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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 21 octobre 2013, n° 12-01638

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Castorama France (SAS)

Défendeur :

Napolitano

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mme Auber, M. Gayssot

Avocats :

Mes Lury, Carlot, Gallissaires-Beyrie

TGI Agen, du 18 sept. 2012

18 septembre 2012

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 7 juillet 2011, Mme Ursula Geiger épouse Napolitano s'est blessée en tombant d'un escabeau qu'elle indique avoir acheté le 9 novembre 2010 au magasin Castorama d'Agen et dont le pied s'est cassé subitement.

Par acte d'huissier du 25 mai 2012, Mme Ursula Geiger épouse Napolitano, se référant aux articles 1641, 1386-1 et 1386-7 du Code civil et à la jurisprudence sur l'obligation générale de sécurité, a fait assigner la SAS Castorama France pour la voir reconnaître, en tant que vendeur de l'escabeau Decopro Centaure, civilement responsable de sa chute et obtenir sa condamnation à réparer son préjudice.

Par jugement réputé contradictoire du 18 septembre 2012, le Tribunal de grande instance d'Agen a :

- dit que la SAS Castorama France est civilement responsable de l'accident survenu le 7 juillet 2011 à Mme Ursula Geiger épouse Napolitano,

- ordonné une expertise médicale confiée au docteur Maillard,

- condamné la SAS Castorama France à verser à Mme Ursula Geiger épouse Napolitano la somme de 600 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS Castorama France aux dépens.

La SAS Castorama France a relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SAS Castorama France demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en conséquence, au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil, de l'article 1641 du Code civil, de l'article 9 du Code de procédure civile et de l'article 1315 alinéa 1 du Code civil :

- de juger que Mme Ursula Geiger épouse Napolitano ne rapporte pas la preuve que l'escabeau qu'elle incrimine lui a été vendu par la société Castorama,

- de juger que dès lors que l'identité du fabricant Centaure est connue, la société Castorama ne peut pas être condamnée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- de juger que Mme Ursula Geiger épouse Napolitano ne rapporte pas la preuve d'un défaut ou d'un vice caché de l'escabeau litigieux,

- en conséquence, de la mettre hors de cause,

- de débouter Mme Ursula Geiger épouse Napolitano de ses demandes,

- de condamner Mme Ursula Geiger épouse Napolitano au paiement de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La SAS Castorama fait valoir qu'à défaut pour Mme Napolitano de rapporter la preuve certaine que l'escabeau litigieux a été acheté auprès de la société Castorama, elle ne saurait rechercher sa responsabilité. Elle relève que la provenance de l'escabeau est sujette à contestations, que Mme Napolitano se contente de verser aux débats une facture qui n'est pas à son nom et un constat d'huissier indiquant la marque et le modèle de l'escabeau et précisant qu'il a été fabriqué le 30 septembre 2010, que le délai très court entre cette date de fabrication et la date d'achat permet de penser que l'escabeau qui a rompu et qui a fait l'objet du constat d'huissier n'est pas celui qui lui a été acheté.

Elle soutient que même si la cour considérait que l'escabeau provenait de la société Castorama, aucune condamnation ne pourrait être prononcée à son encontre sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil. Elle précise que Mme Napolitano connaît, depuis l'achat de l'escabeau, l'identité du fabricant du matériel qui est la société Centaure et qu'il résulte de l'article 1386-7 du Code civil que la victime ne peut agir contre le vendeur que si elle ignore l'identité du fournisseur ou du fabricant. Elle en déduit que la demande présentée contre elle sur le fondement de la loi du 19 mai 1998 est irrecevable.

Elle invoque subsidiairement l'absence de preuve du défaut ou du vice caché de l'escabeau. Elle se réfère aux dispositions de l'article 1386-9 et des articles 1641 et suivants du Code civil. Elle indique à cet égard que Mme Napolitano affirme sans le démontrer que l'escabeau aurait cassé subitement, ce qui serait la conséquence d'un défaut ou d'un vice caché, mais qu'aucune expertise n'a été organisée, qu'un constat d'huissier ne vaut pas une expertise technique et que l'on ignore tout de la cause de la rupture du pied de l'escabeau.

