CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 1 mars 2007, n° 05-02202
CAEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Régis Ferriere (SARL), PC Organisation (SARL)
Défendeur :
Granville Distribution (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fevre
Conseillers :
Mmes Holman, Boissel Dombreval
Avocats :
Mes Jaulin-Dauphine, Berlemont, Gouedard, SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte, SCP Terrade Dartois, SCP Parrot Lechevallier Rousseau
Courant 2003, la Société Granville Distribution qui exploite le Centre Leclerc de Granville a sollicité la société PC Organisation, qui se définit comme une " entreprise d'organisation évènementielle ", aux fins d'animation pour les fêtes de Noël, souhaitant notamment décorer la façade de son centre commercial.
Le 7 octobre 2003, la Société PC Organisation a soumis à sa cliente le bon de commande établi par la Société Regis Ferriere soit une bande de 7 tapis de sapins non lumineux de 5 m x 0,70 m et 48 bandes de tapis de sapins lumineux d'un format unitaire de 1,90 m x 1,30 m, au prix total de 8 496,38 euro TTC.
La Société Granville Distribution a accepté ce bon le 13 octobre 2003, et la Société PC Organisation l'a retourné signé à la Société Régis Ferriere le 17 octobre pour les sapins non lumineux, le 22 octobre 2003 pour les sapins lumineux.
Conformément aux clauses contractuelles, la marchandise a été livrée le 12 novembre 2003 directement au Centre Leclerc de Granville, la pose devant être effectuée par le personnel d'entretien du magasin, et intégralement réglée, étant précisé que cette vente a été facturée 6 861,98 euro à la Société PC Organisation par la Société Régis Ferriere.
A l'issue de l'installation, il a été constaté que les 38 tapis lumineux avaient pour dimension 1,80 m x 1,10 m et que l'ensemble ne pouvait pas couvrir la surface de la façade, ce dont la société PC Organisation a averti la Société Régis Ferriere le 23 novembre 2003.
La Société Régis Ferriere a proposé de livrer 5 tapis supplémentaires, non lumineux, de 1 m x 5 m, ce qui a été refusé par la Société Granville Distribution.
Le 2 décembre 2003, la Société Granville Distribution, en accord avec la Société PC Organisation, a retourné la marchandise à la Société Régis Ferriere, qui l'a refusée et l'a réexpédiée à la Société Granville Distribution, laquelle l'a également refusée le 17 décembre 2003, et celle - ci est restée entreposée chez le transporteur.
Par acte du 16 juillet 2004 , la Société Granville Distribution a fait citer la Société PC Organisation devant le tribunal aux fins de voir constater la résiliation amiable du contrat, subsidiairement voir prononcer sa résiliation judiciaire, et obtenir paiement des sommes de 8 496,38 euro en remboursement de la marchandise, 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par acte du 3 septembre 2004 la Société PC Organisation a assigné en garantie la Société Régis Ferriere et a demandé paiement d'une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire le tribunal a :
- prononcé la résolution totale du contrat de vente entre les sociétés Granville Distribution et PC Organisation, aux torts exclusifs de la Société PC Organisation.
- Condamné la Société PC Organisation à rembourser à la Société Granville Distribution la somme de 8 496,38 euro avec intérêts au taux légal à compter du jour de la signification du jugement jusqu'au jour du paiement contre restitution de la marchandise.
- Débouté la Société Granville Distribution de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et pour préjudice commercial.
- Condamné la Société PC Organisation à payer à la Société Granville Distribution la somme de 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- Prononcé la résolution partielle du contrat passé entre les Sociétés PC Organisation et Régis Ferriere, aux torts exclusifs de la Société Régis Ferriere.
- Condamné la Société Régis Ferriere à garantir la Société PC Organisation de toutes les condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de la somme de 2 172,89 euro, contre restitution de la marchandise défectueuse.
- Condamné la Société Régis Ferriere à payer à la Société PC Organisation la somme de 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En exécution du jugement les tapis ont été retournés directement par la Société Granville Distribution à la Société Régis Ferriere et les colis ouverts le 29 juillet 2005 en présence de toutes les parties et d'un huissier qui a dressé constat.
Vu les écritures signifiées
* le 15 janvier 2007 par la Société Régis Ferriere qui conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de l'appel en garantie et des réclamations de la société Granville Distribution, subsidiairement à l'exclusion de garantie pour la marge prise par le Société PC Organisation soit 1 634,40 euro TTC à la limitation des dommages et intérêts à la somme de 1 euro, et demande paiement des sommes de 5 396,35 euro TTC au titre de la remise en état, 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
* le 15 janvier 2007 par la Société PC Organisation qui conclut à l'infirmation du jugement, au débouté des réclamations et demande paiement d'une somme de 1 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la résolution de la vente, à la condamnation de la Société Granville Distribution au paiement de la somme de 4 512 euro H.T au titre du coût des travaux de remise en état de la marchandise et à la garantie totale de la société Régis Ferriere.
* le 16 janvier 2007 par la Société Granville Distribution qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement des sommes de 3 500 euro à titre de dommages et intérêts, 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
I - Sur la résolution de la vente
Aux termes de l'article 1604 du Code civil, le vendeur est tenu envers l'acheteur d'une obligation de délivrance de la chose conformément à la commande, et l'acheteur ne peut être contraint d'accepter une chose différente.
La réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité.
En l'espèce, les produits ont été livrés " sous réserve de contrôle ", ainsi que l'a précisé le réceptionnaire des marchandises.
