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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 février 2012, n° 08-16771

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Auto Loisirs (SARL)

Défendeur :

Honda France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avocats :

Mes Bertin, Landault

TGI Paris, du 29 mai 2008

29 mai 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Auto Loisirs de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Honda Motor Europe (South) et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Auto Loisirs et ses conclusions du 16 novembre 2010 tendant à infirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- constater sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code du commerce la nullité du protocole conclu entre les parties le 22 octobre 2003 relatif à la séparation du hall d'exposition ;

- dire et juger que la société Honda Motor Europe (South) a engagé sa responsabilité:

- en s'étant rendue coupable à son égard de pratiques discriminatoires affectant les conditions d'achat et de remises relatives à l'acquisition de véhicules neufs Honda et en ayant à cette occasion abusé de sa puissance de vente ;

- en ayant nui par les agissements précités à la bonne exécution du contrat à des conditions équitables et rentables ;

- en l'ayant enfin exclue au terme de ce processus de son réseau de distribution sélective sans juste motif alors qu'elle-même n'avait commis aucune faute grave et qu'elle continuait à respecter les conditions d'agrément ;

En conséquence,

- condamner pour les causes sus-énoncées la société Honda Motor Europe (South) à lui payer à titre de dommages-intérêts une somme de 500 000 euro équivalent à une marge brute ;

- la condamner en outre à lui payer une indemnité de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Honda France, anciennement dénommée Honda Motor Europe (South) en date du 21 avril 2011, et tendant à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Honda Motor Europe (South) (ci-après HME-S) importe et distribue en France divers matériels de la marque Honda, dont les véhicules automobiles, par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires.

C'est dans ces conditions qu'en 1984 un premier contrat fut signé avec la société Auto Loisirs, animée par M. Sananes, et que, depuis lors, des contrats furent régulièrement signés entre les parties.

Le 7 mars 1996, la société Auto Loisirs, qui jusqu'alors ne distribuait que la seule marque Honda, informait la société HME-S qu'elle allait distribuer également la marque Suzuki, sous couvert d'une autre société d'exploitation, dans un hall séparé, mais avec un atelier commun pour le service après-vente.

De même, début 2002, la société Auto Loisirs informait la société HME-S qu'elle allait distribuer, au travers d'une nouvelle entité juridique distincte, la marque Kia.

Le 28 mars 2003, un nouveau contrat de concession était signé entre les parties suite à l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption n° 1400-2002.

L'objectif pour l'année 2003 était de 55 véhicules neufs (VN).

La société HME-S, menant une politique d'exclusivité de marque, a demandé à l'ensemble de ses concessionnaires de disposer de locaux commerciaux exclusivement dédiés à la marque Honda et, dans ce cadre, a demandé à la société Auto Loisirs de mettre en place une séparation dans le hall d'exposition de sorte que les deux marques Honda et Suzuki soient exploitées dans des locaux séparés.

A cet égard, un protocole d'accord était signé le 9 octobre 2003 prévoyant la réalisation des travaux nécessaires à la séparation dans un délai de 6 mois.

Toutefois, les rapports entre les parties se dégradèrent, la société Auto Loisirs invoquant à l'encontre de la société concédante de nombreux griefs tirés entre autres des conditions de fixation des clauses d'objectifs, de versement d'aides financières ou de mise en place de la signalitique Honda :

Ces désaccords conduisirent à la saisine par la société Auto Loisirs du Tribunal de grande instance de Paris aux fins de prononciation de la résiliation du contrat aux torts de la société Honda ainsi que d'octroi de primes et de dommages-intérêts.

A la suite de ladite assignation, la société concédante devait, par courrier du 12 janvier 2006, notifier à son concessionnaire la résiliation ordinaire du contrat avec un préavis de deux ans.

C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré, la société Auto Loisirs ayant en cours de procédure formé une demande subsidiaire en condamnation de la société HME-S pour l'avoir abusivement exclue du réseau Honda.

Sur la qualification du contrat liant les parties et son incidence au regard du droit communautaire ainsi que des articles L. 420-1 et suivants et L. 442-6-1° dans sa rédaction alors en vigueur du Code de commerce.

