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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 janvier 2016, n° 14-11634

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AJB Cabinet Jarrier (SARL)

Défendeur :

Crédit Foncier de France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, M. Dabosville

Avocats :

Mes Vignes, Gassenbach, Hinoux, Jourde

T. com. Paris, 16e ch., du 2 mai 2014

2 mai 2014

Faits et procédure

Par contrat du 23 août 1996, la banque La Henin a conclu un mandat mentionné d'intérêt commun avec M. Eric Jarrier, consistant pour celui-ci à mettre la banque en rapport avec la clientèle intéressée par des crédits immobiliers, M. Jarrier, correspondant de la banque, pouvant exercer son mandat " où bon lui semble, mais de préférence dans la zone géographique ci-après déterminée: Puy-de-Dôme et Allier '', et la banque étant elle-même libre de prospecter par ses propres moyens.

La clientèle de M. Jarrier était essentiellement constituée d'apporteurs d'affaires (notaires, avocats, agents immobiliers, promoteurs). En accord avec la banque, M. Jarrier a cédé son mandat le 1er avril 2002 à la SARL AJB Cabinet Jarrier (ci-après AJB), la gérante d'AJB étant son épouse ; un mandat a donc été conclu le 1er avril 2002 entre la banque, devenue Entenial, et AJB.

En mars 2007, après l'absorption d'Entenial par le Crédit Foncier qui disposait déjà de son propre réseau sur les départements susvisés, AJB dit s'être vu interdire sur ledit territoire toute action commerciale de recherche de nouveaux clients, ce qui a généré, selon elle, une baisse de 50 % de son chiffre d'affaires.

A la fin de l'année 2011, un afflux important de dossiers a provoqué des retards de traitement au sein du Crédit Foncier, ce dont Mme Jarrier, gérante d'AJB s'est plainte vivement, notamment par courriel du 4 janvier 2012 adressé au Crédit Foncier et aux correspondants de la banque, qu'elle prenait à témoin, un certain nombre de correspondants connaissant les mêmes difficultés.

En réaction le Crédit Foncier a révoqué, par lettre recommandée AR à AJB en date du 5 janvier 2012, le mandat confié, avec effet immédiat et sans indemnité compensatoire.

C'est dans ces conditions qu'AJB a assigné son mandant en réparation des préjudices qu'elle dit subir au titre de la rupture partielle en 2007 et de la rupture définitive du contrat en janvier 2012.

Par jugement rendu le 2 mai 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la SARL AJB Cabinet Jarrier de toutes ses demandes,

- Condamné la SARL AJB Cabinet Jarrier à payer à la SA Crédit Foncier 2 000 euro au titre de l'article 700 CPC, déboutant ce dernier du surplus de sa demande,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Condamné la SARL AJB Cabinet Jarrier aux dépens de l'instance.

Vu l'appel interjeté le 30 mai 2014 par la société AJB Cabinet Jarrier, contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par l'appelante le 28 novembre 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Dire recevable et bien fondée la société AJB Cabinet Jarrier en son appel.

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 2 mai 2014 en l'ensemble de ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,

Vu le contrat de mandat du 1 er avril 2002,

- Condamner la société Crédit Foncier de France à payer à la société AJB Cabinet Jarrier la somme de 811 493 euro au principal au titre de la révocation partielle du mandat, déduction faite des sommes que le tribunal (sic) sera susceptible de lui allouer au titre de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

Subsidiairement, si la Cour devait retenir le chiffre des commissions versé par le Crédit Foncier,

- Condamner la société Crédit Foncier de France à payer à la société AJB Cabinet Jarrier la somme de 891 305 euro au principal au titre de la révocation partielle du mandat, déduction faite des sommes que le tribunal (sic) sera susceptible de lui allouer au titre de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- Condamner la société Crédit Foncier de France à lui payer la somme de 116 021 euro au principal au titre de la révocation totale du mandat (articles 9b et 10 du mandat litigieux)

- Condamner la société Crédit Foncier de France à lui payer la somme de 45 438 euro au titre de la mauvaise exécution du mandat,

- Condamner la société Crédit Foncier de France à lui payer la somme de 17 562 euro au titre des primes restant dues.

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- Condamner la société Crédit Foncier de France à lui payer la somme de 135 884 euro au principal au titre de la rupture partielle sans préavis du mandat intervenue en mars 2007.

- Condamner la société Crédit Foncier de France à lui payer la somme de 232 042 euro au principal au titre de la rupture totale sans préavis du mandat intervenue le 5 janvier 2012.

En tout état de cause,

- Dire que l'ensemble de ces sommes seront augmentées des intérêts de droit à compter du présent acte introductif d'instance, et que ces intérêts produiront eux même des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil.

- Condamner enfin la société Crédit Foncier de France au paiement d'une somme de 35 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La société Jarrier avance que les demandes en réparation formées à l'encontre du Crédit Foncier sont fondées puisque celles-ci font suite à la rupture partielle de son mandat, en 2007, sans motif légitime et sans préavis, et à la rupture totale, sans préavis et toujours sans motif légitime, de ce même mandat en 2012, par la société intimée.

Raison pour laquelle la société Jarrier sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation du Crédit Foncier à réparer d'abord les conséquences financières de la révocation partielle du mandat en 2007 puis celles résultant selon elle de la révocation du même mandat le 5 janvier 2012.

De même, la société appelante entend solliciter la condamnation du Crédit Foncier à réparer les conséquences qui résultent pour elle de la mauvaise exécution de son mandat par la Banque dans les mois précédents la rupture définitive dudit mandat, cette dernière, estime l'appelante, n'ayant pas traité dans les temps l'ensemble des dossiers transmis pourtant dans les délais impartis par la société Jarrier, générant pour cette dernière d'importantes pertes de commissions.

L'appelante fait valoir qu'à partir de l'année 2007, la société Jarrier ne pouvant plus prospecter de nouveaux clients apporteurs d'affaires sur le secteur dont elle avait la charge, s'est vue contrainte de " vivre " sur sa clientèle acquise antérieurement, son action commerciale n'étant plus limitée qu'aux clients figurant déjà dans ses fichiers et identifiés comme tels par la banque.

À partir de cette date, la société a vu son chiffre d'affaires constitué des commissions versées par le Crédit Foncier diminuer de plus 60 % passant de :

- 407 586 euro en 2006 ;

- 251 086 euro en 2007 ;

- 201 030 euro en 2008 ;

- 121 116 euro en 2009 ;

- 147 233 euro en 2010.

