CA Douai, 2e ch. sect. 2, 31 mars 2016, n° 14-04545
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
La Fayette Coiffure (SAS) , Labis (ès qual.), Sébastien (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fontaine
Conseillers :
Mmes André, Cordier
Avocats :
Mes Deleforge, Deschryver, Raes, Regnier, Bonte
Faits et procédure
Le 8 septembre 2005, M. X (le franchisé) et la société La Fayette Coiffure (la société/le franchiseur), ont signé un contrat de franchise d'une durée de 5 ans, prenant effet le 1er octobre 2005, renouvelable par tacite reconduction pour une durée identique, par lequel M. X était autorisé à exploiter un salon de coiffure à l'enseigne " Shampoo ", sis à Chantilly (Oise).
Le contrat, tacitement renouvelé en septembre 2010, devait prendre fin le 30 septembre 2015.
Le 19 septembre 2012, M. X a signé un compromis de cession du fonds de commerce, notifié le 7 novembre 2012 au franchiseur. Celui-ci a fait connaître à M. X, le 3 décembre 2012, sa décision de ne pas exercer son droit de préemption.
La cession définitive du fonds de commerce est intervenue le 28 décembre 2012, pour un montant de 190 000 euros.
Le 26 février 2013, la société a mis en demeure le franchisé d'avoir à payer les sommes de 3 052,20 euros, au titre des redevances impayées, et 50 361,17 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée.
Courant juillet 2013, M. X a ouvert deux salons de coiffure à Senlis (Oise) et intégré les réseaux A et B.
Suivant acte d'huissier en date du 17 août 2013, la société a assigné M. X devant le Tribunal de commerce de Lille-Métropole, aux fins d'obtenir sa condamnation à verser les sommes précitées, ainsi que celle de 36 626,30 euros pour violation de la clause de non réaffiliation et celle de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 24 juin 2014, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a, notamment, condamné M. X à régler la somme de 1 691,15 euros au titre des redevances et factures impayées et débouté le franchiseur de toutes ses autres demandes.
La société La Fayette Coiffure a interjeté appel par déclaration du 16 juillet 2014.
Le 31 juillet 2015, la même juridiction a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS La Fayette Coiffure, a désigné la Selarl Ajjis en qualité d'administrateur judiciaire et la Selurl Depreux en qualité de mandataire judiciaire.
Moyens et prétentions des parties
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 20 janvier 2016, valant intervention volontaire de l'administrateur et du mandataire judiciaires, ceux-ci et la société La Fayette Coiffure sollicitent de la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1147 et suivants du Code civil, qu'elle :
confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X à lui payer la somme de 1 691,15 euros au titre de l'exécution du contrat de franchise, avec intérêt au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 point de pourcentage à compter de la date d'exigibilité du paiement et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
réforme le jugement en toutes ses autres dispositions,
condamne M. X à lui payer les sommes suivantes:
- 50 361,17 euros, et subsidiairement, 26 804,67 euros, au titre de la rupture anticipée du contrat de franchise,
- 36 220,64 euros au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation,
- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
avec intérêt, pour chaque somme ainsi réclamée, au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'exigibilité du paiement et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
rejette l'intégralité des demandes de M. X,
condamne M. X à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance.
Au soutien de leurs demandes, l'appelante et les intervenants volontaires rappellent que deux factures de redevance et d'achat de matériel n'ont pas été payées par M. X
Sur l'indemnité de résiliation, ils exposent que:
M. X a rompu le contrat de franchise de manière anticipée, unilatérale et sans motif alors même que le contrat était à durée déterminée et qu'aucune clause ne prévoyait de faculté de résiliation anticipée au profit du franchisé ;
le fait que le franchisé ait le droit de vendre son fonds de commerce et qu'il ait respecté la procédure contractuelle d'information du franchiseur ne justifie pas la résiliation unilatérale du contrat, conclu intuitu personae,
c'est à tort que M. X affirme que l'ouverture, six mois plus tard, d'un salon de coiffure Shampoo à proximité de son ancien salon démontre l'absence de manque à gagner pour le franchiseur, dès lors que le nouveau salon a nécessairement démarré avec un chiffre d'affaires moindre, et donc une redevance plus faible que pour celui de M. X, dont le salon fonctionnait depuis plusieurs années, et que l'absence de l'enseigne Shampoo pendant 6 mois n'a pas permis un transfert naturel de la clientèle, qui a dû être regagnée petit à petit,
la société La Fayette Coiffure a aussi perdu une chance de voir cette nouvelle franchisée s'implanter ailleurs sous contrat de franchise Shampoo, et donc de recevoir une redevance supplémentaire et entière,
à titre subsidiaire, si la cour considérait que l'indemnité doit être limitée au regard de l'installation d'un nouveau franchisé, il conviendrait de la fixer à la somme de 26 804,67 euros, comprenant 6 mois de redevance + la différence entre la redevance espérée par le salon de M. X et celle payée par le nouveau franchisé + la perte de chance.
