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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 avril 2016, n° 15-04765

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Anciens Etablissements Marius Bonifay (SAS)

Défendeur :

La Bonne Pointure (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

TGI Paris, 3e ch. 1re sect. du 12 févr. …

12 février 2015

La société Anciens Etablissements Marius Bonifay, exerçant sous l'enseigne " Les P'tites Bombes ", dont l'activité porte sur la " bonneterie, lingerie, confection, draperie et articles de Paris, gros et détail " est titulaire des marques suivantes :

la marque verbale française " LPB ", n° 3 511 955, déposée le 6 juillet 2007 pour désigner des produits et services en classes 14, 18 et 25,

la marque semi-figurative communautaire " lpb ", n° 006928576, déposée le 22 mai 2008 pour désigner des produits et services en classes 18 et 25,

qui ont fait l'objet, le 21 juin 2001, d'un contrat de licence exclusive d'exploitation pour la fabrication et la distribution de tous types de chaussures, concédée à Monsieur G. ou tout autre structure dont il aura la responsabilité, licence renouvelée au profit de la société Diffusion 226 SARL (dont la dénomination sociale est " SARL 226 " selon l'extrait Kbis produit) ayant pour gérant Monsieur G..

Informées de la commercialisation de chaussures, sous un signe " LBP " similaire, selon elles, aux marques précitées, dans un magasin à l'enseigne " La Bonne Pointure " situé à Saint-Denis de la Réunion (immeuble Dragon), elles ont fait procéder à un achat dans cet établissement, le 27 mars 2014, puis fait réaliser un constat d'achat dans ce même magasin, le 16 avril 2014.

Elles ont vainement mis en demeure, le 07 mai 2014, la société La Bonne Pointure SARL, société réunionnaise créée en 2001, spécialisée dans le commerce de détail de chaussures et exploitant divers établissements à l'enseigne éponyme, de cesser cet usage, avant de l'assigner en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale, ceci selon exploit du 26 août 2014.

Par jugement contradictoire rendu le 12 février 2015, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré les demanderesses à l'action recevables à agir en contrefaçon de marques, s'agissant de la société Anciens Etablissements Bonifay, et en concurrence déloyale et parasitisme, s'agissant de la société SARL 226, mais les a déboutées de leurs actions respectives en les condamnant in solidum à verser à la société La Bonne Pointure la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Selon ordonnance rendue le 5 novembre 2015, le conseiller de la mise en état désigné, saisi par la société La Bonne Pointure d'un incident tendant à voir prononcer, sur le fondement de l'article 908 du Code de procédure civile, la caducité de la déclaration d'appel formée par les sociétés Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS et SARL 226, a rejeté cet incident.

Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2016, la société par actions simplifiée Anciens Etablissements Marius Bonifay (exerçant sous le nom commercial Les P'tites Bombes) et la société SARL 226, appelantes, demandent pour l'essentiel à la cour, après réalisation de deux nouveaux constats d'achat et au visa des articles L. 713-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 9 du règlement CE n° 40/94 et 1382 du Code civil, d'infirmer le jugement et :

- de considérer qu'en fabriquant, détenant et proposant à la vente des chaussures ainsi que des boîtes à chaussures imitant les marques " LPB ", la société La Bonne Pointure a commis des actes de contrefaçon au préjudice de leur titulaire sanctionnés par les articles susvisées, qu'elle s'est, en outre, rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société SARL 226, recevable et fondée à agir en sa qualité de licenciée exclusif des marques " LPB " pour désigner des chaussures, et, en conséquence :

- de condamner la société La Bonne Pointure à verser à la société Anciens Etablissements Marius Bonifay les sommes de 60 000 euros (au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à son image de marque), de 40 000 euros à titre provisionnel (en réparation des pertes de redevances subies) et de 50 000 euros à titre provisionnel (représentant les bénéfices indus réalisés),

- de condamner la société La Bonne Pointure à verser à la SARL 226 la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis à son encontre,

- de faire injonction à l'intimée de communiquer le nombre de pièces commercialisées ainsi que l'ensemble des documents comptables certifiés relatifs à la fabrication, l'importation et la commercialisation des chaussures et de leurs emballages portant le signe " LBP ",

- de lui faire interdiction de poursuivre lesdits agissements sous astreinte,

- d'ordonner la confiscation et la destruction des stocks desdits articles sous astreinte,

- d'ordonner une mesure de publication par voie de presse,

- de condamner l'intimée à verser à chacune d'entre elles la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens incluant les frais de constat exposés.

