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Décisions

Cass. com., 26 mai 2010, n° 07-11.744

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Potocki

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano

Lyon, 3e ch. sect. B, du 7 déc. 2006

7 décembre 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupe électrogène installé en 1995 par la société Wartsila à l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon a pris feu en raison de l'échauffement de l'alternateur fabriqué par la société Moteurs Leroy Somer ; que la société Dalkia France, chargée de la maintenance de cette installation, et son assureur, la société Ace Europe, ont réparé les dommages matériels causés à l'hôpital par cet accident puis, subrogés dans les droits de ce dernier, ont assigné la société Moteurs Leroy Somer afin d'obtenir le remboursement des sommes versées par elles ; que, par arrêt du 24 juin 2008, la chambre commerciale, financière et économique a saisi la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Moteurs Leroy Somer fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était tenue d'une obligation de sécurité et de l'avoir condamnée à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euro et à la compagnie Ace Europe la somme de 229 107 euro, alors, selon le moyen : 1°) que l'obligation de sécurité qui pèse sur tout vendeur professionnel ne couvre pas les dommages causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage professionnel ; qu'en condamnant la société Leroy Somer à réparer les dommages purement matériels affectant le groupe électrogène commandé par l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon pour les besoins de son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1603 du Code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ; 2°) que seul est réparable, au titre de la garantie des produits défectueux, le dommage causé à une chose autre que le produit défectueux lui-même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Wartsila avait vendu au centre hospitalier de Lyon un groupe électrogène et que le dommage subi avait "pu être circonscrit, en dehors de l'alternateur, au seul transformateur" du groupe électrogène, ce dont il résultait que le bien pour lequel il était demandé réparation ne constituait pas un bien distinct du produit défectueux ; qu'en condamnant néanmoins la société Leroy Somer, sur le fondement de son obligation de sécurité, à réparer le dommage subi par le centre hospitalier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les dispositions de l'article 1603 du Code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que la Cour de justice des Communautés européennes a énoncé (CJCE, 4 juin 2009, affaire C-285/08, point n° 28) que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d'application de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le dommage avait pu être circonscrit au seul transformateur, la cour d'appel a distingué le bien pour lequel il était demandé réparation de l'alternateur défectueux ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euro et à la compagnie Ace Europe celle de 229 107 euro, l'arrêt retient que la société Moteurs Leroy Somer, fabricant d'alternateurs, ne peut opposer à l'Hôpital, aux droits duquel sont subrogées les sociétés Dalkia et Ace Europe, ses conditions générales de vente qui limiteraient, selon elle, sa garantie au remboursement du seul transformateur et des plots endommagés, tandis qu'elle ne produit aucune pièce justifiant de la connaissance qu'aurait eue l'hôpital de ces limitations de garantie des vices et surtout que cet établissement hospitalier n'est pas un professionnel en la matière ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Moteurs Leroy Somer était en droit d'opposer à la société Dalkia France et à la société Ace Europe son assureur qui, subrogées dans les droits du sous-acquéreur, exerçaient une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'elle pouvait invoquer à l'encontre de son propre cocontractant, la société Wartsila, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euro et à la société Ace Europe celle de 229 107 euro, l'arrêt rendu le 7 décembre 2006, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon, autrement composée.