CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 1 mars 2016, n° 14-08298
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jousselin 45 (SAS)
Défendeur :
Mercedes Benz France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Palau
Conseillers :
MM. Ardisson, Leplat
Avocats :
Mes Dumeau, Mihailov, Debray, Homman Ludiye
FAITS :
La société Mercedes-Chrysler France, devenue Mercedes-Benz France (société " Mercedes-Benz "), importateur en France de véhicules neufs de la marque, a conclu le 9 septembre 2003 avec la société Jousselin 45 (société " Jousselin ") située à Fleury-les-Aubrais un contrat de distribution et réparateur agréé de véhicules de particuliers et de véhicules utilitaires légers.
Par avenant aux conditions générales de vente du 1er septembre 2005, la société Mercedes-Benz a consenti à la société Jousselin un crédit-fournisseur personnalisé " Floorplan ". Après avoir interrogé le 22 décembre 2005 la société Jousselin sur les motifs de l'inscription d'un privilège du Trésor Public de 2 090 264 euro, la société Mercedes-Benz a dénoncé le 30 mai 2006 le crédit-fournisseur personnalisé dont le rétablissement réclamé en référé le 19 juin 2006 par la société Jousselin a été ordonné par arrêt confirmatif de la Cour d'appel d'Orléans du 24 mai 2007. Le 30 septembre 2009, la société Mercedes-Benz a fait assigner la société Jousselin devant le Tribunal de commerce de Versailles qui, par jugement du 6 avril 2011 - confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 11 septembre 2012 - a décidé de la résiliation du crédit-fournisseur personnalisé avec effet au 6 avril 2011.
Par courrier du 28 septembre 2011, la société Mercedes-Benz a dénoncé à la société Jousselin la résiliation du contrat de distribution avec préavis de deux ans.
Par ailleurs, l'administration fiscale a délivré à la société Mercedes-Benz des avis à tiers détenteur de taxes et impôts dont la société Jousselin était redevable le 27 janvier 2012 pour 1 811 662,50 euro et le 29 juin 2012 pour 1 664 460,39 euro.
Enfin, après une lettre d'intention du 21 mai 2012 suivie d'une promesse du 20 juin suivant, la société Jousselin a cédé son fonds de commerce à la société Etoile du Loiret réitérée le 31 août 2012.
Par acte du 7 août 2012, la société Jousselin a fait assigner la société Mercedes-Benz devant le Tribunal de commerce de Versailles auprès duquel elle a, d'une part, formé un incident en vue de voir désigner un huissier avec pour mission d'établir le solde du compte entre les parties, se faire remettre toutes les pièces justificatives des prétentions des parties nécessaires à leur rapprochement, et de seconde part, réclamé la condamnation de la société Mercedes-Benz à lui verser la somme de 3 982 845 euro représentant la perte de marge qu'elle a éprouvée ensuite du manquement de la société Mercedes-Benz à son obligation de loyauté résultant de la réduction de ses facilités de paiement, en pesant abusivement sur les discussions de cession, en lui refusant le paiement des sommes constituant sa rémunération et en refusant de lui en détailler le compte. En réplique, la société Mercedes-Benz a conclu à l'irrecevabilité et au rejet des prétentions, et présenté une demande reconventionnelle en condamnation de la société Jousselin à lui verser la somme de 1 400 939,70 euro avec pénalités de retard au taux égal à trois fois le taux de l'intérêt légal, à compter de la date d'échéance des différentes factures.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du Tribunal de grande de commerce de Versailles du 8 octobre 2014 qui a débouté la société Jousselin de sa demande de mesure d'instruction, renvoyé la cause et les parties au fond et condamné la société Jousselin à payer à la société Mercedes-Benz la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu le jugement du Tribunal de grande commerce de Versailles du 15 janvier 2015 qui a déclaré irrecevables les demandes de la société Jousselin et l'a condamnée à verser à la société Mercedes-Benz la somme de 1 400 393,70 euro majorée des intérêts de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 19 novembre 2014, ainsi qu'à payer 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2014 par la société Jousselin ;
Vu l'appel interjeté le 26 janvier 2015 par la société Jousselin ;
Vu les dernières conclusions remises le 2 janvier 2016 par le RPVA pour la société Jousselin45 aux fins de voir :
- dire et juger la société Jousselin recevable et bien fondée en son appel,
- débouter la société Mercedes-Benz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer en totalité les jugements des 8 octobre 2014 et 14 janvier 2015 ;
Statuant à nouveau,
Au visa de l'article 1351 du Code civil :
- dire et juger que la procédure engagée au mois de septembre 2009 et close par l'arrêt du 11 septembre 2012 n'a porté que sur l'action de la société Mercedes-Benz tendant à la résiliation du crédit-fournisseur et sur sa contestation, sans que la société Jousselin n'y intègre aucune demande qui procéderait de son action propre,
