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Décisions

CA Metz, ch. com., 15 janvier 2015, n° 12-02346

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

French Polyurethane Machinery Industries (SAS) , French Polyurethane Machinery Engineering (SAS)

Défendeur :

Led (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Messias

Conseillers :

Mmes Knaff, Cunin- Weber

TGI Metz, du 13 janv. 2009

13 janvier 2009

EXPOSE DU LITIGE

La SA Led a pour objet la fabrication, l'entretien, la réparation, la location de toute machine industrielle, de même que la pose, le négoce en gros et au détail de pièces détachées de tous accessoires pour l'industrie. Cette société est par ailleurs spécialisée dans la conception, la fabrication et l'entretien de machines d'injection de polyuréthanes haute pression.

La SA Led a fait assigner devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz la SAS FPM Industries (French Polyuréthane Machinery Industries) par exploit d'huissier du 24 juillet 2007 et, par acte séparé absent du dossier de première instance, la SARL FPM Engineering, société de droit luxembourgeois, aux fins de voir :

- dire que les sociétés FPM Industries et FPM Engineering se sont rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SA Led ;

- condamner solidairement les sociétés FPM Industries et FPM Engineering à payer à la SA Led :

La somme de 349.719 euro en réparation de la perte de la marge brute correspondant à la perte de chiffre d'affaires au 31 décembre 2006, sous réserve de l'évolution de l'activité de la SA Led sur les exercices suivants,

La somme de 1 000 000 euro en réparation du préjudice d'image ;

- faire interdiction aux sociétés FPM Industries et FPM Engineering de fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la SA Led et ce sous astreinte de 5 000 euro par infraction constatée ;

- dire que le tribunal se réservera de liquider l'astreinte ;

- ordonner la publication du jugement dans trois journaux ou magazines au choix de la SA Led et aux frais exclusifs des sociétés défenderesses sans que le coût total des insertions n'excède la somme de 36 000 euro HT ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant opposition ou appel et sans caution ;

- condamner solidairement les sociétés FPM Industries et FPM Engineering à payer à la SA Led la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les défenderesses ont demandé au Tribunal de :

- déclarer la demande de la société Led irrecevable et, en tout cas, la rejeter ;

- condamner la société Led à leur payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu'elles ont subi avec les intérêts de droit à compter du jugement ;

- condamner la SA Led à leur payer la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Elles ont également demandé, avant- dire- droit, au Tribunal d'enjoindre la société Led à produire son registre du personnel pour les années 2005, 2006 et 2007 ainsi que son chiffre d'affaires pour l'année 2006 et l'état de dépôt et protection des brevets.

Par jugement avant- dire droit du 13 janvier 2009, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz a :

- écarté des débats la pièce n° A- 155 de la SA Led comme ayant été déposée tardivement ;

- ordonné une expertise confiée à Charles L., aux frais avancés par la société Led, aux fins notamment de :

Examiner chacune des machines d'injection polyuréthane fabriquées par les sociétés Led et FPM et leurs accessoires, ainsi que les outils de conception, les plaquettes et documents de diffusion,

Dire s'il y a des éléments communs, des codes de couleur, ainsi qu'une organisation des différents composants standards,

Donner son avis et fournir au Tribunal tous les éléments permettant de déterminer s'il y a copie par la société FPM des machines commercialisées par la société Led.

L'expert a déposé son rapport le 30 juin 2009.

Les parties ont intégralement repris après expertise leurs prétentions initiales.

Par jugement du 22 décembre 2009, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz a :

- dit que les sociétés FPM Industries et FPM Engineering se sont rendues coupables de concurrence déloyale à l'égard de la SA Led ;

- condamné solidairement la société FPM Industries et la société FPM Engineering à payer à la SA Led les sommes de :

100 000 euro de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

10 000 euro de dommages et intérêts pour préjudice d'image,

5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté chacune des parties de ses demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement les sociétés FPM Industries et FPM Engineering aux dépens, en ce compris le coût des opérations d'expertise.

Par déclaration enregistrée au greffe le 7 mai 2010, les sociétés FPM Industries et FPM Engineering ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 20 février 2012, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance en raison de la mise en liquidation judiciaire de la SAS FPM Industries par jugement de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ du du 16 novembre 2011 ayant désigné la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 18 novembre 2011, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg a déclaré en état de faillite la SARL FPM Engineering et désigné Maître Marie- Christine G., avocate, en qualité de curatrice.

