CA Saint-Denis de la Reunion, ch. civ., 11 octobre 2013, n° 11-01655
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hoarau (conjoints)
Défendeur :
Sicalait (sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gesbert
Conseillers :
Mmes Jouanard, Deltour
Avocats :
Mes Boyer-Roze, Antelme
Faits et Procédure,
Par acte en date du 7 mai 2010, Madame Reine Marie Grondin épouse Hoarau a fait assigner la société d'intérêt collectif agricole à capital variable Sicalait pour obtenir le constat de la vente de bêtes porteuses de maladie, la réparation de son préjudice en découlant et, avant dire droit, une expertise.
Par jugement en date du 27 mai 2011, le tribunal de grande instance de Saint Pierre a déclaré l'action recevable, débouté Madame Grondin épouse Hoarau de ses demandes et l'a condamnée aux dépens recouvrés selon les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Statuant sur l'appel interjeté le 18 août 2011 par Madame Grondin épouse Hoarau, la présente cour a ordonné la réouverture des débats et invité la coopérative Sicalait à s'expliquer :
- sur le fondement contractuel résultant du manquement du vendeur à son obligation de sécurité consistant à ne livrer que des produits exempts de vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens,
- sur le fondement quasi-délictuel résultant de l'application des dispositions des articles 1386-1 du Code civil.
Par conclusions communiquées le 5 mars 2013, la coopérative Sicalait demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé Madame Hoarau recevable en son action et a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles, et statuant à nouveau de ces chefs, de dire Madame Hoarau irrecevable en son action.
Elle sollicite subsidiairement de dire Madame Hoarau irrecevable en son action contractuelle présentée à la cour dont elle n'avait pas saisi le tribunal et, plus subsidiairement, de débouter Madame Hoarau de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Elle demande, en tout état de cause, de condamner Madame Hoarau au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec distraction, et de la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile de première instance et d'appel.
Par conclusions communiquées le 6 mars 2013, Madame Grondin épouse Hoarau demande, au visa des articles 1641 et suivants, 1137, 1386-1 du Code Civil, de dire son appel recevable et fondé, d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau,
- à titre principal de dire que la coopérative Sicalait sera tenue à raison des défauts cachés des bovins qui lui ont été vendus et de dire que la coopérative Sicalait a manqué à son obligation de sécurité,
- à titre subsidiaire de dire que la coopérative Sicalait est responsable des dommages causés par les bovins malades qu'elle lui a vendu,
- en tout état de cause, de dire que la coopérative Sicalait devra réparer son préjudice, de la débouter de ses demandes plus amples ou contraires, et de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle sollicite avant dire droit d'ordonner une expertise judiciaire avec notamment pour mission de vérifier si son cheptel est contaminé par des maladies, rechercher les causes de cette contamination et préciser la nature et l'origine de ces maladies,
Elle conclut enfin à la condamnation de la coopérative Sicalait au paiement des dépens avec distraction, recouvrés selon les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2013.
Motifs de la décision
A titre liminaire, c'est par suite d'une évidente erreur matérielle que le dispositif, à l'inverse des motifs de la décision du 1er février 2013, a invité la coopérative Sicalait à conclure sur le fondement juridique des demandes articulées par son adversaire, Madame Grondin épouse Hoarau appelante de la décision.
La coopérative Sicalait soulève à titre principal, une exception d'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action rejetée par le tribunal de grande instance.
L'assignation délivrée le 7 mai 2010 était dépourvue de mention du fondement juridique des demandes ; elle évoquait toutefois la vente par la défenderesse de génisses malades qui auraient contaminé le cheptel de Madame Grondin épouse Hoarau.
Dans ses écritures reprises au jugement, celle-ci a expressément fondé sa demande sur la responsabilité délictuelle, de sorte qu'il ne peut plus être soutenu qu'elle agissait initialement sur le fondement contractuel à la date du 7 mai 2010.
Or, agissant sur le fondement délictuel, en vertu des dispositions régissant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l'action de Madame Grondin épouse Hoarau n'était pas prescrite, ainsi que l'a retenu à juste titre, le tribunal de grande instance.
Pour autant Madame Grondin épouse Hoarau ne reprend pas en appel ses demandes fondées sur l'article 1382 du Code civil.
En effet en cause d'appel, Madame Grondin épouse Hoarau invoque à titre principal les articles 1647 et suivants et 1147 du Code civil et, à titre subsidiaire, les articles 1386-1 et suivants du même Code.
Ses demandes ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, de sorte qu'à l'inverse des prétentions de la coopérative Sicalait, elles doivent être examinées sur ce nouveau fondement.