Cette réduction drastique du champ du mandat équivaut, selon l'appelante, à une rupture partielle de celui-ci dont l'article 4 stipule : " Le correspondant pourra exercer son mandat où bon lui semble, mais de préférence dans la zone géographie ci-après déterminée : départements du Puy-de-Dôme et Allier ".

La société Jarrier expose que, de jurisprudence constante, l'amputation d'un secteur de représentation suffit en effet à caractériser la rupture partielle du mandat et de manière générale, une diminution substantielle et soudaine du courant d'affaires avec le mandataire s'analyse en une rupture partielle.

Elle souligne à ce niveau qu'au mépris tant des faits de l'espèce que d'un courant jurisprudentiel pourtant bien établi, le tribunal a considéré que, la lettre envoyée le 1er avril 2007 par le directeur du développement et du réseau commercial du Crédit Foncier n'équivalait pas à une rupture partielle du mandat, lors que ce courrier est pourtant rédigé en des termes non équivoques :

" Madame, Monsieur, Chers Correspondants,

que le développement du réseau des correspondants souhaité par l'Entreprise, se fera, dans un souci de cohérence, sous l'autorité et la responsabilité des DCR. Je vous demande en conséquence de bien vouloir vous conformer pour l'avenir aux recommandations d'Hervé Joly, la précipitation étant mauvaise conseillère, et de cesser, jusqu'à nouvelle instruction de sa part, toute action commerciale sur les secteurs litigieux. "

Selon l'appelante, le Crédit Foncier a non seulement subordonné son mandataire à l'autorité des directeurs régionaux commerciaux, mais également limité sans équivoque le périmètre du mandat confié à la société Jarrier portant initialement sur l'ensemble du territoire national.

La société Jarrier ajoute que sa demande d'indemnisation est non seulement fondée en son principe mais également en son quantum, de sorte que le jugement déféré devra être infirmé sur ce point.

Elle indique en effet que le mandat conclu le 1 er avril 2002 entre la Banque et la société Jarrier est un mandat d'intérêt commun. Et que selon une jurisprudence constante, ce mandat ne peut donc être révoqué que du consentement mutuel des parties ou pour une cause légitime reconnue en justice.

En l'espèce, selon elle, la Banque a invoqué pour diminuer le périmètre du mandat, non pas, comme l'a relevé le tribunal, " le rappel à une concurrence saine et loyale " mais " l'implantation de nouveaux correspondants " dans le cadre de la mise en place du " chantier Cap 2010 ", limitant de plus la marge de manœuvre de son mandataire désormais soumise à l'autorité des Directeurs Commerciaux Régionaux.

Dans le même registre, l'appelante souligne qu'il suffit, pour s'en convaincre, d'une simple lecture du courrier envoyé le 18 avril 2007 par le Directeur du Développement et du Réseau Commercial interdisant à la société Jarrier de mener une campagne de prospection par l'envoi d'un mailing auprès de sa clientèle d'apporteurs d'affaires.

Ce courrier est rédigé en ces termes :

"Dans le cadre de l'activité de votre cabinet, vous avez souhaité réaliser une opération commerciale auprès des professionnels de l'Allier et du Puy-de-Dôme et vous avez à cette fin demandé le 15 mars dernier à Hervé Joly, DCR, de vous fournir la liste des apporteurs P2/P3.

Le 16 mars toutefois, Hervé Joly vous signifiait que cette démarche était totalement prématurée et inopportune et vous demandait en conséquence d'y renoncer.

Je vous confirme ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler lors des dernières rencontres commerciales du 5 avril que le développement du réseau des correspondants souhaité par l'Entreprise se fera, dans un souci de cohérence, sous l'autorité et la responsabilité des DCR.

Je vous demande en conséquence de bien vouloir vous conformer pour l'avenir aux recommandations d'Hervé Joly, la précipitation étant mauvaise conseillère, et de cesser jusqu'à nouvelle instruction de sa part, toute action commerciale sur les secteurs litigieux ".

La société Jarrier estime qu'il ressort des termes de ce courrier qu'elle s'est vue interdire sur les territoires du Puy-de-Dôme et de l'Allier la possibilité de démarcher cette clientèle d'apporteurs d'affaires et de prescripteurs, en méconnaissance des stipulations du mandat dont les termes des articles 4 et 5 sont les suivants :

- le CCF 4 champ d'activité :

" Le correspondant pourra exercer son mandat où bon lui semble, mais de préférence dans la zone géographique ci-après déterminée : départements du Puy-de-Dôme et Allier".

- le CCF 5 condition d'exercice :

" Le correspondant, exercera son mandat en toute indépendance, sans aucun lien de subordination avec la banque qui n'est pas son employeur et n'en assume pas les obligations ".

Pour l'appelante, les premiers juges ne pouvaient, sauf à dénaturer gravement tant les stipulations que les faits de l'espèce, sérieusement retenir que le Crédit Foncier n'a jamais " restreint " le champ d'activité de la société Jarrier, puisque :

- Non seulement, de façon concrète, la société Jarrier ne pouvait plus démarcher que les clients apporteurs d'affaires qui se trouvaient déjà dans ses fichiers, sans pouvoir en rechercher de nouveaux, ce qui a entraîné une chute de plus de 60 % de son chiffre d'affaires annuel.

- Mais, s'agissant de ce portefeuille de clients désormais excessivement réduit, la société Jarrier devait, préalablement à toute démarche, obtenir l'aval des Directeurs Commerciaux Régionaux du Crédit Foncier.

L'appelante précise par ailleurs qu'un rapide comparatif permet d'établir que le chiffre d'affaires réalisé par les autres membres Correspondants du réseau du Crédit Foncier est resté stable alors que celui de la société Jarrier a été diminué de près de 50 % en 2007, soit donc avant la faillite de la banque Lehman Brothers par rapport à 2006 (passant de 408 067 euro en 2006 à 251 086 euro en 2007), ce qui démontre, selon elle, que la crise financière de 2008 n'a aucun rapport avec la perte de chiffre d'affaires de la société Jarrier, laquelle n'est due qu'à la restriction du champ d'activité de son mandat en mars.

- Sur l'indemnité au titre de la rupture partielle du mandat

L'appelante relève que selon une jurisprudence constante, le mandat d'intérêt commun ne peut être révoqué que du consentement mutuel des parties ou pour une cause légitime reconnue en justice.