Mme Ursula Geiger épouse Napolitano demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré ;

- de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de chiffrer son préjudice économique ;

- de condamner la SAS Castorama France au paiement de la somme de 3 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir :

- qu'elle prouve son achat de l'escabeau au magasin Castorama d'Agen par une facture établie au nom de la SARL Entreprendre dont elle est la gérante ;

- qu'elle prouve le bien fondé de ses prétentions, non seulement par sa facture d'achat, mais aussi par le constat d'huissier du 25 avril 2012, par son dossier d'admission aux urgences, par les examens médicaux pratiqués, par les attestations de Mme Bizet, M. Regnier et Georges Napolitano et par les courriers adressés à Castorama ;

- que sa demande est fondée, tant sur les dispositions des articles 1641 du Code civil que sur les articles 1386-6 et 1386-7 du Code civil et sur la jurisprudence définissant l'obligation générale de sécurité ;

- que sur la base de la garantie générale des vices cachés prévue par l'article 1641 du Code civil, elle ne peut qu'assigner son vendeur, Castorama, avec lequel elle a un lien contractuel direct ;

- qu'elle invoque également la responsabilité des professionnels participants à la distribution d'un produit défectueux en vertu des articles 1386-6 et 1386-7 du Code civil , que le vendeur est assimilé à un producteur et a une responsabilité identique à celle du fabricant du produit défectueux, que la victime peut assigner le vendeur ou le fabricant, qu'ainsi le bienfondé de son recours contre son vendeur ne fait aucun doute ;

- que l'article 1386-7 du Code civil invoqué par Castorama n'est pas applicable à la victime, mais prévoit seulement les conditions du recours du distributeur du produit ;

- que l'article 1386-11 prévoit même une responsabilité de plein droit ; que la mise en cause du fournisseur Centaure ne pourrait aboutir à une exonération de la responsabilité civile du vendeur Castorama ;

- que les indications d'utilisation de l'escabeau ont été respectées par elle, qu'elle prouve par les attestations des témoins de son accident qu'elle utilisait l'escabeau dans des conditions normales le 7 juillet 2011 lorsqu'elle a chuté

- que la cause de sa chute est due à la cassure nette et subite du pied de l'escabeau confirmée par les témoins et par le constat d'huissier, qu'ainsi elle rapporte la preuve du lien de causalité entre le vice caché ou le défaut de fabrication de l'escabeau et son préjudice corporel lié à sa chute.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme Ursula Geiger épouse Napolitano fonde ses demandes à l'encontre de la société Castorama sur les dispositions des articles 1641 du Code civil et des articles 1386-6 et 1386-7 du Code civil.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, " Le vendeur est tenue de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. "

L'article 1644 du même Code précise : " Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix "...

En l'espèce, les demandes de Mme Napolitano n'ont pas pour objet de faire prononcer la résolution de la vente de l'escabeau litigieux ou la réduction du prix, mais tendent à obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de sa chute survenue le 7 juillet 2011.

Dès lors, parmi les fondements juridiques sur lesquels Mme Napolitano a engagé son action, seules les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil, relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux doivent être retenues.

Mme Ursula Geiger épouse Napolitano dirige ses demandes à l'encontre de la société Castorama en sa qualité de vendeur de l'escabeau incriminé.

Elle verse aux débats d'une part, une facture de la société Castorama en date du 9 novembre 2010 concernant l'achat de l'escabeau, établie au nom de la SARL Entreprendre et d'autre part, un extrait Kbis faisant apparaître qu'elle est la gérante de la SARL Entreprendre. Elle apporte donc la preuve qu'elle a bien acheté l'escabeau au magasin Castorama d'Agen.

Mme Napolitano estime être fondée à agir à l'encontre du vendeur, notamment en vertu des articles 1386-6 et 1386-7 du Code civil.

Cependant, l'article 1386-7 alinéa 1 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 5 avril 2006, dispose :

" Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit bailleur ou du loueur assimilable au crédit bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. "

Si Mme Napolitano soutient avoir le choix de sa procédure contre le vendeur ou contre le fabricant et non l'obligation d'assigner seulement le fabricant, cette interprétation est contraire à la directive 85-374-CEE du conseil du 25 juillet 1985 et à la rédaction actuelle de l'article 1386-7 du Code civil.

En effet, en application des dispositions précitées de cet article, la victime ne peut agir contre le fournisseur du produit estimé défectueux que dans le cas où le producteur de ce produit ne peut pas être identifié.

Or en l'espèce, le producteur est identifié comme étant la société Centaure et Mme Napolitano lui a même adressé, avant l'introduction de la procédure, une lettre recommandée avec avis de réception à son adresse [...].

Dès lors, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, il appartenait à Mme Napolitano de rechercher la responsabilité du producteur.

Il s'ensuit que son action engagée à l'encontre du fournisseur, la société Castorama, est irrecevable.

Compte tenu de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme Napolitano, qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens.

Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu le 18 septembre 2012 par le Tribunal de grande instance d'Agen, Et statuant à nouveau, Déclare irrecevables les demandes présentées par Mme Ursula Geiger épouse Napolitano à l'encontre de la SAS Castorama, Rejette toute demande contraire ou plus ample, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme Ursula Geiger épouse Napolitano aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.