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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 25 février 2016, n° 15-01074

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ribay, Perdereau, Mejjati Alami, Portejoie, Bolot, Kozak, Patarouen (SARL), Patacaen (SARL), Giuver (SARL), Mejand (SARL), Patabeauvais (SARL), Le Sacre Royal (SARL), La Patate de Marie (SARL), Patabar (SARL), Selarl Krebs-Suty-Gelis (ès qual.), Dechriste (ès qual.), Patamiens (SARL), Florida (SARL)

Défendeur :

KL Services (SAS), Stef Restauration France (SAS), La Pataterie Communication (SARL), La Pataterie Développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sabron

Conseillers :

Mm. Baluze, Soury

Avocats :

Mes Greze, Broville, Benaim, Weber Faruch, Deschamps, Valiere-Vialeix

T. com. Limoges, prés., du 31 juill. 201…

31 juillet 2015

LA COUR

Résumé du Litige

La SARL la Pataterie Développement gère un réseau de franchise de restaurants à l'enseigne La Pataterie.

La SAS la Pataterie Communication est une filiale de cette société dédiée à la publicité de ce réseau.

Celui-ci dispose d'une plate-forme logistique d'approvisionnement par un partenariat avec des sociétés du groupe Stef, plus précisément maintenant la société Stef Restauration France (qui a repris la société KL Services).

Divers franchisés et leurs dirigeants ont engagé et maintenu la présente procédure :

- la SARL Patabar, Bar-le-Duc, M. Kozak, avec intervention volontaire de l'administrateur et du mandataire judiciaire (société Krebs-Suty-Gelis et Me Dechriste),

- la SARL la Patate de Marie (Creches sur Saône) et M. Bolot,

- les SARL Le Sacre Royal, PatAmiens et PataBeauvais, M. Portejoie,

- la SARL Mejand (Gonesse),

- la SARL Giuver (Montevrain, 77) et Madame Mejjati Alami,

- la SARL Patacaen et la SARL Patarouen, Mme Perdereau,

- la SARL Florida (Chateaudun) et M. Ribay.

Ces franchisés exposent notamment que selon leur contrat de franchise ou des avenants, ils doivent s'approvisionner auprès de certains fournisseurs et spécialement de la plate-forme logistique évoquée ci-dessus, que cela génère des ristournes, rabais et remises qui doivent leur être reversés par le franchiseur, ce qu'il a fait les années précédentes mais non en 2014.

Ils ont engagé une procédure de référé de demander certaines pièces et le versement des remises fournisseurs.

Par ordonnance du 31 juillet 2015, le juge des référés du Tribunal de commerce de Limoges a débouté les demandeurs de l'ensemble de leur demande et a alloué aux défendeurs une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a été interjeté appel le 11 août 2015. Certains désistements sont intervenus en cours de procédure constatés par ordonnance des 30 septembre (M. Le Gallo et la SARL LD Restauration Berck) et 7 octobre 2015 (M. Bourdila et la SAS ACB Restauration).

Les appelants énumérés ci-dessus présentent les demandes suivantes :

- faire injonction aux sociétés Stef Restauration France, KL Service, la Pataterie Développement et la Pataterie Communication de produire, sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard, l'ensemble des justificatifs des remises fournisseur accordées depuis juillet 2009 dans le cadre des accords passés entre ces sociétés,

- condamner solidairement ces quatre sociétés à verser aux demandeurs les remises fournisseurs qui devaient leur revenir depuis juillet 2009 sur la base des justificatifs produits relatifs aux accords passés entre ces sociétés,

- faire injonction aux sociétés la Papeterie Développement et la Pataterie Communication de produire, sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard, l'ensemble des justificatifs des remises fournisseurs accordés depuis juillet 2009 dans le cadre des accords passés avec l'ensemble des fournisseurs du réseau bénéficiant d'une clause d'approvisionnement exclusif de la part des franchisés,

- condamner solidairement les sociétés Stef Restauration France, KL Service, la Pataterie Développement et la Pataterie Communication à payer, au titre des remises, rabais et ristournes qui devaient leur revenir, telle somme énoncée aux conclusions pour chaque franchisé et son dirigeant.