Elle précise qu'en cas de rupture du mandat d'intérêt commun sans respect des modalités ou causes convenues ou sans qu'il existe une cause légitime de rupture, le mandataire a droit à une indemnité.

Elle ajoute qu'il a été jugé par la Cour de cassation que le fait de confier à une autre personne la représentation de l'entreprise ne constitue pas une cause de révocation légitime du mandat.

Que la jurisprudence la plus récente est encore plus sévère envers le mandant puisqu'elle ne considère pas la réorganisation de l'entreprise comme une cause légitime de révocation du mandat d'intérêt commun.

Qu'en l'espèce, la faute de la Banque est caractérisée puisqu'elle a amputé substantiellement le périmètre initialement octroyé au mandataire sans préavis, au mépris des stipulations du mandat.

La Banque, souligne l'appelante, n'a d'ailleurs rompu partiellement le mandat de la société Jarrier qu'en suite de considérations propres au fonctionnement de son propre réseau de correspondants.

Ainsi, en l'absence de tout motif légitime invoqué par la Banque au moment où elle a rompu partiellement le mandat litigieux, la société Jarrier sollicite une indemnité compensatoire correspondant au préjudice qui résulte pour elle de cette diminution de son champ d'activité.

Elle estime par ailleurs que les dommages-intérêts doivent, conformément au droit commun de la responsabilité et en l'absence de clause sur ce point dans le mandat, couvrir la totalité du préjudice subi par le mandataire. Qu'en l'espèce, la rupture partielle du mandat a causé la perte de toute possibilité pour la société Jarrier d'obtenir de nouveaux clients sur les territoires où elle exerçait principalement son activité et donc de proposer à des interlocuteurs autres que ceux compris dans son fichier client existant, la conclusion de crédits, ce qui s'est traduit, selon l'appelante, par une perte substantielle de son chiffre d'affaires " crédit " résultant de la restriction géographique du périmètre de son mandat.

En conséquence, affirme la société Jarrier, si l'on venait à se référer aux chiffres avancées devant les premiers juges par le Crédit Foncier, elle est bien fondée à demander réparation à titre subsidiaire, à hauteur de 891.305 euro, déduction faite du montant des sommes que le tribunal (sic) est susceptible de lui allouer au titre de l'absence de préavis précédent la rupture partielle sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

- Sur les conséquences financières résultant, selon l'appelante, de l'absence de préavis raisonnable au mépris des dispositions de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce

La société Jarrier avance que la diminution subite du champ du mandat n'a été précédée d'aucun préavis de la banque. Et que ce n'est que lorsque la société Jarrier a fait savoir au Crédit Foncier qu'elle souhaitait lancer une campagne commerciale que la banque a réagi en lui interdisant immédiatement toute action pour la recherche de nouveaux prospects.

Or, ajoute l'appelante, l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, prévoit que le fait " de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée " engage la responsabilité de son auteur.

Le Crédit Foncier doit donc, selon la société Jarrier, réparer le préjudice qui en résulte.

L'appelante fait valoir à ce niveau que selon la jurisprudence, de nombreux critères sont pris en compte dans la détermination de la durée raisonnable du préavis (et notamment, l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur, la notoriété de la marque du fournisseur, l'importance de la part de marché du fournisseur, l'impossibilité pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs de produits équivalents).

Qu'en l'espèce, il convient tout d'abord de prendre en considération la notoriété du mandant et sa situation d'acteur majeur sur le marché considéré et plus précisément sur le secteur qui lui a été octroyé ; de prendre également en considération la situation de dépendance dans laquelle se trouvait la société Jarrier puisque la banque disposait d'un mandat d'exclusivité comme le rappelle l'article 1er du mandat litigieux :

" Le mandat est exclusif.

Le correspondant s'engage à ne conclure aucun autre mandat avec un ou plusieurs établissements de crédit distribuant des crédits immobiliers ".

Cette exclusivité, soutient l'appelante, ne permettait donc pas à la société Jarrier de devenir le correspondant d'autres établissements de crédit. Elle ne pouvait donc maintenir son chiffre d'affaires et continuer à se développer qu'en recherchant d'autres activités susceptibles de ne pas contrarier l'exclusivité dont continuait à bénéficier la Banque étant précisé qu'elle a été contrainte en 2008 de licencier un de ses trois employés.

Elle argue de ce que le développement d'une nouvelle activité suppose un délai suffisant pour permettre son lancement ; que, de surcroît, avant de se voir notifier cette interdiction, la société Jarrier avait réalisé de nouveaux investissements conséquents pour exécuter au mieux les missions de son mandat (signature d'un nouveau bail, réalisation de travaux financés par un prêt).

Ce pourquoi, affirme l'appelante, eu égard à l'ancienneté de la relation et à l'obligation d'exclusivité qui pesait sur la société Jarrier, le préavis raisonnable préalable à une rupture des stipulations du mandat ne pouvait être inférieur à une durée de deux ans.

La société Jarrier mentionne que son chiffre d'affaires moyen, constitué par les commissions versées antérieurement à 2006 s'élève à la somme de 294 304, 50 euro, et que le montant des commissions perdues au titre des années 2007 et 2008 s'élève donc à la somme de 135 884 euro.

Sur les conséquences financières résultant de la rupture définitive du mandat

L'appelante soutient que le 5 janvier 2012, le Crédit Foncier a, par l'intermédiaire de son directeur général délégué, Monsieur Christophe Pinault, adressé une lettre recommandée à la société Jarrier mettant fin à son mandat, sans préavis ni indemnité.

Que l'article 9 b. du mandat dont bénéficie la société Jarrier prévoit qu'une indemnité compensatoire est due en cas de révocation du mandat par la Banque, sauf si la révocation du mandat intervient, " en cas de faute ou de négligence grave du correspondant ".

Qu'il en résulte que ce n'est qu'en cas de faute grave du mandataire que la Banque est fondée à révoquer le mandat sans verser aucune indemnité.

Elle juge que c'est manifestement pour éviter d'avoir à payer l'indemnité prévue par cet article que la Banque a entendu se référer aux stipulations de l'article 9 b.

Dès lors, elle s'estime bien fondée à demander, d'une part, le paiement de l'indemnité compensatoire et de préavis prévue par le contrat de mandat et, d'autre part, l'allocation de dommages-intérêts correspondant au préavis raisonnable dont elle a été privée au mépris des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce.