Considérant qu'il sera, tout d'abord, rappelé que l'article 81 § 1 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), interdit les accords entre entreprises " qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun " ; que, toutefois, la Commission européenne a édicté à plusieurs reprises des communications concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101 § 1 du traité, la dernière en date étant la communication n° 2001-C 368-07 du 22 décembre 2001, dite communication " de minimis " ; que, par ailleurs, l'article 101 § 1 n'est pas applicable aux accords ne comportant pas de clauses permettant d'opérer des restrictions caractérisées de concurrence, lesquelles sont définies tant au point 11 de la communication " de minimis " qu'à l'article 4 du règlement n° 1400-2002 ; que, même à supposer que certaines pratiques se révèlent contraires à l'article 101 § 1 susmentionné, il échet de rappeler qu'aux termes de l'article 101 § 3 peuvent bénéficier d'une exemption, et par conséquent échappent à l'interdiction édictée à l'article 101 § 1 et à la nullité visée à l'article 101 § 2, tous accords ou pratiques concertées " qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans: a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ; b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence " ; que ces exemptions sont notamment accordées à titre collectif au travers d'un règlement d'exemption par catégorie dont celui susvisé concernant la distribution automobile ;

Considérant qu'en vertu de la communication n° 2001-C 368-07 dite " de minimis " les accords des fournisseurs dont la part de marché n'excède pas 5 % ne peuvent en général avoir pour effet de restreindre la concurrence ; qu'il n'est pas utilement contesté en l'occurrence que la part du constructeur Honda sur le marché des véhicules automobiles neufs n'excède pas 0,5 % (0,29 % en 2002) soit une part très en-deçà du seuil de sensibilité de 5 % et excluant que l'intimée eût été à même par son comportement d'affecter sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101 § 1 susvisé ; qu'eu égard même à cette faiblesse de sa part de marché, la société intimée a mis en place pour son réseau de distribution, à compter de 2003, un contrat exclusif et sélectif pour l'activité de vente de véhicules neufs et purement sélectif pour l'activité après-vente ; qu'en effet, il ressort des articles 1-5 et 2-1 dudit contrat qu'il s'agit d'un contrat de distribution sélective et des articles 1-8, 2-3 et 2-4 que cet engagement est également un contrat de distribution exclusive ; que, par ailleurs, en l'absence de " restrictions caractérisées " de concurrence d'une particulière gravité, lesquelles pourraient effectivement faire échec au bénéfice de la communication " de minimis " susvisée, la société intimée doit être considérée comme n'étant pas soumise au règlement d'exemption 1400-2002 pour l'activité de vente de véhicules neufs ; que, dès lors, la société Auto Loisirs n'est pas fondée à analyser les clauses du contrat de distribution litigieux au regard de ce texte ni au demeurant du règlement 1983-83-CEE, lequel a expiré le 31 décembre 1999 et a été remplacé par le règlement 2790-99 sur les restrictions verticales ;

Considérant que la société Auto Loisirs ne saurait davantage utilement invoquer l'article L. 442-6-1° du Code du commerce, lequel sanctionnait la faute civile de discrimination, dès lors que cette disposition a été abrogée par la loi dite de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et ne peut désormais recevoir application et ce, que les faits en cause soient antérieurs ou postérieurs à son abrogation ;

Considérant, également, que " pour être considérées comme illicites au regard de l'article L. 420-1 (...) les pratiques mises en œuvre au sein d'un réseau se doivent d'avoir un effet anti-concurrentiel sensible sur le marché pertinent considéré ; qu'en l'espèce et ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, la société intimée occupe une place inférieure à 5 % sur le marché pertinent considéré " ; qu'ainsi, à supposer même que les faits reprochés par l'appelante puissent être considérés comme constitutifs de pratiques discriminatoires mises en œuvre au sein dudit réseau, ils ne sauraient avoir eu un éventuel effet sur la concurrence et revêtir de ce fait un quelconque caractère illicite au sens de l'article susmentionné ;

Sur les autres pratiques discriminatoires alléguées

Considérant qu'indépendamment des dispositions législatives susvisées dont excipe la société Auto Loisirs s'il appartient, en stricte application du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à tout fournisseur d'organiser le mode de distribution de ses produits et de procéder aux modifications et rationalisations jugées nécessaires, le titulaire du réseau, en l'occurrence la société concédante, se doit, cependant, de traiter ses concessionnaires sur le fondement des critères définis et objectivement fixés et d'appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire sauf à méconnaître l'obligation de loyauté contractuelle ;