La Société Régis Ferriere soutient qu'en application du texte susvisé, et de ses conditions générales de vente - dont il n'est pas contesté que la Société PC Organisation a pris connaissance et les a acceptées - qui stipulent (article 5) que " la réception des produits par l'acheteur annule toute réclamation contre le vendeur pour dommages, avaries et manquants sauf si l'acheteur notifie ses réserves (.....) dans un délai de 3 jours (....) au vendeur ", la Société PC Organisation, qui n'a émis aucune réclamation avant le 15 novembre 2003, alors que l'ouverture et la pose d'un seul tapis permettait de constater la différence de dimension, est désormais infondée à contester la livraison.
Cependant, contrairement aux allégations de la Société Régis Ferriere, l'erreur de dimensionnement, qu'elle a toujours reconnue, ne constitue pas un " manquant " au sens de ses conditions générales de vente, mais un défaut de conformité, et donc un manquement à l'obligation de délivrance.
En raison du conditionnement de la marchandise, et des contraintes spécifiques de la pose, - tapis par tapis - cette non-conformité n'était pas apparente lors de la réception et n'a été révélée - et immédiatement dénoncée par la Société PC Organisation à son cocontractant - qu'à l'issue de la pose, lorsqu'il a été découvert que sur une longueur de 31,20 m il manquait un revêtement de 4,80 m.
Eu égard aux travaux supplémentaires de nouvelles découpes et de pose de guirlandes électriques, pour un résultat incertain, que nécessitaient la proposition de remplacement suggérée par la Société Régis Ferriere, il ne peut être reproché à la Société PC Organisation de l'avoir refusée.
La marchandise étant exclusivement destinée à la décoration, il ne pouvait pas non plus être envisagé une couverture partielle de la surface, l'effet esthétique, qui était le but recherché et même l'objet du contrat étant alors totalement désastreux.
Eu égard à la gravité du manquement à l'obligation de délivrance, puisque la marchandise livrée était ainsi impropre à sa destination et alors que la Société Régis Ferriere est infondée à reprocher à la Société Granville Distribution d'avoir seulement assigné la Société PC Organisation puisque celle-ci était son seul cocontractant, le tribunal a justement fait droit à la demande de résolution des contrats en application de l'article 1184 du Code civil , résolution totale pour le contrat conclut entre les Sociétés Granville Distribution et PC Organisation, partielle pour le contrat conclu entre la Société PC Organisation et la Société Régis Ferriere, les sapins non lumineux étant étrangers au litige.
II - Sur les conséquences des résolutions
Lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution par l'une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé.
En raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose par l'acquéreur, mais cet effet rétroactif oblige l'acquéreur à indemniser le vendeur de la dépréciation subie par la chose à raison de l'utilisation qu'il en a faite, à l'exclusion de celle due à la vétusté.
En l'espèce, en conséquence de la résolution des ventes, le tribunal a justement ordonné le remboursement du prix de vente et la restitution du matériel.
La Société Régis Ferriere soutient que le préjudice subi par la Société Granville Distribution est exclusivement en lien de causalité non avec la dimension des produits, mais avec les négligences de la Société PC Organisation, qui a manqué à son obligation de conseil concernant la pose, l'esthétique de l'installation et l'adaptation à son cadre.
Cependant elle ne produit aucun élément de nature à étayer ses allégations, et à caractériser en quoi la commande litigieuse constituait pour la Société PC Organisation une " erreur de goût et d'appréciation ", sauf à dénigrer ses propres produits.
Le seul motif de retour par la Société Granville Distribution de la marchandise est expressément le défaut de conformité et non les difficultés de pose ou le résultat visuel, comme prétendu par la Société Régis Ferriere.
Le jugement sera donc confirmé sur la garantie due par la Société Régis Ferriere à la Société PC Organisation.
Cependant à titre de dommages et intérêts complémentaires, la garantie dûe par la Société Régis Ferriere à la Société PC Organisation sera étendue au montant de la marge commerciale de celle-ci soit 1 634,40 euro.
Par ailleurs, alors que les frais de remise en état réclamés par la Société Régis Ferriere ne résultent pas de la dépréciation de la marchandise à raison de son utilisation mais des strictes nécessités de la pose, que le contrat est résilié aux torts de la société Régis Ferriere et que celle-ci a initialement refusé la restitution des marchandises qui ont été de ce fait stockées plus de deux ans dans des conditions défavorables à leur conservation, le coût de leur remise en état sera laissé à sa charge.
III - Sur la demande de dommages et intérêts de la société Granville Distribution
Cette augmentation du montant de la réclamation en cause d'appel constitue le complément des demandes initiales.
Elle est donc recevable en application de l'article 566 du nouveau Code de procédure civile.
Au fond la Société Granville Distribution ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'existence et le montant du préjudice par elle allégué à savoir les 90 heures de pose réglées en pure perte à ses agents d'entretien et la privation de décoration extérieure à Noël 2003, et ce alors que la Société PC Organisation affirme, sans être contredite sur ce point, que depuis 2003 la Société Granville Distribution ne décore pas les façades de son magasin à l'occasion de Noël, et que celle-ci ne prétend pas avoir subi de ce chef une baisse de son chiffre d'affaires.
Sa demande, infondée, a donc été justement rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
IV - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure et les dépens
Succombant principalement sur la procédure d'appel, la Société Régis Ferriere a contraint la Société PC Organisation et la Société Granville Distribution à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 1 800 euro pour chacune d'elles.
Pour le même motif, elle sera condamnée aux dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Dit cependant que la SARL Régis Ferriere doit à la SARL PC Organisation garantie d'une somme complémentaire de 1 634,40 euro. Y additant, Déboute la SARL Régis Ferriere de sa demande en paiement de frais de remise en état. Condamne la SARL Régis Ferriere à payer à la SARL PC Organisation et à la SAS Granville Distribution la somme de 1 800 euro chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SARL Régis Ferriere aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.