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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 8 janvier 2016, n° 14-09508

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC-Que Choisir

Défendeur :

eBay Europe (SARL), eBay International AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Greff-Bohnert

Conseillers :

Mmes Chesnot, Hecq-Cauquil

Avocats :

Mes Bodin Casalis, Nasry, Etevenard, Khonsari

TGI Paris, du 5 févr. 2013

5 février 2013

La société eBay Europe SARL qui exploite le site www.ebay est une communauté d'achat et de vente de biens et services en ligne ; elle indique sur son site qu'elle se donne pour mission de fournir une plate-forme commerciale internationale à partir de laquelle on peut quasiment tout acheter et qu'elle est la partenaire contractuel des utilisateurs eBay résidant en France.

Parmi les outils logiciels qu'elle propose aux vendeurs, elle a créé un programme dit " PowerSeller " destiné à distinguer les vendeurs exemplaires faisant preuve d'un grand professionnalisme, qui possèdent un profil d'évaluation constitué d'au moins 98 % d'évaluations positives, qui réalisent un excellent chiffre d'affaires ou vendent un grand nombre d'objets par mois et qui respectent les règlements eBay. Sur le site, il est conseillé aux acquéreurs de " Rechercher le logo PowerSeller à côté du pseudo de certains membres : il s'agit de notre marque de reconnaissance destinée aux PowerSellers. Garantie d'une transaction réussie, ce logo indique que vous avez affaire à un vendeur qui répond aux conditions définies par eBay. "

Entre les 4 et 7 décembre 2009, 58 personnes ont acquis auprès de la société Mobile Destock, vendeur opérant sur le site eBay avec le label " PowerSeller ", un objet high-tech et le jour de leur achat, les intéressés ont reçu un message émanant d'eBay les invitant à payer leur vendeur dans les plus brefs délais afin de recevoir l'objet le plus tôt possible et à utiliser PayPal " le mode de paiement simple et sécurité (sic) pour acheter vos achats eBay... ".

Au moment d'effectuer leur règlement, ils ont été avisés par un courriel adressé par un représentant de la société Mobile Destock au moyen de l'adresse " [email protected] " de l'impossibilité d'utiliser le mode de règlement préconisé, " Pay Pal ", de sorte qu'ils ont procédé à un virement bancaire dans les jours suivants ; toutefois, l'objet acheté n'a jamais été livré.

Le 8 décembre 2009, aux termes d'un courriel réceptionné peu avant 10 heures avec des variations de quelques minutes selon les destinataires, les utilisateurs eBay concernés par une transaction avec la société Mobile Destock ont reçu un avertissement suivant intitulé " message important d'eBay sur la sécurité " leur recommandant vivement de ne pas finaliser cette transaction. Les acquéreurs ayant déjà payé leur achat ou l'ayant fait postérieurement au message n'ont pas été indemnisés de leur perte, le service clients d'eBay les invitant à se faire rembourser auprès du vendeur.

Dès le 9 décembre et à plusieurs reprises, la société Mobile Destock a averti ses clients qu'elle rencontrait des difficultés à honorer les livraisons et s'attachait à les rembourser ; puis, le 6 janvier 2010, elle les a avisés de la liquidation judiciaire de ses fournisseurs entraînant, selon elle, sa propre liquidation et son impossibilité de restituer les paiements effectués.

Le Tribunal de grande instance de Paris a été saisi par l'association UFC-Que Choisir rejointe par les 58 consommateurs intervenant volontairement à l'instance aux fins principales de voir reconnaître que la société eBay Europe SARL met en œuvre des pratiques commerciales trompeuses vis-à-vis des consommateurs en proposant un statut de " PowerSeller " à des vendeurs remplissant certaines conditions de manière à ce que l'acquéreur soit garanti d'une transaction réussie et dire que la société eBay International AG ne peut s'exonérer de sa responsabilité en qualité de simple hébergeur.

