CA Aix-en-Provence, 2e ch., 11 février 2016, n° 13-08147
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Colibri (Sté), Accès Vital Technologie - A.V.T. (SAS)
Défendeur :
Franck B., Jean Michel S., Vincent de C. (ès qual.), Clic Store (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry-Camoin
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Avocats :
Mes Buvat, Marongiu, Gioia, Gaspar, Agopian, Massa
Expose du litige
Le 1er octobre 1999 a été immatriculée la SARL Accès Vital Technologie dont le siège social est à Aubagne (13), ayant pour activité les services et le négoce en gros de matériels informatiques et de logiciels spécialisés, et pour associés à parts égales et cogérants madame Brigitte L. et monsieur Franck B..
La société Accès Vital Technologie qui avait pour objectif à l'origine d'offrir un équipement informatique complet aux professionnels de santé, a ensuite étendu son activité à la distribution de lecteurs de cartes vitales puis à la vente de terminaux bancaires.
Aux termes d'un protocole d'accord du 11 décembre 2007, monsieur Franck B. s'est engagé à céder à madame Brigitte L. ou à toute personne physique ou morale qu'elle se substituerait, la totalité des parts sociales détenues par lui dans le capital de la société Accès Vital Technologie, ce moyennant le prix de 2 350 000 euro payable à hauteur de 1 550 000 euro dans les dix jours de la signature de l'acte de cession soit le 3 janvier 2008, le solde de 800 000 euro payable avant le 30 juin 2008.
Ce protocole contient une clause de non concurrence d'une durée de quatre ans sur le territoire français, ainsi qu'une clause de non sollicitation.
Le 24 décembre 2007 a été immatriculée la SARL Colibri société Holding de la société Accès Vital Technologie transformée en SAS, madame L. étant gérante de l'une et présidente de l'autre.
Le 26 décembre 2007 est intervenu l'ordre de mouvement des titres moyennant le prix convenu, madame L. se substituant la société holding Colibri.
Le même jour, monsieur Franck B. a réitéré son engagement de non concurrence et de non sollicitation.
Monsieur S. exerçait en nom personnel à Aubagne sous l'enseigne Clic Médical une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques spécialisés dans le domaine médical dans le cadre de laquelle il a développé dénommé " Généclic " un logiciel à l'attention des médecins pour la gestion de leur cabinet médical, puis il a diversifié son activité en ouvrant une boutique à Aubagne destinée à accueillir le grand public.
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2009, monsieur S. exerçant sous l'enseigne Clic Médical a embauché monsieur B. en qualité d'assistant commercial.
Le 4 janvier 2010 a été immatriculée la SARL Clic Médical ayant pour enseigne Clic Store, créée par monsieur Jean-Michel S. et monsieur Franck B., dont monsieur S. détenait 60 % des parts et monsieur B. détenait 40 % des parts, dont le gérant était monsieur S. et dont le siège social était à Aubagne.
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 5 mars 2010, la société Clic Médical a embauché monsieur B. en qualité d'assistant commercial.
La société Clic Médical exerçait une activité en France et à l'étranger d'éditeur de logiciels dédiés au milieu médical et de manière générale à tout secteur d'activité, de conseil en systèmes et logiciels informatiques, de revendeur de matériel informatique, de location de matériel informatique, d'assemblage de matériel informatique, de réparation et maintenance de matériel informatique.
Dans le cadre de cette activité, elle était en particulier revendeur agréé des produits Apple, neufs et d'occasion.
Par ordonnance sur requête du 2 mars 2010, le Président du Tribunal de commerce de Marseille a autorisé la société Accès Vital Technologie à faire procéder par huissiers à toutes constatations utiles au domicile de monsieur B. et de monsieur S. ainsi qu'au siège de la société Clic Médical.
Les huissiers désignés ont procédé à leurs opérations le 11 mars 2010.