Considérant que la société Auto Loisirs soutient, tout d'abord, qu'alors qu'elle était " strictement tenue d'une obligation de non-discrimination à l'égard de ses distributeurs que ce soit lors de leur intégration au sein du réseau, durant l'exécution des accords de distribution ou lors de leur éventuelle exclusion " la société Honda Motor Europe aurait usé des pratiques discriminatoires à son endroit au travers de l'exigence de halls d'exposition séparés, de la non-fourniture de la nouvelle signalétique Honda ainsi que de la fixation d'objectifs et de conditions d'achat discriminatoires ;

Considérant que s'agissant de l'exigence de halls d'exposition séparés, l'appelante soutient que l'intimée n'était nullement en droit de lui imposer "la séparation de son showroom par une cloison intégrale plafond plancher non transparente des halls Suzuki et Honda" et que cette obligation serait " totalement discriminatoire dans la mesure où elle n'a pas été définie de façon objective uniforme et transparente dans les critères qualitatifs d'agrément opposables à tous les distributeurs du réseau " ;

Considérant, toutefois, que l'exigence contestée ne constitue que la simple mise en œuvre des stipulations de l'article 3-1 du contrat aux termes duquel : " le concessionnaire s'abstiendra de fabriquer, acheter, vendre, revendre ou de faire tout commerce de véhicules automobiles neufs autres que les véhicules automobiles. Il pourra toutefois présenter, vendre ou revendre d'autres véhicules automobiles pour autant qu'il le fasse dans des locaux séparés, par le biais d'une entité légale distincte et sous la direction d'une équipe de management distincte et d'une manière évitant toute confusion entre les marques " ; qu'ainsi prévoir un calendrier d'exécution des travaux de séparation ne représente qu'une modalité d'exécution d'une obligation essentielle du contrat et ne saurait, sauf à méconnaître le principe même de la force obligatoire des conventions légalement conclues, être regardé comme un " investissement abusivement exigé " ou " l'imposition d'une " nouvelle exigence de la société HME-S ayant pour effet d'imposer des investissements non justifiés et non exigibles au regard des critères de sélectivité qualitative " ;

Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que l'intimée avait conclu avec tous les concessionnaires se trouvant dans la même situation que la société Auto Loisirs, c'est-à-dire ne disposant pas d'un hall d'exposition séparé dédié exclusivement à la marque Honda, un avenant identique ou similaire à celui signé avec la société Auto Loisirs ; qu'aucune pratique discriminatoire susceptible de permettre de prononcer la nullité du protocole susmentionné ne saurait donc lui être imputée de ce chef ;

Considérant que la société Auto Loisirs prétend, en deuxième lieu, que la société HME-S " a défini une nouvelle identification de ses points de vente officiels lors de la mise en place de son nouveau réseau de distribution sélective à la fin de l'année 2003 " ; qu'elle était " tenue de veiller à n'opérer aucune discrimination entre les membres concurrents de son réseau sélectif en prévoyant une mise en conformité concomitante de tous ses points de vente ", que " cela est d'autant plus vrai qu'en matière d'identification toute discrimination était nécessairement susceptible de conférer aux yeux de la clientèle un avantage dans la concurrence à ceux qui bénéficieraient en priorité de cette nouvelle signalétique par rapport à ceux arborant l'ancienne comparativement obsolète et moins attractive " ; que si l'appelante indique à cet effet qu'elle " aurait été la seule de France à ne pas bénéficier à terme du remplacement de sa signalétique plus de 5 ans après la mise en place du programme de renouvellement ", il résulte des documents versés aux débats que dans le cadre de la mise en place du programme de la nouvelle identification, la société HME-S avait adressé un courrier électronique à la société Auto Loisirs le 19 juillet 2004 lui transmettant l'étude d'implantation effectuée par la société Arlux sur le site ; que compte tenu de l'exclusivité de marque et de la séparation des halls d'exposition Honda et Suzuki découlant de cette exclusivité, la société HME-S demandait à ce que l'une des enseignes Suzuki se trouvant du côté de la partie du hall dédiée désormais à la marque Honda soit déplacée afin de préserver la cohérence de la séparation des marques ; que l'intimée réitérait cette demande les 3 novembre 2004 et 29 mars 2005 ainsi qu'à l'occasion de la sommation interpellative du 8 juin 2005 ; que dans sa lettre du 12 janvier 2006, l'intéressée soulignait encore : " Enfin, nous vous rappelons une nouvelle fois que la pose de notre nouvelle identification est freinée par l'existence, en façade de la vitrine Honda, d'un panneau Suzuki que nous vous avons demandé de déplacer. Nous attendons toujours votre réponse sur ce point, après quoi, nous pourrons procéder à la pose des enseignes " ; que, par suite, seule l'absence de déplacement de l'enseigne Suzuki située du côté du showroom Honda a empêché la mise en place de la nouvelle signalétique ; qu'une telle demande n'avait nullement pour objet, ainsi que le prétend l'appelante, " de faire autoritairement échec aux activités multimarques " de celle-ci mais seulement de permettre l'application de l'article 3-1 du contrat de concession exigeant d'éviter toute confusion entre les différentes marques commercialisées par le concessionnaire ; que, dès lors, n'ayant jamais déféré à cette demande ni même justifié qu'eût été entreprise une quelconque démarche en ce sens auprès de Suzuki France, la société Auto Loisirs ne saurait désormais utilement reprocher à la société HME-S d'avoir sursis à la mise en place de la nouvelle identification ;

