Commission, 9 septembre 2014, n° M.7054
COMMISSION EUROPÉENNE
Résumé de la décision
Cemex/Holcim Assets
I. LES PARTIES
1.1. Cemex
(1) Cemex España, SA ("Cemex España", Espagne) est contrôlée par Cemex, S.A.B. de C.V., qui a son siège au Mexique et constitue le groupe Cemex avec les autres entreprises Cemex. Toutes les entreprises du groupe Cemex sont désignées ci-après "Cemex".
(2) Cemex est une entreprise mondiale de production de matériaux de construction spécialisée dans le ciment, le béton prêt à l'emploi, les granulats et les matériaux de construction connexes. Elle exerce ses activités en Afrique, en Amérique, en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. En Espagne, Cemex mène ses activités par l'intermédiaire de Cemex España, qui est la société holding unique de Cemex España Operaciones SLU ("Cemex España Operaciones", Espagne), laquelle détient les usines de production de ciment, de mortier et de béton ainsi que les carrières de granulats de Cemex en Espagne.
1.2. Holcim
(3) Holcim España, SA ("Holcim España", Espagne) détient des usines et des carrières affectées à la production et à la fourniture de ciment, de granulats, de béton prêt à l'emploi et de mortier en Espagne ("actifs d'Holcim", Espagne). Les actifs d'Holcim sont actuellement contrôlés par Holcim Ltd ("Holcim"), une société par actions de droit suisse qui est la société mère ultime du groupe Holcim. Toutes les entreprises du groupe Holcim sont désignées ci-après "Holcim".
(4) Holcim est un fournisseur mondial de ciment, de granulats, de mortier, de béton prêt à l'emploi, d'asphalte, de matériaux cimentaires et de matériaux de construction connexes. Elle exerce ses activités dans plus de 70 pays.
II. L'OPÉRATION
(5) Le 28 février 2014, la Commission européenne a reçu notification d'un projet d'opération par lequel Cemex entendait acquérir le contrôle exclusif des actifs d'Holcim.
III. DIMENSION EUROPÉENNE
(6) Étant donné que l'opération envisagée n'atteint pas les seuils de chiffre d'affaires visés à l'article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 139-2004, elle ne revêt pas une dimension européenne. La Commission a toutefois décidé d'examiner l'opération envisagée en adoptant une décision le 18 octobre 2013 en vertu de l'article 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 139-2004. Cette décision a fait suite à une demande introduite le 12 septembre 2013 par l'Espagne en application de l'article 22, paragraphe 1, du règlement susmentionné.
IV. LA PROCÉDURE
(7) L'opération a été notifiée à la Commission le 28 février 2014. Le 23 avril 2014, la Commission a estimé que l'opération envisagée soulevait de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et l'accord EEE et a ouvert la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.
(8) L'enquête approfondie a permis de répondre aux préoccupations en matière de concurrence exprimées à titre préliminaire.
(9) Le projet de décision a été examiné avec les États membres lors de la réunion du comité consultatif en matière de concentrations du 26 août 2014, qui a rendu un avis favorable. Le conseiller-auditeur a rendu un avis favorable sur la procédure dans le rapport qu'il a présenté le 29 août 2014.
V. APPRÉCIATION
Préoccupations exprimées dans la décision d'ouverture de la procédure
(10) L'opération concerne le secteur des matériaux de construction et en particulier le ciment, les granulats, le béton prêt à l'emploi, le mortier et le clinker.
(11) Dans la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a émis de sérieux doutes quant à la compatibilité de l'opération avec le marché intérieur et avec l'accord EEE en ce qui concerne le marché du ciment gris, en raison: i) d'effets non coordonnés; et ii) d'effets coordonnés.
(12) Elle n'a émis aucun doute sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le marché intérieur et avec l'accord EEE pour ce qui est des autres produits.
Enquête approfondie pour le ciment gris
Marché de produits en cause
(13) L'enquête sur le marché réalisée dans la présente affaire a confirmé les premières conclusions de la Commission selon lesquelles les deux grands types de ciment (blanc et gris) constituent des marchés de produits distincts.
(14) La Commission s'est également efforcée d'établir si le marché du ciment gris devait encore être segmenté en fonction de la présentation du produit (en vrac ou en sac) ou de ses différentes classes.