Par jugement contradictoire rendu le 5 février 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité visant l'action de Monsieur Dominique Guillaume ;

- rejeté l'exception d'irrecevabilité visant les demandes présentées à l'encontre de la société eBay Europe SARL ;

- reçu la société eBay International AG en son intervention volontaire ;

- débouté l'association UFC-Que Choisir et les 58 consommateurs intervenants volontaires de leurs demandes ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG ;

- condamné l'UFC-Que Choisir à payer à la société eBay International AG la somme de 4 000 euro et 4 000 euro à la SARL eBay Europe en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre la charge des dépens ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile formées à l'encontre des requérants intervenants volontaires ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné l'association UFC-Que Choisir aux dépens.

Pour l'essentiel, le tribunal a dit que eBay Europe SARL a assuré la sécurité des consommateurs rapidement et conformément aux règlements contractuels, après avoir eu connaissance des manquements de la société Mobile Destock, vendeur sur le site de matériels high-tech, que dans le contexte de l'ensemble des informations par ailleurs communiquées sur le site eBay et notamment celles incitant à utiliser le mode de paiement sécurisé PayPal, le consommateur normalement diligent ne pouvait ignorer que, malgré les indications relatives au statut de " PowerSeller " défini comme " vendeur qui répond aux conditions définies par eBay " et assurant la " garantie d'une transaction réussie ", il restait le risque inhérent à tout achat effectué en ligne et réglé avant sa livraison, risque majoré par le fait que le système PayPal ne fonctionnait plus. Dès lors, le tribunal a refusé de reconnaître une pratique commerciale trompeuse dans la présentation faite par eBay du statut " PowerSeller " accordé à certains vendeurs et dans la description des caractéristiques s'y attachant.

D'autre part, le tribunal a rejeté les demandes formées par l'UFC-Que Choisir et les intervenants 3 volontaires sur le fondement de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation, refusant de retenir la responsabilité de plein droit des défenderesses, pour la société eBay International AG du fait qu'il s'agit de ressortissants de l'Union européenne et pour la société Ebay Europe en l'absence d'inexécution relevée dans l'information sur le sens du label " PowerSeller ", dans la surveillance du vendeur ou encore dans la prise en compte des comportements signalés.

L'UFC-Que Choisir a interjeté appel de cette décision le 29 avril 2014. Par conclusions signifiées le 6 octobre 2015, l'appelante demande à la cour au visa des articles 2 et 4 du Code de procédure pénale, des articles L. 411-1, L. 421-1 et L. 421-2 et suivants, L. 121-1 et suivants, L. 121-20-3 des articles du Code de la consommation, de l'article 1382 du Code civil, l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 dite loi pour la confiance dans l'économie numérique et des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date 5 février 2013 en ce qu'il a :

* rejeté l'exception d'irrecevabilité visant l'action de Monsieur Dominique Guillaume ;

* rejeté l'exception d'irrecevabilité visant les demandes présentées à l'encontre de la société eBay Europe SARL ;

* reçu la société eBay International AG en son intervention volontaire ;

- réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 5 février 2013 pour le surplus : statuant à nouveau :

- constater que les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG ont mis en œuvre des pratiques commerciales trompeuses vis-à-vis des consommateurs, en indiquant que les vendeurs bénéficiant du statut de " PowerSeller " respectent l'ensemble des règlements eBay et que le logo " PowerSeller " est la garantie d'une transaction réussie, sans s'assurer de la réalité de ces affirmations ;

- constater que les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG ont mis en œuvre une prestation de service sur leur site Internet consistant dans la réalisation d'un programme " PowerSeller ", outil d'aide à l'achat à destination des consommateurs ;

- dire et juger que les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG sont responsables de plein droit à l'égard des consommateurs de l'absence de vérification par elles de ce que les " PowerSellers " remplissent effectivement les conditions requises par ce statut ;

- ordonner la cessation de l'ensemble des allégations figurant sur le site Internet www.ebay.fr selon lesquelles les " PowerSeller " respectent les règlements eBay, et le logo " PowerSeller " est une garantie de transaction réussie ;

- dire que cette cessation devra intervenir dans un délai de sept jours à compter de la signification du jugement à intervenir, à peine d'astreinte de 10 000 euro par jour de retard constaté ;

- enjoindre aux sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG d'informer les consommateurs lors de la conclusion de chaque vente que le statut de " PowerSeller " n'est pas une garantie de sérieux et de fiabilité de chaque transaction ;