Par acte du 20 mai 2010, la société Accès Vital Technologie et la société Colibri ont fait assigner monsieur Franck B. et monsieur Jean-Michel S. devant le juge des référés du Tribunal de commerce d'Aix en Provence au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, aux fins qu'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite et qu'il en ordonne la cessation.
Le 27 mai 2010, monsieur B. a vendu ses parts sociales à son associé monsieur S. et a démissionné de ses fonctions au sein de la société Clic Médical.
Par ordonnance du 28 juin 2010 confirmée par arrêt du 3 février 2011, le juge des référés a débouté la société Accès Vital Technologie et la société Colibri de leur demande au motif que le trouble illicite avait cessé.
Le 10 mai 2011, monsieur Jean-Michel S. a vendu la totalité de ses parts sociales à monsieur M. pour une somme de 15 000 euro et a racheté son compte courant d'associé pour un montant de 107 901, 29 euro.
La société Clic Médical a pris la dénomination Clic Store, a été placée sous sauvegarde par jugement du 11 avril 2013 et en liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2014.
Par acte du 11 août 2011, la SAS Accès Vital Technologie et la SARL Colibri ont fait assigner monsieur Franck B., monsieur Jean-Michel S. et la société Clic Médical devant le Tribunal de commerce de Marseille au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, 1156 et suivants du Code civil, 1382 et suivants du Code civil, aux fins de voir :
- prononcer leur condamnation in solidum au paiement de diverses sommes à chacune des sociétés demanderesses en application de la clause pénale figurant au protocole d'accord, et en réparation du préjudice financier et moral,
- interdire aux défendeurs sous astreinte tous actes de démarchage de clients et fournisseurs de la société Accès Vital Technologie dont la liste est annexée au protocole du 11 décembre 2007 réitéré le 26 décembre 2007 ainsi que tout acte pouvant concurrencer de manière déloyale la société Accès Vital Technologie.
Les défendeurs ont notamment soulevé l'illicéité de la clause de non concurrence et de non sollicitation pour atteinte disproportionnée au principe de la liberté du travail et de l'industrie et demandé son annulation.
Par jugement contradictoire du 11 avril 2013, le tribunal de commerce a :
- dit que la clause de non concurrence figurant au protocole du d'accord du 11 décembre 2007 est parfaitement licite,
- dit que monsieur Franck B. a commis une faute en ne respectant pas son obligation de non-concurrence et de non sollicitation figurant dans le protocole du 11 décembre 2007 et 26 décembre 2007, faute contractuelle vis à vis de la société Colibri, faute délictuelle vis à vis de la société Accès Vital Technologie,
- rejeté l'allégation de complicité de monsieur Jean-Michel S. et de la société Clic Médical avec monsieur Franck B. dans le non-respect de l'obligation de non concurrence,
- dit que la clause pénale n'a pas vocation à s'appliquer,
- rejeté les demandes d'indemnisation de la société Colibri et de la société Accès Vital Technologie,
- débouté la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamné in solidum la société Colibri et la société Accès Vital Technologie à payer à monsieur Jean-Michel S. et à la société Clic Médical :
la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral
la somme de 7 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- fait masse des dépens et condamné à les supporter par moitié la société Accès Vital Technologie et la société Colibri d'une part, monsieur B. d'autre part.
Par déclaration au greffe de la cour du 18 avril 2013, la SAS Accès Vital Technologie et la SARL Colibri ont régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de monsieur Franck B., de monsieur Jean-Michel S. et de la société Clic Médical et des organes de la procédure collective de la SARL Clic Médical placée sous sauvegarde par jugement du 11 avril 2013.
Dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2015, la société Accès Vital Technologie et la société Colibri demandent à la Cour au visa des articles 1134 et suivants, 1147 et suivants, 1382 et suivants du Code civil, 455, 696 et 700 du Code de procédure civile, de :
- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que la clause de non concurrence figurant au protocole du d'accord du 11 décembre 2007 est parfaitement licite
dit que monsieur Franck B. a commis une faute en ne respectant pas son obligation de non-concurrence et de non sollicitation figurant dans le protocole du 11 décembre 2007 et 26 décembre 2007, faute contractuelle vis à vis de la société Colibri, faute délictuelle vis à vis de la société Accès Vital Technologie
- réformer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
- dire que monsieur Jean-Michel S. et la société Clic Médical ont été complices de monsieur Franck B. dans la violation par ce dernier de la clause de non concurrence qu'il avait souscrite à l'égard de la société Colibri,
- dire que ces actes de complicité sont constitutifs de concurrence déloyale tant à l'égard de la société Accès Vital Technologie que de la société Colibri, sur la base des articles 1382 et suivants du Code civil,
- condamner in solidum monsieur Franck B. et monsieur Jean-Michel S. à payer à titre principal la somme de 1 017 235 euro et à titre subsidiaire la somme de 352 500 euro à la société Colibri en application de la clause pénale stipulée à l'article IV du prtocole du 11 décembre 2007 relatif à la cession des parts de monsieur Franck B.,
- constater et fixer dans les limites de la déclaration de créance, cette même somme au passif de la société Clic Médical,
- condamner in solidum monsieur Franck B. et monsieur Jean-Michel S. à payer :
à la société Colibri la somme de 50 000 euro au titre de son préjudice moral
à la société Accès Vital Technologie la somme de 594 596 euro sauf à parfaire au titre de son préjudice financier ainsi que la somme de 50 000 euro au titre de son préjudice moral
- constater et fixer dans les limites de la déclaration de créance, les créances de la société Accès Vital Technologie au passif de la société Clic Médical à la somme de 594 596 euro sauf à parfaire au titre de son préjudice financier et la somme de 50 000 euro au titre de son préjudice moral,
- condamner in solidum par application de l'article 700 du Code de procédure civile monsieur Franck B. et monsieur Jean-Michel S. à payer la somme de 5 000 euro à la société Colibri et la somme de 5 000 euro à la société Accès Vital Technologie,
- les condamner in solidum aux entiers dépens,
- constater et fixer dans les limites de la déclaration de créance, les créances au passif de la société Clic Médical de la somme de 5 000 euro au bénéfice de la société Colibri et de la somme de 5 000 euro au bénéfice de la société Accès Vital Technologie au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Dans ses dernières conclusions du 14 octobre 2015, monsieur Franck B. demande à la Cour au visa des articles 1134, 1147 et suivants, 1152, 1165 du Code civil, de :
A titre principal
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit et jugé la clause de non concurrence insérée au protocole du 11 décembre 2007 licite
dit et jugé que monsieur Franck B. a commis une faute en ne respectant pas son obligation de non concurrence
Et statuant à nouveau
- dire et juger que la clause de non concurrence et de non sollicitation porte une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du travail et de l'industrie,
- en prononcer l'annulation,
- débouter la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit et jugé que la clause pénale n'a pas vocation à s'appliquer
rejeté les demandes d'indemnisation de la société Colibri et de la société Accès Vital Technologie
débouté la société Colibri et de la société Accès Vital Technologie de toutes leurs demandes, fins et conclusions
A titre très subsidiaire, et vu les dispositions de l'article 1152 du Code civil
- dire et juger que la clause pénale est manifestement excessive,
- la réduire à la somme d'un euro à titre symbolique compte tenu de l'absence de préjudice avéré,
- débouter la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de leurs demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause
- condamner la société Colibri et la société Accès Vital Technologie à payer à monsieur Franck B. la somme de 15 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 16 septembre 2013, monsieur Jean-Michel S. demande à la Cour au visa des articles 1134, 1147 et suivants, 1152 et 1165 du Code civil, de:
A titre principal
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit et jugé la clause de non concurrence insérée au protocole du 11 décembre 2007 licite
dit et jugé que monsieur Franck B. a commis une faute en ne respectant pas son obligation de non concurrence
Et statuant à nouveau
- dire et juger que la clause de non concurrence et de non sollicitation porte une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du travail et de l'industrie,
- en prononcer l'annulation,
- débouter la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
rejeté l'allégation de complicité entre monsieur Jean-Michel S. et monsieur Franck B. dans le non-respect de l'obligation de non concurrence, et dire qu'il ne peut exister de solidarité entre monsieur Jean-Michel S. et monsieur Franck B.