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2016, la société La Bonne Pointure SARL prie, en substance, la cour, au visa de ces mêmes articles, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions en condamnant " solidairement " les appelantes à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Sur ce,

Considérant qu'à titre liminaire il convient de rappeler que le tribunal a " débouté " les demanderesses à l'action de leurs demandes en se prononçant sur " la matérialité des faits de contrefaçon " ;

Qu'il convient de considérer qu'en se fondant sur le fait que le magasin de l'immeuble Dragon sus-évoqué ne figurait pas parmi les établissements exploités par la société La Bonne Pointure, selon l'extrait Kbis versé aux débats, et que la simple production d'un prospectus sur lequel ce magasin figurait parmi d'autres à l'enseigne " La Bonne Pointure " ne suffisait pas à établir la contrefaçon, le tribunal s'est plutôt prononcé sur la qualité à défendre de la défenderesse à l'action ;

Qu'en toute hypothèse, la question n'est plus débattue en cause d'appel dès lors que deux nouveaux constats d'achat ont été réalisés en cours de procédure (le 18 juin 2015) dans des magasins à l'enseigne " La Bonne Pointure " situés à La Ravine des Cabris (97432) et à Saint-Pierre (97410) qui figurent sur l'extrait Kbis de la société attraite dans le cadre de la présente procédure (pièce 13 des appelantes) ;

Sur l'action en contrefaçon

Considérant que, poursuivant des faits de contrefaçon de marques par imitation, la société Anciens Etablissements Marius Bonifay soutient que, contrairement à ce que fait valoir son adversaire qui s'approprie pour partie une motivation surabondante des premiers juges, les produits visés à l'enregistrement et ceux commercialisés par ce dernier sont identiques ; qu'il résulte, en outre, de la comparaison des signes en présence, appréciés visuellement, phonétiquement et conceptuellement, un risque de confusion pour le consommateur moyen normalement attentif et avisé ;

Sur la comparaison des produits

Considérant que tant la marque verbale " LPB " que la marque semi-figurative " lpb " couvrent, notamment, en classe 25 les chaussures ;

Que les produits exploités par la société intimée sous le signe argué de contrefaçon sont semblablement des chaussures ; qu'à cet égard, il importe peu que d'autres produits soient visés à l'enregistrement ou que les quantités de chaussures vendues sur l'île de La Réunion se caractérisent par la faiblesse de leur volume, ainsi que soutenu par l'intimée, dès lors que l'appelante justifie de son droit exclusif sur les deux marques qu'elle oppose, française et communautaire, et qui font l'objet d'une protection, respectivement, sur le territoire national et sur le territoire communautaire, quand bien même le signe ne serait exploité que localement ;

Sur la comparaison des signes

Considérant que l'intimée qui conteste la similarité visuelle et phonétique des signes opposés pour conclure à l'absence de risque de confusion fait liminairement valoir que le signe " LBP " contesté n'est que l'acronyme de " la marque " La Bonne Pointure si bien qu'aucune confusion n'est possible, qu'en outre, la marque " lpb " est manifestement dépourvue d'originalité, comme en atteste une simple recherche sur internet établissant que ces trois lettres sont abondamment utilisées et qu'enfin, elle a fait usage de ce signe antérieurement aux dépôts des deux marques revendiquées intervenus en 2007 et 2008 ;

Mais considérant que la société La Bonne Pointure qui ne verse que deux pièces aux débats (un prospectus et un magazine ) ne justifie pas du dépôt de la " marque " dont elle fait état ni d'aucune des antériorités opposables telles que prévues à l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'il est, par ailleurs, indifférent que les trois lettres dont il est établi qu'elle fait usage constituent un acronyme dès lors que seul cet usage lui est contesté par le titulaire du droit exclusif, peu important, dans le seul cadre de la présente procédure, que des tiers en fassent également usage, ce qui n'est, de surcroît, pas démontré ; qu'enfin, le droit de marque n'a pas pour objet de récompenser un travail de création si bien que la condition d'originalité, propre au droit d'auteur, n'est nullement requise ;