(15) La Commission conclut qu'aux fins de l'appréciation des effets de l'opération envisagée, le marché de produits en cause est le marché global du ciment gris. Toutefois, la définition exacte du marché peut être laissée en suspens.
Marché géographique en cause
(16) La Commission considère, dans les circonstances de la présente affaire, que les marchés géographiques en cause devraient être définis comme des zones circulaires autour des cimenteries concernées, conformément à la pratique antérieure de la Commission concernant le ciment gris.
(17) La Commission conclut, à la lumière des modèles existants et potentiels d'offre et de demande et des opinions des acteurs du marché, qu'en l'espèce, il convient surtout d'apprécier les effets concurrentiels de l'opération envisagée sur différents marchés géographiques sur la base de rayons de 150 km autour des usines des parties.
Appréciation sous l'angle de la concurrence
(18) Les deux parties sont actives dans la production et la fourniture de ciment gris. Cemex exploite cinq usines intégrées en Espagne: une à Buñol (province de Valence), une à Alicante, une à Alcanar (province de Tarragone), une à Morata (province de Saragosse) et une à Lloseta (Îles Baléares). Elle exploite également une usine de broyage (province de Tolède) et un certain nombre de terminaux. Holcim détient trois usines intégrées dans le sud de l'Espagne: deux (Gador et Carboneras) sont situées dans la province d'Almeria et une à Jerez (province de Cadix). Elle exploite également une usine de broyage à Yeles (province de Tolède) et un certain nombre de terminaux.
i) Effets non coordonnés
(19) La Commission a examiné les effets non coordonnés potentiels de l'opération envisagée dans les différents clusters délimités par des rayons de 150 km autour des usines de production de ciment des parties en Espagne.
(20) Dans le cluster de Gador-Carboneras, la part de marché cumulée des parties en 2013 s'établissait à [40-50] %, avec un chevauchement de [10-20] %. Le paysage concurrentiel dans ce cluster est fragmenté. En termes de parts de marché, les concurrents les plus proches des parties sont les usines de broyage Cementos La Unión (CLU) et Cementos La Cruz (CLC), Financiera y Minera (FYM) et Votorantim (représentant toutes [5-10] %).
(21) Dans le cluster d'Alicante, la part de marché cumulée des parties en 2013 s'établissait à [30-40] %, avec un chevauchement de [10-20] %. Le reste du marché dans ce cluster est également fragmenté. En termes de parts de marché, les concurrents les plus proches des parties sont CLU ([10-20] %) et CLC ([10-20] %), suivis de Lafarge ([5-10] %).
(22) Dans le cluster de Buñol, la part de marché cumulée des parties en 2013 s'établissait à [20-30] %, avec un chevauchement de [10-20] %. Le paysage concurrentiel dans le cluster de Buñol est semblable à celui observé dans le cluster d'Alicante. En termes de parts de marché, les concurrents les plus proches des parties sont CLU ([10-20] %) et CLC ([10-20] %). Ces usines de broyage sont suivies de l'acteur intégré Lafarge ([5-10] %) et de l'usine de broyage Cementval ([5-10] %).
(23) La Commission considère que les clusters de Gador-Carboneras, d'Alicante et de Buñol (les "clusters de la région de Levante") comptent plusieurs concurrents qui peuvent être considérés comme des solutions alternatives aussi proches, voire plus proches, que Cemex pour les clients d'Holcim. De même, plusieurs concurrents du cluster de la région de Levante peuvent être considérés comme des solutions alternatives plus proches ou aussi proches que Holcim pour les clients de Cemex.
(24) La Commission considère également que plusieurs concurrents du cluster de la région de Levante peuvent être considérés comme des solutions alternatives plus proches ou aussi proches que Holcim pour les clients de Cemex: i) les usines de broyage, en particulier, ne sont pas limitées par leur besoin d'approvisionnement en clinker étant donné qu'elles peuvent s'approvisionner auprès d'acteurs intégrés dans la région ou à l'étranger; et ii) le niveau élevé de capacités inutilisées détenues par les principaux concurrents des parties dans les clusters de la région de Levante est suffisant pour faire en sorte que toute tentative unilatérale de l'entité issue de la concentration d'augmenter les prix ne soit pas rentable.