Sur la violation de la clause de non-réaffiliation et la demande de dommages et intérêts, ils font valoir que:
la clause de non-réaffiliation, qui impose seulement de ne pas s'affilier à un réseau concurrent mais qui permet d'exercer la même activité à titre indépendant, n'est pas une clause de non-concurrence, qui, elle, impose de ne pas pratiquer une activité identique, et en conséquence n'a pas à être limitée territorialement de manière expresse pour être valable,
cette clause est justifiée et proportionnée au but poursuivi, à savoir, la protection du savoir-faire du franchiseur,
l'obligation de non-réaffiliation n'est pas limitée à l'ancienne adresse d'exercice de l'activité de M. X, une telle interprétation revenant à la priver d'effet,
M. X était par ailleurs soumis (article 17.2 du contrat) à une obligation d'éviter toute divulgation du savoir-faire Shampoo; en s'affiliant à deux réseaux de franchise concurrents, seulement quelques mois après la résiliation et dans une ville très proche géographiquement, M. X a permis à ceux-ci de bénéficier du savoir-faire de Lafayette Coiffure et porté atteinte aux intérêts de celle-ci,
M. X est de mauvaise foi car le respect de l'obligation de non-réaffiliation lui a été rappelé dans le courrier du 3 décembre 2012,
l'octroi de dommages et intérêts distincts de l'indemnité due en cas de violation de l'obligation de non-réaffiliation est justifié par l'atteinte portée au savoir-faire de la société Lafayette Coiffure et par le préjudice moral subi.
Enfin la société Lafayette Coiffure s'oppose aux demandes de réduction de la clause pénale et de délais de paiement, motifs pris de la mauvaise foi de M. X et du prix de cession du fonds de commerce encaissé par lui.
Selon ses dernières conclusions, signifiées le 14 avril 2015, M. X demande à la cour de:
rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Lafayette Coiffure,
confirmer le jugement,
à titre subsidiaire, dire que le manque à gagner de la société LaFayette Coiffure correspond uniquement à une période de six mois, et réviser la clause pénale pour résiliation anticipée du contrat de franchise à la somme de 7 656 euros,
à titre infiniment subsidiaire, dire que la créance de la société Lafayette Coiffure sur M. X s'élève à 40 832 euros et accorder un échéancier de 60 mensualités pour le règlement de ladite somme,
en tout état de cause, condamner la société Lafayette Coiffure à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Regnier.
Sur la demande d'indemnisation au titre de la résiliation anticipée, il fait valoir que:
la clause pénale du contrat de franchise a pour objet de couvrir un manque à gagner résultant, pour le franchiseur, de la résiliation anticipée; la société Lafayette Coiffure ne justifie d'aucun manque à gagner dès lors qu'une nouvelle franchise Shampoo a ouvert six mois plus tard à proximité immédiate de son ancien salon,
cette ouverture d'un nouveau salon démontre la mauvaise foi du franchiseur qui n'avait pourtant pas exercé son droit de préemption,
la société Lafayette Coiffure fait encore preuve de mauvaise foi lorsqu'elle réclame les sommes objet du litige plusieurs mois après la cession du fonds de commerce alors qu'elle avait la possibilité de faire opposition sur le prix de vente.