Sur l'absence de faute grave

La société Jarrier avance que le tribunal a considéré que le seul motif de la révocation du mandat de la société Jarrier est lié à la publicité de ses courriels des 28 décembre 2011 et 4 janvier 2012 aux autres membres de l'ANCA, l'association qui regroupe tous les correspondants de la Banque, dont la société Jarrier.

Mais ce motif ne justifie nullement, selon elle, une rupture du mandat sans indemnité, dès lors que les termes de l'article 9 b du mandat litigieux exigent une faute grave de la part du mandataire pour rompre le contrat sans indemnités.

Elle ajoute que les parties ont eu sur ce point précis l'intention de se référer au régime applicable à l'agent commercial, même s'il n'est pas contesté que le statut d'agent commercial n'est pas applicable à la société Jarrier, ce que le mandat prévoit d'ailleurs expressément.

Sur la qualification de la faute grave dans le cadre d'un tel régime, la société Jarrier estime que la jurisprudence est formelle et considère qu'une telle faute ne peut être constituée que si elle : " porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ".

Or, selon elle, sauf à appliquer à Madame Jarrier un traitement discriminatoire, le motif invoqué par la Banque pour mettre fin sans préavis à son mandat tiré de la " publicité " faite par elle de son mécontentement auprès des autres membres du réseau, ne peut constituer un motif rendant impossible le maintien des relations entre les parties.

C'est pourquoi, ajoute l'appelante, en rompant définitivement et totalement comme elle l'a fait, sans motif sérieux, le mandat de la société Jarrier, dans les circonstances dramatiques qui lui sont totalement imputables, la Banque doit réparer les conséquences qui en résultent pour la société Jarrier, laquelle est bien fondée à solliciter, d'une part, l'indemnité compensatoire et le préavis prévus à l'article 9 b et, d'autre part, l'allocation de dommages et intérêts correspondant au préavis raisonnable dont elle a encore été privée au mépris des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce.

Sur l'indemnité contractuelle

La société Jarrier fait valoir qu'au cours des douze derniers mois, le montant cumulé des commissions versées à la société Jarrier s'élève à la somme de 41 544 euro et que celui des primes annuelles s'élève à la somme de 74 477 euro, et qu'elle est donc bien fondée à demander au titre de l'indemnité compensatoire de rupture le paiement de la somme de 116 021 euro.

Sur l'absence de préavis précédant la rupture totale du mandat

La société Jarrier affirme qu'en vertu de l'article L. 442-6 alinéa 5 du Code de commerce, la Banque aurait dû respecter " un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".

Devant les premiers juges, ajoute l'appelante, le Crédit Foncier a soutenu qu'il serait impossible de cumuler l'indemnité contractuelle et les dispositions de l'article L. 446-6 5° du Code de commerce.

Or ce texte est d'ordre public si bien qu'il s'applique même lorsque le contrat prévoit déjà une durée de préavis, ces dispositions légales permettant d'étendre la durée contractuelle si celle-ci n'est pas raisonnable au regard de la relation commerciale, comme en l'espèce.

Elle souligne qu'un tel préavis doit être d'une durée suffisante pour que le mandataire puisse prendre toute disposition utile afin de donner une nouvelle orientation à ses activités ou trouver d'autres partenaires commerciaux.

La société Jarrier considère qu'au cas particulier, la collaboration des parties a duré 16 ans : elle a débuté par le mandat au nom de Monsieur Jarrier et s'est prolongée suite à la cession dudit mandat à la société Jarrier en 2002. Qu'il convient donc de prendre en compte la durée requise pour mettre en place un nouveau mandat, c'est-à-dire le temps nécessaire pour rechercher un nouveau Correspondant, mettre au point les modalités de la collaboration, définir les produits pouvant faire l'objet de la représentation, assurer la formation des équipes, etc.

Elle ajoute qu'au regard d'une telle durée, un préavis légal, en sus du préavis contractuel de trois mois stipulé à l'article 9 b, aurait dû être respecté par la banque avant la révocation du mandat et, qu'en l'espèce, le préavis raisonnable ne saurait être inférieur à deux années de commissions et primes, soit à la somme de 232 042 euro, correspondant à la somme de 116 021 euro x 2 années.

Que pour s'opposer à cette demande, le Crédit Foncier avait fait valoir devant les premiers juges que le contrat le liant à la société Jarrier ne daterait que de l'année 2002, lors que le contrat de mandat signé par Monsieur Eric Jarrier le 23 août 1996 a été cédé par ce dernier à la société Jarrier, avec l'accord de la banque Entenial (laquelle vient aux droits et obligations de la banque La Henin) ; qu'en conséquence, l'ancienneté de la relation de la société Jarrier avec la banque doit être déterminée en se référant à la date du 23 août 1996.

Sur la faute de la banque dans l'exécution du mandat

La société Jarrier soutient que la Banque ne démontre pas, sauf à l'affirmer, qu'elle a mis tous les moyens en place nécessaires pour résorber la masse de dossiers qui lui avaient été envoyés. Et qu'elle se devait, en sa qualité de professionnel éclairé, d'anticiper et de se doter des moyens nécessaires lui permettant d'exécuter correctement les mandats d'intérêt commun dont elle était titulaire.

Elle considère que c'est également à tort que le tribunal a relevé, suivant une nouvelle fois le raisonnement du Crédit Foncier, l' " incomplétude " de certains dossiers, et que les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce en se fondant sur le seul et unique courriel d'Anne Jarrier envoyé à la Banque le 26 décembre 2011, alors qu'en réalité il résulte de cette correspondance que les éléments nécessaires pour compléter ces dossiers étaient, à cette date, déjà réunis depuis plusieurs jours par la société Jarrier.

L'appelante ajoute que toutes ces captures d'écran font apparaître que fin décembre 2011 et début janvier 2012, seules Madame Anne Jarrier et son assistante, Madame Carole Puget, ont consulté ces dossiers, lors que la Banque ne les a pas même ouverts. Elle estime qu'il s'ensuit que le jugement déféré devra être infirmé puisqu'en ne traitant pas ces dossiers dans les délais convenus, la Banque a commis une faute dans l'exécution du contrat de mandat dont elle doit réparer les conséquences au sens de l'article 1147 du Code civil.

Qu'en conséquence, la société Jarrier est bien fondée à demander le paiement de la somme de 45 438 euro en réparation du préjudice qu'elle a subi en ne percevant pas de commissions pour des dossiers qu'elle avait pourtant adressés à la banque dans les formes et selon les modalités requises.