- condamner solidairement les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG à la publication d'un communiqué judiciaire relatif au jugement à intervenir et dans les délais, termes et typographie 4 précisés dans les conclusions, dans les journaux Le Monde, Libération et Le Parisien à leurs frais et à concurrence de 10 000 euro par insertion et à peine d'astreinte de 10 000 euro par jour de retard constaté ainsi que sur le site Internet www.ebay.fr ;

- condamner solidairement les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG à verser à l'association UFC-Que Choisir la somme de 100 000 euro en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs ;

- condamner les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG à verser à l'association UFC-Que Choisir la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- en tout état de cause, débouter les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, exposées tant en première instance qu'en cause d'appel ;

- condamner solidairement les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG aux entiers dépens.

A l'appui de son appel, l'UFC-Que Choisir soutient que les pratiques commerciales trompeuses sont des pratiques déloyales telles que définies par la directive communautaire dite " PCD " du 11 mai 2005 transposée dans le droit interne aux articles L. 120-1 et suivants du Code de la consommation ; qu'il résulte des articles L. 120-1 et L. 121-1 de ce code que dès lors que la pratique dénoncée entre dans les cas listés comme constituant une pratique commerciale trompeuse (articles L. 121-1 et L. 121-1-1), il n'est pas besoin de démontrer au surplus que la pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s'adresse - critères énoncés aux articles L. 121-1 et L. 121-2 - ; que la notion de " pratiques commerciales trompeuses " couvre les pratiques qui, en induisant le consommateur en erreur, l'empêchent de faire un choix en connaissance de cause, de manière efficace ; elle peut être retenue s'agissant d'une pratique qui n'a touché qu'un seul consommateur ; il n'est pas nécessaire qu'elle ait effectivement induit en erreur, il suffit qu'elle ait été de nature à produire cet effet ; elle est interdite qu'elle ait été faite de bonne foi ou de mauvaise foi ; que la personne pour le compte duquel la pratique commerciale trompeuse est mise en œuvre est responsable à titre principal de l'infraction mais que l'annonceur ou la personne bénéficiaire économique des allégations publicitaires peuvent aussi être mis en cause.

En l'espèce, la société eBay Europe SARL, ou à tout le moins la société eBay International AG, ont induit en erreur les consommateurs :

- en s'engageant dans des termes particulièrement rassurants et dépourvus d'ambiguïté et en indiquant que la société Mobile Destock bénéficiait du statut de " PowerSeller " alors qu'elles n'étaient pas en mesure de s'assurer et de garantir qu'à chaque vente, ce vendeur respectait les conditions requises par ce statut ; qu'elles ne fournissaient aucune information intelligible, claire et servie à temps pour alerter les consommateurs sur le fait qu'en réalité, elles n'exerçaient aucun contrôle réel sur la fiabilité des transactions conclus avec les vendeurs " PowerSellers " ; qu'en affirmant que ces vendeurs doivent respecter les conditions de mise en vente d'eBay, notamment l'obligation de livraison et l'engagement de ne pas publier du contenu faux, erroné, trompeur ou diffamatoire, elles ont fait croire au consommateur qu'effectivement, ils respectaient lesdites conditions ; que le silence volontairement gardé par les sociétés ebay sur le fait, que les garanties de bonne fin des transactions conclues avec un vendeur PowerSeller ne visent que les transactions passées, constitue une omission trompeuse au sens de l'article L. 121-1 II du Code de la consommation destinée à faire croire à l'acquéreur que la transaction qu'il va passer est garantie ;

- qu'avisée dès le 2 décembre d'un dysfonctionnement du système PayPal pour des ventes passées auprès de la société Mobile Destock, la société eBay Europe ne pouvait ignorer que depuis cette 5 date, ce vendeur n'était plus éligible au statut " PowerSeller " et elle aurait dû interrompre immédiatement son compte ou pour le moins provoquer un contrôle du respect par la société Mobile Destock des règlements eBay ; qu'en dépit de ces alertes faites directement sur le site eBay, les sociétés ont persisté à adresser des courriers aux consommateurs les invitant à finaliser leurs achats avec la société Mobile Destock ;

