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Décisions

Cass. com., 24 janvier 2006, n° 02-11.323

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Tréguier

Défendeur :

SCP Le Dortz Bodelet (ès qual.), Connexion marine et autres

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. de Monteynard

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, Me Le Prado, SCP Waquet, Farge, Hazan

Cass. com. n° 02-11.323

24 janvier 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. X..., victime d'une explosion accidentelle à bord du chalutier "Côte d'Ambre" survenue le 2 octobre 1992, a assigné en indemnisation de son préjudice la société Vergoz, chantier naval qui a livré le navire au cours de l'année 1978, placée depuis en liquidation judiciaire, M. Y... étant liquidateur, et la société Connexion Marine, qui a assuré la maintenance des équipements électriques, placée depuis en liquidation judiciaire, la SCP Le Dortz Bodelet, étant liquidateur, l'Etablissement national des invalides de la Marine (l'Enim), étant appelé dans la cause ; qu'il a, en outre, agi directement contre la société Assurances maritimes aux droits de laquelle se trouve la société Groupama transports (l'assureur), apéritrice couvrant la responsabilité civile de la société Vergoz ;

Sur les premiers moyens des pourvois principaux et provoqués, qui sont rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que M. X... et l'Enim reprochent à l'arrêt d'avoir fixé à 486 667,31 francs l'assiette du dommage corporel subi par M. X... soumise au recours de l'Enim et à 72 000 francs son dommage personnel, constaté que la créance de l'Enim absorbe la créance de M. X... du premier chef, fixé dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Vergoz et dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Connexion Marine la créance de M. X... à due concurrence de 72 000 francs au principal, 12 000 francs pour frais irrépétibles, sauf divisibilité de ces sommes en deux fractions égales entre les co-débiteurs conjoints, condamné l'assureur à payer à l'Enim la somme de 486 667,31 francs au principal et 4 000 francs pour frais irrépétibles, et condamné l'assureur à payer à M. X... la somme de 72 000 francs au principal et 12 000 francs pour frais irrépétibles en violation de l'article 34 du Code général des Impôts, au prix d'une méconnaissance de l'objet du litige et du principe du contradictoire ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que les moyens de cassation invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que l'Enim fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société Vergoz et la société Connexion intégralement responsables du dommage corporel subi par M. X..., d'avoir fixé à 486 667,31 francs l'assiette du dommage corporel soumise au recours de l'Enim, d'avoir constaté que la créance de l'Enim absorbe la créance de M. X... du premier chef et d'avoir condamné l'assureur à payer à l'Enim la somme de 486 667,31 francs au principal, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition légale n'oblige le subrogé à faire valoir les droits dont il est conventionnellement investi et qu'il peut laisser exercer par le subrogeant ; qu'en retenant d'un côté, que les sociétés Vergoz et Connexion Marine étaient responsables du dommage survenu à M. X..., et de l'autre que celui-ci a déclaré à titre provisionnel sa créance dans le cadre de leurs procédures collectives respectives, tout en refusant comme il lui était demandé de fixer la créance de l'Enim à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Vergoz et de la société Connexion Marine, la cour d'appel a violé l'article L. 621-43 du Code de commerce et les articles 29, 30 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu que sous couvert d'une violation de la loi, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer ; qu'il est donc irrecevable ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que l'assureur reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'il était tenu de garantir M. X... dans la limite des garanties souscrites et de l'avoir en conséquence condamné à payer à celui-ci la somme de 72 000 francs en principal et à l'Enim la somme de 486 667,31 francs alors, selon le moyen, que : 1°) la garantie de l'assureur ne s'applique que si le fait dommageable engageant la responsabilité de l'assureur s'est produit pendant la période où le contrat d'assurance est en cours ; qu'en matière d'assurance responsabilité civile relative à un contrat "chantiers de construction navale artisanale", le fait dommageable doit s'entendre de la livraison du navire ; qu'en 'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la livraison du navire construit par le chantier naval Vergoz n'avait pas été effectuée le 11 mai 1978, soit à une date antérieure à celle de la prise d'effet de la police d'assurance souscrite par la société Vergoz auprès de l'assureur à compter du 1er janvier 1990, d'où il résultait que la garantie de cet assureur n'était pas due, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 124-1 du Code des assurances ; 2°) l'assureur responsabilité civile ne peut être tenu à l'égard de la victime au-delà de la garantie souscrite par l'assuré ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été expressément invitée si, aux termes des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Vergoz auprès de l'assureur, seuls les dommages matériels et immatériels causés aux tiers "après travaux" n'étaient pas couverts par la garantie, de sorte que M. X... ne pouvait réclamer l'indemnisation du préjudice corporel subi postérieurement à la livraison du navire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 124-1 du Code ces assurances ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'article 24 de la police souscrite par la société Vergoz avec effet au 1er janvier 1990 avait défini la garantie et qu'il ne comportait aucune limite dans le temps concernant les travaux de construction qui entrent en garantie "après travaux" et en particulier qu'il n'évoque nullement que seules seraient garanties les livraisons postérieures au 1er janvier 1990, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que les termes de la police étaient clairs et précis qu'il n'en résultait pas que les conditions particulières en ce qu'elles plafonnent l'indemnisation des dommages matériels et immatériels étaient susceptibles d'influencer le sens des conditions générales ; qu'ainsi la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, manque en fait ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :

