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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 18 octobre 2006, n° 05-06038

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Barcella

Défendeur :

Chanel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avocats :

Me Martinet, SCP Bolling - Durand - Lallement, SCP Menard - Scelle-Millet

TGI Bobigny, du 11 janv. 2005

11 janvier 2005

Vu l'appel interjeté par Guillaume Barcella du jugement rendu le 11 janvier 2005 par le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a :

- dit que Guillaume Barcella, en important en France des articles portant la marque " Chanel " et la marque formée par l'emblème formé des deux " C " entrecroisés et inversés l'un de l'autre, sans autorisation de la société Chanel, propriétaire des enregistrements de ces deux marques, a commis des actes de contrefaçon,

- dit que Guillaume Barcella, en important en France ces mêmes articles qui portent les mentions " Chanel PARIS " et " Made in Paris " a commis des actes de fausse indication de provenance,

- fait défense à Guillaume Barcella de renouveler ces actes sous astreintes de 150 euro par article importé, fabriqué, détenu, offert en vente ou vendu au mépris de cette interdiction et de 100 euro par jour de retard à se conformer à cette injonction,

- condamné Guillaume Barcella à payer à la société Chanel une indemnité de 4 500 euro en réparation de son préjudice,

- autorisé la société Chanel, à titre de complément de réparation, à faire publier, par extraits ou par résumés, le jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques de son choix, aux frais avancés de Guillaume Barcella dans la limite globale de 4 000 euro HT pour l'ensemble de ces publications,

- ordonné la confiscation de tous les articles ou documents contrefaisant se trouvant en la possession de Guillaume Barcella ou détenus pour son compte et leur remise à la société Chanel aux fins de destruction,

- condamné Guillaume Barcella aux dépens qui comprendront les frais de la saisie-contrefaçon ;

Vu les dernières écritures signifiées le 9 mars 2006 par lesquelles Guillaume Barcella, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de débouter la société Chanel de l'ensemble de ses prétentions ;

Vu les ultimes conclusions signifiées le 25 août 2006 aux termes desquelles la société Chanel prie la Cour de confirmer la décision déférée et, y ajoutant, de lui allouer la somme complémentaire de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur quoi, la cour

Considérant que la société Chanel est titulaire des marques suivantes, qui désignent notamment des vêtements :

- la marque dénominative " Chanel ", déposée le 23 janvier 1990, enregistrée sous le N° 1.571.469, renouvelée en dernier lieu le 6 janvier 2000,

- la marque figurative formée par un emblème composé de deux C entrecroisés et inversés l'un par rapport à l'autre, déposée le 18 avril 1989, enregistrée sous le N° 1.524.958, renouvelée pour la dernière fois le 27 janvier 1999 ;

Que par avis du 23 octobre 2003 , la société Chanel a été informée par la Direction Régionale des Douanes de Roissy qu'il avait été procédé à la retenue de marchandises présumées contrefaisant la marque " Chanel " en provenance de Hong Kong, l'expéditeur étant dénommé Simon SO, ayant pour destinataire, Guillaume Barcella résidant en France à la Seyne Sur Mer ; qu'autorisée par ordonnance sur requête du président du Tribunal de grande instance de Bobigny, la société Chanel a, conformément à l' article L. 716-8 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle , fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 3 novembre 2003 dans l'entrepôt sous douane de Chronopost, qui a révélé que le colis retenu contenait 3 pull-overs sur lesquels étaient apposés la marque " Chanel " et la marque figurative ci-dessus décrite ;

Qu'au vu de ces renseignements, la société Chanel a assigné Guillaume Barcella devant le Tribunal de grande instance de Bobigny en contrefaçon de marque et actes de fausse indication de provenance ;

- Sur la contrefaçon

Considérant que Guillaume Barcella conteste avoir commis des actes de contrefaçon de marques faisant valoir que la charge de la preuve incombe à la société Chanel, la lettre de transport aérien, seul élément qu'elle produit, qui a été remplie par l'expéditeur des produits incriminés, ne démontrant ni qu'il les a commandés, ni qu'il souhaitait les obtenir ; qu'il ajoute avoir déclaré à Chronopost qu'il ne désirait pas recevoir ce colis et qu'il n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi ;

Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon ont révélé que les 3 pull-overs contenus dans le colis destiné à Guillaume Barcella présentent les éléments suivants :

- les dénominations " Chanel ", " Chanel Boutique Paris " et " Chanel Club " sur les étiquettes en tissu et en carton, attachées au niveau du col,

- les deux pulls au col en V, deux bandes latérales comportant six motifs représentant les deux C entrecroisés et inversés et une pièce plastique rectangulaire cousue, en bas à gauche, sur l'avant, reproduisant la dénomination " Chanel ",

- le pull à col rond, deux bandes latérales verticales comportant 4 motifs reproduisant 2 C entrecroisés et inversés et une pièce plastique cousue sur le bas à l'avant gauche, comportant ce même motif ;

Que sur l'étiquette en carton attachée à l'encolure des deux pulls à col en V est mentionnée " Made in France " ; que ces trois pull-overs sont présentés dans des sacs en plastique transparent revêtus de la dénomination 'Chanel' et du motif constitué par le double C ;

Considérant que ces articles sont revêtus de dénominations et de signes figuratifs qui reproduisent à l'identique les deux marques de la société Chanel ; que s'agissant de produits identiques à ceux visés dans les certificats d'enregistrement des marques, les faits de contrefaçon par reproduction sont caractérisés ;

Que l'apposition des mentions " Chanel Boutique Paris " et " Made in France " alors que ces produits sont importés de Chine constitue une fausse indication de provenance, prohibée par l'article L. 217-1 du Code de la consommation ;

Considérant qu'il ressort de la lettre de transport aérien annexée au procès-verbal de saisie-contrefaçon que le colis a été expédié par Simon SO domicilié à Hong Kong à Guillaume Barcella à son adresse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Convention de Varsovie, la lettre de transport aérien fait foi, jusqu'à preuve contraire, de la conclusion du contrat, de la réception de la marchandise et des conditions de transport ;

Considérant que Guillaume Barcella ne conteste pas que les informations portées sur la lettre de transport aérien correspondent à son identité et à ses coordonnées exactes ;

Que la société Chanel relève pertinemment que l'expédition de ces marchandises par un moyen de transport onéreux, à l'adresse précise de Guillaume Barcella n'est pas le fruit du hasard et ne peut résulter d'une commande passée par un tiers, encore moins d'un cadeau dont il ne s'explique pas sur les motifs ;

Que Guillaume Barcella oppose en vain le fait qu'il a refusé de retirer le colis, refus qui n'est intervenu qu'en réponse à la lettre de Chronopost International l'informant qu'il faisait l'objet d'une retenue en douane ; que ce comportement confirme, comme l'ont justement relevé les premiers juges, la connaissance du caractère illicite des produits commandés ; qu'en tout état de cause, la bonne foi est inopérante devant les juridictions civiles statuant en matière de contrefaçon ;

Qu'en important sur le territoire français les vêtements revêtus des marques contrefaites, Guillaume Barcella a commis des actes de contrefaçon par reproduction ; qu'il doit également être déclaré responsable, au visa des articles 1386-1 et 1386-6 alinéa 2 du Code civil , des mentions constituant une fausse indication de provenance ;

- Sur les mesures réparatrices

Considérant que ces actes portent atteinte à la valeur patrimoniale des marques renommées de la société Chanel qui justifie engager des investissements importants en frais de création et publicitaires pour asseoir son image de luxe et sa réputation et valoriser de nouveaux produits ;

Qu'au regard de la faible quantité de produits saisis, l'indemnité de 4 500 euro allouée par les premiers juges constitue une exacte réparation du préjudice subi par la société Chanel ;

Que les mesures d'interdiction et de publication prononcées par les premiers juges, nécessaires pour mettre un terme aux agissements illicites, doivent être confirmées, sauf à préciser s'agissant de la publication qu'il sera fait mention du présent arrêt ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Chanel, la somme complémentaire de 1 000 euro devant lui être allouée à ce titre ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par Guillaume Barcella ;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Dit que la publication ordonnée fera mention du présent arrêt, Condamne Guillaume Barcella à verser à la société Chanel la somme complémentaire de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne Guillaume Barcella aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.