- que les sociétés eBay affirment que le règlement par " PayPal " devait être proposé par tout vendeur mais n'en tire aucune conséquence puisqu'avertie de la cessation du service PayPal pour la société Mobile Destock le 3 décembre, elles se sont contentées de conseiller les consommateurs de procéder par virement bancaire ; que si les acquéreurs ont continué à faire des achats auprès de ce vendeur, c'est parce qu'ils étaient rassurés par le logo PowerSeller qui selon eux, leur garantissait la transaction alors même que le paiement par PayPal ne fonctionnait pas ;

- que le message d'alerte que les sociétés eBay affirment avoir délivré aux acquéreurs de Mobile Destock le 8 décembre n'est pas établi, qu'en tout état de cause, il n'a pas été adressé à tous les acheteurs auprès de cette société et n'a pas été une mesure appropriée pour avertir effectivement les consommateurs ;

- que les engagements trompeurs des sociétés eBay et plus particulièrement le programme " PowerSeller " constituent une faute de nature à générer la responsabilité de plein droit pesant sur les commerçants en ligne en application de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation ; que du fait de ces engagements, les sociétés eBay supportent une obligation de résultat de garantir la bonne fin de l'intégralité des ventes conclues entre un consommateur et un vendeur " PowerSeller " ; que la société eBay International AG, qui a excédé ses simples fonctions d'hébergeur est aussi tenue avec la société eBay Europe en sa qualité de commerçant en ligne par cette obligation.

L'UFC-Que Choisir soutient encore que les manquements des sociétés eBay ont causé un préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs, notamment en raison de la déloyauté dont ils ont fait l'objet et que la réparation de ce préjudice doit tenir compte de la puissance commerciale d'eBay, ce qui passe nécessairement par la publication d'un communiqué judiciaire dans trois quotidiens nationaux et sur la page d'accueil du site Internet eBay.

Enfin, l'UFC-Que Choisir considère que la demande reconventionnelle de l'UFC-Que Choisir est irrecevable car tardive au regard du régime procédural de la loi du 29 juillet 1881 (article 53) et subsidiairement mal fondée. Par conclusions signifiées le 4 novembre 2015, les sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG demandent à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par l'UFC-Que Choisir ; -débouter l'UFC-Que Choisir en toutes ses demandes fins et conclusions ;

- recevoir les sociétés eBay International AG et eBay Europe SARL en leur appel incident ; Les y déclarant bien fondées, y faisant droit confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et à titre principal de :

- dire que les sociétés eBay International AG et eBay Europe SARL ont dûment procédé à l'ensemble des vérifications attachées au respect par la société Mobile Destock des conditions requises pour bénéficier du statut de " PowerSeller " et ont réagi avec la plus grande célérité quand ces conditions ont cessé d'être réunies ;

- dire que les sociétés eBay International AG et eBay Europe SARL ne se sont rendues coupables 6 d'aucune des pratiques commerciales trompeuses qui leur sont imputées à tort par l'UFC Que Choisir ;

- dire et juger que la responsabilité de plein droit des sociétés eBay International AG et eBay Europe SARL ne saurait être engagée au titre des faits qui leur sont reprochés par l'UFC Que Choisir ; En conséquence,

- débouter l'appelante de toutes ses demandes fins et conclusions à titre subsidiaire,

- dire et juger qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, la demande en dommages-intérêts formée par l'UFC Que Choisir à l'encontre d'eBay ne repose sur aucune justification sérieuse et l'en débouter ;

- dire et juger que la demande de l'UFC Que Choisir tendant à voir la cour ordonner sous astreinte la cessation de l'ensemble des allégations figurant sur le site Internet d'eBay, selon lesquelles les " PowerSellers " respectent les règlements eBay " est totalement disproportionnée au regard des faits de l'espèce, et l'en débouter ;

- dire et juger que la demande de l'UFC Que Choisir tendant à ce qu'il soit enjoint à eBay d'informer les consommateurs, lors de la conclusion de chaque vente, que le statut de " PowerSeller " n'est pas une garantie de sérieux et de fiabilité des transactions", est totalement disproportionnée au regard des faits de l'espèce, et l'en débouter ;