Cependant, l'action en garantie dans les ventes d'animaux est régie, à défaut de convention contraire, et comme développé par la coopérative Sicalait, par les dispositions des articles L. 213-1 et R. 213-1 et suivants du Code rural, qui prescrivent notamment que un délai imparti à l'acheteur tant pour introduire l'une des actions ouvertes par l'existence d'un vice rédhibitoire tel qu'il est défini aux articles L. 213-1 à L. 213-9 du même Code.
Que, pour provoquer la nomination d'experts chargés de dresser un procès-verbal, ce délai est de dix jours mais qu'il est porté à trente jours notamment en cas de rhinotrachéite infectieuse dans l'espèce bovine, affection considérée rédhibitoire.
Que l'article R. 213-7 du Code rural rappelle que le délai court à compter de la livraison de l'animal.
Or en l'espèce, Madame Grondin épouse Hoarau invoque des livraisons qui ont eu lieu en avril 2004 et juillet 2004 et une mortalité des bêtes consécutive à l'IBR, c'est-à-dire aux termes du rapport Mouthon, la rhinotrachéite infectieuse bovine, de sorte qu'elle n'est plus recevable à agir sur ce fondement, son action étant prescrite.
En second lieu, l'appelante ne peut solliciter l'application du droit commun de la garantie des vices cachés qui ne peut être mobilisée dès lors qu'il n'est ni établi ni soutenu que les parties ont dérogé au régime spécifique fixé par le Code rural et que les affections bovines type rhinotrachéite infectieuse donnent lieu à une réglementation et à une garantie spécifique fixées par les dispositions du Code rural.
S'agissant ensuite de l'action fondée sur un manquement à l'obligation de sécurité, que la coopérative considère également comme irrecevable, l'appelante critiquant la livraison d'animaux affectés d'une rhinotrachéite alors qu'ils avaient été acquis pour développer le cheptel, il est patent qu'à défaut de convention permettant d'échapper au régime spécifique et dérogatoire du droit commun, Madame Grondin épouse Hoarau, qui ne dispose pas de la possibilité d'opter, ne peut se dispenser de respecter les prescriptions du Code rural, pour contourner les règles de recevabilité de la demande.
S'agissant enfin de la demande fondée sur les dispositions relatives à la garantie des produits défectueux des articles 1386-1 et suivants du Code Civil, elle peut s'exercer de manière autonome.
Il est établi, vu l'article 1386-3 du Code civil, que les animaux d'élevage, en l'espèce des génisses, sont des produits au sens de cette réglementation.
Il résulte de la chronologie, que Madame Grondin épouse Hoarau a acquis en avril et juillet 2004, sept génisses à la coopérative Sicalait ; que trois sont mortes en septembre 2004, juin et août 2005, que trois autres sujets du troupeau sont morts en 2005 puis 6 de février à mai 2006 et qu'elle a vendu le reste de son cheptel.
Or si Mme Grondin épouse Hoarau impute cet état de fait à une affection dont aurait été porteuses les génisses qu'elle a acquises à l'intimée, elle n'en rapporte pas la preuve ayant renoncé à la demande d'expertise qu'elle avait pourtant formulée en référé le 18 février 2005.
Que si elle se fonde sur un rapport d'expertise établi par le professeur Mouthon du 31 juillet 2008, celui-ci ne concerne ni les bêtes qui lui ont été livrées ni son exploitation, (les numéros d'identification des bêtes vendues ne se retrouvent pas dans la liste de l'expert).
Par ailleurs Madame Grondin épouse Hoarau n'invoque aucune atteinte à la personne et ne précise pas le montant de son dommage matériel.
Les rapports d'analyses datés des 21 et 24 décembre 2007, qu'elle produit concernant les bêtes vendues par la coopérative Sicalait, mettent en évidence que quatre d'entre elles étaient positives à la BVD (diarrhée virale bovine), parmi elles, deux étaient également positives à la fièvre Q et une était positive à la chlamydiose ainsi qu'une cinquième, cependant la date des prélèvements n'est pas connue de sorte que cet élément n'est pas probant.
De surcroît, ces analyses ne font aucune mention de l'IRB à laquelle l'appelante impute la ruine de son cheptel et celle-ci n'établit aucun lien de causalité entre ces analyses et la mort de ses bestiaux puis la vente de son troupeau.
Sa demande ainsi fondée doit donc être rejetée.
Il résulte de ces considérations que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme Grondin épouse Hoarau de toutes ses demandes.
L'équité justifie le rejet des demandes des parties fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Par ces motifs, La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Condamne Madame Grondin épouse Hoarau aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Canale Gauthier Anthelme et selon les règles relatives à l'aide juridictionnelle.