ADLC, 14 décembre 2015, n° 15-DCC-163
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint de l'Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique par Bpifrance Investissement et Weinberg Capital Partners
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification, adressé complet au service des concentrations le 6 novembre 2015, relatif à la prise de contrôle conjoint de l'Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique par Bpifrance Investissement et Weinberg Capital Partners, formalisée par un contrat de cession d'actions en date du 30 juillet 2015, deux pactes d'associés et un pacte d'actionnaires en date du 28 octobre 2015 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Bpifrance Investissement est une société de gestion agréée par l'Autorité des marchés financiers qui gère deux fonds professionnel de capital investissement (ci-après " FPCI ") France Investissement Croissance 5 et France Investissements Régions 1. Bpifrance Investissement est détenue à 100 % par Bpifrance Participations, elle-même détenue à 100% par BPI-Groupe SA, société à la tête du groupe BPI (ci-après " BPI "). BPI, détenu et contrôlé conjointement (1) par l'État français et la Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après la " CDC "), a été créé par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque Publique d'Investissement : il constitue un " groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et conduites par les régions " et contrôle des sociétés actives dans divers secteurs.
2. La CDC détient notamment la Société Centrale d'Équipement des Territoires (ci-après, " SCET "), dont l'activité est le conseil auprès des collectivités territoriales et de leurs entreprises publiques locales, des sociétés d'économies mixtes et des bailleurs sociaux, en métropole et outre-mer, dans les domaines de l'aménagement, de la gestion de services et de l'immobilier.
3. Weinberg Capital Partners (ci-après "Weinberg ") est une société par actions simplifiées, agréée par l'Autorité des marchés financiers, et active dans le secteur de la gestion de capital investissement. Elle gère les deux FPCI, WCP #1 et WCP #2. Elle ne détient pas de participations dans une entreprise exerçant la même activité que l'Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique (ci-après " Adit ").
4. L'Adit est une société anonyme active dans le secteur du conseil en gestion à destination des entreprises. L'Adit est contrôlée conjointement par l'Agence des participations de l'Etat (ci-après, " APE ") et Butler Capital Partner.
5. Aux termes de deux opérations successives, distinctes et indépendantes, l'Adit sera contrôlée conjointement par Weinberg et Bpifrance Investissement. La première opération consiste en l'acquisition par une société holding Financière Tess dont le contrôle exclusif sera détenu par le FPCI WCP#2 de la participation actuelle de Butler Capital Partners dans l'Adit. La seconde opération consiste en la prise de contrôle conjoint de l'Adit, par deux FPCI gérés par Bpifrance Investissement (France Investissement Croissance 5 et France Investissement Régions 1), celle-ci acquérant alors la majorité de la participation de l'APE au capital de l'Adit.
6. Ainsi, en vertu des pactes d'associés et du pacte d'actionnaires en date du 28 octobre 2015, Weinberg détiendra 66 % du capital et des droits de vote de l'Adit. Le solde sera détenu par la société Holding SP, contrôlée exclusivement par Bpifrance Investissement. Les décisions stratégiques de l'Adit, et notamment l'élection du président du conseil d'administration, la nomination du directeur général et l'adoption du plan stratégique et du plan moyen terme, ne pourront toutefois être valablement adoptées sans l'accord d'au moins la majorité des membres du conseil d'administration désignés par Bpifrance Investissement via Holding SP.
7. En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle conjoint de l'Adit par BPI et Weinberg, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (BPI : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; Weinberg Capital Partners [...] d'euro pour le même exercice ; Adit : [...] d'euro pour le même exercice) (2). Deux de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (BPI : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; Weinberg Capital Partners : [...] d'euro pour le même exercice ; Adit : [...] d'euro pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, les seuils prévus par l'article 1, paragraphe 2, a) et b) du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont atteints. Néanmoins, chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en France, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
9. La pratique décisionnelle (3) a considéré que les activités de conseils à destination des entreprises recouvraient six marchés distincts : (i) le marché des services de conseil en gestion, (ii) le marché des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises, (iii) le marché des services de conseil et d'assistance en fiscalité, (iv) le marché des services de conseil aux entreprises en difficulté, (v) le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises et (vi) le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
10. La Commission européenne a par la suite envisagé de segmenter le marché du conseil en gestion selon les services offerts, en distinguant le conseil en gestion d'investissement (4), les services de conseil en ressources humaines (5), et le conseil en assurances (6) sans toutefois trancher la question de la délimitation exacte du marché pertinent.