La SA Led a repris l'instance par conclusions déposées le 3 juillet 2012.

Selon ses ultimes écritures du 10 octobre 2013, la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualités de mandataire liquidateur de la société FPM Industries, demande à cette cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- débouter la société Led de l'ensemble de ses prétentions ;

Subsidiairement,

- rejeter l'appel incident de la société Led ;

- confirmer le jugement entrepris sur les montants ;

- dire et juger que plus aucune condamnation à paiement ne peut être prononcée contre les sociétés FPM Industries et FPM Engineering ;

- confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Led de sa demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction sous astreinte aux sociétés FPM Industries et FPM Engineering d'avoir à fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la société Led ;

- confirmer encore le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Led de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la société Led et aux frais exclusifs des sociétés appelantes ;

- constater en tout état de cause que ces demandes n'ont plus d'objet ;

- condamner la SA Led en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de la procédure de référé sursis, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures du 4 décembre 2013, la SA Led demande à cette Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a n'a pas fait droit, dans leur intégralité, aux demandes d'indemnités, d'interdiction et de publication de la SA Led ;

- faire droit à l'appel incident de la SA Led et, statuant à nouveau,

- dire et juger que le préjudice subi par la SA Led est le suivant :

2 960 030 euro au titre de la perte de la marge brute subie au cours des exercices 2006, 2007, 2008 et 2009,

1 000 000 euro en réparation du préjudice d'image,

- dire et juger que la société FPM Industries, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP N. N. ET L., es qualités de mandataire liquidateur, et la société FPM Engineering, en faillite, représentée par Maître Marie- Christine G., curatrice, sont solidairement responsables de ce préjudice ;

- fixer le montant de la créance de la SA Led à la valeur du préjudice subi et inscrire ce montant au passif des sociétés FPM Industries et FPM Engineering ;

- faire interdiction à la société FPM Industries, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP N. N. ET L., es qualités de mandataire liquidateur, et à la société FPM Engineering, en faillite, représentée par Maître Marie- Christine G., curatrice, de fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la SA Led suivants :

Pièces et plans de la société Led figurant dans le procès- verbal de constat réalisé par Maître P., Huissier de Justice à THIONVILLE, le 24 mai 2007 (pièce 41):

plans n° Led1218NXXCX- 002 V2 B,

Led1218NXXCX- 005 V2 A,

Led1218NXXC3- 006 V2 I,

Led1218NXXCX- 009 V2 B,

Led1218NXXCX- 012 V2 B,

Led1218NXXCX- 013 V2 C,

Led 1218NXXCX- 014 V2 B,

Led1218NXXCX- 016 V2 A,

Led1218N40CX- 011 V2 D,

Led1218N40CX- 007 V2 C,

Led1218N40CX- 004 V2 D,

Led1218NXXCX- 045 V2 A,

Led1218NXXCX- 046 V2 D,

Led1218NXXCX- 017 V2 B,

Led1218NXXCX- 018 V2 A,

Led1218NXXCX- 021 V2 C,

Led1218NXXC3- 022 V2 D,

Led1218NXXCX- 023 V2 B,

Led1218NXXCX- 043 V2 B,

Led1218NXXCX- 044 V2A,

Machines d'injection polyuréthane haute pression Led 12 LC, Led 28 LC, Led 55 LC, Led 107 LC (reproduites dans le fascicule numéroté pièce 29- A.40),

Têtes d'injections polyuréthane références Led1218N40C3V2, Led1218N80C3V2, Led1014N40C3V2, Led1014N80C3V2, Led0812N40C3V2, Led0812N80C3V2 (figurant dans le fascicule numéroté pièce 30- A.40),

Pièces, plans, clichés et documentation commerciale figurant aux pièces A80 à A89 et dans les fascicules commerciaux numérotés pièces 29- A.40 et pièce 30- A.40,

Et ce sous astreinte de 5 000 euro par infraction constatée ;

- dire que la Cour se réservera la liquidation de l'astreinte ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la SA Led et aux frais exclusifs des sociétés appelantes sans que le coût total des insertions n'excède la somme de 36 000 euro HT ;

