CA Orléans, ch. civ., 22 mars 2004, n° 03-00540
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Boz
Défendeur :
Sionneau, Vallier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Velly
Conseillers :
Mmes Nollet, Gongora
Avoués :
Mes Daudé, Garnier, SCP Duthoit-Desplanques-Devauchelle
Avocats :
Me Debenest, SCP Saint Cricq-Negre, SCP Cebron de Lisle-Benzekri
Résumé des faits et de la procédure
Le 29 janvier 1998, Monsieur Claude Vallier a acquis, au cours d'une vente aux enchères publiques, à Angers, un véhicule BMW mis en circulation en 1989, pour une somme de 36 000 francs, le kilométrage atteignant 209 324 kms. Le vendeur était Monsieur Emirhan Boz.
Après avoir parcouru environ 18 000 kms, Monsieur Vallier a revendu ce véhicule, le 6 avril 2001, à Madame Béatrice Sionneau pour 20 000 francs, le moteur affichant 227 700 kms.
Mais celle-ci n'a pu utiliser l'engin qu'une vingtaine de jours, en accomplissant 1 000 kms, puisqu'il a été atteint d'une cassure de culasse.
Elle a mis en demeure Monsieur Vallier, le 4 juillet 2001, d'accepter une résiliation amiable puisque son garagiste avait constaté qu'elle était affectée d'un vice caché. En l'absence de réponse, elle a sollicité une expertise technique et, par ordonnance de référé du 26 février2002, Monsieur Echevard a été désigné par le président du Tribunal de grande instance de Tours.
Le 11 avril 2002, elle a engagé une action judiciaire contre Monsieur Vallier devant le Tribunal d'instance de Tours pour voir prononcer la résiliation de la vente du 6 avril 2001 et obtenir deux sommes de 3 049 euros de dommages-intérêts, tandis que Monsieur Vallier assignait son vendeur Monsieur Boz, le 2 septembre 2002 en vue de la résiliation de la vente du 29 janvier 1998, du règlement d'une somme de 5 488,16 euros de dommages-intérêts et de la garantie de toutes les condamnations qui pouvaient être prononcées contre lui.
Par jugement du 6 janvier 2003, le Tribunal d'instance de Tours a:
- prononcé la résolution de la vente du 6 avril 2001,
- condamné en conséquence Monsieur Vallier à payer à Madame Sionneau les sommes de 3 049 euros, au titre de la restitution du prix de vente, et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec exécution provisoire,
- prononcé la résolution de In vente intervenue le 29 janvier 1998 entre Messieurs Boz et Vallier
- et, en conséquence, a condamné Monsieur Boz à verser à Monsieur Vallier la somme de 5 488,16 euros en remboursement du prix d'acquisition et 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre par Madame Sionneau
- ordonné l'exécution provisoire de ces dispositions.
Monsieur Boz a interjeté appel de l'ensemble de ces dispositions, le 30 janvier 2003, au greffe de cette cour.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
1°) ceux de Monsieur Boz, appelant
II souhaite l'infirmation du jugement critiqué, qu'il soit jugé que la vente du 29 janvier 1998 ne rentrait pas dans le cadre de l'article 1646 du Code civil et qu'ainsi ii n'était pas tenu à la garantie des vices cachés, ce qui rendait irrecevable l'action de Monsieur Vallier à son égard.
Subsidiairement, il tend au constat que lors de la vente, aucun vice caché n'affectait le véhicule et qu'ainsi, tant les prétentions de Monsieur Vallier que de Madame Sionneau doivent être rejetées et conclut à la condamnation de Monsieur Vallier à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il insiste sur l'absence de garantie des vices cachés qui existe en matière de vente aux enchères, en application de l'article 1649 du Code civil et, subsidiairement, soutient que le moteur était en limite d'usure au moment de la vente en sorte qu'aucun vice caché ne pouvait exister au niveau de la culasse, l'usure normale du moteur s'assimilant à un vice apparent.
Il remarque également que l'expert a souligné que l'échange du calorstat n'avait pas été effectué par un professionnel et que cette intervention était intervenue récemment, ce qui excluait toute participation de sa part puisque la vente remontait à janvier 1998.
2°) ceux de Monsieur Vallier
Il plaide le rejet des appels, la confirmation du jugement et, subsidiairement, si la demande de Madame Sionneau est accueillie, la garantie par Monsieur Boz de toutes condamnations qui interviendraient contre lui-même. Enfin, il sollicite une somme de 2 000 euros pour les frais de procédure, de la part de toute partie succombante.
Il met en valeur que, selon l'expert, la détérioration de la culasse était en germe lors de la vente de janvier 1998, que l'exécution de garantie de l'article 1649 du Code civil ne vise que les ventes faites sous autorité de justice, en sorte que Monsieur Boz reste tenu à la garantie des vices cachés et souligne qu'il n'a pas échangé le calorstat.
3°) ceux de Madame Sionneau
Elle conclut à la confirmation du jugement, mais aussi à l'allocation complémentaire d'une somme de 3 049 euros de dommages-intérêts, déjà sollicitée en première instance, au titre des dommages-intérêts pour le préjudice souffert à la suite de ces pannes qui ont rendu inutilisable la BMW vingt jours après son achat.
