Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-25.390
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sylvie Brossard et associés (SARL)
Défendeur :
Heppner transports (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, Me Rémy-Corlay
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 mars 2014), que le 1 septembre 1996, la société Sylvie Brossard et associés (la société Sylvie Brossard) a conclu avec la société Heppner transports (la société Heppner) un contrat de communication et de relation de presse pour une durée d'un an puis, le 1er janvier 1998, un second contrat prenant effet, dans la continuité du précédent, au 1er janvier 1998, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties au moins quatre mois avant la date anniversaire ; que la société Heppner ayant dénoncé la convention le 14 septembre 1999 et cessé de payer les honoraires à compter de janvier 2000, la société Sylvie Brossard, invoquant le non-respect du préavis et, partant, la reconduction tacite du contrat jusqu'au 31 décembre suivant, l'a assignée en paiement des honoraires de l'année 2000, ainsi que de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Sylvie Brossard fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que le juge ne peut pas dénaturer les contrats conclus par les parties ; qu'en l'espèce, le contrat du 1er janvier 1998 prévoyant une tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties " au moins quatre mois avant sa date anniversaire ", il prévoyait clairement et précisément qu'un nouveau contrat se formerait chaque année, pour une durée d'un an, pouvant être dénoncé chaque année quatre mois avant l'arrivée de son terme ; qu'en jugeant pourtant que le nouveau contrat formé après le 1er janvier 1999 avait été un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a dénaturé le contrat conclu par les parties, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la juridiction est tenue d'examiner si le préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce, notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée ; qu'en se bornant à estimer qu'un préavis de trois mois et demi était suffisant en l'espèce, compte tenu de la nature du contrat et de l'ancienneté des relations contractuelles, sans rechercher si, comme cela était soutenu, la société Sylvie Brossard et associés n'était pas en état de dépendance économique à l'égard de la société Heppner transports et sans tenir compte, le cas échéant, de cet état de dépendance économique pour apprécier la durée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 3°) que si une partie peut normalement mettre fin à un contrat à durée indéterminée pourvu qu'elle respecte les modalités prévues, le juge peut néanmoins, à partir de l'examen des circonstances de l'espèce, retenir une faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit de rompre ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si la société Heppner transports n'avait pas commis une faute faisant dégénérer en abus son droit de rompre, en profitant de sa position dominante pour tenter d'imposer à la société Sylvie Brossard et associés, en cours de contrat, une relation exclusive non prévue par le contrat puis, devant le refus de sa partenaire, en rompant le contrat au motif fallacieux de ce défaut d'exclusivité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 4°) que le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; qu'en stigmatisant le défaut de contestation de la dénonciation, le défaut de preuve de la réalité des douze factures de l'année 2000 et des prestations corrélées, les erreurs de ces factures et la tardiveté de la demande de paiement et de l'assignation, motifs impropres à dispenser la société Heppner transports de payer les sommes contractuellement dues ou de payer les dommages-intérêts dus en raison de la rupture brutale et abusive du contrat, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que le contrat du 1er janvier 1998 ne précisait pas la durée du contrat qui serait tacitement reconduit, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de ses clauses rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que le contrat formé après le 1er janvier 1999 était à durée indéterminée, ce dont elle a déduit qu'il pouvait être résilié en respectant un préavis suffisant ;
Attendu, en deuxième lieu, que dans ses conclusions d'appel, la société Sylvie Brossard ne soutenait ni s'être trouvée en état de dépendance économique à l'égard de la société Heppner, ni que cette dernière aurait abusé d'une position de domination, se bornant à indiquer que la société Heppner était son plus gros client ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, est nouveau et mélangé de fait en sa troisième ;
Et attendu, en troisième lieu, que le moyen, en sa quatrième branche, critique des motifs surabondants ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant et irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.