- débouter la société FPM Industries, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP N. N. ET L., ès qualités de mandataire liquidateur, et la société FPM Engineering, en faillite, représentée par Maître Marie- Christine G., curatrice, de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement la société FPM Industries, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP N. N. ET L., ès qualités de mandataire liquidateur, et la société FPM Engineering, en faillite, représentée par Maître Marie- Christine G., curatrice, à payer à la SA Led à la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et dire que Maître François R., avocat, bénéficiera des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Maître Marie- Christine G., ès qualités de curatrice de la société FPM Engineering, régulièrement assignée selon les modalités du règlement CE n°1393-2007 du 13 novembre 2007 par remise de l'acte à l'une de ses employées le 28 août 2012, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

La SAS FPM Industries, ayant son siège à 57380 Faulquemont, a été constituée par acte du 10 octobre 2006, l'associée majoritaire étant la société de droit luxembourgeois INCAFI, représentée par Jean- Yves F., ce dernier étant par ailleurs associé à titre personnel. Elle a essentiellement pour objet l'étude, la conception, la préparation, la réparation, la fabrication et le négoce de machines spéciales destinées en particulier à l'industrie.

La SARL FPM Engineering, ayant son siège à Eischen au Luxembourg, a été constituée le 3 août 2006 entre Dorine C. et la société INCAFI avec pour objet le négoce de machines industrielles et la sous- traitance d'études d'ingénierie de machines industrielles.

Ces sociétés ont incontestablement le même secteur d'activité que la SA Led, qui soutient avoir été victime de la part des sociétés FPM Engineering et FPM Industries d'actes de concurrence déloyale et parasitaire.

La SA Led fait notamment état de dénigrement en se fondant essentiellement sur les trois courriels suivants :

- un courriel adressé le 29 novembre 2006 par C. A. du Groupe ATLANTIC confirmant " avoir été démarché au téléphone par la société FPME, Mr K., qui a annoncé la création de la société FPME et l'arrêt de l'activité polyuréthane chez Led " ;

- un courriel adressé le 9 février 2007 par Nicolas M. de la société Faurezia Industrie indiquant que " la société FPM tente de récupérer Faurecia Crévin en clientèle en laissant entendre que la société Led Longauto cesse ses activités de réparation de pompes et de reconditionnement de machines PU afin de se recentrer sur son métier premier qui est la vente de pièces détachées ;

- un courriel envoyé le 15 février 2007 par Frédéric S. de la société Tramico dans lequel il mentionne que les représentants de FPM lui ont signalé que la société Led avait arrêté son activité dans le PU.

Maître Marie- Geneviève N., ès qualités, objecte qu'il ne peut y avoir de concurrence déloyale en l'absence de tout document destiné à la clientèle actuelle ou potentielle et diffusée auprès d'elle qui aurait contenu des informations susceptibles de discréditer la société Led.

Cependant, si le dénigrement, qui se définit comme la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent, suppose un message qui soit diffusé, tout moyen d'expression peut être retenu et notamment une expression orale.

Aussi, une rumeur affectant l'entreprise, fondée sur une déclaration orale relayée, peut être constitutive du dénigrement.

Toutefois, si les trois courriels précités suffisent à démontrer que les sociétés FPM Engineering et FPM Industries ont fait courir auprès de clients de la société Led le bruit que cette dernière arrêterait l'activité polyuréthanes, ils ne caractérisent pas un dénigrement, dès lors que cette seule allégation n'est pas de nature à jeter le discrédit sur la société concurrente.

Il n'en demeure pas moins que le fait pour les sociétés FPM de relayer auprès des clients de Led une rumeur manifestement non fondée quant à l'arrêt de l'activité polyuréthanes est constitutif d'une manœuvre déloyale ayant pour but de détourner la clientèle à leur profit.

Par ailleurs, si la société Led indiquait certes dans ses conclusions de première instance qu'il n'était pas reproché aux sociétés FPM Engineering et FPM Industries d'avoir embauché des salariés démissionnaires de la SA Led mais d'être intervenues par l'intermédiaire des anciens salariés de Led pour tenter de débaucher les salariés qui y sont restés, elle soutient toutefois en appel que ses salariés ont été débauchés de façon déloyale.

L'embauche d'un ou de plusieurs salariés par une entreprise concurrente n'est a priori pas illicite en vertu du principe de la liberté du travail.

Un débauchage doit, pour être fautif, être le résultat de manœuvres déloyales de la part du nouvel employeur.