La SARL la Pataterie Développement et la SAS Pataterie Communication concluent à la confirmation.

Il en est de même des sociétés Stef Restauration France et KL Services.

Il est renvoyé aux conclusions ou dernières conclusions des parties déposées par les appelants le 6 janvier 2016, par les sociétés la Pataterie Développement et la Pataterie Communication le 24 novembre 2015 et par les sociétés Stef Restauration France et KL Services le 30 octobre 2015.

MOTIFS

Les contrats de franchise, par exemple celui conclu avec la SARL Patabar, contiennent un article 9 " approvisionnement et gestion du coût matière " qui comporte notamment les dispositions suivantes :

"Le franchisé s'engage à approvisionner son restaurant à l'enseigne la Pataterie auprès de la plate-forme logistique référencée par le franchiseur, par le biais d'un système de gestion des approvisionnements par Internet mis à sa disposition ...

Le franchiseur a mis en place, de manière totalement transparente, un compte d'attente dit " CRM " (compte de résultat marchandises) permettant de tracer les économies et/ou les dépenses avérées en regard de l'évolution du dossier, au mois le mois. La commission achat aura un droit de regard sur ce compte et sera régulièrement tenue informée. Les économies ou les dépassements pourront alors être affectés en fin d'année ou de période, sur décision de la commission achat la Pataterie, aux restaurants franchisés ayant respecté leur engagement d'achat.

Par économie, on entend la perception de produits pouvant provenir de la mise en place de contrats de coopération, la baisse de tarif en cours de période, de promotions"

Le franchiseur et la plate-forme logistique référencée par le franchiseur s'engagent à tout mettre en œuvre pour que - si le volume d'achat par l'ensemble des franchisés affiliés à la plate-forme est respecté - il y ait nécessairement un reliquat qui sera reversé, à l'euro/l'euro, aux restaurants franchisés ayant respecté leur engagement d'achat, selon un décompte analytique, et déduction faite des coûts réellement supportés par le franchiseur et/ou la plate-forme logistique.

Il est rappelé ici la volonté de pouvoir permettre, par cette solution globale achat, la réalisation d'économies d'échelle au profit de chaque unité franchisée (selon le principe de la massification) ou la prise en charge du coût au profit du réseau et, en aucun cas au profit du franchiseur.

Pour d'autres franchisés, il y a des avenants avec des dispositions similaires même s'il y a quelques variations. Ainsi, par exemple dans l'avenant avec la SARL Sacre Royal, il est stipulé (article trois) : le franchiseur et KL Services s'engagent à tout mettre en œuvre pour que - si reliquat il y a - il soit nécessairement reversé, à l'euro/l'euro, aux entreprises ayant respecté leur engagement d'achat, selon un décompte analytique.

La demande d'injonction de communication de pièces pourrait relever de l'article 145 du Code de procédure civile.

Cela étant, cette prétention est très générale puisqu'elle vise " l'ensemble des justificatifs " des remises fournisseurs accordées depuis juillet 2009, sans autre précision. Elle est donc peu circonstanciée et cernée quant aux pièces exactement sollicitées. Étant rappelé qu'une injonction judiciaire utile de communication de pièces suppose d'être exécutable, donc précise, et assortie de mesures de contrainte, telle une astreinte.

Cette prétention peut concerner certes d'abord les contrats entre le gestionnaire de la plate-forme logistique et les autres fournisseurs agréés, mais il est probable que ces seuls documents ne permettraient pas d'évaluer le montant des remises annuelles.

Par ailleurs, il y a quelques éléments au dossier sur cet aspect.

Divers fournisseurs attestent ne pas faire de versements ou de rétro commissions à la société la Pataterie Développement et/ou la société Pataterie Communication.

