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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 25 mars 2016, n° 15-00812

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque Solféa (SA)

Défendeur :

Neiss, Bally (ès qual.) , Kotherm (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafay

Conseillers :

Mmes Lefèvre, Magnard

Avocats :

Me Le Borgne, SCP FWF Associés, Selarl Schaeffer Avocats

TI Reims, du 26 mars 2015

26 mars 2015

Le 21 juin 2012, M. Robert Neiss a commandé à la société Kotherm, SARL, les biens et prestations suivants : "centrale photovoltaïque 12 modules de 185 WC intégration au bâti (tuile solaire), raccordement au réseau ERDF à la charge de Kotherm montant 700 euros, démarches administratives Kotherm ", pour un prix total de 19 500 euros. Le même jour, un crédit de 19 500 euros était souscrit par M. Robert Neiss et Mme Nadine Zilber, son épouse, auprès de la société Banque Solféa, SA.

Le 19 juillet 2013, M. et Mme Neiss ont fait assigner Maître Pascal Bally ès qualités de liquidateur de la société Kotherm et la société Banque Solféa devant le Tribunal de grande instance de Paris. Le 18 décembre 2013, Mme Neiss est décédée. Le 18 mars 2014, le juge de la mise en état a dit le Tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit du Tribunal d'instance de Reims.

M. Neiss a demandé l'annulation du contrat de fourniture et pose de la centrale et du contrat de crédit, subsidiairement leur résolution, sans que la société Banque Solféa puisse solliciter le remboursement du capital, et avec condamnation de cette dernière au paiement de dommages et intérêts pour 20 000 et 3 000 euros. La société Banque Solféa s'est opposée aux demandes d'annulation et résolution et subsidiairement a réclamé la restitution par M. Neiss du capital emprunté.

Par jugement du 26 mars 2015 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance a annulé le contrat principal et le contrat de prêt, débouté la société Banque Solféa de sa demande en paiement de la somme de 19 500 euros et d'une indemnité pour frais de procédure, a débouté M. Neiss de ses demandes en dommages et intérêts et a condamné la société Banque Solféa aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Banque Solféa a fait appel de cette décision. Le 23 juin 2015, elle a fait signifier sa déclaration d'appel à Maître Bally ès qualités de liquidateur de la société Kotherm, selon procès-verbal de recherches infructueuses.

Aux termes de conclusions du 27 octobre 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement afin de :

1) sur le contrat principal :

- dire que la violation des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation est sanctionnée par une nullité relative,

- dire qu'en acceptant la livraison puis la pose des panneaux solaires, en signant l'attestation de fin de travaux ordonnant la libération des fonds, en faisant réaliser le raccordement au réseau public d'électricité, M. Neiss a couvert l'éventuelle nullité du contrat principal,

- débouter M. Neiss de ses demandes d'annulation et de résolution du contrat principal,

- lui enjoindre de rembourser le crédit souscrit auprès de la société Banque Solféa selon l'échéancier convenu,

2) sur le contrat de crédit :

- à titre principal, débouter M. Neiss de toutes ses demandes, notamment en dommages et intérêts,

- à titre subsidiaire, condamner M. Neiss à restituer à la société Banque Solféa la somme de 19 500 euros représentant le capital emprunté avec intérêts de droit à compter de la remise des fonds,

3) et 4) condamner M. Neiss au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Selon écritures du 2 septembre 2015, M. Neiss conclut, au visa des articles L. 121-21 et suivants, R. 123-23, L. 312-1 et suivants, L. 111-1, L. 114-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, des articles 1116, 1147, 1184, 1792 et suivants du code civil et L. 241-1 du Code des assurances, à :

- la confirmation du jugement en ce qu'il prononce la nullité des deux contrats, déboute la société Banque Solféa de sa demande en paiement de 19 500 euros et la condamne aux dépens et à 1 000 euros pour frais irrépétibles,

- à titre subsidiaire en cas de non annulation des contrats, au prononcé de leur résolution,

- l'infirmation du jugement s'agissant des dommages et intérêts et à la condamnation de la société Banque Solféa à payer à M. Neiss la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis et de 3 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la résistance abusive de la banque,

- en tout état de cause, à la condamnation de la société Banque Solféa aux dépens et au paiement à M. Neiss d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2016.

Sur ce, LA COUR :

Sur le contrat de vente et installation de la centrale photovoltaïque :

M. Neiss a été démarché à domicile par la société Kotherm. Dès lors le contrat souscrit avec cette société le 21 juin 2012 doit comporter, à peine de nullité, les mentions prévues par l'ancien article L. 121-23 du Code de la consommation, à savoir :

" 1° nom du fournisseur et du démarcheur ;

2° adresse du fournisseur ;

3° adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services ;

6° prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26. "

M. Neiss fait valoir à juste titre que le contrat du 21 juin 2012 ne respecte pas les dispositions légales et doit être annulé. Il développe essentiellement l'absence des mentions précisées à l'article L. 121-23 4° en soulignant que les caractéristiques techniques présentées sont insuffisantes, que les références et marques du matériel sont absentes, de même que son prix unitaire et la ventilation de prix entre le matériel et les démarches administratives. Il se plaint par ailleurs de ne pas avoir compris que la vente et l'installation des panneaux photovoltaïques étaient financées par la souscription d'un crédit, le commercial de la société Kotherm ayant convaincu les époux Neiss de ce que leur investissement serait intégralement autofinancé par la vente à EDF de l'électricité produite et le crédit d'impôt. Or le bon de commande litigieux ne précise nullement les modalités du règlement à crédit, notamment il ne fait pas état du taux d'intérêt applicable, mentions prévues par l'article L. 121-23 6°, destinées à attirer l'attention du client sur l'emprunt qu'il souscrit, même si l'emprunteur démarché ne critique pas en l'espèce la validité de l'offre de crédit affecté qui lui a été remise par ailleurs.