dit que la clause pénale n'a pas vocation à s'appliquer
rejeté les demandes d'indemnisation de la société Colibri et de la société Accès Vital Technologie
débouté la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de toutes leurs demandes, fins et conclusions
- condamner solidairement la société Colibri et la société Accès Vital Technologie à payer à monsieur Jean-Michel S. :
la somme de 50 000 euro au titre du préjudice moral
la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
A titre subsidiaire
- dire que monsieur Franck B. n'a commis aucune faute se trouvant à l'origine d'un préjudice subi par la société Colibri et la société Accès Vital Technologie,
- dire et juger que la clause pénale invoquée par la société Colibri n'a pas vocation à s'appliquer,
- débouter intégralement la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre très subsidiaire, et vu les dispositions de l'article 1152 du Code civil
- dire et juger que la clause pénale est manifestement excessive,
- la réduire à la somme d'un euro à titre symbolique compte tenu de l'absence de préjudice avéré,
- débouter la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2015, Maître DE C. es qualités de liquidateur de la société Clic Store placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2014, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré dans ses motifs et son dispositif concernant la société Clic Médical devenue Clic Store,
- dire que les appelants ne disposent d'aucune créance à l'encontre de la société Clic Store,
- débouter la société Colibri et la société Accès Vital Technologie de leur demande de fixation de créance au passif de la société Clic Store,
- donner acte au concluant de ce qu'il se réserve la possibilité d'agir en responsabilité à l'encontre des appelants, eu égard au préjudice causé par leur déclaration de créance qui pourrait être abusive,
- condamner la société Colibri et la société Accès Vital Technologie à Maître DE C. es qualités de liquidateur la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la licéité de la clause de non concurrence et de non sollicitation
La société Accès Vital Technologie et la Société Colibri soutiennent :
- que c'est en toute connaissance de cause que monsieur B. a accepté la clause de non concurrence et de non sollicitation figurant au protocole d'accord du 11 décembre 2007, qui stipule que cette clause est " une condition essentielle et déterminante de la cession sans laquelle madame Brigitte L. n'aurait pas contracté ",
- que selon jurisprudence de la Cour de cassation, la clause de non concurrence doit assurer la défense des intérêts légitimes de son bénéficiaire,
- qu'en l'espèce, la société Colibri s'est portée acquéreur des parts sociales de monsieur B. pour un prix particulièrement élevé bien supérieur à la valeur des titres déterminée de manière classique, que la cession des titres s'est faite sans garantie de passif à la charge du vendeur, que ces conditions avantageuses de prix et de cession ont pour contrepartie la clause de non concurrence et la clause de non sollicitation,
- qu'en outre, monsieur B. avait un rôle clé dans les rapports de la société avec ses fournisseurs et ses clients, et qu'il a été assisté par son propre conseil durant l'opération de cession de sorte qu'il ne pouvait ignorer la portée de son engagement,
- que selon jurisprudence de la Cour de cassation, la clause de non concurrence doit être proportionnée à l'objet du contrat et à la protection nécessaire des intérêts du cessionnaire, et en conséquence être limitée dans le temps et dans l'espace,
- qu'en l'espèce, la clause de non concurrence est limitée à quatre ans, et que si elle s'étend à l'ensemble du territoire français, elle est limitée à l'activité directement concurrente de celle de la concluante ou à une éventuelle activité connexe,
- que l'activité connexe envisagée concerne en réalité le secteur des lecteurs de cartes vitales et des terminaux bancaires,
- que cela n'empêche nullement monsieur B. de travailler dans tout autre secteur informatique non médical,
- qu'il ne peut être soutenu valablement que la disposition relative à l'autorisation de non-respect de la clause susceptible d'être donnée par madame L. serait potestative
et léonine,
- que la clause de non concurrence est proportionnée aux intérêts de chacun et ne prive nullement monsieur B. de la possibilité de travailler dans le domaine de l'informatique.