Vu les articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du Code civil interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 24 juillet 1985 et l'article L. 110-4 du Code de commerce ;

Attendu que l'action de la victime d'un produit vendu défectueux, dont la mise en circulation est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, codifiée aux articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil, se prescrit à l'encontre du vendeur à compter de la vente ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action diligentée par M. X... à l'encontre de M. Y..., en sa qualité de liquidateur de la société Vergoz et l'action directe exercée par M. X... à l'encontre de l'assureur, et dire que celui-ci était tenu de le garantir dans la limite des garanties souscrites et condamner en conséquence l'assureur à payer à M. X... la somme de 72 000 francs et à l'Enim la somme de 486 667,31 francs, l'arrêt retient que s'agissant d'une action en responsabilité fondée sur le droit commun de la responsabilité civile contractuelle, le délai de l'article L. 110-4 du Code de commerce a pour point de départ le jour de la survenance du dommage, soit le 2 octobre 1992, en sorte que les assignations au fond ayant été délivrées au cours de l'année 1995 et pour la plus tardive en 1997, M. X... ne se heurte pas à la prescription édictée par ce texte ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la reception du navire avait eu lieu au cours de l'année 1978 tandis que l'accident était survenu le 2 octobre 1992, la cour d'appel, qui aurait dû déclarer prescrite la demande, comme ayant été exercée après l'expiration du délai de dix ans de l'article L. 110-4 du Code de commerce, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevables l'action diligentée par M. X... à l'encontre de M. Y..., en sa qualité de liquidateur de la société Vergoz et l'action directe exercée par M. X... à l'encontre de la société Groupama Transports, en ce qu'il a dit que celle-ci était tenue de le garantir dans la limite des garanties souscrites, en ce qu'il a fixé à 486 667, 31 francs l'assiette du dommage corporel subi par M. X... soumise au recours de l'Enim et à 72 000 francs son dommage personnel, en ce qu'il a constaté que la créance de l'Enim absorbe la créance de M. X... du premier chef, en ce qu'il a fixé dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Vergoz et dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Connexion Marine la créance de M. X... à due concurrence de 72 000 francs au principal, 12 000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sauf divisibilité de ces sommes en deux fractions égales entre les co-débiteurs conjoints et en ce qu'il a condamné la société Groupama Transports à payer à M. X... la somme de 72 000 francs et à l'Enim la somme de 486 667,31 francs, l'arrêt rendu le 21 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.