Considérant que les deux signes, tels que déposés, qu'oppose la société Anciens Etablissements Marius Bonifay se présentent, pour la marque française, en lettres majuscules de couleur noire " LPB " et, pour la marque communautaire, en lettres minuscules " lpb " adoptant un graphisme particulier ; que le " l " de cette dernière possède un jambage arrondi se situant au-dessous du niveau des lettres " p " et " b ", lesquelles, identiquement formées mais inversées, sont calligraphiées selon deux verticales très courtes auxquelles sont accolées des boucles en forme de " u " à l'horizontale ;

Qu'il résulte des procès-verbaux dressés le 18 juin 2014 (pièces 25 des appelantes) que le signe contesté " LBP ", apposé sur la semelle intérieure des souliers commercialisés par la société La Bonne Pointure et sur les faces constituant la largeur des boîtes destinées à les contenir (à côté des mentions de leurs taille et couleur), se présente selon trois lettres de couleur noire, le " l " possédant un jambage arrondi suivi d'un " B " et d'un " P " en majuscules ;

Considérant que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique des marques qui lui sont opposées, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les signes en conflit un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;

* sur la comparaison de la marque " LPB " n°3 511 955 et du signe " LBP "

Que, visuellement et indépendamment des conditions d'exploitation de la marque vainement invoquées par l'intimée faisant état d'une apposition verticale de la marque puisque celle-ci doit être appréciée telle que déposée, les deux signes opposés sont semblablement composés des trois mêmes lettres avec une lettre d'attaque identique susceptible de retenir l'attention du consommateur qui lit de gauche à droite ;

Que la minime différence de calligraphie du " L " et la simple inversion des deux dernières ne retiendront pas l'attention du consommateur moyen qui n'aura pas les deux signes simultanément sous les yeux et appréhendera chacun d'eux comme un tout, de sorte qu'il les percevra comme ayant une même physionomie ;

Que, phonétiquement, outre l'identité de prononciation de la lettre d'attaque, celle des deux dernières, en dépit de leur inversion, se fera selon les mêmes sonorités marquantes en " é ", d'autant plus que les lettres " B " et " P " sont, contrairement à ce qu'affirme l'intimée en se référant aux vibrations des cordes vocales, phonétiquement très proches ; qu'elles seront, en outre, prononcées selon le même rythme à trois temps ;

Que, conceptuellement, les signes opposées apparaissent distinctifs en regard des produits couverts par la marque et indirectement désignés lors de l'exploitation du signe contesté et n'ont, ni l'un ni l'autre, de signification intellectuelle en l'absence d'autres termes auxquels ils pourraient être rattachés ;

Qu'il résulte de l'analyse globale ainsi menée que l'impression d'ensemble qui se dégage de la comparaison de ces signes, sans signification propre, est de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de la similitude de leur architecture et de l'étroite proximité de leur prononciation, combinée à l'identité des produits en cause, à confondre ou, à tout le moins, à associer les deux signes et à leur attribuer une origine commune en pensant qu'ils proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement ;

* sur la comparaison de la marque semi-figurative " lpb" n° 006928576 et du signe " LBP "

Que, visuellement et indépendamment, comme il a été dit, des conditions d'exploitation de la marque vainement invoquées par l'intimée puisque la marque doit être appréciée telle que déposée, les deux signes opposés sont semblablement composés des trois mêmes lettres avec une lettre d'attaque identique ;

Que la calligraphie particulière du " l " au jambage arrondi placé en attaque est identique dans les deux signes ; que le fait que les lettres " B " et " P " soient en minuscules dans la marque enregistrée et en majuscules dans le signe contesté ne constitue qu'une différence minime, voire négligeable ; qu'ainsi qu'énoncé ci-avant, la simple inversion des deux dernières ne retiendra pas l'attention du consommateur moyen qui n'aura pas les deux signes simultanément sous les yeux et, dans une vision fugitive, appréhendera chacun d'eux comme un tout, si bien qu'il les percevra comme ayant semblable physionomie ;

Que la comparaison phonétique et conceptuelle des signes en présence conduit à adopter la même motivation que précédemment ;

