sont pas fiscalisées comme les produits du tabac et notamment l'article 575 du Code général des impôts ne leur est pas appliqué pas plus que l'interdiction d'utiliser la cigarette électronique dans les lieux publics ou l'obligation d'apposer l'avertissement sanitaire sur le produit en application de l'article L. 3511-6 alinéa 6 du Code de la santé publique.
Les appelants ne communiquent aucun document justifiant l'application de la réglementation du tabac aux cigarettes électroniques et aux e-liquides, la circulaire invoquée sans force obligatoire n'ayant qu'un but incitatif à adopter de bonnes pratiques, alors qu'au contraire madame la Ministre des affaires sociales et de la santé a indiqué le 4 juin 2014 à l'Assemblée Nationale que la cigarette électronique n'est ni un produit de tabac, ni un médicament de sevrage.
Il en ressort qu'en l'état actuel de la législation française, en l'absence de texte contraire ayant force obligatoire, les cigarettes électroniques et les e-liquides ne sont, à l'exception de leur interdiction de les vendre à des mineurs introduite par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 à l'article L. 3511-2-1 du Code de la santé publique, soumis à aucune réglementation particulière notamment quant à leur circuit de distribution de sorte qu'ils sont des produits de consommation courante.
D'ailleurs l'article L. 3511-2-1 fait référence à la vente de ces produits dans tous types de commerce.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées sur l'absence de respect de la législation applicable au Tabac pour la commercialisation de ses produits par la société intimée.
Sur la licéité des communications sur les cigarettes électroniques et les e-liquides
Selon l'article L. 3511-3 du Code de la santé publique 'la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 ainsi que toute distribution gratuite ou vente d'un produit du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du Code général des impôts sont interdites.
Aux termes de l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique, est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un produit autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 lorsque par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1.
Aucun texte ne limite actuellement la publicité de ces produits de consommation courante même s'il est recommandé tant par la Directive précitée que par la Direction Générale des Douanes d'apporter des restrictions à la publicité de ces produits, voire de l'interdire.
Seules sont expressément interdites les publicités qui rappellent le tabac par les moyens sus indiqués.
Les appelants font valoir que la société Vapostore qui effectue de la publicité sur son application mobile, sur son site internet www.vapostore.com et dans ses boutiques, des cigarettes électroniques et des e-liquides qui rappellent le tabac tels que les produits Jamal, Tabac M, Jolie blonde, Tabac Régular, Tabac des îles, Tabac menthe, Tabac brun, Tabac fresh, Tabac corse, Tabac doux, Tabac USA et les cigarettes électroniques qui rappellent le tabac et les produits du tabac, sont des publicités indirectes et donc illicites en faveur du tabac, qui est constitutive de concurrence déloyale à leur encontre,
Ils ajoutent que les cigarettes qu'elle commercialise sont semblables en apparence aux cigarettes traditionnelles.
En revanche comme mentionné ci-dessus, si la publicité des cigarettes électroniques et des e-liquides est permise, elle reste soumise à l'interdiction générale de faire référence directement ou indirectement au tabac.
La société Vapostore conteste procéder à une publicité indirecte en employant les termes " saveur
Tabac " car la cigarette électronique ayant vocation à présenter une alternative aux consommateurs désireux d'arrêter de fumer il est nécessaire pour tout distributeur de proposer des goûts s'approchant de celui des cigarettes classiques.
Or la publicité est faite en défaveur du tabac selon elle, car elle vise un produit alternatif à celui-ci et le contraire serait favorable aux buralistes.
Concernant les e-liquides les appelants font valoir qu'ils sont présentés selon les mêmes codes couleur et éléments caractéristiques que ceux des marques de cigarettes classiques.
Effectivement, ces produits font référence explicitement aux paquets de cigarette classiques, d'ailleurs de l'examen du procès-verbal de constat du 8 octobre 2015 il ressort que la société Vapostore présente ses produits e-liquides par référence au tabac : " il s'agit d'un tabac doux suivi d'une pointe de vanille à l'expiration pour le Faboulus & Burnley, celui-ci tient son nom de Burley, qui est un tabac séché à l'air libre, peu sucré, provenant du Kentucky, le Turkish Tobacco offre un goût unique caractéristique de la culture du tabac d'origine turque produit au large des côtes de la mer noire, le Phenix Y4 tabac blond avec un léger goût de fruit à coques, tabac FR d'Authentic Cirkus se résume à l'authenticité d'un tabac blond, le profond arôme du cigare souligné d'une larme de whisky est divin, Tobacco blast Skyvape 20 ml qui est mélange authentique de saveur tabac, Black Calico Halo 30 ml un liquide saveur tabac..idéal pour les amateurs de tabac, Longhorn Halo 30 ml un mélange subtil de saveur de tabac... ".
