CA Lyon, 3e ch. A, 11 février 2016, n° 15-07190
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Mechling
Défendeur :
Flora Nova (SA), Financière Postulka (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Mes Montagard, de Saint-Pol, Selarl B2R & Associés, Selarl Dana, Associés, Selarl Sauterel
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties
Le 12 juin 2010, Franck Mechling a régularisé avec la SA Flora Partner, aujourd'hui devenue SARL Financière Postulka, un contrat de franchise portant sur l'exploitation d'un point de vente sous l'enseigne " Le Jardin des fleurs ".
Pour exercer son activité, Franck Mechling a créé la SARL Flora Project le 7 juillet 2010 et cette société a emprunté à la Banque Populaire Loire et Lyonnais (BPLL) la somme de 189 000 euro, son gérant s'étant engagé en qualité de caution de ce prêt à hauteur de 63 000 euro.
Le 28 février 2011, le réseau " Le Jardin des fleurs ", exploité par la société Flora Partner, a été cédé à la SA Flora Nova.
Le 7 novembre 2012, le Tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Flora Project.
Par acte du 26 décembre 2013, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a fait délivrer assignation à Franck Mechling devant le Tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir sa condamnation au paiement du montant de son engagement de caution du prêt consenti à la société Flora Project.
Franck Mechling a alors assigné le 10 janvier 2014 les sociétés Flora Nova et Financière Postulka devant le Tribunal de commerce de Lyon en indemnisation du préjudice subi et afin d'être relevé et garanti des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la Banque Populaire Loire et Lyonnais.
La société Flora Nova a soulevé l'incompétence du tribunal saisi désignant la juridiction consulaire de Bordeaux.
Par jugement en date du 7 septembre 2015 auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :
" Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Flora Nova et Financière Postulka.
Se déclare incompétent au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux.
Dit qu'à défaut de contredit, le Greffier du tribunal, conformément à l'article 97 du Code de procédure civile, transmettra le dossier de l'affaire à la juridiction ci-dessus désignée.
Rejette la demande de jonction formée par Monsieur Franck Mechling de la présente procédure avec celle l'opposant à la Banque Populaire Loire et Lyonnais.
Reserve les sommes pouvant être dues au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens. "
Franck Mechling a formé contredit de compétence le 14 septembre 2015 à l'encontre de cette décision.
Dans son contredit, il soutient que la clause attributive de compétence contenue dans le contrat de franchise et qui a été retenue par le jugement entrepris, ne peut recevoir application, car elle doit être interprétée strictement alors que le litige porte sur la méconnaissance d'une obligation d'information précontractuelle et non sur la validité, l'interprétation ou l'exécution du contrat.
Dans ses conclusions déposées le 4 janvier 2016, Franck Mechling demande à la cour de :
- faire droit au contredit de M. Franck Mechling,
- dire mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Flora Nova et Financière Postulka,
- dire que le Tribunal de commerce de Lyon était bien compétent pour juger le présent litige,
- dire et constater qu'il serait de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive et évoquer le fond du litige,
- inviter en conséquence les parties à constituer avocat et à conclure au fond,
à défaut,
- renvoyer l'instance à la connaissance du Tribunal de commerce de Lyon pour y être jugée sur le fond,
- condamner in solidum la société Flora Nova et la société Financière Postulka à payer à Franck Mechling la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Franck Mechling fait notamment valoir que la clause attributive de compétence est réputée non écrite à son égard puisqu'il n'a pas la qualité de commerçant, seule la société Flora Project exerçant le commerce de vente et d'achat de fleurs en sa qualité de franchisée.
Il soutient que le fait de ne pas avoir contesté la compétence du tribunal de commerce dans le cadre du litige BPLL n'implique pas qu'il se soit reconnu la qualité de commerçant, la caution solidaire d'un engagement commercial d'une société relevant nécessairement de la compétence de cette juridiction.