(25) En ce qui concerne les clusters de Yeles et de Castillejo (les "clusters de la région du Centre"), les parts de marché cumulées des parties en 2013 étaient, respectivement, inférieures à [20-30] % et légèrement supérieures à [20-30] %. Il existe deux concurrents de taille comparable aux parties: CPV ([20-30] %) et Lafarge ([20-30] %). D'autres concurrents détiennent également des parts de marché supérieures à [5-10] %: Balboa (plus de [10-20] % dans les deux clusters) et Votorantim (plus de [5-10] % dans le cluster de Yeles). En outre, le niveau élevé de capacités inutilisées détenues par les principaux concurrents des parties dans les clusters de la région du Centre est suffisant pour faire en sorte que toute tentative unilatérale de l'entité issue de la concentration d'augmenter les prix ne soit pas rentable.
(26) Dans les clusters d'Alcanar, de Lloseta, de Morata et de Jerez, l'augmentation des parts de marchés résultant de l'opération est inférieure à [0-5] %.
(27) La Commission conclut donc que l'opération envisagée est peu susceptible d'entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés du ciment gris dans les zones de cluster de 150 km autour des usines des parties, et ce du fait d'effets non coordonnés.
ii) Effets coordonnés
(28) La Commission a examiné les effets coordonnés potentiels de l'opération envisagée sur les différents clusters délimités par des rayons de 150 km autour des installations de production de ciment des parties en Espagne.
(29) La Commission considère que le mécanisme de coordination le plus probable sur les marchés du ciment gris faisant l'objet de l'enquête est la répartition des clients, qui empêche les concurrents de proposer des prix bas aux clients de leurs rivaux. Avec ce type de mécanisme de coordination, les coûts de transport élevés du ciment conduiraient à une répartition globale des clients fondée sur la proximité de ces derniers avec une usine donnée.
(30) La Commission a donc examiné si les concurrents du secteur du ciment pourraient avoir un intérêt limité à attirer de nouveaux clients par des pratiques agressives. Dans un tel scénario, les concurrents tireraient profit d'un mécanisme de coordination en voyant leurs marges s'accroître et, partant, leurs bénéfices augmenter.
(31) La Commission considère qu'il ressort de plusieurs éléments du marché du ciment gris soumis à examen que les interactions sur le marché ne sont pas propices à une situation concurrentielle. Par exemple, les parties et leurs principaux concurrents obtiennent des marges brutes moyennes positives dans les clusters de la région du Centre, malgré la disponibilité d'importantes capacités inutilisées. Dans l'ensemble, toutefois, tous les facteurs considérés sont insuffisants pour étayer la conclusion selon laquelle les performances du marché seraient liées à l'existence d'une coordination à l'heure actuelle.
(32) D'autres éléments ne soutiennent pas l'hypothèse d'une coordination. En particulier, le rôle des distributeurs indépendants dans les clusters de la région du Centre est susceptible de nuire à la viabilité d'un mécanisme de coordination fondé sur une répartition des clients.
(33) En ce qui concerne les effets propres à la concentration, en l'espèce, la Commission ne doit pas se prononcer sur la question de savoir si les changements induits par cette concentration rendraient la coordination plus facile, plus stable ou plus efficace, étant donné que les éléments disponibles sont insuffisants pour étayer la conclusion selon laquelle les performances actuelles du marché seraient liées à l'existence d'une coordination à l'heure actuelle.
(34) Tout bien considéré, il n'y pas d'éléments suffisants pour établir que les performances actuelles du marché sont déterminées par l'existence d'un mécanisme de répartition des clients entre les quatre grands producteurs de ciment (les deux parties, Lafarge et CPV). Par conséquent, la Commission conclut qu'il est peu probable que l'opération envisagée rende la coordination plus facile, plus stable ou plus efficace à un degré tel qu'elle pourrait être considérée comme constituant une entrave significative à l'exercice d'une concurrence effective.
(35) Pour les mêmes raisons, elle conclut également qu'il est peu probable que des concurrents qui ne participaient précédemment à aucune coordination soient bien davantage susceptibles d'y adhérer du fait de l'opération envisagée.
(36) Il est donc considéré que l'opération envisagée est peu susceptible d'entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés du ciment gris dans les zones de 150 km autour des usines des parties, et ce du fait d'effets coordonnés.
VI. CONCLUSION
(37) Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que l'opération proposée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.
(38) L'opération notifiée est donc déclarée compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.
Notes :
(1) JO L 24 du 29-01-2004, p. 1 (ci-après le "règlement sur les concentrations").