La société Banque Solféa oppose que le non-respect des dispositions évoquées est sanctionné par une nullité relative, qui peut être couverte par l'exécution volontaire du contrat ou par une confirmation tacite de l'acquéreur. Elle souligne que M. Neiss a accepté la livraison et la pose des matériels commandés, a signé l'attestation de fin de travaux contenant ordre de paiement, a pris en charge le raccordement au réseau ERDF, a perçu l'avantage fiscal prévu et a vendu l'électricité produite à EDF. Elle en déduit qu'après avoir pris connaissance des dispositions de l'article L. 121-23 cité dans les conditions générales de vente au verso du bon de commande, il a ainsi renoncé à se prévaloir des irrégularités du contrat de fourniture et pose de l'installation litigieuse.

Selon l'article 1338 du Code civil, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer. Cependant il ne résulte pas des éléments de l'espèce que M. Neiss ait compris, avant l'exécution du contrat, quels vices l'entachaient et ait eu la volonté de renoncer à se prévaloir des irrégularités formelles du bon de commande. Notamment M. Neiss n'a pu connaître et mesurer les effets des vices affectant le contrat du 21 juin 2012 que confronté à l'obligation de payer les échéances du crédit (la première échéance intervient 11 mois après la mise à disposition des fonds) alors que le montant de la vente d'électricité était nettement inférieur aux mensualités de l'emprunt. Par suite, le premier juge a pertinemment retenu qu'aucun des actes de M. Neiss invoqués par la société Banque Solféa ne valait confirmation de l'obligation affectée d'irrégularité. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il accueille la demande de M. Neiss en annulation du contrat principal.

Sur l'annulation du contrat de crédit :

Selon l'article L. 311-32 du Code de la consommation, le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.

M. Neiss est donc fondé en sa demande en annulation du contrat de crédit affecté à l'acquisition et l'installation de la centrale photovoltaïque. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande en restitution du capital prêté :

L'annulation d'un contrat de crédit en conséquence de l'annulation du contrat de vente et installation qu'il finançait emporte pour l'emprunteur, hors les cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté.

Le premier juge a exactement analysé qu' " en se libérant des fonds accessoires à une vente à domicile dont elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle, la nullité pour non-respect des prescriptions du Code de la consommation, la société Banque Solféa a commis une faute qui la prive de la possibilité de se prévaloir à l'égard de l'emprunteur de sa créance de restitution ". Dès lors la décision est encore confirmée en ce qu'elle déboute la société Banque Solféa de sa demande en restitution du capital prêté.

Sur les demandes en dommages et intérêts formées par M. Neiss :

M. Neiss réclame condamnation de la société Banque Solféa au paiement des sommes de 20 000 euros en réparation des préjudices subis et de 3 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la résistance abusive du prêteur.

M. Neiss expose que l'indemnisation réclamée doit réparer :

- "l'obligation de payer une installation ayant fait l'objet d'un contrat nul ",

- l'impossibilité de prétendre après restitution du matériel au versement d'aucune aide ou crédit d'impôt, ni à un gain provenant de la vente d'énergie, et la restitution des sommes versées à ce titre,

- l'obligation de rembourser le capital à la société Banque Solféa, et ce en souscrivant " un contrat de crédit à la consommation au taux élevé ".

La demande de la société Banque Solféa en restitution du capital étant rejetée, M. Neiss ne souffre d'aucun préjudice pour paiement de l'installation et obligation de rembourser le capital prêté. Par ailleurs, le prêteur doit lui rembourser les échéances de 182 euros par mois déjà réglées et M. Neiss bénéficie encore du produit de la vente d'électricité, même s'il est inférieur à ses attentes. Il produit un devis daté du 14 mai 2013 chiffrant à 2 414,78 euros le coût des travaux de réfection de la toiture après dépose des panneaux photovoltaïques qui y sont intégrés. Eu égard aux éléments précédemment cités, il ne justifie cependant pas d'un préjudice matériel souffert, de sorte que sa demande en indemnisation est rejetée.

M. Neiss ne caractérise pas la résistance abusive qu'il reproche à la société Banque Solféa, la défense à une action en justice constituant, en principe, un droit et n'ayant pas en l'espèce dégénéré en abus.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il déboute M. Neiss de ses demandes en dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

La société Banque Solféa succombe et supporte les dépens d'appel. Il convient d'accueillir à hauteur de 2 500 euros la demande de M. Neiss sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Confirme le jugement du 26 mars 2015, Condamne la société Banque Solféa à payer à M. Neiss une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Banque Solféa aux dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP FWF Associés, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.