Elle soutient que l'expert a bien démontré le vice caché et que son vendeur a fait procéder à une réparation de fortune dans le calorstat pour tenter de remédier à l'usure.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 janvier 2004, renvoyant les parties à l'audience des plaidoiries du 3 février 2004.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel, interjeté régulièrement dans les délais légaux, sera reçu en la forme;
1°) Sur le contrat du 29 janvier 1998
a) Sur l'irrecevabilité alléguée
L'article 1649 du Code civil dispose que les actions résultant des vices rédhibitoires n'ont pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice;
En l'espèce, la BMW a été vendue volontairement par Monsieur Boz par le biais d'une vente aux enchères publiques et ce cadre précis ne saurait s'assimiler aux conditions prévues par l'article précité;
Monsieur Boz fait valoir une pratique, qui serait tirée de la doctrine, selon laquelle l'obligation de garantie n'existerait pas dans le cadre d'une vente aux enchères publiques de meubles, puisque la vente est faite sans garantie avec paiement comptant et enlèvement immédiat de l'objet;
Cependant, cette justification ne repose sur aucune règle légale et la cour doit s'en tenir aux règles strictes des articles 1646 et 1649 du Code civil, en confirmant la recevabilité de l'action engagée par Monsieur Vallier;
b) Sur l'existence de vices cachés
Monsieur Echevart expose, dans son rapport d'expertise du 26 juin 2002, que l'origine de la panne de la BMW est due à défaut de refroidissement imputable au radiateur entartré, ce qui a entraîné une surchauffe du moteur, arrivé en limite d'usure et que la détérioration de la culasse du moteur, très corrodée, fendue entre les soupapes d'admission et d'échappement, était en germe lorsque Monsieur Boz a vendu l'engin à Monsieur Vallier et de toute manière non connue du vendeur;
Cependant, le 5 décembre 2001, le même expert avait estimé, dans une note adressée à Maître Cebron de Lisle, en conclusion, qu'il n'existait pas d'éléments techniques permettant de dire que Monsieur Vallier avait acquis cette voiture avec un vice caché, alors qu'il l'a utilisée pendant 48 mois en parcourant 18 366 kms;
En raison de ces contradictions, la cour ne possède pas d'éléments suffisants pour assurer qu'au moment de la vente, le 29 janvier 1998 par Monsieur Boz à Monsieur Vallier de la BMW, il existait des vices cachés au sens des articles 1646 et suivants du Code civil, alors que le véhicule totalisait 209 324 kms à ce moment-là et qu'il a donné satisfaction à son propriétaire pendant quatre ans;
Aussi l'action de Monsieur Vallier à l'encontre de Monsieur Boz est-elle mal fondée, ainsi que l'action récursoire dirigée contre Madame Sionneau. Ses demandes seront donc rejetées et il sera condamné à verser à Monsieur Boz une somme arbitrée à 1 200 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
2°) Sur le contrat du 6 avril 2001
L'expert soutient, dans son rapport du 26 juin 2002, qu'il existait un vice caché au niveau de la culasse lors de la vente du véhicule à Madame Sionneau. La détérioration de cette culasse est due au vieillissement et à l'échange du calorstat qui n'a pas été réalisé dans les règles de l'art;
Certes, Madame Sionneau connaissait le kilométrage élevé de l'engin acquis, 227 700 kms, mais l'aspect général était resté bon, comme l'a remarqué l'expert, pour un véhicule de douze ans, et le prix conclu sur la base de 20 000 francs laissait naturellement envisager une utilisation plus longue que 20 jours et 1 000 kilomètres;
Les circonstances qui entourent cette affaire démontrent que c'est juste titre que le premier juge a pu retenir l'application de l'article 1646 à la cause, la résolution, en conséquence, de la vente du 6 avril 2001 et la condamnation de Monsieur Vallier à payer à Madame Sionneau le prix de vente de 3 049 euros, outre 800 euros pour les frais de procédure. L'expert aurait retenu un coût de réfection du véhicule de 4 966,93 euros, supérieur à sa valeur, ce qui excluait l'hypothèse d'une réparation;
Les dommages-intérêts supplémentaires, revendiqués pour une autre somme de 3 049 euros ne s'avèrent pas justifiés, dès lors que Madame Sionneau est remboursée de son prix d'achat et qu'il lui appartenait d'acquérir un autre véhicule dès la défection définitive de la BMW;
En outre, elle n'ignorait pas que la durée de vie de son engin de 227 700 kms ne pourrait continuer au-delà d'un temps nécessairement limité;
Pour les frais non compris dans les dépens en appel, Monsieur Vallier devra lui verser une somme de 800 euros;
Les autres demandes des parties s'avèrent, ainsi, mal fondées et seront rejetées;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit, en la forme, l'appel de Monsieur Emirhan Boz; Au fond, Confirme le jugement critiqué (Tribunal d'instance de Tours) sur la recevabilité de l'action contre Monsieur Boz * sur la résolution de la vente du 6 avril 2001 concernant la BMW * sur la condamnation de Monsieur Vallier à payer à Madame Sionneau, en conséquence, deux sommes de 3 049 euros de dommages-intérêts et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Mais L'Infirme pour le surplus et, statuant à nouveau, Déboute Monsieur Vallier de toutes ses demandes contre Monsieur Boz et Madame Sionneau et les autres parties de leurs autres demandes; Le Condamne à verser au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de mille deux cents (1 200 euros) à Monsieur Boz, et une somme de huit cents (800 euros) à Madame Sionneau; Condamne Monsieur Vallier aux dépens et accorde à Maître Daude et la SCP Duthoit-Desplanques Devauchelle, avoués, le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.