ADLC, 23 novembre 2015, n° 15-DCC-151
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Legal & General Holdings SA France par le groupe Apicil
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 23 octobre 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Legal & General Holdings SA France par le groupe Apicil, formalisée par un protocole de cession en date du 28 septembre 2015 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Apicil Prévoyance (1) est une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du Code de la sécurité sociale et fait partie du groupe paritaire de protection sociale Apicil. Apicil est dotée d'une association sommitale qui détermine les orientations politiques et stratégiques du groupe. Le groupe est composé de deux institutions de retraite complémentaire Agira Retraites des salariés (ARCCO) et AGIRA Retraites des cadres (AGIRC), une institution de prévoyance (Apicil Prévoyance) qui contrôle une compagnie d'assurance (Apicil Assurances), plusieurs cabinets de courtage actifs dans divers domaines de la protection sociale complémentaire et des mutuelles. Le groupe Apicil est actif dans les secteurs de la retraite complémentaire obligatoire, de l'assurance de personnes ainsi que dans le secteur des services bancaires, par l'intermédiaire de Skandia Invest.
2. La société Legal & General Holdings SA France (ci-après " Legal & General ") est contrôlée exclusivement par la société britannique Legal & General Overseas Holdings Limited. Elle est active dans le secteur des services bancaires et de l'assurance. Elle propose notamment une offre de produits dédiées aux entreprises, en matière de retraite, de santé-prévoyance et d'épargne salariale.
3. En vertu du protocole de cession en date du 28 septembre 2015, l'opération consiste en l'acquisition de l'intégralité du capital et des droits de vote de la société Legal & General par Apicil Prévoyance. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Legal & General par Apicil Prévoyance, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (Apicil : 1,6 milliards d'euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; Legal & General : 537,3 millions d'euro pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (Apicil Prévoyance : 1,6 milliards d'euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; Legal & General : 537,3 millions d'euro pour le même exercice). Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés à l'article L. 430-2-I du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Les parties sont simultanément actives dans le secteur des assurances et le secteur bancaire. Leur position cumulée sur les marchés des services bancaires reste toutefois inférieure à 1 %, quel que soit le segment considéré. Il peut donc d'ores et déjà être conclu que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ces marchés, qui ne feront par conséquent pas l'objet d'une analyse plus détaillée dans le cadre de la présente décision.
A. LE SECTEUR DES ASSURANCES
6. Les parties sont simultanément actives sur les marchés amont des produits d'assurances de personnes. Apicil Prévoyance est également présente sur les marchés aval de distribution d'assurances pour le compte de tiers. Ces marchés seront donc également analysés au titre des effets verticaux.
1. LES MARCHES AMONT DE PRODUITS D'ASSURANCE
7. Au sein du secteur de l'assurance, la pratique décisionnelle (2) distingue, de manière constante, les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacun pouvant à leur tour être segmenté en autant de marchés qu'il existe d'assurances couvrant les différents types de risques ou types de contrats, dans la mesure où, du point de vue de la demande, ces assurances ou ces contrats diffèrent et ne sont pas substituables.
8. Concernant le marché des assurances de personnes, la pratique décisionnelle a notamment identifié au sein de ce secteur le marché de l'épargne et de l'assurance-vie, qui regroupe l'ensemble des produits financiers proposés dans le cadre d'assurances facultatives de capital ou de rente, et les produits d'assurance-vie (3). Une segmentation supplémentaire peut également être opérée entre les contrats d'assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d'assurance individuelle pour lesquels le souscripteur est également le bénéficiaire (4).
9. Au cas d'espèce, les parties à l'opération sont simultanément actives en matière d'assurance de personnes, et en particulier, sur les segments suivants :
- le marché de l'assurance vie individuelle ;
- les marchés de la prévoyance collective et individuelle qui regroupent les produits d'assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas de décès, d'invalidité ou d'incapacité) au moyen d'un versement sous la forme d'un capital ou d'une rente (5) ;
- le marché de l'assurance santé complémentaire collective qui a pour objet de compléter les prestations offertes par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Le risque couvert correspond aux frais, non pris en charge par la sécurité sociale, à engager pour se soigner. Les remboursements complémentaires sont fonction des prestations du régime légal de la sécurité sociale (6).
10. S'agissant de leurs délimitations géographiques, à l'exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle (7) considère que les marchés de l'assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l'existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation concernant ce secteur d'activités.
2. LES MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS
11. La distribution de produits d'assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d'assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers (8). Les autorités de concurrence, tant européenne que nationales, ont laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées (9).