Il affirme que le litige ne porte pas sur la validité, l'interprétation ou l'exécution du contrat mais sur la méconnaissance d'une obligation d'information précontractuelle, excluant, dès lors, l'application de la clause dérogatoire de compétence.
Il prétend que la clause de médiation n'est pas une clause de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge puisque le contrat n'énonce pas de procédure de conciliation obligatoire ni aucune condition particulière.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 17 décembre 2015, la société Flora Nova demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris,
- renvoyer le présent litige devant le Tribunal de commerce de Bordeaux,
à titre subsidiaire et si la cour faisait droit au contredit,
à titre principal,
- constater l'absence de conciliation préalable à la procédure engagée par Franck Mechling,
- constater en conséquence la violation par Franck Mechling de l'obligation contractuelle de conciliation préalable prévue au contrat de franchise signé par les parties,
- déclarer en conséquence irrecevables les demandes fins et conclusions formulées par Franck Mechling formées à l'encontre de la SARL Flora Nova,
à titre subsidiaire,
- déclarer l'action intentée par Franck Mechling mal fondée en application du principe de non cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles,
- constater l'absence de manquements contractuels ou délictuels invoqués par Franck Mechling à l'encontre de la société Flora Nova,
- débouter Franck Mechling de toutes ses demandes, fins et conclusions, ainsi que la société Financière Postulka,
- condamner Franck Mechling à verser à la société Flora Nova, la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- condamner Franck Mechling à verser à la société Flora Nova une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Franck Mechling aux entiers dépens.
La société Flora Nova fait valoir que Franck Mechling a bien la qualité de franchisé puisqu'il est signataire du contrat de franchise et également contractant à titre principal, la société qu'il a créée ne s'étant pas substituée à lui.
Elle fait également valoir qu'étant franchisé et ayant exercé habituellement cette qualité, Franck Mechling a inéluctablement la qualité de commerçant.
Elle soutient que l'action intentée étant fondée sur des manquements contractuels et sur l'exécution même du contrat, la clause attributive de compétence est applicable.
Elle indique que l'article 21 du contrat de franchise imposait aux parties de soumettre tout éventuel différend à une conciliation ou médiation préalable et qu'en l'absence de respect de cette clause par Monsieur Mechling, les demandes de celui-ci sont irrecevables à son encontre.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 13 novembre 2015, la société Financière Postulka demande à la cour de :
- dire et juger la SARL Financière Postulka recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- rejeter toute prétention formulée par Franck Mechling,
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris,
- confirmer en conséquence la compétence du Tribunal de commerce de Bordeaux pour traiter du litige,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit au contredit de Franck Mechling,
à titre principal, avant toute défense au fond,
- constater la violation par Franck Mechling de l'obligation contractuelle de conciliation préalable,
- déclarer en conséquence Franck Mechling irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la SARL Financière Postulka,
à titre subsidiaire, au fond,
- constater que les manquements contractuels invoqués par Franck Mechling ne sont pas du fait de la SARL Financière Postulka,
- constater au surplus que Monsieur Franck Mechling n'apporte pas la preuve des manquements qu'il invoque,
- constater enfin que la SASU Flora Nova s'est substituée à la SARL Financière Postulka dans l'exécution des contrats de franchise Le Jardin des Fleurs depuis le 28 février 2011, et qu'elle s'est obligée à garantir le franchiseur des conséquences de tout litige relatif à l'exécution des contrats de franchise à compter du 23 juillet 2009,
- dire et juger, par application des règles de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'action délictuelle de Franck Mechling à l'encontre de la SARL Financière Postulka mal fondée, et l'en débouter,
- condamner en conséquence la SASU Flora Nova à relever indemne la SARL Financière Postulka de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle,
- dire Franck Mechling mal fondé en ses demandes à l'encontre de la SARL Financière Postulka,
- le débouter en conséquence de toutes ses demandes à l'encontre de la SARL Financière Postulka,
en tout état de cause,
- débouter Franck Mechling de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Franck Mechling au versement d'une amende civile de 3 000 euro pour procédure abusive,
- condamner Franck Mechling au versement à la SARL Financière Postulka de la somme de 20 000 euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- condamner Franck Mechling au versement à la SARL Financière Postulka de la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens de l'instance.