Monsieur B. fait valoir :
- que selon la jurisprudence en la matière, la clause de non concurrence pesant sur le cédant de titres sociaux n'est valable que si elle est limitée dans le temps et dans l'espace, et si elle n'empêche pas le cédant d'exercer une activité professionnelle au regard de son âge et de sa spécialisation professionnelle,
- que la clause n'est valable que si elle porte une atteinte à la liberté du cédant proportionnée aux intérêts du cessionnaire,
- qu'ainsi, la clause est irrégulière lorsqu'elle a pour effet d'empêcher le débiteur d'exercer une activité en lien avec ses compétences,
- qu'il est injustifié de se prévaloir de la valeur des parts vendues, fruit du travail et de l'investissement du concluant, pour en conclure que la clause est licite,
- qu'en l'espèce, la formulation de la clause est telle qu'elle interdit au concluant toute activité professionnelle quelle qu'elle soit,
- qu'aux termes de la clause, le concluant ne peut être ni associé ni salarié ni même intervenant à titre gratuit, dans toute entreprise ayant une activité similaire ou connexe ou susceptible de concurrencer celle exercée par la société Accès Vital Technologie,
- qu'en visant la notion d'activité connexe à celle de la société dont les parts sont cédées, la clause porte une atteinte totale à la situation du concluant,
- qu'il est inopérant que le concluant ait été assisté par son propre conseil lors de la signature des actes incriminés, et que le concluant ait eu la qualité de chef d'entreprise,
- que selon jurisprudence de la Cour de cassation, est illicite toute clause qui porte atteinte à la liberté du travail, ou qui met une personne dans l'impossibilité pratique de travailler,
- que la formulation de la clause aux termes de laquelle madame L. conserve la possibilité d'autoriser le concluant à s'y soustraire, est léonine et potestative dès lors que cette condition dépend du seul bon vouloir de madame L.,
- que la clause de non concurrence et de non sollicitation est en conséquence nulle.
Monsieur S. reprend dans leur ensemble les moyens et arguments développés par monsieur B. et fait observer en outre en se référant à diverses jurisprudences :
- que les termes de la clause de non concurrence et de non sollicitation interdisent toute activité pendant quatre années dans le domaine général de la société Accès Vital Technologie soit le domaine informatique au sens large, et tout démarchage à but commercial des clients et fournisseurs avec lesquels la société Accès Vital Technologie a ou pourra avoir des relations commerciales,
- que cette clause est illicite au sens de la jurisprudence et des textes actuels,
- que la clause est irrégulière en ce qu'elle a pour effet d'empêcher le débiteur d'exercer une activité en lien avec ses compétences,
- que l'intérêt de la société n'est pas tel qu'il justifie une atteinte totale à la liberté du travail et de l'industrie, principe constitutionnellement reconnu.
Maître DE C. es qualités de liquidateur de la société Clic Store expose :
- que les parts de la société Clic Store ont été intégralement cédées à monsieur M. le 10 mai 2011,
- que la société Clic Store est étrangère aux agissements reprochés à monsieur B., aucune preuve de complicité n'étant rapportée,
- qu'il n'est pas démontré que la société Clic Store aurait eu connaissance de l'existence d'une clause de non concurrence dans un contrat dont elle n'a jamais eu connaissance jusqu'à la présente procédure.