Considérant qu'en troisième lieu, la société Auto Loisirs excipe de "discrimination dans les conditions d'achat" et soutient que l'intimée " feint de ne pas avoir saisi le véritable enjeu de la discussion qui ne porte nullement sur une simple fixation d'objectif mais en réalité sur une véritable pratique discriminatoire en matière de prix d'achat entre membres d'un même réseau de distribution sélective. Ces pratiques anticoncurrentielles sont d'une telle gravité qu'elles ont eu pour objet et surtout pour effet, comme ce fut le cas en l'espèce, d'évincer purement et simplement un opérateur économique de son réseau de distribution " ;

Considérant, néanmoins, qu'il sera relevé que les prix facturés par la société HME-S à ses concessionnaires sont identiques pour tous et que la discrimination alléguée a trait, en réalité, à la définition des primes d'objectif perçues par les concessionnaires en fonction de la réalisation des objectifs retenus ; que sur ce point, il échet de rappeler que l'article 12 du contrat de concession intitulé " objectif de vente " stipulait : " Le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire et au titre de chaque année civile, un nombre limité de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers expert en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de ventes pour le territoire et au niveau national. L'expert sera choisi d'un commun accord. A défaut d'accord, il sera désigné par le président du Tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé à la requête de la partie la plus diligente. L'avis du tiers expert liera les parties et ne sera susceptible d'aucun recours... " ; que conformément à ces dispositions, des annexes ont été convenues entre les parties à l'effet d'établir les objectifs annuels ; que c'est ainsi que l'objectif annuel pour 2004 a fait l'objet d'un avenant en date du 25 mars 2004, signé par les parties, la société Auto Loisirs, par l'intermédiaire de son gérant, M. Sananes, ayant apposé, outre sa signature et le cachet de la société, la mention "lu et approuvé" ; que ledit objectif, lequel s'est élevé à 75 VN, a été fixé de manière objective, conformément aux stipulations contractuelles, après étude des statistiques d'immatriculations sur le marché expurgé (marché "clients particuliers") et des réalisations antérieures du concessionnaire comme explicité par la société HME-S dans son courrier du 25 mars 2005 aux termes duquel : " Pour l'année 2004, HME-S a repris la part de marché expurgée 2003 du concessionnaire, majorée de 0,05 % correspondant à l'augmentation de la part de marché que s'était fixée la société HME-S au niveau national et souhaitant passer de 0,28 % à 0,33 % ; en fait la société HME-S parviendra à porter sa part de marché à 0,34 % en 2004. Elle l'a appliqué à son résultat 2003. Ce qui, dans le cas de Auto Loisirs donnait le calcul suivant : 69 véhicules (0,71 % + 0,05 %) / 0,71 % = 74 véhicules pondérés sur la moyenne France à 75 véhicules " ; que si cet objectif représentait effectivement une augmentation d'environ 10 % par rapport aux réalisations de l'année antérieure, il ne peut cependant qu'être regardé comme réaliste et non excessif dès lors que dans le même temps les immatriculations de la marque Honda au niveau national sont passées de 5547 VN en 2003 à 6756 VN en 2004, soit une augmentation de 21,8 % ; que, par suite, la fixation dudit objectif, en stricte application des stipulations contractuelles et au regard d'éléments purement objectifs, ne présente nul caractère fautif ou intrinsèquement discriminatoire ;

