CA Poitiers, 1re ch. civ., 16 décembre 2011, n° 10-02771
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Prelle
Défendeur :
Dejean
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin-Pigalle
Conseillers :
Mmes Contal, Kamianecki
Avoués :
SCP Paille Thibault Clerc, SCP Musereau Mazaudon Provost-Cuif
Avocats :
Mes Legal, Wagner, de Masquard
Suivant certificat de cession de véhicule du 16 août 2008 M. Gregory Dejean alors chauffeur routier, a acquis de M. Eric Prelle gérant d'un garage Solcar situé à Coignères dans les Yvelines un véhicule de marque Chevrolet type Silverado Pick up année 2000 au prix de 17 800 euro, que celui-ci avait lui-même acquis le 1er août 2007.
Ce véhicule avait été mis en vente sur internet au prix de 19.000 euro
Suite à une panne survenue le 24 août 2008 à Souillac (Lot), ce véhicule a fait l'objet d'une expertise amiable le 8 décembre 2008, aux termes de laquelle l'expert Nicolas Fontanille a noté que la boîte de vitesse automatique ne fonctionnait pas, que le système Abs de freinage était défaillant, que la déflagration qui a endommagé le boîtier du filtre à air était le résultat d'une mauvaise combustion moteur et de mauvais réglages.
Suite à l'échec d'une proposition amiable et par l'intermédiaire de son conseil, M. Dejean a mis le 20 janvier 2009 M. Prelle en demeure de l'indemniser.
Cette mise en demeure étant demeurée infructueuse, M. Dejean a fait assigner M. Prelle devant le Tribunal d'instance de La Rochelle aux fins notamment de condamnation à paiement de dommages et intérêts destinés à réparer les préjudices matériels et d'agrément subis ainsi qu'aux fins de paiement d'une somme de 7 422,64 euro à titre de réduction du prix de vente.
Entre temps le garage dans lequel était remisé le véhicule a fait l'objet d'un incendie et le véhicule a été totalement calciné.
Par jugement du 23 novembre 2009, le Tribunal d'instance de La Rochelle a :
- s'agissant de la date d'apparition des désordres et de leur origine, ordonné une consultation confiée à M. B. Mattei, qui a déposé son rapport le 8 janvier 2010.
Par un second jugement du 7 juin 2010, ce même tribunal a :
- dit que le véhicule vendu le 16 avril 2008 était affecté de vices cachés le rendant impropre à son usage,
- dit que M. Prelle connaissait l'existence de ces vices lors de la vente,
- l'a condamné à payer à M. Dejean la somme de 7 422,64 euro au titre de la réduction de prix et celle globale de 2 547,62 euro en réparation des préjudices matériels et d'agrément avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 janvier 2009 outre celle de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LA COUR :
Vu l'appel interjeté par Eric Prelle le 9 juillet 2010 contre ces deux jugements.
Vu les dernières écritures déposées le 9 novembre 2010 par Eric Prelle aux termes desquelles poursuivant l'infirmation du jugement déféré, il conclut au rejet des demandes présentées par Grégory Dejean et sollicite sa condamnation à lui payer les sommes de 1.000 euro à titre de dommages et intérêts et de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures déposées le 9 mai 2011 par G. Dejean suivant lesquelles il conclut au visa des articles 1641 et 1645 du Code civil, 1116 et 1382 du Code civil et R. 323-22 du Code de la route à la confirmation du jugement entrepris, sauf y ajoutant à lui allouer une somme de 2.000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce :
Attendu qu'au soutien de ses prétentions M. Prelle se prévalant notamment de l'expertise réalisée par M. Nicolas Souquière mandaté par son organisme de protection juridique (la société Protexia Assurances) conteste les conclusions de l'expert M. Mattei, et soutient que l'acheteur ne rapporte pas la preuve que le véhicule vendu était affecté d'un vice caché antérieur à la vente le rendant impropre à son usage, que le dommage ne peut être que postérieur à l'achat et causé par des manipulations inadaptées, qu'il souligne que le véhicule acquis le 16 août 2008 a été remisé le 24 août après avoir parcouru 1337 kms et après qu'il ait lui-même procédé à la vidange du véhicule, dont il souligne le caractère spécifique, qu'il soutient que M. Dejean a provoqué les pannes de son véhicule en intervenant de façon inappropriée sur les organes du véhicule provoquant ainsi sa ruine ; qu'il affirme en outre l'avoir toujours très bien entretenu tout le temps où il a été propriétaire de ce véhicule ;
Attendu que M. Dejean conteste ces allégations et se prévalant des conclusions du rapport de M. Mattei soutient notamment et en premier lieu que la vidange d'huile moteur à laquelle il a procédé n'a eu aucune incidence sur l'apparition des désordres affectant la boîte de vitesse, désordres qui sont à l'origine de l'immobilisation du véhicule ;
Attendu qu'adoptant les motifs pertinents et détaillés du premier juge, il convient de confirmer le jugement entrepris, qu'il suffit de souligner que le fait que M. Dejean ait procédé au remplacement de l'huile du moteur dans les 8 jours qui ont suivi l'acquisition du véhicule Chevrolet ne peut avoir d'incidence sur le mauvais fonctionnement de la boîte de vitesse automatique, (entraînant un emballement du moteur et des anomalies du régime moteur) imputable à son usure naturelle, elle-même en lien avec le fort kilométrage du véhicule et préexistant à la vente et non décelable à l'issue d'un simple essai préalable à l'acquisition ; et qu'en outre le véhicule en cause était affecté d'autres dysfonctionnements précisément décrits par M. Mattei affectant préalablement à la vente le système de bis carburation ainsi que le système abs de freinage rendant également le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné notamment dans des conditions de sécurité acceptables, dont il n'est pas contesté qu'ils ne pouvaient pas plus être décelés par M. Dejean, à l'occasion d'un essai préalable à l'acquisition (dont on ignore au surplus dans quelles conditions il a eu lieu) ;
Attendu qu'outre la qualité de professionnel de l'automobile de M. Prelle, (qui est donc présumé connaître les vices de la chose vendue même à un professionnel) il convient par ailleurs de souligner que le consultant judiciaire note que s'il avait été procédé à un contrôle technique dans des conditions conformes à l'article R. 232-22 du Code de la route il aurait été procédé à une vérification du freinage, du système abs de freinage (y compris son témoin de non fonctionnement) et de l'équipement carburation au gaz (GPL) donnant lieu à une contre visite, que quelles que soient les explications données par M. Prelle pour justifier cette carence il n'empêche qu'il s'est (alors qu'il ne pouvait ignorer l'application de la loi, en sa qualité non contestée de négociant en automobiles) contenté de remettre à M. Dejean en guise de contrôle technique obligatoire un procès-verbal de contrôle technique d'un véhicule automobile daté du 1er août 2008 relatif à un contrôle antipollution ayant l'aspect d'un contrôle technique et de nature à induire en erreur M. Dejean sur la fiabilité du véhicule acquis ;
Attendu qu'il convient donc de confirmer les dispositions entreprises, qui ne sont pas contestées dans leur quantum ; que la consultation ordonnée était techniquement nécessaire pour éclairer la solution du litige ;
Attendu qu'en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de condamner M. Prelle au paiement d'une somme de 1 500 euro ;
Par ces motifs : Confirme les jugements entrepris, y ajoutant : Condamne Eric Prelle à payer à Gregory Dejean une somme de 1 500 euro par application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Le condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par application de l'article 699 du Code de procédure civile.