Sur les primes dues au titre des dossiers finalisés avant la révocation du mandat

En sus des commissions versées au moment de la signature des crédits apportés par la société Jarrier au Crédit Foncier, la société appelante estime avoir droit, en vertu de son mandat à :

- une prime fidélité (calculée sur les trois années précédentes),

- une prime volume (calculée sur le trimestre précédent),

- une prime qualité (calculée sur le trimestre précédent).

La révocation du mandat, ajoute l'appelante, a pour effet de rendre ces sommes exigibles immédiatement, et dès lors, elle sollicite de la part de la banque le paiement de la somme de 17 562 euro au titre des primes dues en raison de l'activité antérieure à la révocation.

Vu les dernières conclusions déposées par la société Crédit Foncier de France, le 6 mars 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris,

- Débouter la société AJB Cabinet Jarrier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- La condamner à payer au Crédit Foncier de France la somme de 4 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- La condamner enfin aux entiers dépens dont distraction au profit de Madame Sabrina Bouix, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur la rupture partielle

L'intimée avance que le Cabinet Jarrier soutient pour la première fois dans le cadre de la procédure judiciaire, tout d'abord, avoir été victime d'une rupture partielle de son contrat en 2007, au motif qu'il lui aurait été interdit de se livrer à des prospections commerciales et qu'à partir de cette date, il se serait vu " contraint " de " vivre " sur sa clientèle acquise antérieurement.

Qu'il voit là la cause d'une baisse de son chiffre d'affaires qui serait passé de 407 586 euro en 2006, à 251 086 euro en 2007, 201 030 euro en 2008 puis 121 116 euro en 2009 et enfin 147 233 euro en 2010.

Que de ce chef, le Cabinet Jarrier et sur la base d'un chiffre d'affaires moyen de 294 304,50 euro (moyenne des années 2003 à 2006), prétend à des commissions perdues de 811 493 euro.

L'intimée fait valoir à ce propos que les chiffres annoncés par le Cabinet Jarrier ne correspondent pas aux primes et commissions qui lui ont été versées par le Crédit Foncier de France. Que celles-ci s'élèvent à :

Année Chiffres

2005 263 909 euro

2006 399 332 euro

2007 242 818 euro

2008 172 368 euro

2009 116 816 euro

2010 144 252 euro

2011 90 541 euro

Le CCF relève que sur la base de ces données, le Cabinet Jarrier formule une demande subsidiaire à hauteur de 891 305 euro, soit une demande supérieure à sa demande principale de 811 493 euro, ce qui révèle, selon l'intimé, non seulement les incohérences des demandes du Cabinet Jarrier mais en outre la vacuité de son argumentation.

Dans le même registre, l'intimé fait valoir que pour parvenir à cette évaluation à hauteur de 891.305 euro, le Cabinet Jarrier se fonde de façon tout à fait opportune sur une moyenne des commissions versées avant la prétendue rupture partielle de 2007, moyenne qui a été calculée sur la base des années 2005 et 2006, c'est-à-dire les deux meilleures années compte tenu de la fusion entre Entenial et le Crédit Foncier de France ayant pris effet au 1er janvier 2005 et qui lui a permis de doubler son chiffre d'affaires, soit un chiffre d'affaires moyen de 331 620 euro, sachant que s'il fallait se placer avant la reprise par le Crédit Foncier de France, c'est-à-dire avant 2005, la moyenne des chiffres d'affaires serait largement inférieure à 200 000 euro.

Pourtant, ajoute le CCF, la moyenne sur 4 années (2003-2006) s'établirait à 272 183 euro soit un montant nettement inférieur.

Le CCF juge que la moyenne des commissions retenues est donc opportunément surévaluée de près de 60 000 euro soit une différence de près de 300 000 euro sur 5 ans.

L'intimé souligne par ailleurs, qu'en tout état de cause, jamais le Crédit Foncier de France n'a empêché le Cabinet Jarrier de prospecter de nouveaux clients et/ou de développer sa clientèle, alors même que l'absorption d'Entenial par le Crédit Foncier de France a considérablement élargi la gamme de produits et lui avait permis de doubler son chiffre d'affaires. Cette fusion s'est accompagnée, selon l'intimé, du regroupement de l'ensemble des Correspondants du Crédit Foncier de France sous la marque La Hénin qui a une notoriété très forte.

Le CCF soutient qu'il n'a pas privilégié et/ou développé ses propres agences, mais a choisi tout au contraire de développer son réseau de Correspondants.

Il ajoute, qu'en revanche, il a souhaité arrêter en mars 2007 l'envoi d'un mailing du Cabinet Jarrier en ce que ledit mailing était à destination d'apporteurs d'affaires gérés notamment par l'agence locale du Crédit Foncier de France, dont le Cabinet Jarrier avait demandé les coordonnées. Cette démarche commerciale du Cabinet Jarrier était d'autant plus mal venue que, compte tenu du système d'information mis en place par le Crédit Foncier de France, les coordonnées des apporteurs d'affaires des uns et des autres et le détail de leurs activités étaient en libre accès sur la base de données du système d'information du Crédit Foncier de France.

Selon le CCF, il ne s'agit là ni d'une mesure de réorganisation, ni d'une mesure restreignant le périmètre du Cabinet Jarrier, mais au contraire d'une mesure tendant à établir une concurrence loyale entre les membres d'un même réseau, dont l'activité de prospection doit être avant tout tournée vers l'acquisition de nouveaux clients et non pas, en utilisant les moyens que leur donne le réseau, vers la prospection des clients d'autres Correspondants.

L'intimé indique à ce niveau que le Cabinet Jarrier qui voyait son champ d'action doubler, n'a d'ailleurs jamais contesté cette politique qui lui profitait aussi.

Il fait ainsi valoir qu'il était à cette époque le leader en France des crédits immobiliers à vocation sociale grâce son savoir-faire qui lui permettait d'offrir une gamme de produits combinant prêt à taux zéro, prêt à taux variable, alors même qu'avant 2005, la Banque La Hénin perdait constamment des parts de marché et ce, malgré la fusion en 2000 avec le Comptoir des Entrepreneurs.

Qu'il convient de noter que l'essentiel des critiques faites par le Cabinet Jarrier sur la prétendue inexécution par le Crédit Foncier de France de son contrat se porte précisément sur ces produits particuliers (PTZ, prêts conventionnés) s'adressant à une clientèle qui est celle du Crédit Foncier de France, produits sur lesquels il était et est toujours leader.