Sur la demande d'indemnisation pour violation de la clause de non-réaffiliation et sur la demande de dommages et intérêts, M. X expose que:
cette clause est nulle car elle n'est pas limitée dans l'espace,
il ne fait aucunement application du savoir-faire Shampoo dans le cadre de son activité, celui des réseaux Fabio S. et Franck P. lui étant bien supérieur,
la clause interdit seulement l'affiliation à un réseau concurrent à la même adresse que celle où était exercée l'activité précédente; or, il ne s'est pas réinstallé dans la même ville.
Subsidiairement, si la cour considérait que la société Lafayette Coiffure avait subi un manque à gagner, M. X estime que l'indemnisation doit être limitée à une période de 6 mois, s'étendant jusqu'à l'ouverture de la nouvelle franchise Shampoo en juillet 2013, et qu'elle ne doit pas inclure la TVA, de sorte que la clause pénale doit être ramenée à la somme de 7 656 euros.
A titre infiniment subsidiaire, il précise que la durée restant à courir entre la résiliation du contrat et le terme de celui-ci est de 32 mois, et non de 33, et que la TVA ne doit pas être appliquée sur le montant de la redevance mensuelle qui doit ainsi être retenue à 1 276 euros et non à 1 516,10 euros.
Motifs de la décision
Sur la demande de paiement au titre de la redevance et de la facture impayée
M. X ne contestant pas devoir les deux factures réclamées par la société La Fayette Coiffure au titre de la redevance et de la fourniture de matériel pour un montant de 1 691,15 euros, le jugement sera confirmé de ce chef, sauf à préciser ci-après le point de départ des intérêts.
Sur la demande d'indemnité au titre de la rupture anticipée du contrat de franchise et la révision de la clause pénale
Aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, les parties sont tenues de respecter la convention jusqu'au terme convenu. Sauf disposition légale particulière ou conventionnelle qui le prévoit, la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée ne peut être légitimée que par un manquement particulièrement grave du co-contractant à ses obligations.
L'article 1226 du Code civil définit la clause pénale comme " celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ". L'article 1229 alinéa 1er du même Code précise que la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale.
Ainsi, constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée.
En l'espèce, le contrat de franchise liant les parties a été conclu pour une durée de 5 ans à compter du 1er octobre 2005, tacitement renouvelée pour une nouvelle période de 5 ans, selon les clauses et dans les conditions identiques au contrat d'origine; cette possibilité de tacite reconduction est expressément prévue par le contrat " à charge pour celle des parties qui désirerait y mettre fin de notifier sa dénonciation à l'autre partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, six mois avant la fin de la période considéré " (article 15, pièce 1 de l'appelante).
Le contrat aurait ainsi dû prendre fin, sauf nouvelle reconduction, le 30 septembre 2015.
Le 28 décembre 2012, en l'absence d'exercice par le franchiseur de son droit de préemption, M. X a cédé son fonds de commerce à un tiers sans le contrat de franchise, l'acte précisant: " le cédant fera son affaire personnelle de toutes les conséquences liées à la résiliation anticipée du contrat " (pièce 3 de l'intimé). L'absence de cession du contrat de franchise à l'acquéreur du fonds a nécessairement emporté résiliation de ce contrat par le franchisé.
Or, il ressort de l'article 17.6.1 du contrat, situé sous l'article 17 intitulé " Effets de la fin des relations commerciales " que : " en cas de résiliation anticipée du contrat du fait du franchisé, et en vue d'indemniser le franchiseur du préjudice subi par le manque à gagner représenté par cette résiliation, le franchisé règlera, à titre de clause pénale, une indemnité forfaitaire et définitive égale au montant cumulé de la redevance de franchise de base et de la redevance communication correspondante, et ce pour la période restant à courir entre la date de résiliation anticipée du contrat et la date normale de fin de contrat. Cette indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat du fait du franchisé ne saurait être inférieure à une année de la redevance la plus élevée dont ce dernier aura été débiteur durant l'exécution du contrat ".
Il est admis par les parties que ni cette clause ni aucune autre du contrat ne prévoit de faculté de résiliation anticipée par le franchisé, sauf hypothèse de violation par le franchiseur de ses obligations contractuelles, non alléguée par le franchisé. Ainsi la société La Fayette Coiffure, qui insiste aux termes de ses conclusions sur l'impossibilité pour son co-contractant de résilier le contrat unilatéralement, a-t-elle rappelé à M. X les conséquences pécuniaires d'une telle résiliation aux termes d'un courrier du 3 décembre 2012.