11. En l'espèce, l'Adit et la SCET sont simultanément actives dans le secteur du conseil en gestion aux entreprises.
12. La pratique décisionnelle a délimité le marché du conseil en gestion aux entreprises au niveau national sans cependant exclure que certains opérateurs se concurrencent au niveau international (7). En l'espèce, les parties à l'opération ont donné une estimation de leur part de marché au niveau national car elles y réalisent la totalité de leur chiffre d'affaires, ainsi qu'au niveau européen.
13. En tout état de cause, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue, la question de la définition précise des marchés du conseil aux entreprises peut être laissée ouverte.
III. Analyse concurrentielle
14. Sur les marchés nationaux des services de conseil aux entreprises, quelque soit la segmentation retenue, la part de marché de la nouvelle entité demeurera inférieure à [0-5] % à l'issue de l'opération. Elle restera confrontée à la concurrence de nombreux opérateurs, certains appartenant à de grands groupes internationaux, et notamment Accenture (11,5 %), Capgemini Consulting (3,5 %), CSC Computer Sciences (8 %), KPMG (4,5 %) ou encore le groupe CGI (4 %).
15. Sur un marché européen des services de conseil en gestion, les parties à l'opération ont estimé leur part de marché cumulée à [0-5] %.
16. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du conseil en gestion aux entreprises.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-179 est autorisée.
Notes :
1 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-81 du 2 juillet 2013 relative à la création de la Banque Publique d'Investissement, entreprise commune de l'État français et de la Caisse des Dépôts et Consignations.
2 En ce qui concerne le calcul du chiffre d'affaires des entreprises publiques, l'Autorité de la concurrence a indiqué dans sa décision n° 13-DCC-81 du 2 juillet 81, relative à la création de la Banque Publique d'Investissement, entreprise commune à l'État français et à la Caisse des Dépôts et Consignations, ne sont pris en compte que les entreprises appartenant au même ensemble économique doté du même pouvoir de décision autonome indépendamment de la détention de leur capital ou des règles de tutelle administrative qui leur sont applicables, et non l'ensemble des entreprises détenues par l'État. Lorsqu'une entreprise publique ne fait l'objet d'aucune coordination avec d'autres groupes contrôlés par l'État, il y a lieu de la traiter comme un groupe autonome aux fins du calcul des chiffres d'affaires et de ne pas tenir compte du chiffre d'affaires d'autres entreprises détenues par l'État. En revanche, lorsque plusieurs entreprises publiques relèvent d'un centre autonome de prise de décision commerciale, il y a lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires de l'ensemble de ces entreprises.
3 Voir les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.1016 du 20 mai 1998, Price Waterhouse/Coopers&Lybrand ; n° COMP/M. 2816 du 5 septembre 2002 Ernst & Young/Andersen France ; n° COMP/M.5597 du 9 décembre 2009 Towers Perrin/Watson Wyatt et la lettre du ministre de l'économie C2006-91 du 15 décembre 2006, au conseil de la société Deloitte, relative à une concentration dans les secteurs de l'audit, de l'expertise comptable et du conseil.
4 Décision n° COMP/M.5597 Towers Perrin/Watson Wyatt du 9 décembre 2009 et n° COMP/M.5951 Aon Corporation/Hewitt Associates du 28 septembre 2010
5 Décision n° COMP/M.5009 Randastad/Vedior du 17 avril 2008
6 Décision n° COMP/M.5597 Towers Perrin/Watson Wyatt du 9 décembre 2009
7 Voir les décisions précitées.