Selon le CCF, l'évolution du chiffre d'affaires du Cabinet Jarrier suit très exactement non seulement celle de la production nationale de crédit aux particuliers du Crédit Foncier de France, mais également celle de l'agence locale du Crédit Foncier de France et c'est donc totalement artificiellement que le Cabinet Jarrier relie cette prétendue rupture partielle dont il ne s'était jamais plaint avec la baisse de son chiffre d'affaires.

Il souligne que l'année 2006, année suivant la fusion, a été bonne pour l'ensemble des crédits, et que l'année 2007, nonobstant le début de la crise, a permis pour le seul Crédit Foncier de France, et ce compte tenu de l'élargissement de la gamme des produits offerts (mise en place des prêts à taux variables), une augmentation de la production de 9,50 %.

Qu'ainsi le Cabinet Jarrier croit même pouvoir prétendre que sur l'ensemble du réseau des Correspondants il serait le seul à avoir vu son chiffre d'affaire diminuer ce qui justifierait son affirmation selon laquelle cette baisse serait imputable à la prétendue rupture partielle du " mandat " et ce qui est directement contraire à l'évolution du montant total des crédits immobiliers consentis par le Crédit Foncier de France aux particuliers et même au chiffre de l'Agence locale du Crédit Foncier de France.

De seconde part, le Crédit Foncier de France prétend avoir toujours privilégié le développement du réseau de Correspondants La Hénin plutôt que son propre réseau d'agences. Selon lui, en mars 2008, le réseau des Correspondants Enténial ne comportait plus qu'une trentaine de points de vente et il a donc réactivé la marque La Hénin et peu à peu renforcé le réseau des Correspondants de sorte qu'au début de l'année 2009 il comptait déjà 78 Correspondants ; en 2011, le réseau comportait 103 Correspondants représentant 117 points de vente.

Selon l'intimé, le recul du chiffre d'affaires du Cabinet Jarrier est d'ailleurs tout à fait relatif compte tenu des autres activités auxquelles il s'est consacré.

Le CCF fait valoir que sur les années 2005 à 2009 le chiffre d'affaires global du Cabinet Jarrier, toutes activités confondues, est resté stable. Le chiffre d'affaires réalisé s'est élevé à 337 657 euro en 2005, 408 067 euro en 2006, 361 086 euro en 2007, 361 464 euro en 2008 et 385 912 euro en 2009, que l'un pouvant aussi expliquer l'autre, le Cabinet Jarrier préférant se consacrer à ses nouvelles activités.

Le CCF soutient en conséquence qu'il appartenait au Cabinet Jarrier de prospecter et de développer les prescripteurs qui étaient les siens, ce qu'il ne semble pas avoir fait, ou de démarcher de nouveaux prescripteurs.

Sur la rupture totale

Le CCF estime que, assimilant sa situation à celle d'un agent commercial, le Cabinet Jarrier réclame tout à la fois le bénéfice de l'indemnité contractuelle et celui des dispositions de l'article L. 442-6-I, alinéa 5 du Code de commerce sur la rupture des relations commerciales établies.

Que ces deux textes ne sauraient être d'application cumulative puisque l'indemnité de l'agent commercial comme celle de la rupture du mandat d'intérêt commun répare tous les préjudices subis du fait de la rupture et constitue donc une indemnité forfaitaire comprenant notamment le paiement de la clientèle.

Le CCF avance également que le Cabinet Jarrier ne saurait prétendre à une durée des relations commerciales de 16 ans, alors même que le contrat le liant au Crédit Foncier de France a été signé en 2002 et qu'avant cette date, les relations commerciales entre lui et le Crédit Foncier de France n'existaient pas, ce que du reste l'appelante reconnaîtrait expressément car le " par ces motifs " de ses conclusions vise bien " le contrat de mandat du 1er avril 2002 ".

Le CCF souligne également que les relations commerciales visées par l'article L. 442-6-I, alinéa 5 du Code de commerce sont un fait objectif indépendamment de l'existence même de relations contractuelles, et que les relations commerciales entre les deux opérateurs économiques que sont le Crédit Foncier de France et la société AJB Cabinet Jarrier n'ont, au sens de ce texte, duré que huit ans et demi ce qui ne pourrait justifier tout au plus qu'un préavis de trois mois qui correspond au préavis contractuel.

Dans le même registre, le CCF considère que l'examen des dossiers de crédit transmis suppose un délai certain entre leur réception et l'émission d'une offre de crédit. Et que cette analyse au regard des diverses obligations du banquier et du risque qu'il prend est le fait d'équipes spécialisées, spécialement formées, en sorte que le CCF n'est nullement tenu de répondre favorablement à toutes les demandes de crédit qui lui sont présentées comme semble le soutenir le Cabinet Jarrier.

Le CCF avance par ailleurs qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'il aurait dû prévoir une mesure (la suppression du PTZ), alors qu'il s'agit d'un acte de puissance publique en l'occurrence imprévisible amplifié par l'incertitude politique pour l'année 2012. Et qu'il n'est pas plus sérieux de prétendre qu'il aurait pu mettre en place des équipes pour faire face à cette demande imprévisible et ponctuelle, sachant que les analystes doivent, avant d'être opérationnels, recevoir une formation dont la durée excède largement 30 jours.

Il soutient par ailleurs mener précisément une politique qui tend justement à favoriser les Correspondants indépendants au détriment de ses agences dont il diminue progressivement les effectifs. Et que si un tel dessein avait été celui qui lui est prêté, il n'avait nul besoin de rompre le contrat, puisque ce dernier lui laissait la latitude de prospecter sur le secteur du Cabinet Jarrier, prospection qui aurait été d'autant plus facile en l'espèce que le Cabinet Jarrier n'a eu durant l'année 2011 que quatre clients actifs.

A titre subsidiaire, sur le montant de l'indemnité

Le CCF conteste le montant de la somme de 45 438 euro revendiquée par le Cabinet Jarrier au titre d'une prétendue mauvaise exécution du contrat. Il soutient qu'un examen sommaire des propositions commerciales démontre que tous ces dossiers présentaient un risque excessif d'endettement qui ne permettait pas l'octroi du financement sollicité, sauf pour le CCF non seulement à prendre un risque de crédit anormal, mais également à se mettre en risque compte tenu du devoir de mise en garde auquel il est tenu à l'égard des emprunteurs.