- dire et juger que la décision du 11 septembre 2012 n'a donc tranché aucune demande de la société Jousselin, ni a fortiori aucune des demandes dont la cour est présentement saisie,
- dire et juger que la société Jousselin n'avait ni l'obligation, ni même seulement la possibilité, de mettre en œuvre son action à l'occasion du procès entrepris par la société Mercedes-Benz en vue d'obtenir la résiliation judiciaire du crédit-fournisseur,
- dire et juger que la société Jousselin ne forme dans la présente instance, aucune demande relative à la résiliation du crédit-fournisseur, ni n'articule aucun moyen de nature à contester cette résiliation,
- dire et juger en conséquence que les demandes formées dans la présente instance par la société Jousselin, ne peuvent se voir opposer l'autorité de la chose jugée ;
Au visa des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil :
- dire et juger que la société Mercedes-Benz a adopté un comportement fautif et manqué à l'obligation de loyauté, en réduisant les facilités de paiement du concessionnaire, en pesant abusivement sur ses discussions de cession, en lui refusant le paiement de sommes constituant sa rémunération et en refusant de lui en détailler le compte ;
- condamner en conséquence la société Mercedes-Benz au paiement d'une somme de 3 982 845 euro à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire ;
Au visa des articles 9 du Code de procédure civile, 1134 et 1290 du Code civil :
- constater l'existence d'un compte courant entre les parties,
- constater le défaut de solde contradictoire du compte entre les parties,
- constater l'existence d'une contestation sur la définition du solde du compte entre les parties,
- dire et juger que le commissaire aux comptes de la société Mercedes-Benz n'a pas confronté la comptabilité de cette dernière aux prétentions, ni à la comptabilité de la société Jousselin,
- dire et juger que la société Mercedes-Benz a fautivement refusé de fournir les informations et en particulier les bordereaux de règlement, qui permettaient le rapprochement des comptes des parties,
- dire et juger qu'en conséquence, la société Mercedes-Benz ne justifie pas d'une créance de solde opposable à la société Jousselin, après compensation des créances réciproques ;
Avant dire droit et vu les dispositions des articles 145 et 249 du Code de procédure civile :
- désigner en qualité de constatant, Maître Tricou, Huissier au tribunal de commerce de Versailles, avec pour mission d'établir le solde du compte entre les parties et à cette fin, de se faire remettre toutes pièces justificatives des prétentions des parties et nécessaires à leur rapprochement,
- ordonner à la société Mercedes-Benz de faire l'avance des frais afférents à cette mesure,
- condamner la société Mercedes-Benz au paiement de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Dumeau.
Vu les dernières conclusions remises le 21 décembre 2015 par le RPVA pour la société Mercedes-Benz France aux fins de voir :
1) s'agissant du jugement du 11 septembre 2014, au visa des articles 145 et 249, 146 et 150 du Code de procédure civile :
A titre liminaire,
- dire et juger que l'appel interjeté par la société Jousselin le 20 novembre 2014 à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 11 septembre 2014 est irrecevable,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la société Mercedes-Benz a communiqué l'ensemble des pièces nécessaires au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement,
- dire et juger qu'il n'appartient pas à un huissier d'établir les comptes entre les parties,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société Jousselin de sa demande à ce titre ;
2) s'agissant du jugement du 14 janvier 2015, au visa des articles 122 et 480 du Code de procédure civile et 1134, 1184 et 1351 du Code civil :
A titre principal :
- dire et juger irrecevables les demandes de la société Jousselin en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 11 septembre 2012 par la Cour d'appel de Versailles,
- confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société Jousselin de ses demandes à ce titre ;
A titre subsidiaire :
- dire et juger en tout état de cause, que la société Mercedes-Benz n'a commis aucune faute à l'encontre de la société Jousselin
- constater que la société Jousselin ne justifie pas du préjudice allégué. - débouter la société Jousselin de toutes ses demandes
A titre reconventionnel,
- condamner la société Jousselin à payer à la société Mercedes-Benz la somme de 1 400 939,70 Euros, avec pénalités de retard au taux égal à trois fois le taux de l'intérêt légal, à compter de la date d'échéance des différentes factures conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce,
- confirmer en conséquence le jugement.
A titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel entrait en voie de condamnation à l'égard de la société Mercedes-Benz,
- ordonner la compensation entre les créances réciproques,
- condamner la société Jousselin à payer à la société Mercedes-Benz le solde ;
3) En tout état de cause :
- condamner la société Jousselin 45 à payer à la société Mercedes-Benz la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Jousselin aux dépens dont distraction au profit de Maître Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 11 janvier 2016.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
1. Sur la recevabilité à agir en responsabilité
Considérant que pour voir déclarer irrecevable la demande de la société Jousselin en condamnation au titre de la responsabilité contractuelle, la société Mercedes-Benz soutient qu'en application du principe de " concentration des moyens ", cette demande aurait dû être présentée au tribunal de commerce et à la Cour d'appel de Versailles lors de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 11 septembre 2012 revêtu de l'autorité de la chose jugée, et devant lesquels la société Jousselin avait déjà contesté le droit de la société Mercedes-Benz de mettre un terme au crédit-fournisseur, dénoncé le " caractère malveillant de la démarche de Mercedes ", soutenu que " l'action de la société Mercedes [poursuivait] un but illicite (...) engagée que pour la contraindre à céder son affaire ", s'était prévalue de la résiliation du contrat de distribution par la société Mercedes-Benz, avait aussi invoqué le fait que la société Mercedes-Benz avait diminué la disponibilité de certains de ses concours en réduisant ses capacités de livraison, invoquant à cet égard les mêmes preuves communiquées que dans la présente instance, et s'était aussi prévalue du non-versement de ses rémunérations par la société Mercedes-Benz au prétexte de la réception le 27 janvier 2012 de l'avis à tiers détenteur de l'administration fiscale ;
Considérant en premier lieu, et ainsi que le conclut la société Mercedes-Benz, qu'en ayant retenu dans son arrêt du 11 septembre 2012, que " Mercedes n'a pas mis fin au contrat de crédit-fournisseur personnalisé avant son échéance et a même accepté d'en reporter le terme jusqu'au 31 mai 2006, il n'apparaît pas que Mercedes aurait agi de manière malveillante à l'égard de Jousselin en ne lui octroyant pas un nouveau contrat de crédit-fournisseur personnalisé et qu'elle ait abusivement refusé le bénéfice de ses concours à Jousselin. Il n'est pas plus démontré dans ces circonstances que Mercedes ait poursuivi un but illicite en recherchant pour des motifs étrangers la résiliation du crédit-fournisseur et qu'elle ait cherché à faire pression sur Jousselin pour lui faire céder sa concession à vil prix par le biais de la suppression du crédit-fournisseur personnalisé ", la cour d'appel a par ses motifs écarté toute faute dans la rupture du crédit-fournisseur, en sorte que ce même moyen invoqué par la société Jousselin au soutien de sa demande en responsabilité doit être écarté des débats ;
Mais considérant en second lieu, que les moyens de la société Jousselin relatifs à la rétention abusive de sa rémunération, à la dévalorisation des actifs incorporels et à la désorganisation de sa comptabilité qu'elle prétend imputer au concédant dans sa demande de condamnation au paiement de la marge brute qu'elle soutient avoir perdu à l'issue de la cession de son fonds de commerce, poursuivent un résultat économique et social différent et qui excède dans sa portée, celui des moyens que la société Jousselin avait opposés à la société Mercedes-Benz pour conserver le bénéfice du crédit-fournisseur, en sorte qu'il convient d'infirmer le jugement et de déclarer la demande recevable.