Considérant que si pour l'année 2005 les parties ne sont pas parvenues à la conclusion d'un accord relativement à l'objectif assigné, le chiffre de 88 véhicules proposé par la société intimée a été clairement explicité dans le courrier adressé à la demanderesse le 25 mars 2005 et l'appelante s'est, pour sa part, abstenue de recourir à la désignation d'un expert indépendant ainsi que les stipulations contractuelles le lui permettaient ; qu'au demeurant, l'objectif litigieux de 88 VN ne peut qu'être regardé comme parfaitement réaliste au regard des perspectives de développement de la marque Honda et des réalisations de la société Auto Loisirs les années précédentes ; qu'en effet, il importe de relever que cette dernière, selon ses propres chiffres, a vendu 93 véhicules en 2000 et 83 en 2002 ; que, par ailleurs, il sera souligné que les ventes de la marque Honda au niveau national ont connu une progression importante de 31,4 % par rapport à l'année 2004 (passant de 6756 VN à 8879 VN), elles-mêmes en progression de 22 % par rapport à 2003 puisque passant de 5547 VN à 6756 VN ; qu'aucune faute ne saurait donc être imputée à l'intimée dont " les objectifs ont été fixés de manière objective en fonction des performances commerciales concrètes réalisées par la marque considérée sur le territoire national ainsi qu'au regard des spécificités locales du marché sur le territoire même de la concession " ; que la méthode arrêtée se fonde de façon à la fois concrète et objective tant sur les performances de la marque au niveau national et régional que sur les résultats antérieurs du concessionnaire concerné, permettant ainsi d'arrêter, à l'issue d'un calcul mécaniste, nécessairement exclusif de tout caractère discriminatoire ou subjectif les objectifs assignés pour chaque année ;

Considérant également qu'ainsi que les Premiers Juges l'ont pertinemment relevé ni l'article 12 précité ni aucune autre stipulation du contrat et de ses annexes ne font référence à l'existence de "primes" d'objectif ; que celles-ci ne sont donc pas un élément du contrat de concession mais seulement un outil d'incitation commerciale sur lequel le concessionnaire ne dispose d'aucune droit conventionnel ; qu'en tout état de cause s'il est établi qu'une réalisation à 130 % autorisait la perception d'une prime de 4 %, il importe de relever qu'une réalisation inférieure permettait néanmoins au concessionnaire de percevoir des primes, et ce, dès l'atteinte d'un seuil de réalisation de 80 % (0,50 % de primes), une réalisation à 100 % lui permettant de percevoir une prime de 2,50 % (contre 1 % dans le système antérieur) ;

Considérant, en quatrième lieu, que s'il est également prétendu que "la volonté d'exclusion de la société HME-S s'est encore manifestée lorsqu'elle a refusé à la société Auto Loisirs l'accès à un concours vendeurs et concessionnaires" au motif qu'elle n'avait pas signé l'avenant 2005 relatif à l'objectif avant le 13 mai 2005, il ressort de l'article 2 du règlement annexé à la circulaire n° 26 du 25 avril 2005 que ce concours s'adressait exclusivement aux vendeurs des concessions Honda sous réserve que l'avenant 2005 soit signé avant le 13 mai 2005 ; qu'ainsi la société Auto Loisirs, en refusant de signer l'avenant 2005 définissant son objectif annuel de vente, s'est exclue elle-même du concours et ne saurait imputer cette circonstance à une quelconque manœuvre de la part de l'intimée ;