A ces références directes au tabac sont associées des représentations évoquant des paquets de cigarettes classiques en reproduisant leurs éléments caractéristiques :
- Lucky Boy reproduit le cercle rouge avec une bordure dorée des cigarettes de marque Lucky Strike,
- Jamal qui présente des couleurs jaune et bleu et des chameaux qui rappellent les cigarettes de marque Camel,
- Tabac M reproduit les couleurs rouge et blanche et le M de la marque Malboro,
- Jolie blonde reproduit trois feuilles de tabac de couleur jaune disposées en éventail de la marque Bretèche Américain Tobacco,
- Fabulus & Burnley et Captain Honey Pepper qui évoqueraient un paquet de cigarette et une boîte de cigare,
- Turkish Tabac évoquerait des paquets de cigarettes et des boîtes de cigares.
La présentation de ses produits sur son site internet comporte 100 occurrences du terme tabac selon le procès-verbal précité manifestant la corrélation évidente de ses produits avec le tabac, certains de ses visuels présentant des feuilles de tabac.
- Lucky Boy reproduit le cercle rouge avec une bordure dorée des cigarettes de marque Lucky Strike,
- Jamal qui présente des couleurs jaune et bleu et des chameaux qui rappellent les cigarettes de marque Camel,
- Tabac M reproduit les couleurs rouge et blanche et le M de la marque Malboro,
- Jolie blonde reproduit trois feuilles de tabac de couleur jaune disposées en éventail de la marque Bretèche Américain Tobacco,
- Fabulus & Burnley et Captain Honey Pepper qui évoqueraient un paquet de cigarette et une boîte de cigare,
- Turkish Tabac évoquerait des paquets de cigarettes et des boîtes de cigares.
Il ressort par ailleurs de l'examen des cigarettes électroniques rechargeables E-CAB et Joyetech que celles-ci revêtent l'apparence de par leur forme et leur couleur à la cigarette traditionnelle Black
Devil.
Il en ressort que la société Vapostore se livre amplement à une publicité indirecte du tabac, illicite et c'est à tort que le tribunal a considéré que cette publicité était limitée à deux produits
Il convient en conséquence, réformant les jugements à ce titre de dire que la société Vapostore a contrevenu aux dispositions des articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du Code de la santé publique.
Sur les mesures réparatrices
La société Vapostore fait valoir que les appelants ne justifient pas du trouble commercial et du détournement de clientèle allégués ni d'un lien de causalité avec les fautes reprochées.
Les publicités illicites des cigarettes électroniques et des e-liquides à l'effet de leur donner un pouvoir attractif, détournant ainsi une partie de la clientèle des débitants de tabac à il est interdit de vendre par correspondance et voie électronique, sont constitutives à leur égard d'actes de concurrence déloyale.
Il convient en conséquence, de faire droit à la demande des appelants tendant à leur voir interdire toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac sous quelque forme que ce soit et sur tout support dans le délai de 1 mois de la signification de la présente décision, sous peine, passé ce délai d'une astreinte de 1 000 euro par jour de retard.
La société Vapostore a réalisé sur l'exercice 2013 un chiffre d'affaires de 6 200 000 euro.
La Confédération sollicite une réparation de 1 euro pour chacun des 27 000 buralistes qu'elle représente au titre des actes de promotion illicite soit 1 euro par buraliste il convient en conséquence de faire droit à cette demande en lui allouant la somme de 26 999 euro et d'allouer à monsieur Majirus qui ne justifie pas d'une perte de chiffre d'affaires directement imputable aux actes de la société Vapostore celle de 1 euro.
Sur les autres mesures
La société intimée sollicite la publication de la décision, mais en regard des dispositions de la présente décision, cette demande est infondée.
L'équité commande d'allouer à monsieur Majirus la somme de 2 000 euro et à la confédération celle de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société intimée.
Les dépens resteront à la charge de l'intimée qui succombe et seront recouvrés par avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société intimée, En conséquence, Confirme le jugement en ce qu'il a jugé que monsieur Eric Majirus et la Confédération Nationale des
Buralistes de France sont recevables à agir en concurrence déloyale à l'égard de la société Vapostore, Rejette les demandes des appelants relativement aux actes de vente reprochés à la société Vapostore, En conséquence, Confirme le jugement déféré de ce chef, Rejette les demandes formées à titre principal par les appelants relativement à l'interdiction des publicités pour les cigarettes électroniques et les e-liquides, En conséquence, Confirme le jugement déféré à ce titre, Fait droit aux demandes formées, à titre subsidiaire, relativement aux publicités illicites indirectes en faveur du tabac, par la société intimée, En conséquence, Dit que la société Vapostore a contrevenu à la réglementation résultant des articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du Code de la santé publique,
Dit que cette violation est constitutive d'acte de concurrence déloyale à l'égard des appelants, En conséquence, Interdit à la société intimée de faire toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac sous quelque forme que ce soit et sur tout support dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine, passé ce délai d'une astreinte de 1 000 euro par jour de retard, Condamne la société intimée à payer à la Confédération Nationale des Buralistes de France la somme de 26 999 euro et à monsieur Eric Majirus celle de 1 euro en réparation de leur préjudice, Réforme le jugement en ses dispositions au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens, Condamne la société intimée à payer à monsieur Eric Majirus la somme de 2 000 euro et à la Confédération Nationale des Buralistes de France la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes des appelants, Rejette le surplus des demandes de la société intimée, Condamne la société intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.