- dire et juger que les demandes de publication formées par l'UFC Que Choisir sont totalement disproportionnées au regard des faits de l'espèce, et l'en débouter ; En toute hypothèse,

- dire et juger mal fondée la demande formée par l'UFC Que Choisir au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et l'en débouter ;

- condamner l'UFC Que Choisir à verser aux sociétés eBay International AG et eBay Europe SARL la somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du grave préjudice d'image et commercial qui lui a été causé par la publicité faite autour de la présente procédure ;

- condamner l'UFC-Que Choisir à verser 25 000 euros à eBay International AG et 25 000 euro à eBay Europe SARL au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour l'essentiel, les intimées affirment que les conditions générales d'eBay figurant sur le site mentionnent clairement qu'eBay ne se porte pas garante des " PowerSellers " ni ne les approuve, le procédé permettant à un vendeur de bénéficier de ce statut dépendant uniquement d'un ensemble de critères objectifs et prédéterminés.

Elles exposent que jusqu'au 7 décembre 2009, la société Mobile Destock, qui avait obtenu ce statut de " PowerSellers " le 12 juin 2009, réunissait tous les critères fixés pour bénéficier de ce statut, que du 2 au 6 décembre 2009, le vendeur Mobile Destock a rassemblé 17 évaluations, dont 8 neutres et 2 négatives liées au refus de PayPal, que la situation est devenue préoccupante et inhabituelle le 7 décembre en raison de l'afflux d'évaluations (41 dont 30 négatives), que dès le 8 décembre entre 1 et 2 heures du matin, elle a suspendu l'activité de Mobile Destock sur le site eBay et adressé aux 7 personnes en cours de transaction avec cette venderesse un courriel d'avertissement. Elles considèrent qu'en ce faisant, elles ont agi avec réactivité et diligence. Elles font par ailleurs valoir que les conditions générales du statut " PowerSeller " sont claires et ne peuvent induire en erreur le consommateur, notamment sur l'absence de garantie par eBay de bonne fin pour chaque transaction.

Sur l'application de l'article L. 121-20-3 alinéa 3 du Code de la consommation, les sociétés eBay considèrent qu'aucune inexécution ou mauvaise exécution ne peut leur être reprochée et que la société Mobile Destock est un tiers au contrat liant le consommateur à eBay et non un prestataire de services de sorte qu'elle n'encourt pas de responsabilité de plein droit.

A titre subsidiaire, si la cour retient une faute à leur encontre, les sociétés eBay sollicitent que la réparation du dommage subi par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir qui a refusé de participer à une réflexion commune soit réduite à sa plus petite expression, soit à 1 euro symbolique. Enfin, elles considèrent que les demandes tendant à voir effacer du site eBay les allégations que l'UFC-Que Choisir considère mensongères et à voir ordonnées des communications judiciaires sont mal fondées.

En dernier lieu, les sociétés eBay sollicitent la réparation de leurs préjudices commerciaux et d'image, l'UFC-Que Choisir ayant fait de la publicité sur la présente procédure dans la presse.

Les 58 particuliers, intervenants volontaires en première instance, n'ont pas interjeté appel.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 17 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'appelante sollicite la confirmation des dispositions par lesquelles le tribunal de grande instance a rejeté l'exception d'irrecevabilité visant l'action de Monsieur Dominique Guillaume, rejeté l'exception d'irrecevabilité visant les demandes présentées à l'encontre de la société eBay Europe SARL et reçu la société eBay International AG en son intervention volontaire. Dès lors que les intimées ne forment pas appel incident à l'encontre de ces dispositions, la cour confirme ces dispositions.

Par ailleurs, force est de constater que la société eBay International AG n'invoque plus en cause d'appel la dérogation prévue par l'article 14 de la directive 2000/31 et l'article 6-1-2 de la loi LCEN.

Enfin, il est acquis aux débats devant la cour que la société eBay International AG est l'hébergeur juridique du site www.eBay.fr et que la SARL eBay Europe est le partenaire contractuel des utilisateurs du site pour l'Union européenne. Il ressort des conditions générales d'accès aux services d'eBay que la société de droit suisse eBay International AG est aussi désignée comme " partenaire contractuel " des utilisateurs du site pour les autres pays hors Union européenne et Etats-Unis d'Amérique.