Qu'il s'en infère de la même façon et par semblables motifs l'existence d'un risque de confusion entre ces deux signes ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Anciens Etablissements Marius Bonifay est fondée en son action en contrefaçon et que le jugement qui en dispose autrement doit être infirmé ;

Sur l'action en concurrence déloyale et fondée sur le parasitisme

Considérant que le société SARL 226 qui a été déclarée recevable à agir à ce titre par les premiers juges mais déboutée de sa demande du fait de l'absence de démonstration de la matérialité des faits dénoncés imputables à faute à la société La Bonne Pointure, se prévaut de sa qualité de licenciée exclusive pour le monde entier et de distributrice exclusive des chaussures marquées " LPB " ou " Les P'tites Bombes " notamment sur l'île de La Réunion ; qu'elle fait état d'une convention conclue le 5 octobre 2011, avec une société Massilia Export chargée de démarcher la clientèle de l'île (rétribuée à la commission) et de la réalisation d'un chiffre d'affaires en ce lieu supérieur à 150 000 euros en 2013 ;

Qu'elle soutient qu'il existe un risque de confusion, pour le consommateur moyen, généré par l'apposition du signe " LBP " sur les semelles de souliers qu'elle qualifie de " bas de gamme " commercialisés par la société intimée à un prix très inférieur à ceux qu'elle pratique ainsi que sur les boîtes renfermant ces chaussures et se prévaut de la désorganisation et dégradation de la distribution de ses produits et, plus généralement, de l'atteinte à l'image de la marque ;

Qu'invoquant les investissements consacrés à la promotion de la marque " LPB " pour des chaussures, elle fait, en outre, grief à la société intimée d'en avoir profité en s'en épargnant la charge, commettant ainsi des actes de parasitisme ;

Considérant, ceci étant exposé, que la société SARL 226 qui produit les contrats de licence dont elle se prévaut est recevable à agir au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme (pièces 5 et 6) ;

Que, sur le fond et afin de se dédouaner de toute faute engageant sa responsabilité, c'est de manière inopérante que la société intimée tire successivement argument du fait que la marque " LPB " n'est " manifestement pas connue à La Réunion " (page 12/19 puis page 15/19) [ou qu'il n'y existe que " de rares enseignes " ou de sa " faible connaissance sur le marché réunionnais " (page 14/19)], et que, par ailleurs, les prix de vente de ses produits sont nettement inférieurs à ceux pratiqués par son adversaire, tous éléments tendant à démontrer, selon elle, qu'aucun risque de confusion ne peut être retenu ; que, tout aussi vainement, ajoute-t-elle qu'il s'agit de deux acronymes renvoyant, respectivement, aux " marques " Les P'tites Bombes et La Bonne Pointure, que les signes " lpb " et " LBP " sont visuellement et phonétiquement différents et qu'au surplus, leurs deux sociétés ne sont pas des concurrentes directes puisque leurs produits sont commercialisés sur des territoires distants de plus de 10 000 kilomètres ;

Qu'en effet, les pièces versées aux débats par la société SARL 226 attestent d'une commercialisation effective des produits marqués " LPB " sur l'île de La Réunion, quelle qu'en soit l'importance au stade de l'appréciation de la faute, et de l'existence de la convention signée avec la société Massilia Export afin d'assurer son implantation sur le marché local ; qu'opérant sur le même marché, ces deux sociétés se trouvent en situation de concurrence ;

Que l'argumentation tirée de la différence entre les signes et de la signification différente des acronymes est dénuée de pertinence, comme jugé ci-avant ;

Que force est de considérer que la commercialisation de produits identiques, par un concurrent qui se prévaut d'une priorité d'usage sans le démontrer, sous un signe similaire au signe " LPB " dont le caractère distinctif à l'égard des produits qu'il vise a été retenu, est générateur d'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen en ce qu'il sera conduit à croire qu'il acquiert un produit couvert par la marque ou, s'il fait la distinction entre les produits et les entreprises du fait, en particulier, de la différence de prix invoquée par l'intimée, à penser que les produits en cause proviennent d'entreprises économiquement liées ;

Que l'atteinte ainsi portée à la capacité de concurrence de la société licenciée doit être considérée comme fautive et qu'il s'en infère nécessairement un trouble commercial justifiant l'action de cette dernière à ce titre ;