Intervenue avant le terme de la période de 5 ans, cette résiliation unilatérale par le franchisé, que ce dernier ne conteste pas, est donc fautive.
Dès lors que la clause précitée ne confère pas au franchisé une faculté unilatérale de résiliation anticipée, il s'en déduit que, stipulée pour contraindre le franchisé à l'exécution du contrat jusqu'à son terme et évaluer forfaitairement le préjudice subi par le franchiseur, elle s'analyse comme une clause pénale susceptible d'être modérée ou augmentée conformément à l'article 1152 alinéa 2 du Code civil.
M. X excipe de l'absence de manque à gagner pour le franchiseur et de sa mauvaise foi, résultant du non exercice par ce dernier, de son droit de faire opposition sur le prix de vente de la cession du fonds de commerce.
Cependant, il importe peu que le franchiseur n'a pas exercé son droit de faire opposition sur le prix de vente du fonds de commerce, cette abstention, dont la raison est inconnue, ne faisant pas présumer renonciation du créancier à solliciter cette indemnité.
Le non-exercice du droit de préemption, qui constitue une simple faculté pour le franchiseur, lequel peut ne pas approuver les modalités de la cession du fonds de commerce, ne saurait non plus le priver de l'application de la clause pénale.
Egalement, l'absence de manque à gagner, à la supposer établie, ne priverait pas le franchiseur de son droit de se prévaloir de cette clause comme le soutient à tort M. X, mais serait susceptible en revanche de constituer un critère d'appréciation du caractère éventuellement excessif de l'indemnité, dès lors qu'une clause pénale se définit comme l'évaluation conventionnelle anticipée d'un préjudice futur.
La société Lafayette Coiffure est donc fondée à se prévaloir de la condamnation de M. X à lui verser l'indemnité prévue à l'article 17.6.1 du contrat de franchise.
Il ressort du contrat que cette indemnité est " égale au montant cumulé de la redevance de franchise de base et de la redevance communication correspondante, et ce pour la période restant à courir entre la date de résiliation anticipée du contrat et la date normale de fin de contrat ".
Le contrat a été de fait résilié de manière concomitante à la cession, intervenue le 28 décembre 2012, soit 33 mois avant son terme. Le montant de la redevance de franchise de base et de la redevance communication correspondante s'élève à 1 276 euros HT (pièce 7 de l'appelante) soit 1516,10 euros TTC. L'indemnité versée en réparation d'un préjudice subi du fait de la résiliation unilatérale d'un contrat ne rentrant pas dans le champ d'application de la TVA, il doit en conséquence être tenu compte du montant de la redevance hors taxe.
L'indemnité due par M. X en exécution de cette clause s'élèverait donc à 42 108 euros (33 x 1 276 euros).
L'article 1152 alinéa 2 du Code civil donne la possibilité au juge de modérer ou d'augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l'espèce, un salon de coiffure s'est installé le 19 juillet 2013 sous l'enseigne Shampoo <adresse> (pièce 7 de l'intimé), soit à proximité immédiate de l'ancien salon de M. X qui se trouvait au 136 de la même rue.
Le préjudice réel de la société Lafayette Coiffure apparaît donc limité à une période de 6 mois pendant laquelle aucun salon Shampoo n'a été exploité sur ce secteur. Le manque à gagner du franchiseur est constitué de la perte de redevances pendant six mois, puis de la perception d'une redevance moindre, car assise sur le chiffre d'affaires plus faible de la nouvelle franchisée, l'absence de Shampoo pendant six mois n'ayant pas permis le transfert de clientèle, qui a dû être regagnée progressivement.
En revanche, la perte de chance de voir cette nouvelle franchisée s'installer ailleurs apparaît tout à fait hypothétique, aucun élément versé au débat ne permettant de corroborer cette éventualité.
Au regard du préjudice effectivement subi par la société créancière, l'indemnité de 42 108 euros apparaît manifestement excessive et il convient de la réduire à la somme à 15 000 euros.
