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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 10 décembre 1999, n° 1998-24019

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Diffusion des Ebénistes Contemporains

Défendeur :

Sarfati (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briottet

Conseillers :

Mmes Deubergue, Bernard

Avocats :

Mes Lagrave, Messica-Seveno

TGI Paris, 5e ch., 2e sect., du 2 juill.…

2 juillet 1998

Par jugement rendu le 2 juillet 1998, me Tribunal de grande instance de Paris a prononcé la résolution de la vente de l'ensemble de salon de référence Caracas composé d'un canapé 3 places et de deux fauteuils intervenue le 24 mars et le 15 avril 1994, a dit que contre remise des éléments du salon, la société anonyme de Diffusion des Ebénistes Contemporains dite société Roméo, devra restituer aux époux Sarfati le prix payé soit 45 000 francs, a débouté les époux Sarfati de leur demande de dommages-intérêts, a débouté la société Roméo de sa demande reconventionnelle, a ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Roméo à payer aux époux Sarfati la sommes de 7 000 francs en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Roméo a relevé appel. Elle conteste n'avoir pas respecté son obligation de délivrance dans la mesure où il serait acquis selon elle que le mobilier livré et accepté sans réserve par les acquéreurs les époux Sarfati le 15 avril 1994 est strictement conforme au bon de commande du 24 mars 1994. Elle estime donc que la vente ne pouvait être résolue pour manquement l'obligation de délivrance. Bien plus, la société Roméo soutient qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle. Elle rappelle l'avis de la société fabricante du cuir litigieux qu'elle avait elle-même sollicitée, et selon lequel les désordres constatés : craquelures, décoloration du cuir, étaient la conséquence de soins incorrects et d'emploi de nettoyants seuls ou en combinaison avec une exposition direct et prolongée au soleil. Elle relève que l'expert judiciaire n'a fait état quant à lui d'aucune considération technique et que son rapport dans lequel il affirme que la décoloration est la conséquence " d'un défaut de fixation de la charge de pigmentation au moment de la finition du cuir en tannerie n'est pas motivé. L'appelante ajoute que depuis la décision entreprise, elle a soumis à l'examen du Centre Technique du Cuir, une housse de cousin d'assise litigieux, le mobilier lui ayant été restitué au titre de l'exécution provisoire, et que les techniciens n'ont pas mis en cause la qualité du cuir, mais son usage et l'utilisation d'un produit d'entretien inadapté. La société Roméo conclut, en conséquence, au débouté de toutes les demandes formées par les époux Sarfati, mais à titre commercial, offre de procéder à un traitement de l'intégralité des assises du salon pour une repigmentation du cuir tout en garantissant une concordance tant au niveau de la matière que des nuances de couleur avec les autres éléments du salon. Subsidiairement, sur la réparation du préjudice invoqué par les époux Sarfati, l'appelante note que ces derniers ont joui de leur mobilier du 15 avril 1994 au 16 mars 1999, date de sa restitution, et ne justifient d'aucun frais de déménagement et d'achat d'un nouveau salon.

Enfin, dans l'hypothèse où la vente serait résolue, la société Roméo demande reconventionnellement la condamnation des époux Sarfati à lui payer une indemnité mensuelle de 500 francs au titre de l'utilisation du mobilier depuis le 15 avril 1994 au 16 mars 1999. En tout état de cause, l'appelante requiert 10 000 francs de frais irrépétibles.

Les époux Sarfati répliquent que la société Romeo est d'une parfaite mauvaise foi. Ils s'en tiennent aux conclusions de l'expertise contradictoire faite par Monsieur Morlot et notamment au fait que la décoloration du cuir ne peut apparaître qu'après un frottement répété de l'utilisation des assises. Ils sollicitent le rejet du courrier émanant d'un organisme privé qui serait censé être un meilleur avis technique, d'autant que rien ne prouve que le cousin examiné provient du meuble litigieux et refusent l'offre de repigmentation du cuir, en faisant valoir que l'expert a indiqué qu'une repigmentation était délicate et que la décoloration pouvait se reproduire. Ils réclament ainsi la confirmation du jugement entrepris quant à la résolution de la vente, la restitution du salon et celle du prix. Par ailleurs, les intimés sont appelants incidents pour demander la condamnation de la société Romeo à une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour troubles et tracas divers et frais de déménagement du mobilier ainsi qu'à une somme de 10 000 francs en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR QUOI,

Considérant que le vendeur à l'obligation de délivrer très précisément la chose convenue dans le contrat et non une chose différente, faute de quoi il engage sa responsabilité pour inexécution du contrat ; que la différence peut être d'ordre quantitatif ou qualitatif voir même d'ordre esthétique ;