Qu'en revanche, en l'absence de preuves d'investissements qui lui seraient propres et qui auraient contribué à la notoriété et au succès des produits qu'elle distribue sur l'île de La Réunion, la société SARL 226 qui se borne à verser, en pièce 20, un extrait de son grand livre général et des factures non explicitées quant aux lieux et produits sans rapport évident avec lesdits investissements (telle la facturation de prestations relatives à un Salon à Berlin) ne peut se prévaloir d'une faute distincte de celles déjà sanctionnées ;

Qu'il suit que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a débouté la société SARL 226 de son action en concurrence déloyale mais confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du parasitisme ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que pour voir réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la contrefaçon par imitation de ses marques, la société Anciens Etablissements Marius Bonifay, visant les dispositions de l'article L 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, fait d'abord état de leur perte d'attractivité consécutive à ces agissements en évoquant les " sommes considérables " consacrées au développement et à la promotion des produits commercialisés sous ces signes (soit un total de plus de 600 000 euros en 2013) et l'exploitation dévalorisante du signe " LBP " par la société La Bonne Pointure au sein de ses 14 établissements sur l'île et même sur sa page Facebook, entraînant une dégradation de son image de marque et compromettant ainsi ses projets d'implantation d'ouverture de franchises sur ce territoire ; qu'elle estime son préjudice à ce titre à la somme de 60 000 euros ;

Qu'elle se prévaut en outre d'un manque à gagner estimé à 40 000 euros en prenant pour paramètres l'exploitation sous le signe litigieux dans 14 points de vente de 20 000 articles, le prix moyen d'un article vendu sous sa marque, soit 49 euros, et la redevance de 4 % qu'elle perçoit de sa licenciée ;

Qu'elle réclame enfin paiement d'une provision de 50 000 euros au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur dont il a pu être constaté qu'il vendait ses chaussures entre 15 et 25 euros, sauf à parfaire sur la base des documents comptables dont elle sollicite la production ;

Considérant, ceci exposé, que l'usage contrefaisant n'a pu que porter atteinte au droit exclusif sur les marques dont est titulaire la société Anciens Etablissements Marius Bonifay, qui ne les exploite pas directement dans le cas d'espèce, dès lors qu'il entraîne une dispersion de leur identité en les banalisant auprès du public concerné ; que son image s'en trouve ainsi dégradée ;

Que la demande indemnitaire doit, toutefois, être ramenée à de plus justes proportions dès lors que s'il est établi que la société La Bonne Pointure distribue les produits qu'elle commercialise dans 14 établissements implantés sur l'île de La Réunion, rien ne permet d'affirmer que le signe contrefaisant, apposé sur divers produits et leur conditionnement, ait été utilisé dans l'ensemble de ces établissements et même, à la lecture des deux procès-verbaux réalisés dans deux de ces établissements ou du prospectus versé aux débats, qu'il l'ait été systématiquement et massivement ; qu'il apparaît, de plus, que seule la dénomination " La Bonne Pointure " figure sur le prospectus ou sur les sachets d'emballage photographiés par l'huissier lors des deux constats d'achat, à l'exclusion du signe litigieux ; que le préjudice à ce titre sera, en conséquence, réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros ;

Qu'outre ces éléments de pondération à prendre également en considération pour évaluer le gain manqué, rien ne permet de justifier le nombre de 20 000 articles avancé pour quantifier la masse contrefaisante ; qu'en toute hypothèse, eu égard à l'importante différence entre les prix pratiqués par les protagonistes, les ventes des produits marqués " LPB " n'auraient pu atteindre ce nombre ; qu'il en résulte que le gain manqué calculé sur la base de la redevance que perçoit la société Anciens Etablissements Marius Bonifay sera évalué à la somme de 4 000 euros ;

Que la cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le montant des bénéfices réalisés par le contrefacteur sans qu'il y ait lieu d'accueillir cette tardive demande d'information par une partie qui ne justifie pas de la recherche de preuves en ce sens, si bien que cette demande sera rejetée et qu'il sera alloué à la société appelante la somme de 2 000 euros de ce chef, ceci à titre définitif ;