Sur la demande de délais de paiement
M. X sollicite des délais de paiement à titre infiniment subsidiaire, s'il était condamné à régler une clause pénale de 40 832 euros.
La condamnation étant limitée à la somme de 15 000 euros compte tenu de la révision de la clause pénale, il y a lieu de constater que la demande est sans objet.
Sur la demande d'indemnité au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation
Il résulte de l'article 17-3 du contrat de franchise que :
" Le salon du franchisé ne pourra, pendant une durée de une année, être franchisé, affilié ou associé sous quelque forme de que ce soit, même de façon occulte, à un autre coiffeur de renom ou à quelque personne morale que ce soit, qui aurait notamment pour effet d'en permettre l'exploitation sous une enseigne concurrente de la marque concédée.
L'interdiction prévue au paragraphe ci-dessus sera également applicable à tout fonds créé ou acquis par le franchisé agissant soit en son nom personnel, soit par tout système de droit ou de fait, d'interposition de personnes ou par une personne morale au sein de la laquelle le franchisé a la qualité de droit ou en fait de dirigeant ".
Cette obligation de non-réaffiliation est ainsi sanctionnée: " Dans le cas où le franchisé exploiterait son salon en contravention avec les articles 17-1 à 17-5 des présentes, le franchisé serait redevable, pour cette période postérieure à la fin de contrat, d'une indemnité égale au double de la redevance annuelle la plus élevée qui aura été due par lui pendant la période d'exécution du contrat de franchise, et ce à titre d'indemnités complémentaire aux indemnités de rupture déterminées ci-dessus, et sans préjudice de dommages et intérêts plus importants qui pourraient être accordés au franchiseur ".
La clause de non-réaffiliation se distingue de la clause de non-concurrence, qui impose de ne pas pratiquer une activité identique, en ce qu'elle n'interdit pas au franchisé la poursuite d'une telle activité mais se borne à restreindre la liberté d'affiliation à un autre réseau. Ainsi, à la différence de la clause de non-concurrence, la clause de non-réaffiliation permet d'exercer la même activité à titre indépendant. Moins attentatoire à la liberté d'entreprendre, elle doit être examinée avec plus de souplesse que la clause de non-concurrence.
Pour être valable, une telle clause doit néanmoins être justifiée et proportionnée à l'intérêt légitime à protéger.
En l'espèce, l'intérêt protégé par cette clause est le savoir-faire du franchiseur. Quelle que soit l'appréciation que peut porter M. X sur la valeur de ce savoir-faire par rapport à celui des réseaux qu'il a depuis intégrés, il n'en demeure pas moins qu'il existe, dès lors que le franchiseur apporte un appui constant au franchisé, lui transmet des techniques commerciales, de management et administratives, des recommandations précises (tenue des collaborateurs, agencement du salon, outils de prospection et de fidélisation de la clientèle..). Ce savoir-faire se retrouve dans le " concept Shampoo ", qui s'articule, outre le service rapide offert à la clientèle, autour de différents points rappelés en page 3 du contrat de franchise (recherche, design, création d'un mobilier, organisation spécifique de l'espace de travail, définition d'un plan publicitaire, mise au point de techniques de coupe et de coiffures...).
Il apparaît donc légitime pour la société La Fayette coiffure de protéger ce savoir-faire dont la transmission à un réseau concurrent serait susceptible de la pénaliser.
Limitée dans le temps, la clause litigieuse ne l'est pas dans l'espace; eu égard à l'alinéa 2 de l'article 17-3, qu'il importe de lire à la lumière du premier alinéa, le franchisé ne saurait prétendre qu'elle lui interdirait seulement de s'affilier à un autre réseau à l'adresse où il exploitait son salon, les termes de cette clause étant dénués de toute équivoque : " l'interdiction prévue au paragraphe ci-dessus sera également applicable à tout fonds créé ou acquis par le franchisé [...].