2. Sur la preuve des manquements à l'obligation de loyauté de la société Mercedes-Benz
Considérant que pour conclure à la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 982 845 euro représentant la perte de marge qu'elle prétend avoir subie avant la cession du fonds de commerce, la société Jousselin soutient que la société Mercedes-Benz a manqué à son obligation de loyauté, en premier lieu, en réduisant les facilités de paiement du concessionnaire à la suite de la résiliation du crédit-fournisseur personnalisé ; qu'au demeurant, ainsi que cela est retenu au § 1. ci-dessus, le moyen est écarté des débats ;
Qu'en deuxième lieu, la société Jousselin prétend que la société Mercedes-Benz a abusivement résilié le contrat de distribution le 28 septembre 2011 au prétexte que les résultats commerciaux étaient en baisse constante depuis une dizaine d'années avec des taux de réalisation par rapport aux objectifs contractuels notoirement insuffisants, alors que le 26 juillet 2012, elle lui a notifié que les résultats commerciaux avait atteint 80 % en suite de quoi elle avait reçu une avance financière sur sa rémunération variable de 52 382 euro ; que la résiliation était en réalité motivée par l'intention de la société Mercedes-Benz de favoriser Monsieur Bornhauser dans l'exclusivité de la représentation régionale de la marque, et avait eu pour effet, dans le délai contraint du préavis, de faire perdre le courant des affaires et de provoquer l'exigibilité de la dette de la société pour, in fine, enlever à la société Jousselin toute marge de négociation du prix de cession de son fonds ;
Mais considérant que ce résultat commercial et l'espérance de la valorisation de l'activité de la société Jousselin sont contredits par la difficulté financière objective dont elle était atteinte pour avoir été, sans discontinuer depuis décembre 2005, redevable au Trésor Public d'une dette de plus de deux millions d'euro, et dont le péril qu'elle faisait peser sur le contrat de distribution, ainsi que son antériorité de plusieurs années sur le jour de la résiliation du contrat de distribution et celui de l'engagement des pourparlers pour la cession du fonds, enlèvent toute faute à l'exercice du droit du concédant de la résiliation du contrat ;
Qu'en troisième lieu, la société Jousselin soutient que la société Mercedes-Benz a fautivement retenu sa rémunération au prétexte de l'avis à tiers détenteur de 1 811 662,50 euro que l'administration fiscale lui a délivré le 27 janvier 2012, alors d'une part, et ainsi que la société Jousselin l'avait répondu à son concédant le 5 mars 2012, que cet avis n'était applicable que pour les sommes détenues ou dues à la date de son émission, de deuxième part, que sur le total des avis à tiers détenteurs qui lui ont été adressés, la société Mercedes-Benz n'a versé au Trésor Public que 53 653,20 euro le 29 février 2012, et de troisième part, que son concédant ne lui a pas communiqué les informations utiles à la connaissance de l'objet des impôts ;
Mais considérant que la société Jousselin se limite à affirmer la rétention indue de ses rémunérations par la société Mercedes-Benz sans communiquer le détail de celles-ci, en sorte que le moyen manque en fait et doit être rejeté, tout comme doit être écartée l'affirmation téméraire selon laquelle le concédant aurait retenu l'information sur la nature des impôts que la société Jousselin a personnellement éludés ;
Qu'en quatrième lieu, la société Jousselin soutient que le concédant a désorganisé sa comptabilité en retenant abusivement les informations qui concernaient, d'une première part, le détail des sommes dont la société Mercedes-Benz retenait le paiement ou qu'elle prétendait avoir versées à l'administration fiscale, et ceci malgré les demandes qu'elle lui a adressées les 5 et 20 mars et le 23 mai 2012 ; que de seconde part, le concédant a cessé de communiquer les informations sur les sommes qu'il avait bloquées et qui revenaient à la société Jousselin au titre des aides commerciales, des aides diverses, des garanties véhicules neufs et d'occasion, et qu'elle a vainement réclamées par courriels des 23 et 25 mai puis par lettre du 29 août suivant ; qu'elle se prévaut à cet égard de l'attestation de son chef d'atelier d'après laquelle il relevait l'impossibilité de facturer les demandes de garantie constructeur à défaut de pouvoir suivre les demandes de remboursement de Mercedes France, et qui rapporte les tensions des clients auxquels ils ne pouvait leur délivrer la garantie constructeur ; qu'elle se prévaut aussi de l'attestation de la comptable de la société déplorant ne plus recevoir du concédant les bordereaux de crédit, les garanties du constructeur et toutes les aides diverses ;