Le CCF ajoute que le Cabinet Jarrier prétend désormais que ces dossiers n'auraient été ni " ouverts " ni examinés entre fin décembre 2011 et début janvier 2012, lors que l'examen de ces documents permet au contraire de considérer que lesdits dossiers n'étaient ni complets ni finalisés car ils comportent systématiquement des mentions telles que " modification du coût du projet ", " MAJ du dossier " ou encore " modification des ressources et charges ". Qu'ainsi, n'étant ni complets, ni finalisés, ces dossiers ne pouvaient donc pas être instruits.

Le CCF rejette également toute indemnisation au titre d'une prétendue perte de commission pour ce qui concerne les dossiers refusés par lui, au motif que, outre les conditions impératives prévues par le Code de la construction et de l'habitation s'agissant des prêts réglementés, il est tenu de respecter notamment des ratios d'endettement et qu'il ne peut en aucun cas engager sa responsabilité sur la base de dossiers incomplets.

Que c'est tout aussi vainement que le Cabinet Jarrier sollicite une somme de 882 000 euro au titre du préavis qu'il chiffre à trois années, compte tenu des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, et ce même s'il ramène ses demandes à deux ans de préavis soit 135 884 euro.

Le CCF souligne à ce propos que ne peuvent être cumulées l'indemnité contractuelle et les dispositions de l'article L. 446-6-I-5° du Code de commerce, alors même surabondamment que des relations commerciales établies ne sauraient générer un préavis supérieur au préavis contractuel de trois mois. Et que le montant des chiffres d'affaires d'avant la crise qui a affecté les crédits immobiliers particulièrement sensibles dans la clientèle qui était celle de Mme Jarrier et du Crédit Foncier de France (ménages à revenus modestes) ne peut servir de référence.

Qu'ainsi, le chiffre d'affaires manqué pour les trois premiers mois de l'année 2012 ne saurait excéder 20 000 euro.

Cela étant exposé, LA COUR

Sur la qualification du contrat

La société Jarrier tient pour acquise la qualification de mandat d'intérêt commun des relations la liant au CCF ; elle renvoie pour ce faire au contrat du 1er septembre 2006 qui mentionne effectivement ces termes, au visa des articles 1984 et suivants du Code civil, de la loi du 24 janvier 1984 et celle du 28 décembre 1966.

Cependant le CCF est fondé à se prévaloir de la nécessité de donner leur réelle qualification aux relations entre les parties et force est de constater que les termes mêmes du contrat dont l'application n'est pas discutée contrarient ceux de mandat d'intérêt commun dès lors qu'ils n'accordent au cabinet aucun mandat d'établir des actes juridiques ou de conclure des opérations pour le compte du CCF.

Il s'agit, de fait, d'un contrat d'apporteur d'affaires.

S'en évince que ces relations pouvaient être rompues de part et d'autre selon les dispositions de l'article 9 du contrat.

S'agissant des événements de 2007 que la société Jarrier qualifie de rupture partielle les pièces produites au débat ne permettent pas de valider cette interprétation : le courrier envoyé le 1er avril 2007 par le directeur du développement et du réseau commercial du Crédit Foncier auquel il est fait référence - et qui concernait l'ensemble des correspondants - doit être analysé dans son intégralité et s'il est effectivement mentionné : " le développement du réseau des correspondants souhaité par l'Entreprise se fera, dans un souci de cohérence, sous l'autorité et la responsabilité des DCR. Je vous demande en conséquence de bien vouloir vous conformer pour l'avenir aux recommandations d'Hervé Joly, la précipitation étant mauvaise conseillère, et de cesser, jusqu'à nouvelle instruction de sa part, toute action commerciale sur les secteurs litigieux " les termes d'interdiction de démarcher toute clientèle sur les territoires du Puy-de-Dôme et Allier ne correspondent pas à la réalité dès lors que le courrier en cause avait pour origine un problème de fourniture de listes d'apporteurs ; en réalité le CCF demandait que cette démarche ne soit pas satisfaite, ce au bénéfice d'une centralisation du réseau afin d'élargir le réseau sans se fournir auprès des seuls fournisseurs dudit réseau : selon le courrier, cité intégralement par le premier juge, un certain nombre de correspondants n'avait pas respecté ces instructions préalables ; ce message rappelait en effet l'existence de travaux préalables " pour affiner l'étude géo-marketing " dans le but d'optimiser d'éventuelles installations de correspondants.

Il est singulier que la société Jarrier ait assumé ce rappel comme lui étant spécifiquement destiné et il doit être ensuite rappelé que si elle était liée au CCF par une clause d'exclusivité, elle n'avait en revanche aucune garantie de cet ordre sur les territoires auxquels elle avait accès.

S'en évince, d'une part que le courrier du 1er avril 2007 ne peut valoir acte de rupture, ce d'autant que, d'autre part, la société Jarrier n'est pas en mesure de justifier les pertes ultérieures qu'elle invoque à l'aune de ce seul document, dont elle extrapole manifestement des conséquences sur son chiffre d'affaires sans qu'il soit avéré que celui-ci n'ait pas été affecté par la concurrence, la crise économique ou tout simplement une gestion en baisse.

En conséquence les demandes de la société Jarrier consécutives à une prétendue rupture sont rejetées.

Sur la rupture de janvier 2012

Il n'est pas discuté que, aux termes du contrat, seule une faute grave permettait au CCF de rompre celui-ci sans indemnités et sans préavis.

Est argué sur ce point dans les écritures de le CCF de l'attitude inacceptable de Madame Jarrier qui, dans trois courriels des 28 et 30 décembre 2011 et 4 janvier 2012 aurait tenu des propos virulents, violents, dénigrant les dirigeants de l'entreprise par des attaques personnelles à leur encontre, courriels qui, de surcroît, ont été répercutés en copie au réseau des correspondants.

La société Jarrier oppose que, d'une part, la lettre de rupture du 5 janvier 2012 ne vise pas le courriel du 30 décembre 2011, et que, d'autre part, ce document ne justifie nullement de cette rupture par les propos tenus dans les deux autres courriels, mais uniquement par le fait que Madame Jarrier " (non) habilitée à communiquer avec l'ensemble des agences La Henin " a cru devoir prendre " une initiative aussi intempestive que déplacée " en diffusant les courriels des 28 et 30 décembre 2011 et 4 janvier 2012 - dont le contenu n'est pas même abordé.

