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Décisions

CA Nancy, 2e ch. soc., 25 mars 2016, n° 14-02728

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grolleau

Défendeur :

Cafpi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Chanville

Avocats :

Mes Bouthier, Duprat, Bouhenic,

Cons. prud'h. Nancy, du 3 sept. 2014

3 septembre 2014

Faits et procédure :

La société Cafpi qui est venue aux droits de M. Elie Assouline en 2009, exerce l'activité de courtiers en prêts immobiliers qui consiste à monter des dossiers de demande de prêts et à les présenter à des établissements prêteurs, qui se sont engagés à l'égard de cette société à les examiner.

M. Jean-Philippe Grolleau a conclu avec M. Elie Assouline le 6 novembre 2006 un contrat d'agent commercial, par lequel le mandant confiait au mandataire la représentation de ses produits et services en vue de la négociation et la conclusion par l'agent commercial de contrats de prêts immobiliers, au nom et pour le compte du mandant.

Par courrier du 27 octobre 2009, le mandataire a notifié à son mandant qu'il mettait fin au contrat à la fin de novembre 2009, pour devenir conseiller en gestion de patrimoine de Gan Patrimoine.

Un second mandat était signé entre les mêmes parties le 4 juillet 2011 avec le même objet.

Celui-ci a dénoncé le contrat par courrier du 7 octobre 2011.

Il a saisi le Conseil des prud'hommes de Nancy le 26 février 2013, aux fins de voir reconnue l'existence d'un contrat de travail le liant à la société Cafpi et d'obtenir la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes suivantes :

- 23 157 euro brut de rappel de salaire ;

- 10 206,72 euro brut en rémunération d'heures supplémentaires ;

- 3 720,58 euro d'indemnité de congés payés ;

- 3 224,50 euro d'indemnité de préavis ;

- 322,45 d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 29 020,50 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 806,12 euro d'indemnité de licenciement ;

- 9 673,50 euro de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 1 612,25 euro de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse s'est opposée à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 2 000 euro en répétition des frais non compris dans les dépens.

Le conseil des prud'hommes estimant qu'il n'existait pas de contrat de travail entre M. Jean-Philippe Grolleau et la société Cafpi s'est déclaré incompétent, par jugement du 3 septembre 2014, au profit du Tribunal de commerce d'Evry.

M. Jean-Philippe Grolleau a formé contredit le 17 septembre 2014.

A l'audience tenue le 11 décembre 2015, il a prié la cour de constater qu'il existait bien un lien de subordination entre lui-même et la société Cafpi et a demandé de requalifier le contrat d'agent commercial en contrat à durée indéterminée et de lui allouer les sommes sollicitées en première instance. L'intimée a formé les mêmes demandes que devant le conseil.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

Motifs

Attendu que M. Jean-Philippe Grolleau soutient être lié à la société Cafpi par un contrat de travail dès lors qu'il a été conclu entre eux une période d'essai, qu'il dépendait du rythme d'un agent commercial référent dont il était l'assistant à savoir M. Baratier puis M. Vignon, de l'organisation de son temps de travail, de ses congés, au point qu'aucun dossier d'agent commercial n'avait été ouvert auprès de la société Cafpi à son nom ; qu'il en déduit que celle-ci était bien son employeur comme signataire des contrats avec M. Baratier comme avec lui-même ;

Attendu que la société Cafpi oppose l'inexistence d'un lien de subordination entre elle-même et l'intéressé ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-6 du Code du travail sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre des agents commerciaux, l'existence d'un contrat de travail pouvant toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ;

Attendu que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un contrat de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure ces contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ;

Attendu que pour établir le lien de subordination, M. Jean-Philippe Grolleau produit des attestations de MM. Grenier, Leroux, Sullerot et de Mme Di Labio, selon lesquelles l'intéressé, qualifié de développeur de chiffre d'affaire de M. Baratier, jouait le rôle d'assistant de cet agent commercial, qui avait passé avec la société Cafpi un contrat similaire au sien ; que ces témoignages rapportent que M. Grolleau assurait la prise de contact avec les clients, veillait à la bonne constitution des dossiers de ceux-ci, entretenait le contact avec les banques pour suivre l'aboutissement des demandes de prêt et coordonnait les interventions des banques, des clients et de M. Baratier ;

Attendu que les activités de M. Jean-Philippe Grolleau s'inscrivaient bien dans celles qui lui étaient dévolues en tant qu'agent commercial ; qu'il avait été décidé, selon ses propres dires, avec M. Baratier qu'en échange de la collaboration décidée entre eux, ce dernier percevrait des commissions sur les dossiers et en rétrocéderait à l'autre mandataire ; que selon un relevé des sommes versés à M. Jean-Philippe Grolleau pour 2009, il apparaît qu'au titre des affaires traitées par M. Baratier, M. Jean-Philippe Grolleau percevait une avance sur commission mensuelle de 800 euro, de la part de la société Cafpi qui connaissait certes l'organisation adoptée par les deux personnes liées à elle par un contrat de mandat ; qu'il n'est pas contesté que M. Baratier versait à M. Grolleau le complément prévu entre eux au titre du partage de la commission versée par la société Cafpi ; que la seule acceptation de la part du mandant de verser à M. Grolleau une partie de la commission pour une affaire enregistrée au nom M. Baratier en tant que mandataire, pour faciliter la collaboration de ces deux personnes, n'implique à soi-seul de la part de la société Cafpi aucun pouvoir de donner des ordres ou des directives au développeur de chiffre d'affaire, d'en contrôler l'exécution, ni de lui infliger des sanctions ;

Que selon une attestation de Mme Dos Santos, salariée, responsable paie de la société Cafpi, du 21 octobre 2013, aucune demande de congés payés, ni d'arrêt maladie ne lui a été adressée par M. Jean-Philippe Grolleau ;

Attendu qu'il suit de l'ensemble de ces observations, que celui-ci a joué le rôle de mandataire prévu au contrat de mandat le liant à la société Cafpi, dans le cadre de l'organisation d'un partage des tâches entre lui-même et un autre mandataire, cette collaboration et le partage entre eux comme ils l'entendaient de la commission accordée à M. Baratier étant acceptée par tous ; que l'un travaillait comme assistant de l'autre dans le cadre ou non d'un lien de subordination entre eux, mais en tout cas selon une organisation décidée entre eux sans initiative de la société Cafpi ; que M. Grolleau n'était pas pour autant soumis aux directives, au contrôle et au pouvoir disciplinaire de la société Cafpi ; qu'il n'existait donc aucun lien de subordination entre eux ;

Qu'il s'ensuit qu'aucun contrat de travail n'est établi et que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent ;

Attendu qu'il y a donc lieu à renvoyer devant le Tribunal de commerce d'Evry toutes les demandes de l'intéressé découlant du contrat de travail ;

Attendu qu'il apparaît équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner M. Jean-Philippe Grolleau au paiement de la somme de 500 euro à la société Cafpi et de le débouter de sa demande de ce chef ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire ; confirme le jugement déféré sur l'incompétence du Conseil des prud'hommes de Nancy au profit du Tribunal de commerce d'Evry ; condamne M. Jean-Philippe Grolleau à payer à la société Cafpi la somme de 500 euro (cinq cents euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne M. Jean-Philippe Grolleau aux entiers dépens. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.