12. La pratique décisionnelle (10) a ainsi envisagé un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance. La pratique a également considéré un marché plus étroit du courtage d'assurance, comprenant ce seul canal de distribution.
13. Les marchés de la distribution de produits d'assurance peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) et selon la clientèle (entreprises ou particuliers).
14. Au cas d'espèce, seule Apicil Prévoyance est active en matière de distribution de produits d'assurances, par l'intermédiaire des cabinets de courtage en assurance Profinance, Courtage & systèmes et Apicil Preci. Ces cabinets distribuent soit des produits d'assurance vie assurés directement par des organismes de groupe Apicil, soit des produits de prévoyance collective et individuelle et d'épargne salariale d'autres compagnies qui sont aujourd'hui pour la plupart fermésq à la vente.
15. S'agissant de leurs délimitations géographiques, les marchés de la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers ont été considérés pour l'essentiel comme étant de dimension nationale.
16. La question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d'assurance peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. SUR LES MARCHES DE L'ASSURANCE
17. Dans le secteur de l'assurance, les parties sont simultanément présentes sur le marché amont de produit d'assurance de personnes sur les segments de l'assurance vie individuelle, de la prévoyance individuelle et collective et de l'assurance santé complémentaire collective.
18. Sur l'ensemble des segmentations envisagées par la pratique pour lesquelles l'opération emporte un chevauchement, la partie notifiante estime que la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [0-5]%. En outre, Apicil demeurera soumis à la concurrence exercée par de nombreux opérateurs dont CNP, Crédit Agricole Assurances et BNP Paribas Cardif en matière d'assurance vie ainsi qu'à l'Union Harmonie Mutuelles, le Groupe Istya et Axa France en matière d'assurance santé et de prévoyance.
19. En conséquence, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux dans le secteur de l'assurance.
B. ANALYSE DES EFFETS NON-HORIZONTAUX
20. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Une concentration est en outre susceptible d'entraîner des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché.
21. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu'un risque d'effet vertical ou congloméral peut être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
22. En l'espèce l'opération permet au groupe Apicil, présent sur les marchés aval de distribution d'assurances pour le compte de tiers, de renforcer sa position sur les marchés amont des produits d'assurances de personnes. Toutefois, sur l'ensemble de ces marchés, la part de marché de l'entité combinée restera inférieure à 5 %.
23. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux ou congloméraux.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-165 est autorisée.
Notes :
1 Apicil Prevoyance est issue d'Apicil Prévoyance, institution de prévoyance née de la fusion, en 1996, de l'Association de Prévoyance Interprofessionnelle des Cadres et Ingénieurs de la région Lyonnaise (Apicil Prévoyance) et de l'Association de Retraite Complémentaire pour l'Industrie et le Commerce Lyonnais (Arcil Prévoyance).
2 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 - Groupama / OTP Garancia du 15 avril 2008, COMP/M.3556 - Fortis / BCP du 19 janvier 2005, ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-84 du 4 juillet 2013, relative à l'affiliation de la mutuelle interprofessionnelle SMI à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa, n°11-DCC-97 du 29 juin 2011 relative à l'affiliation de l'institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa et n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d'une Société de Groupe d'Assurance Mutuelle ("SGAM") par la MACIF, la MAIF et la MATMUT.
3 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010, relative à la création d'une société de groupe d'assurance mutuelle (" SGAM ") par la MACIF, la MAIF et la MATMUT. Voir également la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie C2007-49 du 21 août 2007 aux conseils de l'institut de prévoyance AG2R Prévoyance et la société La Mondiale, relative à une concentration dans le secteur de l'assurance prévoyance santé et retraite, B.O.C.C.R.F. N° 8 bis du 26 octobre 2007.
4 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP / M.5083 précitée et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès.
5 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie C2008-77 du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité, relative à une concentration dans le secteur des assurances santé complémentaires et de prévoyance, B.O.C.C.R.F. N°2 bis du 2 avril 2009.
6 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie C2008-77 du 28 octobre 2008 précitée et la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi C2007-49 du 21 août 2007 précitée.
7 Voir notamment la décision n° 10-DCC-52 précitée.
8 Voir notamment la lettre du ministre de l'économie C2008-77 du 28 octobre 2008 précitée.
9 Voir notamment la lettre du ministre C2008-77 du 28 octobre 2008 précitée et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-126 du 5 septembre 2013 relative à la prise de contrôle de la société Sofaxis par la société d'assurance mutuelle Sham.
10 Voir notamment la décision n° 12-DCC-111 précitée.