En l'occurrence, il ressort du dossier que les salariés suivants de la SA Led :

- Jean- Yves F., directeur technique et maître d'œuvre de la branche polyuréthane, ayant par ailleurs la qualité d'administrateur de la société Led,

- Marc S., ingénieur chargé d'affaires,

- Alain P., ingénieur chargé d'affaires et responsable qualité,

- Francis K., technico- commercial,

- Joël F., chef de projet,

- Pierre C., ingénieur responsable du bureau d'études,

- Dorine C.- P., assistante de direction technique,

- Valère R., technicien électricien,

ont démissionné entre le 20 juillet et 18 septembre 2006 de la société Led au profit des société FPM Engineering et FPM Industries créées au cours de la même période, étant rappelé que Jean- Yves F. et Dorine C. ont directement participé à la constitution des sociétés concurrentes de la SA Led.

L'organigramme de la société Led révèle que cette dernière a ainsi été privée en un très court laps de temps de la quasi- totalité de ses cadres, au nombre de neuf, et surtout de tous ses ingénieurs au profit de la concurrence.

Un tel débauchage important et sélectif suivi d'une embauche simultanée auprès d'un concurrent est déloyal, dans la mesure où il a eu pour effet de désorganiser l'entreprise, la société Led ayant été contrainte de recourir à la sous- traitance de la société FPM Engineering afin d'être en mesure d'honorer des commandes émanant des sociétés Arcelor et Faurecia, tel que cela résulte des factures émises par la société FPM Engineering entre octobre 2006 et janvier 2007.

Par ailleurs, Francis K., ancien salarié de Led et de FPM Engineering, atteste que Jean- Yves F. lui a proposé de quitter la société Led pour rejoindre FPM Engineering en prétextant que la société Led était condamnée à fermer très prochainement.

Cette attestation, dont la force probante ne peut être mise en doute en l'absence de tout lien de subordination entre son auteur et les parties, établit que le débauchage de l'équipe que dirigeait Jean- Yves F. au sein de la société Led s'est accompagné de manœuvres déloyales.

Il sera observé que les tentatives de débauchage d'autres salariés invoquées par la société Led ne peuvent en revanche être constitutives de concurrence déloyale, dans la mesure où faute d'avoir abouties, elles ne sont d'évidence pas susceptibles d'avoir généré une désorganisation quelconque.

Francis K. ajoute que Jean- Yves F. a réalisé une copie de la plupart des fichiers présents chez Led et qu'il s'en est servi pour créer l'activité de FPM. Il précise notamment que la quasi- totalité des documentations techniques ont été copiées et réutilisées : machine de moussage (plans électriques et programme automate), " nucléateur ", tête de mélange, petit matériel et que la plupart des clients de Led ont été sollicités par FPM Engineering à la demande de Jean- Yves F. en expliquant que tout le savoir- faire de Led était désormais chez FPM Engineering et les fournisseurs historiques de Led également consultés pour le compte de FPM Engineering.

Cette attestation est corroborée par le rapport d'expertise judiciaire.

En effet, Charles L. a notamment constaté que les pièces utilisées pour la fabrication de la tête d'injection de Led et FPM étaient identiques et qu'elles étaient issues d'une même base de données.

La circonstance que l'expert judiciaire se soit basé sur le procès- verbal de Maître Jérôme P., huissier de justice, réalisé le 24 mai 2007 aux établissements CAE, sous- traitant à la fois de Led et de FPM, ne justifie nullement d'écarter les conclusions précitées de l'expert judiciaire, lequel a fait sa propre analyse des différents documents collectés par Maître P. dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance sur requête du vice- président du Tribunal de grande instance de THIONVILLE en date du 10 mai 2007.

Il en résulte que des fichiers techniques de la société Led ont bien servi de base pour établir les plans des sociétés FPM.

Par ailleurs, si Charles L. note que l'allure générale des machines d'injection des concurrents (Cannon, Hennecke, Krauss Maffei) de Led et FPM se ressemblent, il relève toutefois que l'examen comparatif des plaquettes commerciales de Led et FPM met en évidence la reproduction d'éléments identiques et provenant de la même source.