Mais considérant que ces affirmations générales ne résistent pas à la charge de la preuve qu'il incombait à la société Jousselin de répondre à la preuve contraire que la société Mercedes-Benz a opposée par sa communication de l'exhaustivité des factures, avoirs, garanties et aides qu'elle a accordées sur la période (pièce n° 40 volume II), réponse qu'elle aurait pu ou dû apporter à partir de l'exploitation de sa propre comptabilité ; qu'il ne peut en conséquence être déduit la mesure dans laquelle les refus d'octroyer ou d'enregistrer les droits revendiqués par la société Jousselin ont pu concourir à la dégradation de l'évaluation financière de son fonds de commerce dans la perspective de la cession intervenue le 31 août 2012, et dont la valeur négociable était à l'évidence d'abord grevé de la dette fiscale dont la société Jousselin était à l'origine depuis décembre 2005, en sorte que le moyen sera tout autant écarté ;
Que par ces motifs, il convient de débouter la société Jousselin de sa demande au titre de la responsabilité de la société Mercedes-Benz.
3. Sur la demande de mesure d'instruction et le compte entre les parties
Considérant que pour voir infirmer les jugements en ce que sa demande de mesure d'instruction pour l'établissement des comptes entre les parties a été rejetée, et qu'elle a été condamnée à verser à la société Mercedes-Benz la somme de 1 400 939,70 euro assortie des pénalités de retard, la société Jousselin invoque derechef la carence de la société Mercedes-Benz dans la communication des informations sur les sommes recouvrées au titre de l'avis à tiers détenteur, en particulier les bordereaux de règlement, qui permettaient le rapprochement des comptes des parties ; qu'elle prétend que certaines des factures et des avoirs de la société Jousselin ne sont pas repris dans le décompte de la société Mercedes-Benz, que certaines factures ont été émises par le concédant après la cession du fonds sans explication, que des écritures ont été passées pour des montants identiques sans que leur cause puisse être identifiées ; qu'elle critique la portée limitée de la mission du commissaire aux comptes qui n'est pas entré dans le détail des garanties, des primes ou des aides et qui s'est fondé sur les seules informations communiquées par la société Mercedes-Benz ; qu'enfin, elle affirme que dans la créance qu'il revendique, le concédant fait abstraction de l'existence du compte courant de la société Jousselin ;
Mais considérant qu'en se limitant, ainsi que cela est relevé par de nombreux motifs ci-dessus, à des affirmations abstraites ou générales, la société Jousselin inverse la charge de la preuve qui lui incombait d'apporter au soutien de sa demande à partir de l'obligation d'établir la comptabilité de son fonds de commerce qu'elle tient de sa qualité de commerçant indépendant, et à défaut de laquelle elle ne peut contester la portée des résultats attestés par le commissaire aux comptes du concédant établis après analyse des factures et des avoirs émis par chacune des deux parties entre le 18 juillet 2011 et le 10 septembre 2012 ;
Que par ces motifs, il convient de confirmer les jugements en ce que la demande de mesure d'instruction a été rejetée et que la créance de la société Mercedes-Benz a régulièrement été fixée sur la base de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Mercedes-Benz.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant qu'il est équitable de condamner la société Jousselin à verser à la société Mercedes-Benz la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Par ces motifs, Contradictoirement, Infirme le jugement du 15 janvier 2015 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Jousselin 45 en responsabilité pour faute de la société Mercedes-Benz France, Ecarte des débats le moyen tiré de la faute de la société Mercedes-Benz France liée à la résiliation du contrat de crédit-fournisseur personnalisé, Déboute la société Jousselin 45 de sa demande en responsabilité de la Mercedes-Benz France, Confirme les jugements des 8 octobre 2014 et 15 janvier 2015 pour le surplus de leurs dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Jousselin 45 à payer à la société Mercedes-Benz France la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Jousselin aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.