La société Financière Postulka fait valoir que Franck Mechling est titulaire du contrat de franchise, au même titre que la société Flora Project qu'il a créée afin de l'exploiter, et qu'il est soumis aux stipulations du contrat de franchise, en ce compris la clause d'attribution de juridiction.
Elle prétend que la régularisation d'une convention de franchise constitue un acte de commerce par nature, son signataire ayant de ce chef acquis la qualité de commerçant, laquelle découle directement de la signature de la convention et de son statut de franchisé.
Elle soutient que l'objet du litige concerne une prétendue mauvaise exécution de l'obligation d'information précontractuelle qui touche donc directement à la validité du contrat de franchise y afférent, la sanction étant la nullité de la convention pour dol.
Elle expose que la clause de conciliation mentionne les éléments nécessaires à la mise en œuvre de la tentative de règlement amiable du litige et que ses stipulations sont particulièrement précises.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article 48 du Code de procédure civile "Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée " ;
Attendu que la question de l'opposabilité d'une clause attributive de compétence contenue dans le contrat de franchise litigieux, au sens du texte susvisé, doit être examinée avant même d'avoir à apprécier le fondement juridique effectif de l'action engagée par le demandeur au contredit contre les sociétés Flora Nova et Financière Postulka, qui n'avait d'ailleurs pas été précisé dans son exploit introductif d'instance ;
Attendu que l'article L. 121-1 du Code de commerce dispose que " sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle " ;
Attendu qu'il est constant que le contrat de franchise ne constitue pas par nature un acte de commerce, car cette qualification dépend de l'activité franchisée, alors même que Franck Mechling s'est bien engagé en qualité de franchisé, même s'il s'était réservé, comme il est d'usage, de se faire substituer ensuite par une personne morale ;
Que le caractère nécessairement habituel de l'accomplissement d'actes de commerce exclut que la signature d'un seul acte de commerce confère à son signataire la qualité de commerçant ;
Attendu que le demandeur au contredit n'est pas inscrit au RCS et n'est pas affirmé comme ayant effectivement exercé à titre habituel des actes caractérisant une qualité de commerçant ;
Attendu qu'il n'est pas plus prétendu et encore moins établi, en l'état de ce que les défendeurs au contredit ne versent aux débats que l'acte de cession du fonds de commerce de la société Flora, que Franck Mechling ait personnellement mis en œuvre le contrat de franchise et dès lors connu l'activité d'achat pour revendre de fleurs qui caractérise la commercialité de l'activité franchisée ;
Attendu qu'en l'absence de toute caractérisation de la qualité de commerçant de Franck Mechling, les premiers juges ne pouvaient faire droit au déclinatoire de compétence formé par les sociétés Flora Nova et Financière Postulka ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le Tribunal de commerce de Lyon est compétent pour statuer sur le litige engagé par Franck Mechling contre les sociétés Flora Nova et Financière Postulka ;
Attendu que la nécessité de respecter le principe à valeur constitutionnelle du double degré de juridiction ne peut conduire cette cour à faire application de l'article 89 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il convient dès lors de renvoyer le dossier devant le Tribunal de commerce de Lyon pour la poursuite de l'instance ;
Attendu que les sociétés Flora Nova et Financière Postulka doivent garder à leur charge in solidum les dépens de ce contredit ;
Que l'équité ne commande pas, en l'état du seul litige sur la compétence, de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Franck Mechling ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement sur contredit et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau sur la compétence : Dit que le Tribunal de commerce de Lyon est compétent, Renvoie l'affaire directement devant ce tribunal pour la poursuite de l'instance Condamne in solidum les sociétés Flora Nova et Financière Postulka aux dépens de ce contredit, et dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Franck Mechling.