Cass. crim., 19 juin 2007, n° 07-82.454
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Avocat général :
M. Boccon-Gibod
Conseiller :
M. Palisse
Avocat :
SCP Thouin-Palat
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Hilmi, - X... Mustapha,- La Société X... Bâtiment, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 19 mars 2007, qui, dans l'information suivie contre eux du chef de tentative de tromperie aggravée, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;- Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 mai 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;- Vu le mémoire produit ;- Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 215-9, L. 215-11, L. 215-12 et R. 215-1 et suivants du Code de la consommation , préliminaire, 160, 162, 591 et 593 du Code de procédure pénale, article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête des demandeurs tendant à l'annulation de l'expertise judiciaire ;
"aux motifs que, "les irrégularités alléguées et relatives à la prestation de serment par écrit du sapiteur non inscrit sur la liste des experts ne sont pas susceptibles d'entraîner la nullité dès lors que ces irrégularités ne mettent en cause ni la réalité même du serment prêté, ni sa spécificité et ne portent pas atteinte aux intérêts de la partie concernée" ; "qu'en revanche, ont été méconnues les dispositions de l'article L. 215-22 (L. 215- 12) du Code de la consommation qui imposent la désignation de deux experts alors même qu'il n'avait pas satisfait à la "condition de renonciation" prévue par le 4ème alinéa dudit article" ; "que cependant cette méconnaissance a pour seul effet de limiter la valeur juridique du rapport d'expertise lequel ne vaut qu'à titre de simple renseignement" (arrêt, page 7) ;
"1) alors que, les expertises qui ne respectent pas le cadre défini aux articles L. 215-9 et suivants et R. 215-2 et suivants du Code de la consommation font nécessairement grief aux personnes mises en cause et doivent être annulés ; qu'en refusant de tirer les conséquences de ses propres constatations et de prononcer la nullité de l'expertise réalisée en méconnaissance des dispositions de l' article L. 215-12 du Code de la consommation , la chambre de l'instruction a violé les articles susvisés ;
"2) alors que, si le mis en cause n'a pas renoncé expressément à la désignation d'un expert de son choix, la juridiction d'instruction a l'obligation de nommer d'office un second expert ; qu'à défaut, l'expertise réalisée par le seul expert initialement nommé doit être annulée ; qu'en refusant d'annuler l'expertise réalisée uniquement par M. Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors que, si l'expert s'adjoint des personnes spécialement qualifiées par leur compétence, ces dernières doivent prêter serment dans les conditions prévues par l' article 160 du Code de procédure pénale ; que les formalités définies audit article étant d'ordre public, leur non-respect entraîne la nullité de l'expertise ;
qu'en énonçant, pour refuser d'annuler l'expertise, que les irrégularités alléguées ne mettent en cause ni la réalité même du serment prêté, ni sa spécificité et ne portent pas atteinte aux intérêts de la partie concernée, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Vu l'article 171 du Code de procédure pénale ; - Attendu que, selon ce texte, il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle de procédure a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les travaux de gros œuvre d'un centre médico-social ont été attribués à la société X... bâtiment par un marché public ; qu'à la suite de présomptions de tromperies, portant notamment sur le dosage en ciment du béton, une information a été ouverte contre personne non dénommée ; que le juge d'instruction a avisé la société X... bâtiment qu'elle disposait d'un délai de trois jours pour user de son droit de désigner un expert et que, n'ayant reçu aucune réponse dans le délai imparti, il a désigné un seul expert ;
Attendu que, pour refuser d'annuler le rapport déposé par l'expert unique, l'arrêt énonce que, si les dispositions de l'article L. 215-12 du Code de la consommation , qui prévoient que, dans un tel cas, un deuxième expert doit être désigné d'office, ont été méconnues, cela a pour seul effet de limiter la valeur juridique du rapport, qui ne vaut qu'à titre de simples renseignements ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la méconnaissance d'une règle substantielle, destinée à garantir le caractère contradictoire de l'expertise en matière de fraude et falsification, porte nécessairement atteinte à l'intérêt des parties concernées, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : casse et annule.