Qu'il suit que pour réparer le préjudice subi du fait de l'usage non autorisé des marques revendiquées, la société La Bonne Pointure sera condamnée à lui verser une somme totale de 16 000 euros ;

Qu'il sera également fait droit aux demandes d'interdiction, de confiscation et de destruction, dans les conditions explicitées au dispositif ;

Que ces mesures réparant à suffisance le préjudice subi, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de publication par ailleurs sollicitée ;

Considérant, s'agissant du préjudice subi par la société SARL 226 au titre de la concurrence déloyale, que le trouble commercial résultant de l'exploitation de produits identiques à ceux dont elle assure la commercialisation sur lesquels est apposé le signe " LBP ", à l'instar de leur boîte d'emballage, ne saurait être évalué à la somme de 200 000 euros, comme elle le réclame, eu égard aux différents facteurs de pondération ci-avant évoqués, d'autant que l'examen des factures destinées à démontrer qu'elle réalise un chiffre d'affaires de plus de 150 000 euros sur l'île de La Réunion (pièce 21) conduit à retrancher à ce total les ventes réalisées à la Martinique ou à la Guadeloupe et indument comptabilisées par cette appelante ;

Que l'imitation fautive des marques qui lui ont été concédées en licence et qui a pour effet de créer un risque de confusion induisant notamment une perte de clientèle et de porter atteinte à son image sera sanctionnée, sans qu'il y ait lieu d'accueillir la demande tendant à obtenir communication de documents et pièces comptables, par la condamnation de la société La Bonne Pointure à verser à la SARL 226 la somme de 10 000 euros, ceci à titre définitif ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il échet d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais non répétibles ; que l'équité commande de condamner la société La Bonne Pointure à verser à chacune des sociétés appelantes une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que, déboutée de sa réclamation à ce dernier titre, la société La Bonne Pointure qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; que ceux-ci ne sauraient toutefois inclure les frais de constat exposés par les appelantes afin de prouver les faits dénoncés et qui ne sont pas compris dans les dépens prévus à l'article 695 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SARL 226 SARL de sa demande fondée sur le parasitisme et statuant à nouveau ; Dit qu'en faisant fabriquer, fabriquant, détenant, offrant à la vente, vendant des chaussures sur lesquels est apposé le signe " LBP " imitant la marque verbale française " LPB ", n° 3 511 955, déposée le 6 juillet 2007 pour désigner des produits et services en classes 14, 18 et 25 ainsi que la marque semi-figurative communautaire " lpb ", n° 006928576, déposée le 22 mai 2008 pour désigner des produits et services en classes 18 et 25 et en l'apposant également sur les boîtes d'emballage destinées à contenir ces produits, la société La Bonne Pointure SARL a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Anciens Etablissements Marius Bonifay, titulaire de ces marques ; Dit qu'en commercialisant de tels produits dans lesdits emballages, la société La Bonne Pointure SARL a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société SARL 226 SARL ; Condamne la société La Bonne Pointure SARL à verser à la société Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS (exerçant sous le nom commercial Les P'tites Bombes) une somme globale de 16 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon des marques dont elle est titulaire, et ce à titre de réparation définitive ; Condamne la société La Bonne Pointure SARL à verser à la société SARL 226 SARL une somme globale de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale dont elle est victime, et ce à titre de réparation définitive ; Déboute les sociétés Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS et SARL 226 SARL de leurs demandes tendant à voir faire injonction à la société La Bonne Pointure de produire des documents comptables certifiés relatifs aux faits incriminés ; Fait interdiction à la société La Bonne Pointure SARL de fabriquer, détenir, offrir à la vente, commercialiser tout produit supportant un signe reproduisant ou imitant les marques dont la société Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS est titulaire, ceci sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par produit à compter de la date de signification du présent arrêt ; Ordonne la confiscation et la destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société La Bonne Pointure SARL du stock de produits contrefaisants et de leurs emballages, ceci sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans les 10 jours suivant la signification du présent arrêt ; Déboute la société Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS de sa demande de publication de la présente décision ; Condamne la société La Bonne Pointure SARL à verser à la société Anciens Etablissements Marius Bonifay SAS et à la SARL 226 SARL une somme de 6 000 euros au profit de chacune par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel (en ce non compris les frais de constat) avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 695 du Code de procédure civile.