L'appelante revendique le droit de sa dirigeante à la libre expression et rejette la " publicité " faite par le CCF de son mécontentement auprès des autres membres du réseau devant les carences du CCF, arguant de ce que cette réaction légitime ne peut constituer un motif rendant impossible le maintien des relations entre les parties ; elle souligne que le désarroi de ses collègues s'est exprimé dans les mêmes conditions : ainsi par exemple du courriel de Monsieur Bianchi (" nous n'en pouvons plus !!! Que se passe-t-il dans cette entreprise ").

Cependant doit être rappelé que, dans le contexte des relations commerciales ici en cause et dont les données d'appréciation diffèrent de celles afférentes à une lettre de licenciement, l'ensemble des éléments entourant la rupture doit être appréhendé dans sa globalité, partant au regard de tous les éléments circonstanciels, quand bien même ils ne seraient pas cités dans le courrier du 5 janvier 2012.

Il n'est pas discuté de ce que, pour des motifs qui seront appréciés plus avant dans le cadre de la demande de dommages et intérêts formée sur ce point par la société Jarrier, le CCF n'a pu répondre à l'afflux de dossiers de crédits transmis par le réseau à l'issue de l'année 2011, ce qui a suscité diverses récriminations auxquelles se référait Madame Jarrier dans ses courriels.

Mais la teneur de ceux-ci dépasse tant sur la forme que dans ses modalités, les limites de ce qui est tolérable dans une relation commerciale : Madame Jarrier a certes agi activement auprès des autres correspondants mais elle l'a, surtout, fait sur un ton tel que le CCF se voyait disqualifié professionnellement auprès de son réseau : le courriel du 28 décembre restait dans les limites d'un échange professionnel dès lors qu'il procédait formellement de l'expression objective d'une demande des mesures escomptées de la part du CCF ; la réponse de ce dernier a été honnête et des explications ont été apportées - que la société Jarrier est naturellement en droit de contester, mais qui ont été fournies, le CCF faisant, non pas repentance comme il l'a été prétendu, mais le constat d'une impossibilité de " répondre totalement à (la) demande " de son interlocutrice.

Celle-ci va répliquer en réitérant que " les engagements n'ont pas été tenus " et en remettant en cause la réalité des engagements mentionnés par le CCF, mettant en demeure ce dernier de " prouver " que tous les moyens ont été mis en œuvre.

Le dernier courriel en date du 4 janvier 2012 va se traduire par le passage à un cran au dessus - tant sur la forme que sur le fond : ainsi que l'a relevé le tribunal, certains termes sont incompréhensibles (" l'ANCA ne répond pas et Messieurs la voulait pour absoute pour arriver enfin à vos fins (sic)) bien que clairement agressifs ; les autres termes sont offensants (" Monsieur Deletre a été nommé pour sa bonne conscience jamais en 16 ans de mandat je n'ai vu autant de non-respect de notre travail, du travail de nos salariés et de nos prescripteurs à moins que le seul chef dans lequel nous pouvons faire (sic) confiance ".

S'évince de ces courriers que la société Jarrier y manifestait lui-même un constat de rupture découlant du constat que le CCF n'était plus en mesure de remplir ses obligations et que le lien de confiance envers ses représentants - ou du moins certains d'entre eux - était rompu.

La société Jarrier ne discute pas de ce que sa dirigeante entendait se faire le porte-parole de nombre de ses collègues - ce que confirment effectivement les courriels versés aux débats et notamment celui de Monsieur Garrigues adressé au CCF : " monsieur le Directeur Général Anne Jarrier vous écrit bien haut ce que tous pensent tout bas " ; Pierre Lavandier qui aurait fait savoir qu'il s'en désolidarisait a été de ce fait critiqué par certains de ses collègues.

Dès lors c'est à bon droit que le CCF a retenu le rôle que s'attribuait la société Jarrier, mais ce également au regard du ton employé - ce que rappelait le courrier du 4 janvier : " je n'apprécie que très modérément la teneur de vos derniers messages des 28 décembre et 4 janvier je vous rappelle que vous n'êtes pas habilitée à l'ensemble des agences nous nous réservons le droit de donner la suite qui conviendra à ce que je considère d'ores et déjà comme une initiative intempestive et déplacée de votre part de nature à détériorer le climat de confiance qui doit prévaloir dans les relations entre le CCF et chacun des correspondants La Hénin ".

En conséquence la faute grave doit être retenue comme motif de la rupture.

Le jugement est confirmé sur ce point.

S'agissant des conséquences de la rupture : il s'évince de ce qui précède que la société Jarrier n'est pas fondéE en ses demandes de dommages et intérêts.

Sur la faute de la banque dans l'exécution du mandat

La société Jarrier soutient que la Banque ne démontre pas qu'elle a mis tous les moyens en place nécessaires pour résorber la masse de dossiers qui lui avaient été envoyés, lors qu'elle se devait, en sa qualité de professionnel éclairé, d'anticiper et de se doter des moyens nécessaires lui permettant d'exécuter correctement les mandats d'intérêt commun dont elle était titulaire ; elle sollicite en conséquence réparation au titre des commissions ainsi perdues.

Ainsi qu'il l'a été déjà noté, il n'est ni discutable - ni discuté que le CCF n'a pu répondre à cet afflux.

La société Jarrier fait reproche au premier juge d'avoir avalisé les motifs avancés par cet établissement qui se devait, en sa qualité de professionnel éclairé, d'anticiper et de se doter des moyens nécessaires lui permettant d'exécuter correctement les mandats d'intérêt commun dont il était titulaire - ce dont il ne justifierait pas.

Mais c'est à juste titre que le tribunal a relevé les circonstances spécifiques (incidence brutale du prêt à taux zéro) ayant affecté les demandes de crédit en fin d'année 2011,et force est de constater que la société Jarrier ne s'explique pas lui-même sur cette réalité, de même qu'il ne contredit pas l'explication donnée par le CCF quant à l'impossibilité de recruter et former en quelques semaines des agents aptes à traiter rapidement et efficacement des dossiers de prêt ; l'énumération des effets de cette situation sur la gestion des cabinets La Hénin n'est du reste pas discutée, mais elle ne fournit pour autant pas de ce seul fait la preuve d'une faute dans la possibilité du CCF de pallier cette situation exceptionnelle dont il est manifestement abusif d'affirmer qu'il se devait de la prévoir.

En conséquence le moyen n'est pas fondé.

Le jugement est confirmé.

L'équité commande d'allouer au CCF la somme de 4 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et de rejeter la demande de la société Jarrier de ce chef.

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Jarrier à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 4 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Jarrier aux dépens dont distraction au profit de Madame Sabrina Bouix, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.