*
La clause de non concurrence figurant au protocole d'accord de cessions de parts du 11 décembre 2007 réitérée le 26 décembre 2007 est la suivante :
" Comme condition essentielle et déterminante de la cession sans laquelle madame Brigitte L. n'aurait pas contracté, monsieur Franck B. s'interdit, pendant une durée de quatre ans, sur le territoire français, sauf accord expresse et préalable de madame Brigitte L., de prendre toute participation directe ou indirecte ou tout mandat social ou toute activité rémunérée ou non dans toute entreprise nouvelle ou existante ayant une activité similaire ou connexe ou susceptible de concurrencer celle exercée par la société ou encore de s'intéresser directement ou indirectement à une activité similaire ou susceptible de concurrencer celle exercée par la société.
En outre, monsieur Franck B. s'interdit, pendant une durée de quatre ans, à compter de la date de la cession de sa participation dans le capital de la société, de débaucher l'un quelconque des salariés de la société Accès Vital Technologie en vue de lui proposer un contrat de travail pour une activité concurrente telle que définie ci-dessus; de solliciter l'un quelconque des clients ou partenaires, fournisseurs avec lesquels la société entretient ou entretiendra des relations commerciales ou que la société a ou aura prospecté. "
En matière de cession de parts sociales, une clause de non concurrence n'est licite que si elle est limitée dans le temps et dans l'espace, et si elle est proportionnée par rapport à l'objet du contrat.
Par ailleurs, est illicite une clause qui porte atteinte de manière excessive et disproportionnée à la liberté de travailler et à la liberté de l'industrie.
En l'espèce, la clause de non concurrence et de non sollicitation est disproportionnée par rapport à l'objet du contrat et à l'intérêt de la société Accès Vital Technologie dès lors qu'elle prive totalement monsieur B. de la possibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle dans le domaine de l'informatique au sens large (" activité similaire ou connexe ou susceptible de concurrencer... ") et en quelque qualité que ce soit, et ce sur l'ensemble du territoire français pendant quatre ans.
Ce faisant, cette clause rédigée en termes généraux et non limitée au domaine médical, aux lecteurs de carte vitale et aux terminaux de cartes bancaires, prive monsieur B. de toute possibilité d'exercer sur l'ensemble du territoire français une activité professionnelle en rapport avec sa qualification et son savoir-faire dans le domaine de l'informatique en général, et excède largement l'objectif de la protection des intérêts légitimes de la société Accès Vital Technologie et de la société Colibri.
Les moyens tenant au prix de cession des parts sociales dont ni le protocole d'accord ni un quelconque élément extrinsèque n'établit qu'il aurait été fixé ou surévalué en considération de la clause de non concurrence, et au fait que monsieur B. était averti en sa qualité de professionnel et assisté de son propre conseil, sont inopérants au regard des principes fondamentaux ayant valeur constitutionnelle du libre exercice d'une activité professionnelle et de la liberté de l'industrie.
Les termes de la clause selon lesquels madame L. pourra relever monsieur B. de tout ou partie de la clause de non concurrence avec son accord express et préalable sont nuls comme étant potestatifs dès lors que la décision est laissée à la seule discrétion de madame L..
La clause de non concurrence et de non sollicitation étant illicite comme disproportionnée par rapport à l'objet du contrat et contraire aux principes constitutionnels de la liberté du travail et de l'industrie, il convient d'en prononcer la nullité et de débouter la société Accès Vital Technologie et la société Colibri de l'ensemble de leurs demandes de ce chef et subséquentes, ce par infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par monsieur S. pour préjudice moral
La société Accès Vital Technologie et la société Colibri soutiennent :
- que l'exécution de l'ordonnance du président du Tribunal de commerce du 2 mars 2010 ne saurait être considérée comme fautive, et que monsieur S., monsieur B. et la société Clic Store se sont désistés de l'appel interjeté par eux à l'encontre de l'ordonnance de référé ayant rejeté leur demande de rétractation,
- que le recours à un détective privé était légitime afin de protéger les intérêts de la société Accès Vital Technologie, et vérifier si monsieur S., monsieur B. et la société Clic Store continuaient à entretenir des relations.