L'expert judiciaire précise que :

- " sur la première page apparaît une photo " en dégradé " et symétrique de la photo figurant sur la 3ème page de la brochure Led " ;

- " la représentation en dessin 3D de la machine de mélange et d'injection est aussi identique sous un angle de représentation légèrement différent et avec quelques retouches mineures: couleur du châssis, forme supérieure des réservoirs, support et capteur de la bouteille- tampon, écran de contrôle placé au- dessus du pupitre ... mais le dessin d'origine est strictement identique. Il faut aussi noter que la machine d'injection figurant dans la brochure Led en pages 2 et 3 est une photo réelle d'une machine et qu'elle est pratiquement conforme au dessin 3D de la couverture à l'exception des couleurs et de quelques détails mineurs " ;

- " les photos en bas et à droite de la page 3 proviennent de Led ", cette constatation de l'expert s'appuyant sur les pièces 81, 82 et 97 de la société Led.

L'expert judiciaire indique également que le porte- moule, la table tournante et le robot en dessin 3D figurant sur la page 2 de la brochure FPM viennent aussi de Led, ce que confirme l'examen des pièces n° 83, 84,87 de la société Led.

En réponse au dire du conseil des sociétés FPM, l'expert judiciaire, rappelant avoir comparé les originaux des pièces versées au dossier par les parties, confirme que la brochure de FPM est un plagiat de celle de Led, même si certains documents sont accessibles sur le net, en relevant que FPM a reproduit un robot ABB identique à celui figurant sur la plaquette Led alors qu'il lui était loisible de mettre de la même façon un robot Kula ou Staubli également disponible sur le net, ajoutant que cette remarque vaut également pour la table tournante.

Au regard de ces différentes constatations, le Tribunal a exactement retenu que de nombreux fichiers et documents- photos de la SA Led ont été réutilisés et reproduits dans la documentation commerciale des sociétés FPM, alors même que les anciens salariés de la société Led débauchés par les sociétés FPM étaient soumis à une clause de confidentialité stipulée comme suit dans leurs contrats de travail : " Vous vous engagez formellement à ne divulguer à qui que ce soit, tant pendant l'exécution du présent contrat qu'après sa fin pour quelque cause que ce soit, aucun des renseignements de tous ordres, financiers, techniques, commerciaux,..., que vous pourriez recueillir à l'occasion de vos fonctions, au sein de l'Entreprise comme auprès de la clientèle. Vous vous déclarez à cet égard tenu au secret professionnel absolu ".

Par ailleurs, l'examen comparatif de la liste des représentants Led et FPM à l'étranger figurant respectivement au dos de la plaquette commerciale de Led et sur le site internet de FPM révèle que les représentants de FPM à l'étranger sont les mêmes que ceux de la société Led, alors même que cette dernière justifie par la production des contrats d'agent commercial de la stipulation à son profit d'une clause de non concurrence interdisant notamment à l'agent commercial pendant la durée de son contrat d'accepter un mandat de représentation d'une entreprise concurrente.

Le débauchage massif des salariés de la société Led s'est donc accompagné d'actes de parasitisme ayant permis aux sociétés FPM de gagner un temps considérable dans le lancement de leurs activités et de semer la confusion au sein de la clientèle de ces entreprises concurrentes.

Les sociétés FPM Industries et FPM Engineering voient donc leur responsabilité délictuelle engagée et sont tenues in solidum d'indemniser le préjudice subi par la société Led consécutivement à la concurrence déloyale dont elle a été victime.

Il convient de préciser que la société Led justifie avoir déclaré le 15 décembre 2011 dans la cadre de la procédure de faillite de la société FPM Engineering une créance totale de 116 283,57 euro, dont une somme principale de 110 000 euro à titre de dommages et intérêts.

La société Led établit également avoir déclaré le 2 janvier 2012 une somme de 115 221,34 euro au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société FPM Industries portée le 8 février 2012 à un montant total de 4 014 865,19 euro, étant relevé que par courrier du 21 octobre 2013, Maître Geneviève N., ès qualités de mandataire liquidateur, a invité le juge commissaire à prendre acte de la procédure en cours devant cette cour.

La société Led estime son préjudice à la somme totale de 2 960 030 euro correspondant à la différence cumulée entre la marge brute réalisée au cours de l'année 2005, soit 1 598 530 euro, et celle des années 2006, 2007, 2008 et 2009 s'étant élevée respectivement à 1 248 811euro, 746 845 euro, 730 496 euro et 707 938 euro.

