CE, 4e et 1re sous-sect. réunies, 3 décembre 1980, n° 12814
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gazier
Commissaire du gouvernement :
Mme Hagelsteen
Rapporteur :
M. Pauti
LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juin 1978, présentée pour les Assurances du groupe de Paris, risques divers, dont le siège social est à Paris 9, par leur président-directeur général en exercice, pour la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France, dont le siège social est à Niort Deux-Sèvres, par son directeur général, pour la Mutuelle de Poitiers, dont le siège social est à Poitiers ; par son directeur général, pour la Populaire vie et la Populaire I.R.D. dont le siège social est à Paris XVe 11-13 square Max Hymans représentée par leur administrateur directeur général, pour l'Union des assurances de Paris IARD, l'Union des assurances de Paris-vie, l'Union des assurances de Paris-capitalisation, dont le siège social est à Paris 1er, 9, place Vendôme, représentées par leur président en exercice et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services ; Vu la loi n 78-23 du 10 janvier 1978, et notamment son article 35 ; vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, peuvent être interdites, limitées ou règlementées, par des décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la commission instituée par l'article 36, en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés, les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions, lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif" ; qu'en vertu du deuxième alinéa dudit article "de telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précèdent, sont réputées non écrites" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le Gouvernement n'est autorisé à utiliser les pouvoirs qu'il tient du premier alinéa de l'article 35 précité de la loi du 10 janvier 1978 que pour interdire, règlementer ou limiter les seules clauses relatives aux éléments contractuels limitativement énumérés audit alinéa et qui peuvent être considérées comme abusives en raison des conditions de leur intervention et de leurs effets ; qu'en prescrivant par l'article 1er du décret du 24 mars 1978 pris en application de la loi du 10 janvier 1978 que "dans les contrats conclus entre des professionnels d'une part, et, d'autre part, des non-professionnels ou des consommateurs, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article 35 de la loi susvisée, la clause ayant pour objet ou pour effet de constater l'adhésion du non-professionnel ou consommateur à des stipulations contractuelles qui ne figurent pas sur l'écrit qu'il signe" , le Gouvernement a interdit une clause dont l'objet peut porter sur des éléments contractuels autres que ceux limitativement énumérés dans cet alinéa, qui ne révèle pas dans tous les cas un abus de puissance économique et qui ne confère pas nécessairement un avantage excessif aux professionnels ; que, dès lors, ces dispositions, en raison de leur généralité, n'entrent pas dans les limites de l'habilitation que le Gouvernement a reçue du premier alinéa de l'article 35 de la loi précitée ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'article premier du décret attaqué est entâché d'excès de pouvoir ;
Décide :
Article 1er : l'article premier du décret du 24 mars 1978 est annulé.
Article 2 : la présente décision sera notifiée aux Assurances du groupe de Paris, risques divers, à la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France MACIF, à la Mutuelle de Poitiers, à la Populaire vie et à la Populaire incendie et risques divers, à l'Union des assurances de Paris, incendie, accidents, risques divers, à l'Union des assurances de Paris-vie, à l'Union des assurances de Paris-capitalisation, au Premier ministre et au ministre de l'Economie.