Monsieur S. fait valoir :
- que les agissements de la société Accès Vital Technologie et de la société Colibri lui ont causé un grave préjudice dès lors que monsieur B. a cessé toute activité avec le concluante et a retiré ses investissements, de sorte que la société Clic Store s'est trouvée en difficulté,
- que la santé du concluant s'en est ressenti au point qu'il a eu une attaque cardiaque en août 2011 à l'âge de 39 ans,
- que le 2 mars 2010, l'huissier de justice accompagné d'un expert informaticien ont investi son domicile en présence de son fils, qu'à cette occasion son fichier professionnel a été pillé et qu'une copie du logiciel qu'il diffuse a été prise de manière illégale,
- que le concluant a fait l'objet d'une surveillance de son domicile personnel en 2012 par un détective privé, et que des photos ont été prises au mépris de sa vie privée,
- que le concluant, passionné par les produits Apple, a dû renoncer à créer une plateforme appel dans la région,
- que la société Accès Vital Technologie a agi avec mauvaise foi et intention de nuire.
*
Il est établi que monsieur S. a fait l'objet d'une surveillance par un détective privé en 2012 à la demande de la société Accès Vital Technologie y compris à son domicile, que des photos ont été prises tant à son domicile que sur son lieu de travail, qu'il a porté plainte le 23 avril 2012 et a fourni le numéro du véhicule qui le suivait, qu'il a fait l'objet d'un harcèlement téléphonique pour lequel il a également porté plainte.
Ce procédé alors que l'instance était en cours devant le tribunal de commerce, bien après que monsieur S. ait développé de manière parfaitement licite à titre personnel un logiciel dénommé " Généclic " à l'attention des médecins pour la gestion de leur cabinet médical, que monsieur B. ait vendu ses parts à monsieur S. en 2010, que monsieur S. ait à son tour vendu ses parts à monsieur M. en 2011, que rien n'établit que monsieur S. ait eu connaissance de la clause de non concurrence et de non sollicitation litigieuse, caractérisent un acharnement que rien ne justifie et une intention de nuire manifeste dont monsieur S. est fondé à demander réparation en raison du préjudice moral qui en est résulté pour lui tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.
Confirmant le jugement déféré sur le principe, mais l'infirmant sur le montant, il convient de condamner solidairement la société Accès Vital Technologie et de la société Colibri à payer à monsieur S. la somme de 12 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La société Accès Vital Technologie et la société Colibri qui succombent ne sont pas fondées en leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient en équité par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, de condamner solidairement la société Accès Vital Technologie et la société Colibri à payer :
- à monsieur B. la somme de 10 000 euro
- à monsieur S. la somme de 10 000 euro
- à Maître DE C. es qualités de liquidateur la somme de 3 000 euro.
Par ces motifs, La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sur le principe du préjudice moral subi par monsieur S., Infirme le jugement déféré en ses autres dispositions, en ce compris les dépens, Et statuant à nouveau, Prononce la nullité de la clause de non concurrence et de non sollicitation figurant au protocole d'accord du 11 décembre 2007 réitéré le 26 décembre 2007 comme étant illicite, Condamne solidairement la société Accès Vital Technologie et la société Colibri à payer à monsieur S. la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, Déboute la société Accès Vital Technologie et la société Colibri de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, Condamne solidairement la société Accès Vital Technologie et la société Colibri à payer par application de l'article 700 du Code de procédure civile : - à monsieur B. la somme de 10 000 euro - à monsieur S. la somme de 10 000 euro - à Maître DE C. es qualités de liquidateur de la société Clic Store la somme de 3 000 euro. Donne acte à Maître DE C. qu'il se réserve la possibilité d'agir en responsabilité à l'encontre de la société Accès Vital Technologie et de la société Colibri eu égard au préjudice causé par leur déclaration de créance susceptible d'être abusive, Condamne solidairement la société Accès Vital Technologie et la société Colibri aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.