Le seul fait que la clause de non-réaffiliation ne soit pas limitée dans l'espace ne l'invalide pas ipso facto. En effet, sa proportionnalité doit s'apprécier au regard de l'atteinte qu'elle porte à la liberté de commercer du franchisé; il importe donc de vérifier si, en dépit de cette restriction, l'exploitation d'un salon de coiffure peut être poursuivie par le franchisé dans des conditions satisfaisantes en dehors de tout réseau ou si au contraire, l'interdiction de réaffiliation rend très difficile l'exploitation du fonds de commerce en compromettant sa rentabilité, de sorte que dans cette hypothèse, elle pourrait être assimilée à une clause de non-concurrence.
En l'espèce, il ressort des chiffres présentés par la Fédération Nationale de la Coiffure (pièce 13 page 3 de l'appelante " Les contours du secteur en chiffres ") que les commerçants indépendants représentent près de 90 % du nombre d'établissements avec un poids économique estimé de 60 à 65 % du chiffre d'affaires du secteur.
Le marché de la coiffure étant aisément ouvert aux commerçants indépendants, M. X pouvait sans difficulté exercer pendant une année son activité professionnelle à titre indépendant, y compris à proximité immédiate de son ancien salon, avant le cas échéant de s'affilier à un réseau concurrent de Shampoo.
Dès lors, la clause de non-réaffiliation litigieuse, non assimilable à une clause de non-concurrence et proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, est parfaitement valable.
M. X, à qui cette obligation a été rappelée par le franchiseur dans un courrier du 3 décembre 2012, est en conséquence redevable de l'indemnité prévue au contrat en cas de violation de cette clause, soit la somme de 30 284,82 euros (redevance annuelle x 2 = 15 142,41 euros HT x 2), calculée hors taxe, cette indemnité ne rentrant pas dans le champ d'application de la TVA.
Sur la demande de dommages et intérêts
A l'appui de cette demande de dommages et intérêts, la société La Fayette Coiffure fait valoir que l'atteinte portée à son savoir-faire consécutivement à la violation de la clause de non-réaffiliation lui a causé un préjudice commercial ainsi qu'un préjudice moral.
Cependant, le franchiseur se contente de procéder par affirmations et ne justifie nullement de l'existence d'un préjudice commercial et moral distinct de celui déjà indemnisé par la somme de 30 284,82 euros résultant de la mise en œuvre de la clause 17-3 du contrat de franchise.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Sur le taux d'intérêt et la demande de capitalisation des intérêts
Il résulte de l'article L. 441-6 alinéa 8 du Code de commerce que sauf disposition contraire, qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, le taux d'intérêt des pénalités de retard, exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 point de pourcentage.
S'agissant de la redevance impayée de 1 691,15 euros, il ressort de la facture émise par la société La Fayette Coiffure que le paiement était exigible le 30 décembre 2012. Il convient donc de préciser le jugement et de fixer le point de départ des intérêts moratoires au taux appliqué par la BCE au 31 décembre 2012.
En revanche, le taux d'intérêt de la BCE ne saurait s'appliquer ni à l'indemnité de résiliation due en application de la clause pénale ni à celle due en raison de la violation de la clause de non-réaffiliation dès lors que les dispositions précitées ne concernent que les sommes dues en contrepartie des prestations contractuelles.
Ces deux condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 17 août 2013, la preuve de l'envoi de la mise en demeure du 26 février 2013 n'étant pas rapportée.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.
Sur l'article 700 et les dépens
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, M. X, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il apparaît équitable d'allouer à la société La Fayette Coiffure la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs, reforme le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 juin 2014, sauf en ce qu'il a condamné M. X à payer à la société La Fayette Coiffure la somme de 1 691,15 euros au titre de l'exécution du contrat de franchise, ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme et débouté la société La Fayette Coiffure de sa demande de dommages et intérêts. Statuant à nouveau: dit que la somme de 1 691,15 euros due par M. X en exécution du contrat de franchise est assortie des intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 31 décembre 2012. Condamne M. X à payer à la société La Fayette Coiffure, la somme de 15 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 août 2013. Dit n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement. Condamne M. X à payer à la société La Fayette Coiffure la somme de 30 284,82 euros au titre de l'indemnité due en violation de la clause de non-réaffiliation, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 août 2013. Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil. Condamne M. X à verser à la société La Fayette Coiffure la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette la demande de M. X formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. X aux dépens de première instance et d'appel.