Considérant que les époux Sarfati ont acquis auprès de la SA Roméo, suivant bon de commande du 24 mars 1994, un canapé 3 places et 2 fauteuils dont la structure devait être en hêtre massif et dérivés et les coussins recouverts de cuir marron glacé avec une piqûre grains de café ; que la SA Romeo est un professionnel de l'ameublement installé Faubourg Saint Antoine à Paris 12ème, quartier réputé en ce domaine ; que le salon acheté était d'un prix élevé soit 45 000 francs ; qu'il suit de ces éléments qu'était rentré dans le champ contractuel, l'exigence de meubles de qualité, couleur marron glacé, au confort et à la longévité assurés eu égard aux matières choisies : cuir et hêtre massif ;

Considérant que la SA Roméo a soumis un des coussins à l'avis du fabricant danois " Scandinavian Leather Faaborg ", lequel a estimé dans un courrier du 31 mai 1995 que les craquelures en évidence sur le coussin n'étaient pas dues à un défaut de la matière d'origine mais étaient " le résultat de soins incorrects du cuir et très probablement ont été causées par des agents chimiques comme des nettoyants seuls ou en combinaison avec une exposition prolongée au soleil " ; que dans son rapport, Monsieur Morlot expert désigné par une ordonnance de référé du 9 novembre 1995 à l'initiative des époux Sarfati, a contredit formellement cet avis du fabriquant ; qu'il a d'abord constaté que le canapé et les fauteuils n'étaient pas disposés près d'une source de lumière importante et que la décoloration atteignait surtout les assises et les accoudoirs, c'est-à-dire les parties des meubles davantage sollicités par leur utilisation que les autres ; qu'il a conclu ensuite que cette décoloration n'était " pas due à un entretien effectué par son propriétaire mais à un défaut de fixation de la charge de la pigmentation au moment de la finition du cuir en tannerie " ; qu'il a justifié cette explication par le fait " qu'une telle décoloration ne peut apparaître qu'après un frottement répété donc l'utilisation des assises " ;

Considérant que la SA Roméo qui n'a fait aucune remarque particulière lors de l'expertise, ni n'a sollicité en première instance une nouvelle expertise est mal venue à critiquer le travail de Monsieur Morlot et à produite un deuxième avis technique, celui daté du 9 avril 1999 du Centre Technique du Cuir à Lyon pour combattre les conclusions expertales ; qu'en outre, il n'est pas certain que le Centre Technique du Cuir ait examiné un coussin provenant du salon litigieux ; que cet examen n'a pas été par ailleurs contradictoire ;

Considérant que la non-conformité du salon livré le 15 avril 1994 à la commande du 24 mars 1994 apparaît acquise, la qualité du cuir revêtant le salon étant différente de celle commandée puisqu'elle n'a pas permis l'utilisation recherchée, celle d'un salon dont l'esthétisme ne s'altère pas pendant plusieurs années ; que l'avis du Centre Technique du Cuir de Lyon vient encore en renfort de cette non-conformité dans la mesure où il admet qu'après 4 ans seulement d'utilisation, la fleur du cuir d'un canapé et de deux fauteuils achetés 45 000francs a perdu de son élasticité par l'usage, ce que même un profane trouvera anormal ; que la société Roméo n'a donc pas exécuté son obligation de délivrance à l'égard des époux Sarfati ;

Considérant que ces derniers étaient en droit de choisir de demander la résolution de la vente ; qu'en l'espèce la gravité de l'inexécution justifie cette résolution prononcée par les premiers juges ; que les époux Sarfati ne pouvaient garder un salon en cuir décoloré et craquelé dans un intérieur que l'on peut supposer aussi raffiné que possible à hauteur du prix d'acquisition du salon ; qu'il ne saurait en conséquence leur être imposé, comme le voudrait la SA Roméo une exécution forcée, après traitement des assises par repigmentation du cuir, l'expert ayant au surplus qualifié de très aléatoire ce moyen de remédier au désordre ;

Considérant qu'au bénéfice de l'exécution provisoire, la résolution a de fait été exécutée, le prix et le mobilier restitués ; qu'il reste que l'octroi aux époux Sarfati de dommages-intérêts à concurrence de 15 000 francs pour troubles et tracas et frais de déménagement est justifié en cause d'appel et que la SA Roméo qui a résisté à l'action des époux Sarfati et à l'exécution provisoire avec toute la force du professionnel face au consommateur profane sera déboutée de sa demande de paiement d'une indemnité de jouissance ;

Considérant enfin qu'il est équitable d'allouer aux époux Sarfati une indemnité complémentaire de 7 000 francs pour frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, Contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ; l'Emendant de ce seul chef et statuant à nouveau, Condamne la société anonyme de Diffusion des Ebénistes Contemporains dite société Roméo à payer aux époux Sarfati Daniel la somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts, y Ajoutant, Condamne la SA Roméo à payer aux époux Sarfati la somme complémentaire de 7 000 francs en application de l'article 700 du Code procédure civile en cause d'appel, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la SA Roméo aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.