Considérant, en cinquième lieu, que la société appelante reproche à la société HME-S d'avoir procédé " à une forte diminution de l'encours fournisseur qu'elle lui accordait habituellement dans le seul but de la contraindre à cesser ses activités " ; qu'il sera, toutefois, rappelé que, comme tout concessionnaire, la société Auto Loisirs bénéficiait d'une ligne d'encours dont le montant était fonction de celui de la caution bancaire qu'elle fournissait et de la qualité de sa structure financière ; que, jusqu'au 12 janvier 2007, l'intimée bénéficiait d'une caution bancaire de 98 000 euro ce qui permettait à la société Auto Loisirs de disposer d'une ligne d'encours de 300 000 euro correspondant à trois fois le montant de la caution ; que celle-ci ayant été ramenée à la somme de 20 000 euro, la ligne d'encours fut réduite en conséquence à 60 000 euro dans l'attente d'une revalorisation de la caution ; que tel n'ayant pas été le cas et l'analyse de la situation financière de la société Auto Loisirs ayant révélé une dégradation structurelle, la ligne d'encours fut réduite à deux fois le montant de la caution, soit 40 000 euro dans l'attente de la délivrance d'un complément de caution permettant de revaloriser à due concurrence la ligne d'encours ; qu'aucune caution complémentaire n'ayant, cependant, été fournie, la ligne d'encours s'est trouvée maintenue à 40 000 euro, la société HME-S précisant dans son courrier à la société Auto Loisirs du 22 janvier 2007 : " dans l'hypothèse où vous ne pourriez pas procéder à la fourniture de cette caution complémentaire, nous attirons votre attention sur le fait que tout véhicule commandé au-delà des plafonds d'encours accordés, ne pourra être libéré qu'après réception d'un chèque bancaire correspondant. Nous restons à votre disposition pour en discuter (...) " ; que, dès lors, si la réduction de la ligne d'encours peut avoir effectivement pesé sur la trésorerie de la société Auto Loisirs, cette situation n'est que la résultante de sa propre décision de non-revalorisation de la caution et en aucun cas de prétendus agissements déloyaux de la société HME-S ;

Considérant, enfin, que si l'appelante prétend qu'elle aurait été " contrainte, parfois, de procéder à des ventes à perte ", la pièce qu'elle produit à cet effet, n'est aucunement justificative de son affirmation que rien ne corrobore ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'aucune des " pratiques discriminatoires " reprochées à la société concédante par l'appelante n'est établie ; que sa responsabilité ne saurait, dès lors, être engagée à ce titre, la société intimée ne pouvant prétendre que " par ses agissements fautifs et discriminatoires, la société HME-S a fait échec à l'exécution normale du contrat " ;

Sur " l'exclusion de la société Auto Loisirs du réseau de distribution Honda "

Considérant que la société Auto Loisirs soutient que si la résiliation notifiée en 2006 " est régulière en la forme au regard des dispositions du contrat, il n'en demeure pas moins qu'elle n'était nullement de nature à lui permettre d'exclure effectivement la société Auto Loisirs de son réseau ", puisque " s'agissant d'un système de distribution sélective et d'un contrat de distribution sélective (...) l'exclusion de tout membre (...) doit intervenir pour un juste motif, soit en cas de faute grave prouvée, soit en cas de non-respect des conditions d'agrément encore dénommées critères qualitatifs de sélection " ;

Considérant, toutefois, que la résiliation litigieuse est intervenue sur le seul fondement de l'article 34 du contrat considéré qui permet aux parties d'y mettre fin moyennant un préavis de deux ans et sans avoir à motiver la cause de la rupture ; que c'est en stricte application de cet article qu'a été prononcée ladite résiliation ; que la circonstance selon laquelle la lettre de résiliation faisait allusion à l'assignation délivrée par la société concessionnaire est sans influence sur l'exercice par la société concédante de sa faculté de mettre fin à un engagement à durée indéterminée ; qu'enfin, aucune preuve n'est rapportée que le concédant eût entretenu son concessionnaire dans la croyance erronée dans une pérennité de l'engagement les liant ; que, plus généralement, le concessionnaire n'a nul droit acquis à la poursuite indéfinie des relations contractuelles avec le concédant ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de toute circonstance propre à rendre abusive la résiliation notifiée dans le délai contractuel de préavis, la société Auto Loisirs ne peut être que déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur son " exclusion " du réseau Honda ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de rejeter l'ensemble des prétentions de l'appelante ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute la société Auto Loisirs de l'ensemble de ses prétentions, la Condamne aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, la Condamne également à payer à la société Honda France la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.