Sur la pratique commerciale trompeuse :

Il appartient à la cour d'apprécier si les informations prodiguées sur le site eBay et relatives au statut " PowerSeller " sont trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation lu au regard de la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005, notamment de son article 2 qui pose expressément la condition que la pratique en cause doit être de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen, c'est-à-dire normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

La cour constate qu'après avoir fait une exacte appréciation des faits, les premiers juges ont justement appliqué la loi en décidant qu'il ne peut être imputé aux sociétés eBay Europe SARL et eBay International AG une pratique commerciale trompeuse, sauf à ajouter compte-tenu de l'évolution du litige en cause d'appel et préciser les points suivants :

- l'appelante qui est aussi la partie demanderesse en première instance ne fonde pas son action sur les dispositions de l'article L. 120-1 du Code de la consommation qui définit les pratiques commerciales déloyales de sorte que malgré les quelques développements sur cette notion dans le corps des conclusions d'appel, la cour saisie par le dispositif qui ne vise pas ledit article et qui ne forme aucune demande tendant à voir reconnaître une pratique commerciale déloyale n'est pas tenue de statuer sur ce point ;

- à partir du site Internet eBay et sans difficulté particulière, le consommateur peut avoir connaissance des conditions régissant le statut de " PowerSeller " ; les sociétés eBay y exposent les critères retenus pour obtenir et conserver ce statut, ainsi que les conditions d'exclusion et les sanctions en cas de non-respect ; en ce qui concerne les points critiqués par l'UFC-Que Choisir, à savoir le nombre d'évaluations, leur profil (au moins 98 %) et leur note moyenne minimale accordée par les utilisateurs, ces critères sont objectifs et ne laissent aucune marge d'appréciation à eBay ; il en est de même s'agissant du respect des règles de mise en vente d'eBay, l'obligation de proposer " PayPal " étant parfaitement claire et circonscrite ainsi que facile à vérifier ;

- il ressort avec suffisamment de clarté des conditions générales du statut " PowerSeller " qu'eBay ne garantit pas le respect au jour le jour de l'ensemble des obligations qui incombent au vendeur " PowerSeller " et ne procède pas à une vérification systématique du statut à chaque transaction ; en effet, à la lecture de ces conditions, le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé comprend à l'évidence que ces évaluations, qui compte-tenu du nombre très élevé de transactions ne peuvent se faire en temps réel, portent sur une période passée ; outre que cette réserve figure explicitement dans les conditions générales du statut " PowerSeller ", un consommateur moyen sait qu'il ne peut exiger de la société eBay une réactivité immédiate, vente par vente, compte tenu de l'importance de son activité ; de même, ce consommateur ne peut se méprendre et croire qu'eBay garantit la bonne fin de sa propre transaction en lisant l'engagement ainsi libellé : " Garantie d'une transaction réussie, ce logo indique que vous avez affaire à un vendeur qui répond aux conditions définies par eBay " alors qu'aucun terme des conditions générales, voire même par un procédé d'omission, ne laisse penser qu'eBay s'engage à se substituer au vendeur irrespectueux des règles de mise en vente, notamment au stade de la livraison ; en définitive, le consommateur comprend que la transaction est assurée (" garantie ") au regard du comportement exemplaire de ce vendeur au cours des transactions passées ;