Quelques autres l'admettent, mais il est versé des attestations de l'expert-comptable des sociétés Pataterie :

- sur les fournisseurs concernés (six sociétés, pièce 23 dossier des sociétés Pataterie, attestation produite cependant sans la liste jointe dont elle fait état),

- sur ce qui est présenté comme les remises, rabais et les ristournes affectés au budget de la société Pataterie Communication (autre attestation de Monsieur Jean-Paul Marcou en date du 10 avril 2015, pièce 24 dossier des sociétés Pataterie, avec des données chiffrées),

- sur l'absence de remise de fin d'année à la SAS la Pataterie Développement.

Eu égard à ces observations, ce chef de demande apparaissant notamment insuffisamment spécifié, ne sera pas admis.

Sur la demande de versement aux appelants des remises fournisseurs qui devaient leur revenir depuis juillet 2009 et de diverses provisions de ce chef, ces prétentions relèvent de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile qui suppose une obligation non sérieusement contestable.

La première demande n'est pas chiffrée et elle est en lien avec l'autre chef de demande qui n'est pas admis.

Et, d'une manière plus générale pour ces deux demandes en paiement en référé, il peut être fait les observations suivantes.

Les clauses précitées affichent certes la volonté d'une totale transparence et d'économies d'échelle au profit des franchisés ou du réseau, elles font état d'une commission d'achat et de la décision de celle-ci quant à l'affectation des éventuelles économies alors qu'il apparaît qu'une telle commission n'a jamais été constituée, ainsi que d'un engagement à tout mettre en œuvre - ce qui est cependant assez vague - pour qu'il y ait un reliquat du " CRM ".

Mais, elles disposent aussi que les économies " pourront " être affectées aux franchisés, ce qui peut s'interpréter comme étant donc une simple possibilité, elles évoquent aussi leur affectation à la prise en charge de coûts au profit du réseau, ce qui peut renvoyer aux dépenses de publicité.

L'article 11 des contrats sur le financement de la publicité prévoit une redevance du franchisé de 1 % de son chiffre d'affaires mais aussi que ce budget de 1 % sera complété par les apports financiers liés aux partenaires industriels pour améliorer la professionnalisation du réseau.

Ces diverses clauses nécessitent une analyse et une interprétation de leur sens, de leur portée, notamment quant au système de répartition des remises, rabais et ristournes, quant au caractère obligatoire ou non de l'affectation de l'ensemble de ces réductions de prix aux seuls franchisés ou à une possibilité de répartition entre eux et une autre structure du réseau, examen et discussion qui excèdent les prérogatives de la juridiction des référés et ne permettent pas de considérer que les créances invoquées sont évidentes et sans contestations suffisamment sérieuses.

À l'égard des sociétés Stef Restauration France et KL Services, se pose en plus la question de l'opposabilité des contrats de franchise et/ou des avenants à ces sociétés, même si parfois le nom de l'une ou l'autre apparaît sur les lettres de redistribution les années précédentes.

Dans ces conditions, il ne peut être fait droit non plus à ces autres demandes.

Si les demandes des appelants ne sont pas admises, l'existence d'une procédure abusive de leur part n'est pas caractérisée. La demande de dommages intérêts de ce chef des sociétés Stef Restauration France et KL Services sera donc rejetée.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés Stef Restauration France, KL Services, la Pataterie Développement et la Pataterie Communication leurs frais irrépétibles, de première instance comme d'appel. La disposition de l'ordonnance condamnant solidairement les demandeurs à verser à chaque défendeur 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile est donc réformée.

Par ces motifs LA COUR, Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi, Rejette l'appel et les demandes des appelants, Confirme l'ordonnance du 31 juillet 2015, sauf en sa disposition au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum Me Hervé Dechriste, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Patabar, M. Kozak, la SARL la Patate de Marie, M. Bolot, les SARL Le Sacre Royal, PatAmiens et PataBeauvais, M. Portejoie, la SARL Mejand, la SARL Giuver, Madame Mejjati Alami, la SARL Patacaen, la SARL Patarouen, Mme Perdereau, la SARL Florida et M. Ribay aux dépens.