Cependant, comme l'ont relevé les premiers juges, le chiffre d'affaires (3 564 356 euro) et la marge brute (1 248 811 euro) de 2006 sont de l'ordre de ceux réalisés en 2004 (3 211 453 euro de chiffre d'affaires et 1 396 626 euro de marge brute), étant rappelé que Jean- Yves F., Laurent C., Joël F. et Pierre C. n'ont effectivement quitté la société Led qu'au cours du dernier trimestre de l'année 2006.

Par ailleurs, si le chiffre d'affaires et la marge brute ont connu un net recul à partir de l'année 2007 (1 979 242 euro de chiffre d'affaires et 746 845 euro de marge brute), ils se sont ensuite stabilisés au cours des deux années suivantes.

Si les actes de concurrence déloyale précités commis de concert par les sociétés FPM ont nécessairement eu un impact négatif sur l'activité polyuréthanes de la société Led, il faut distinguer des conséquences desdits actes, concentrés essentiellement au début de l'activité des sociétés FPM, celles résultant du jeu normal de la concurrence, l'expert judiciaire relevant que " la société FPM est à féliciter pour ses nouveaux brevets et cela fait partie du dynamisme et de la compétence de Mr. F. ".

En outre, l'analyse des commandes des sociétés FPM par l'expert judiciaire n'a permis de découvrir que quatre anciens clients de la société Led.

Dans ces conditions, le Tribunal a justement évalué à la somme de 100 000 euro le préjudice subi par la société Led.

De même, au vu des éléments du dossier, l'atteinte à l'image de la société Led résultant des agissements déloyaux des sociétés FPM de nature à provoquer une baisse de la capacité d'attraction de la société victime auprès de la clientèle est réparée par la somme de 10 000 euro allouée par les premiers juges.

Il convient néanmoins de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés FPM Industries et FPM Engineering au paiement desdites sommes compte tenu des procédures respectives de liquidation judiciaire et de faillite ouvertes à leur égard en cours d'appel.

Aussi, il y a lieu, statuant à nouveau sur ce point, de fixer comme suit les créances de la SA Led à l'égard des sociétés FPM Industries et FPM Engineering tenues in solidum de l'indemnisation du préjudice subi par la société Led du fait de la concurrence déloyale :

- 100 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ;

- 10 000 euro de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de la SA Led.

Le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes d'interdiction et de publication formées par la société Led qui ne présentent plus d'intérêt en raison de l'ancienneté des faits de concurrence déloyale mais surtout de la liquidation des sociétés FPM Industries et FPM Engineering.

Compte tenu de la faillite et de la liquidation judiciaire des sociétés FPM en cours d'appel, la décision entreprise sera réformée sur les dépens et les frais non répétibles.

Les sociétés FPM Engineering et FPM Industries, représentées respectivement par Maître Marie- Christine G., ès qualités de curatrice, et la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualités de liquidateur, supporteront in solidum les dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'appel.

La SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualités de liquidateur de la société FPM Industries, sera de façon subséquente déboutée de sa demande d'indemnité au titre de ses frais non répétibles.

Enfin, l'issue du litige commande de ne pas laisser à la charge de la société Led les frais par elle exposés au cours des deux instances et non compris dans les dépens.

Les sociétés FPM Engineering et FPM Industries, représentées respectivement par Maître Marie- Christine G., ès qualités de curatrice, et la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualités de liquidateur, seront donc condamnées in solidum à lui verser la somme globale de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, Vu la mise en liquidation judiciaire de la SAS FPM Industries et la faillite de la SARL FPM Engineering en cours d'appel, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés FPM Industries et FPM Engineering ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société Led et a rejeté les demandes d'interdiction et de publication formées par la SA Led, Infirme le jugement entrepris sur le surplus, Statuant à nouveau dans cette limite, Fixe comme suit les créances de la SA Led à l'égard des sociétés FPM Industries et FPM Engineering tenues in solidum, 100 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, 10 000 euro de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de la SA Led, Déboute la SA Led du surplus de ses demandes en fixation de créance au passif des sociétés FPM Industries et FPM Engineering, Condamne in solidum la SARL FPM Engineering et la SAS FPM Industries, représentées respectivement par Maître Marie- Christine G., ès qualités de curatrice, et la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualité de liquidateur, aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'appel, Condamne in solidum la SARL FPM Engineering et la SAS FPM Industries, représentées respectivement par Maître Marie- Christine G., ès qualités de curatrice, et la SCP N. N. L., prise en la personne de Maître Marie- Geneviève N., ès qualité de liquidateur, à verser à la SA Led la somme globale de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.