- les sociétés intimées rapportent la preuve par un constat d'huissier dressé le 7 février 2012 à partir des bases de données du site Internet et par la liste non contestée par l'appelante des ventes effectuées par Mobile Destock en 2009 qu'aucune transaction n'est intervenue à partir du site eBay au profit de la société Mobile Destock à compter du 8 décembre 2009 à 1h40 ; eBay a réagi avec célérité et efficacité en adressant des courriels d'alerte le 8 décembre vers 1 heure du matin dans la mesure où seul l'afflux d'évaluations négatives les 6 et 7 décembre a entraîné une défaillance objective et incontestable sur l'un des critères du statut " PowerSeller ", alors qu'au préalable, l'impossibilité de payer par " PayPal " n'avait été mentionnée que les 2 et 3 décembre par Madame Bechtel (réponses d'eBay le 3 à 13 heures et le 4 à 16 heures 03) dans un contexte qui peut laisser penser que l'utilisatrice rencontre de simples difficultés à suivre le mode opératoire pour payer par " PayPal " et contacter un vendeur et que ce faible nombre de plaintes isolées dans le temps, pouvant s'analyser comme une incompréhension par l'utilisateur des règles de paiement, n'était pas susceptible d'alerter eBay sur le respect des conditions de vente par la société Mobile Destock ; en suspendant l'accès de la société Mobile Destock au site Internet et en adressant un courriel d'avertissement aux personnes susceptibles d'avoir conclu une transaction avec cette société dans les jours précédents, la société eBay a agi avec efficacité, étant observé que ce message est très clair ; il doit être noté que si 21 personnes sur les 58 intervenues volontairement en première instance affirment ne pas avoir reçu le courriel du 8 décembre, ce sont précisément celles qui ont procédé à un paiement en pure perte auprès de Mobile Destock après le 8 décembre et qui n'ont pas intérêt à reconnaître la réception du courriel d'avertissement de sorte qu'en l'état du dossier, il ne peut être imputé à faute à la société eBay d'avoir négligé d'avertir certains des clients de Mobile Destock ;

- en accordant le label " PowerSeller " à la société Mobile Destock, eBay a voulu rassurer le consommateur en certifiant que cette société venderesse a appliqué les règles de paiement écrites par eBay depuis 60 jours, ce qui était exact jusqu'à la défaillance portant sur le paiement par " Paypal " ; l'attribution de ce label n'était pas susceptible d'altérer le consentement du consommateur moyen, dès lors que ce dernier s'est vu signifier en temps réel l'impossibilité de payer par " Paypal " et qu'il pouvait alors parfaitement renoncer à son achat ; dès lors que la société eBay ne s'était pas engagée à mener la vente à son terme, au besoin en se substituant au vendeur défaillant, qu'elle l'a pas même allégué et que la disparition du paiement par " PayPal " a été clairement signifiée en temps utile à l'acquéreur, ce dernier ne pouvait ignorer qu'en adressant un virement bancaire au vendeur, il acceptait de procéder à un paiement comportant un degré de sécurité moindre.

Sur la responsabilité de plein droit de la SARL eBay Europe :

C'est par une exacte appréciation des faits et une juste application de la loi que les premiers juges ont dit que les demandes formées sur le fondement de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation ne peuvent prospérer dès lors qu'aucune inexécution contractuelle dans l'information des utilisateurs sur le sens du label " PowerSeller " ni dans la surveillance du vendeur et la prise en compte des comportements signalés ne peut être relevée à l'encontre de la société eBay Europe. S'agissant de la société de droit suisse eBay International AG, il n'est pas établi qu'elle s'est comportée comme un commerçant en ligne et a ainsi excédé les fonctions d'hébergeur.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.

Sur la demande reconventionnelle des sociétés intimées :

Les sociétés eBay Europe et eBay International AG sollicitent des dommages et intérêts en réparation des allégations écrites par l'association UFC-Que Choisir dans des articles parus dans la presse nationale et sur Internet, affirmant qu'elles ont nui à son image et ont eu des répercussions négatives sur le plan commercial.

Force est de constater qu'au terme de leurs dernières conclusions, les sociétés eBay ne fondent plus leur demande d'indemnisation sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 mais sur l'article 1382 du Code civil qui a vocation à s'appliquer s'agissant de critiques portant sur un service. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, au vu des pièces produites aux débats, les sociétés eBay échouent à établir que l'association UFC-Que Choisir a excédé son rôle d'information dans le cadre de la défense des consommateurs.

Le jugement déféré qui a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts doit être confirmé.

Sur les autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimées les frais irrépétibles engagés pour la procédure d'appel. Il sera donc fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à leur profit.

L'appelante qui succombe supportera les dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Par ces motifs, LA COUR Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 février 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris ; Condamne l'association UFC-Que Choisir à payer à la société eBay International AG et à la société eBay Europe la somme de 4 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'association UFC-Que Choisir aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par maître Frédérique Etevenard selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.